Lien Facebook



En savoir plus sur cette bannière

- Taille du texte +

Notes d'auteur :
Le titre de ce chapitre n'est pas sans double sens... Je vous demande réellement de me dire si oui ou non ma nouvelle vous plait ou à défaut si elle est de bonne qualité !
« Je connais le chemin, merci ! », cria Ellen dans le vent, sur un ton méprisant qu'ellen'aurait jamais osé utiliser devant sa directrice. Elle lâcha un soupire de lassitude et laissa ses bras mous retomber le long de son corps. Elle rentrait enfin chez elle, et son lit l'attendait. L'heure lui était encore inconnue mais un vendredi 13 il valait mieux qu'elle reste couchée : le temps passerait plus vite, et les dégâts seraient forcément évités. Puis Ellen aura également tout un week-end pour
se remettre des événements. En y repensant, c'était la première fois qu'elle voyait Katherine en dehors des bureaux d'HSBC. Celle-ci lui avait paru un chouia plus agréable hors de ces murs affreusement rébarbatifs.
La clé dans la serrure, Ellen allait franchir le hall d'entrée de son immeuble lorsque une sonnerie retentit. Elle entra d'un bon et par réflexe fouilla les poches de son jeans sans rien trouver. Pourtant, il n'y avait personne d'autre qu'elle dans ce hall, ça ne pouvait qu'être son téléphone. Tout en cherchant d'une main son mobile dans son petit sac à main, Ellen appelait
l'ascenseur qui s'ouvrit immédiatement. Elle saisit son téléphone portable au moment même où elle entra dans la cage montante. Elle décrocha aussitôt.
« Allô ? Estelle ? »
Personne ne répondait et son mobile était anormalement silencieux. En le regardant Ellen s'aperçu que le signal réseau n'était pas assez fort, alors elle raccrocha. C'est au cinquième étage que montait la petite brune pour regagner son espace personnel. Une nouvelle fois, elle tourna ses clés dans la serrure et s'enferma au plus vite à l'intérieur. D'un seul relâchement d'épaule, elle laissa tomber son sac à main. S'asseyant sur la chaise la plus proche, elle rappelait déjà Estelle.
« Oui, Estelle ? Je suis désolée, j'étais dans l'ascenseur et le réseau a dû couper.
- Oh je vois, toujours aussi feignasse », répondit la voix rieuse de Estelle. Cela fit sourire légèrement Ellen pour la première fois de la journée.
« Tu ne peux pas savoir comme je suis contente de t'entendre. J'ai passé une sale journée.
- Et tu sais quoi ? Elle n'est pas encore finie ! Il est que 15H00, ma poule. »
Ellen ne put s'empêcher de vérifier sur la pendule accrochée au dessus de son lit. Effectivement, il
restait bien trop de temps à endurer.
« En parlant de ça, renchérit Estelle, je suis en bas et je me demandais si je pouvais… monter. A
moins que tu ne sois pas seule et dans ce cas que je me casse direct parce que ce serait vraiment exceptionnel que tu vois quelqu'un ! » Estelle se mit à exploser de rire et Ellen secouait la tête.
« T'es vraiment une garce quand tu veux, toi. Tu as deviné, personne n'est là et en vérité, je serai
ravie que tu me rejoignes. Ellen se leva pour appuyer sur l'interrupteur de l'interphone qui permettait de déverrouiller la porte principale du hall d'entrée. C'est ouvert. »
Les tonalités indiquant que plus personne n'était en ligne annonçait l'arrivée imminente d’Estelle qui au bout d'une minute donna trois grands coups dans la porte.
« Entre !
- Ah ! Alors raconte moi les malheurs de Sophie, tu veux. »
A peine arrivée, Estelle se laissait lourdement tomber sur le lit moelleux d'Ellen, lit qu'elles avaient de nombreuses fois dû partager pour diverses raisons toutes plus farfelues les unes que les
autres.
« Tu sais à quel point je déteste le vendredi 13, n'est ce pas ?, dit Ellen en faisant la moue.
- Évidemment, tu as peur de tout depuis que ton premier et dernier chat noir t'a uriné dessus au point de brûler ton pantalon. Et… ? »
Estelle avait toujours le don de mettre mal à l'aise, notamment avec le passé. Ces deux filles se
connaissaient depuis leur plus tendre enfance et ne s'étaient jamais quittées. Pourtant, hormis leur âge, ces deux là n'avaient rien en commun. C'est peut-être ce qui rendait leur amitié plus solide finalement.
« Aujourd'hui c'était pire que ça. J'ai fait un cauchemar horrible cette nuit, je suis arrivée en retard au rendez-vous de la directrice de la banque, je me suis évanouie sous ses yeux, elle m'a conduit
dans un hôpital étrange, je me suis ridiculisée, on m'a drogué, j'en suis sûre et puis Katherine m'a largué au beau milieu de la rue avec son air fâcheux et là… là, je ne sais plus quoi penser. » Ellen avait enchaîné ces mots avec une telle rapidité qu'elle avait réussi à tenir en haleine Estelle la grande pipelette.
« Mon dieu. Quelle aventure. Tu veux dire que Stiff le dragon a été témoin de tout ça ? Mais pourquoi tu avais rendez-vous chez elle ? Et un vendredi matin en plus ? Tu n'es pas censée travailler d'ailleurs ? », demanda Estelle les yeux plissés. Cette avalanche de questions avait presque perdue Ellen dans sa réflexion. Elle-même n'avait pas toutes les réponses à ces interrogations. Dans un geste de lassitude, elle se laissa elle aussi tomber sur son lit dans un soupire.
