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Saint Cyr au Mont d'Or, ce vendredi dix-sept février 1888

Ma très chère Louise,

Cela ne fait que quelques mois que ton départ de notre cher pensionnat de Sainte-Ursule nous a séparées, et pourtant j'ai l'impression que cela fait une éternité. À chaque fois que j'ai le bonheur de recevoir l'une de tes lettres, je la lis avec grand plaisir, je la savoure, même, petit bout par petit bout. Comme si cela pouvait permettre, d'une certaine manière, que tu sois encore un peu présente auprès de moi, comme tu l'étais durant nos quatre années ensemble à Saint Cyr au Mont d'Or.

Mais comme tes lettres sont longues à me parvenir ! Tu te souviens, ici à Sainte-Ursule, lorsque nous échangions des petits mots en cours, parfois, à l'insu des soeurs qui nous servent de professeurs ? Nous les recevions presque aussitôt, et cela nous amusait réellement. Mais le support écrit, entre nous deux, n'était alors qu'un jeu. Aujourd'hui, il est devenu le seul moyen qu'il nous reste pour échanger...

Cela ne fait que quelques mois que tu es partie, et pourtant j'ai réellement l'impression que cela fait une éternité. Oh, ma chère Louise, j'ai l'impression que je ne puis plus me fier à mes souvenirs ! Je revois ton visage, je revois tes expressions... et pourtant... pourtant, ma chère amie, je crains fortement de ne pas être capable de te dessiner de mémoire. Te rends-tu compte ?

Oh, je sais, tu vas peut-être me dire que je m'en fais pour rien. Que les souvenirs vont et viennent, et que ce ne sont pas les traits du visage qui sont importants, mais bien tout le reste, à commencer par la personnalité. Et tu aurais sans doute raison. Mais voilà, je veux me souvenir de toi avec précision. Je veux me souvenir de tout ce que nous avons partagé au pensionnat, de nos nombreuses discussions et de nos jeux.

Ma chère Louise, j'ai demandé à mes parents de m'envoyer l'un des portraits photographiques qu'ils ont fait réaliser de moi récemment. Je le joindrai à cette lettre dès que je l'aurai terminée, afin de te l'envoyer et que tu puisses, toi aussi, si tu le veux bien, te souvenir de moi. Et voudras-tu bien avoir la gentillesse, je t'en prie, de bien vouloir m'envoyer en retour une photographie de toi aussi ? Il me sera bien plus facile ainsi de me souvenir de toi.

Sinon, raconte-moi encore toutes les petites choses qui émaillent ta vie désormais. À défaut de pouvoir passer du temps avec toi, j'aime à t'imaginer dans ta nouvelle vie londonienne. Cela me rapproche un peu de toi, et je lis et relis tes mots avec plaisir !

De mon côté, je travaille de mon mieux en classe. C'est beaucoup moins amusant de réviser sans toi. Je me souviens que tu maniais bien souvent le sérieux et l'humour, le travail et le jeu. Comme le temps me semblait passer vite, alors ! Mes leçons désormais me semblent bien plus ardues. Mais je ne veux pas te décevoir, ma chère Louise, aussi je continue à m'efforcer de faire de mon mieux.

Ta Marguerite qui a bien hâte de recevoir à nouveau de tes nouvelles
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