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Saint Symphorien d'Ozon, ce jeudi vingt-deux octobre 1891

Ma très chère Louise,

Tu me demandais dans ta dernière lettre comment les choses se passaient par rapport au fameux Charles Pellegrin avec lequel, comme tu le prétends, je ne cesse de te rabattre les oreilles. Je ne vois pas bien ce que tu veux dire par là, mais bon, tu sais comme j'aime à te faire plaisir. Aussi vais-je accéder à ta requête. Même si, non, bien sûr que non, je ne parle pas tant que cela de Charles dans mes lettres. N'est-ce pas ?

Donc, comme tu le sais, Charles s'est arrangé avec son père pour venir régulièrement à Lyon afin de négocier par lui-même une partie de leur production de vin provençal. Il séjourne à chaque fois, évidemment, chez son oncle et sa tante, les parents de Sophie. Et, avec l'accord de mes parents, nous avons donc ainsi l'occasion de nous voir un petit peu.

Je sais ce que tu en penses : tu me crois éprise de lui et tu t'inquiète pour moi de son sérieux. Le fait qu'il convienne à mes parents ne suffit pas forcément à te rassurer, et je le comprends, puisque tu n'as pas le même point de vue et pas les mêmes critères qu'eux en la matière. Je t'avoue que je ne suis pas tout à fait certaine encore d'être réellement éprise de lui... Est-ce vraiment cela ?

En tout cas, c'est certain, Charles n'est pas comme les autres jeunes gens que j'ai rencontrés jusque-là ou depuis. Il faut bien reconnaître que, à côté de lui, ceux-là me paraissent désormais bien fades ! Ah, Louise, ma chère Louise ! Te souviens-tu comme nous avions débattu, toi et moi, au pensionnat, de l'idée du prince charmant ? Nous avons alors été incapables de convenir si, oui ou non, un tel type d'homme pouvait exister dans la réalité.

Eh bien maintenant, ma chère amie, je crois pouvoir assurer que ce n'est point un mythe, le prince charmant. Et que, sans qu'ils soient forcément équipés d'une épée et d'un baudrier et montés sur un noble destrier, il existe bel et bien des hommes de ce type. Du moins, il en existe au moins un. Charles, oui, tu t'en doutes bien évidemment, à la lecture de ma lettre.

Tu te demandes certainement, Louise, en quoi Charles est un prince charmant, n'est-ce pas ? Eh bien... je ne sais pas, mais... Cela me semble d'une grande évidence et pourtant, en même temps, je m'aperçois que j'ai énormément de mal à l'expliquer, à te l'expliquer clairement. Je dirais que cela se voit notamment dans la manière dont il me considère.

Franchement, je n'ai absolument pas l'impression de passer à ses yeux pour une petite chose fragile, mais pour une égale ! Et quel bien cela fait ! Oh oui, clairement, Charles est différent de la plupart des autres jeunes gens. Crois-moi, Louise, c'est bien une réalité. Recevoir l'une de ses lettres me procure presque autant de plaisir que recevoir l'une des tiennes, je crois. Ce qui n'est pas peu dire...

De quoi parlons-nous, à travers cette correspondance ? Eh bien, de toutes sortes de choses. Nous partageons sur nos lectures, notamment. Il me demande aussi mon avis sur différents sujets qui l'intéressent. Nous causons un peu, aussi, de l'actualité. Bref, tout un tas de petites choses, et j'ai vraiment l'impression que nous nous parlons réellement en vérité, à coeur ouvert.

Lorsque nous nous voyons à Lyon, toujours dûment chaperonnés, évidemment, nous continuons à parler de tous ces sujets. Et il écoute toujours réellement mon avis ! Il en a même tenu compte plus d'une fois pour prendre ses décisions. Tu vois, Louise, un tel homme n'est pas un mythe.

Ta Marguerite qui aimerait réellement te faire rencontrer Charles
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