Saint Maximin La Sainte Baume, ce vendredi dix-sept mars 1893
Ma très chère Louise,
Je vais te conter une fort bonne nouvelle, qui va certainement te réjouir autant qu'elle me réjouit moi-même. Te souviens-tu que nous avions évoqué, lors de mon mariage avec Charles, la possibilité que lui et moi allions te voir en Grande-Bretagne ? Eh bien, ma chère, cette fois-ci, c'est décidé ! Nous allons te rendre visite à Londres au début du mois de mai. Si cela te convient, bien évidemment.
Figure-toi que mon cher mari est revenu, aujourd'hui, avec les billets qu'il a pris pour notre voyage. Quelle adorable surprise, et quelle délicate attention de sa part ! Du coup, j'ai sorti notre grand atlas de la bibliothèque, afin de regarder les cartes pour me faire une idée du chemin. Évidemment, comme toi lorsque tu es venue à Saint Symphorien d'Ozon pour notre mariage, cela va nous prendre plusieurs jours.
Nous allons tout d'abord prendre une calèche jusqu'à Marseille, ce qui me semble déjà toute une expédition. Bien sûr, nous partirons au petit matin. Je prévoierai un livre ou deux pour m'occuper durant ces quelques heures. J'espère seulement que le cocher conduira correctement, et que je ne souffrirai pas davantage du mal des transports qu'en temps habituel.
La calèche doit nous déposer au coeur de cette énorme ville, à la gare Saint-Charles. Joli clin d'oeil que de commencer notre voyage par un lieu dédié au saint patron de mon cher époux, n'est-ce pas ? Évidemment, nous allons prendre l'un des trains de la Compagnie des Chemins de Fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée... mais dans le sens inverse, par rapport au nom de cette compagnie, tu t'en doutes !
Te rends-tu compte, ma chère Louise, que Paris est seulement à seize heures de train à vapeur de Marseille ? Cela me semble tellement fou ! Bien évidemment, Charles a sagement prévu une étape sur ce trajet. Et pas seulement pour notre fatigue, tu t'en doutes, mais aussi pour avoir le plaisir d'embrasser mes parents et passer deux jours avec eux à l'aller ainsi qu'au retour.
Tu te demandes peut-être comment nous allons pouvoir partir aussi longtemps, alors que Charles a tant de travail auprès de la vigne de ses parents, à toutes les étapes. Eh bien figure-toi que mes beaux-parents sont adorables : ils ont embauché un jeune homme pour le remplacer durant notre voyage ! Évidemment, celui-ci n'est pas aussi expérimenté que mon cher époux et ne sera probablement pas aussi efficace. Mais ils m'ont assuré que, bien encadré, cela ne poserait aucun problème.
Nous reprendrons donc notre trajet vers Paris dans un nouveau train, après cette étape lyonnaise qui me rappelera tant de souvenirs. Évidemment, je ne puis m'empêcher de penser aussi à notre cher pensionnat Sainte-Ursule, et aux soeurs qui nous enseignaient. Les plus jeunes de nos camarades doivent avoir bien grandi, d'ailleurs, depuis tout ce temps !
Une fois arrivés à Paris, il nous faudra changer de gare, m'a expliqué Charles. Comme cela me semble compliqué ! Pourquoi donc ne point avoir centralisé tous les trains au même endroit ? Les Parisiens ont décidément de bien curieuses habitudes. Nous prendrons donc un fiacre pour nous y rendre, en espérant qu'ils ne soient pas pris d'assaut.
Oh, il faudra certainement que je prévoie un grand parapluie, en plus de mon ombrelle, ainsi qu'un vêtement de pluie. Paris et Londres me semblent être tellement plus pluvieuses que ma douce Provence...
Nous prendrons ensuite un nouveau train à vapeur en direction de Calais, puis de là un ferry qui nous mènera tout droit à Douvres. Douvres, porte de la Grande-Bretagne, et dernière ligne droite avant Londres, où je te retrouverai enfin ! Ah, ma chère Louise, tu sais certainement à quel point j'ai hâte !
Je joins à ma lettre ce petit mot, où Charles a soigneusement noté les horaires et les lieux de ce long voyage. Tu pourras ainsi nous suivre par la pensée, en attendant nos retrouvailles.
Ta Marguerite qui voudrait que les jours défilent bien vite jusque-là
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