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Saint Cyr au Mont d'Or, ce lundi onze février 1889

Ma très chère Louise,

Je suis absolument ravie que mon idée de devenir femme de lettres t'ait plue ! N'est-ce point là une merveilleuse perspective ? Surtout si, toi aussi, tu décides de prendre le même chemin. Imagines-tu, côte à côte sur les rayonnages d'une bibliothèque, des livres portant les noms de Louise de Bois-Héraud et de Marguerite Morel ?

Toi, je te vois bien publier des livres savants. Des récits d'exploration, par exemple, à travers tout le globe. Cela t'irait à merveille, je pense. Quant à moi, j'ai toujours eu l'impression que l'imagination était plus importante que le savoir. Certes, ce que l'on apprend au pensionnat est sûrement utile, même si certaines matières le seront certainement davantage que d'autres.

En tout cas, je doute que les arts ménagers me soient les plus utiles à l'avenir ! Même si je comprends l'intérêt de leur enseignement. Comme le dit la soeur Marie-Marthe, même si nous aurons plus tard le privilège, c'est son mot, d'avoir des domestiques, nous saurons au moins en quoi consiste leur travail, et comment les encadrer correctement afin que tout se fasse efficacement.

Mais l'imagination, n'est-ce point la meilleure chose du monde, ma chère Louise ? L'idée même de produire des histoires qui seraient imprimées et largement diffusées m'exalte totalement ! Te rends-tu compte ? Tiens, crois-tu, d'ailleurs, que, comme celle de Madame de Sévigné, notre correspondance pourrait être publiée, un jour ? Oh ! Comme cette idée me semble étrange !

Quoi qu'il en soit, je vais donc continuer à travailler de mon mieux, mon français en particulier. J'ai toujours été douée pour les dictées, cela me sera certainement utile. Il faut aussi que je continue à polir de mon mieux mes rédactions. Peut-être devrais-je demander une aide toute particulière en ce sens à la soeur Marie-Joséphine ? Qu'en dis-tu ?

Te rends-tu compte ? Quel bonheur ce serait que de produire ainsi des livres tout droit tirés de mon imagination ! Serais-je une nouvelle Comtesse de Ségur ? Ses oeuvres ont bercé mon enfance. Elle a un tel art et du dialogue, et de la manière dont elle mène les péripéties qui surviennent à ces pauvres personnages ! J'aime aussi le fait que, chez elle, les histoires se terminent toujours bien. Ce qui n'est pas le cas de certains auteurs que j'ai lus par ailleurs...

Non, moi, si j'écris à mon tour des romans, ce seront des histoires qui se termineront bien. Édifiantes, certainement, avec de nombreuses péripéties, sûrement, mais toujours avec le bonheur retrouvé, à la fin, pour mes personnages. Tu sais à quel point je suis, comme tu aimais à le souligner, une indécrottable optimiste !

Donc voilà, c'est décidé : je vais écrire des romans. Et je vais commencer dès maintenant. Voyons... Par quel genre d'histoire ? Peut-être pas une héroïne orpheline ou un héros du même type. Quelque chose d'un peu original, ce serait mieux. Sans doute pas non plus des pensionnaires. Oh ! Je sais ! Je pourrais profiter des souvenirs de mon grand voyage en train avec ma grand-mère ! Une histoire qui se déroule dans un train, n'est-ce pas original ?

Ta Marguerite qui commence déjà à noter toutes les idées qui lui passent par la tête
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