« Elle n'a pas voulu me dire ce qu'elle avait à m’annoncer quand elle m'a planté dans la rue. Elle a
dit qu'elle devait encore réfléchir. J'ai peur de me faire virer, d'autant plus avec tout ce temps que je
lui ai fait perdre aujourd'hui... »
Ellen regardait son plafond en parlant tandis qu’Estelle venait d'être attirée par tout autre chose.
Aussi dispersée qu'une enfant de cinq ans, elle était en train de jeter un oeil à Ellen dans sa tenue de patiente jusqu'à ce qu'elle remarque une tâche anormale sur le poignet droit de son amie. Elle le saisit d'un coup, ce qui fit gémir légèrement Ellen.
« On t'a droguée tu dis ? Moi je penses que tu exagères un peu la chose. On a juste dû t'injecter de quoi te remettre sur pied après ton malaise, dit-elle en relâchant sèchement le poignet d'Ellen avant de la regarder avec un fin sourire. Tu sais que c'est une grave accusation d'affirmer que des infirmiers t'ont drogués, hein ? Et puis ils n'ont aucune raison d'avoir fait ça. T'as peut-être simplement un corps fragile et les médocs ont mal agit. »
A ce moment elle préférait la douceur d’Elizabeth à la brusquerie d’Estelle, même si ce qu’elle disait faisait sens. C'était même rassurant, néanmoins ce n'était pas ce qu'elle disait qui attirait l'attention d'Ellen mais plutôt la façon dont elle se comportait. Bien sûr elle avait l'habitude d'une tenue presque incorrecte et d'un langage laissant à désirer, cependant elle était tout de même différente. Ellen évitait de s'attarder sur ce détail sachant que sa vie professionnelle était
éventuellement fichue.
« C'est la première fois que je suis impatiente de recevoir un appel de ma directrice… Quoiqu'en
fait, ça me fiche la trouille. »
Estelle éclata de rire à quoi Ellen répondit en lui envoyant un regard noir. Ce n'était certainement pas le moment de rigoler d'après elle. L'anxiété commençait à emplir ses pensées et de plus en plus elle regrettait d'avoir accepté la compagnie de cette dévergondée d’Estelle, trop jeune dans sa tête pour se rendre compte de la situation.
« Pourquoi es-tu libre un vendredi, toi ? Tu ne devrais pas être au restaurant ? », demanda Ellen
curieuse et un peu étonnée également. N'importe qui devrait être en train de travailler à une heure
pareille. Mais quelle heure était-il ? Ellen tourna sa tête vers sa pendule et elle constata impassiblement qu'il était 15H27.
« Le patron n'a plus besoin de moi en ce moment après les périodes de service. Donc à 14H30 il me lâche. Il a embauché une jeunette de 21 ans pour s'occuper du bar. »
On pouvait déceler un soupçon de rancœur dans la voix d’Estelle. Cela faisait maintenant 12 ans qu’elle travaillait au Riverside, le bar brasserie de Picadilly Circus. Les études n'ayant jamais été son fort, elle avait tout plaqué après le lycée pour se trouver un job dans ses cordes. Pour le coup, elle en avait eu de la chance de décrocher aussi rapidement un boulot. Finalement Ellen s'égarait davantage dans ses pensées qu'elle ne se concentrait sur la voix d’Estelle. En fait, celle-ci sonnait comme un bourdonnement ennuyeux voire gênant. Plus les secondes passaient et plus la voix intérieure d'Ellen criait : « On en a assez entendu, met la dehors maintenant ». Cette voix sans tact elle n'existait bien sûr que dans son esprit car en vérité Ellen avait toujours été quelqu'un de calme
et de compréhensif. D'un mouvement presque incontrôlable et incontrôlé, la brune se leva du lit et
se dressa face à son amie.
« Excuse-moi mais, je ne me sens pas bien du tout. Avec tout ce qui s'est passé en si peu de temps,
j'ai besoin de me reposer, de me remettre de toutes ces émotions et puis, il faut que je sois prête pour recevoir l'appelle de Katherine. »
Estelle resta de marbre un instant comme si elle s'attendait à ce qu'Ellen rit pour lui faire comprendre qu'elle plaisantait. Mais cela n'arriverait pas alors Estelle haussa les épaules l'air hébété. Ce qu'Ellen voulait lui faire comprendre indirectement c'était qu'elle souhaitait être seule à présent, et après tout ce n'était pas trop demander. Avec un peu d'espoir, elle attendait dans le plus froid des silences qu’Estelle fasse preuve d'empathie. De son côté, la serveuse se passait la main dans les cheveux à répétition jusqu'au moment où elle parut grandement s'ennuyer.
« Bon bah écoute, je pense que je vais aller faire un tour maintenant et je te laisser te préparer pour le retour de... Katherine. ». Ellen n'avait pu que remarquer le ton qu'elle avait employé pour prononcer le nom de sa directrice, sans savoir ce que cela voulait dire dans sa bouche. En vérité, elle préférait ne pas le savoir. Elle se leva d'un coup pour aller la raccompagner jusqu'à la sortie.
« Eh bien, en tout cas je te remercie d'être passée me voir. Amuse-toi bien et sois prudente ! »
Le claquement de la porte conclut la phrase avec brio. Lui conseiller la prudence avait été presque instinctif pour elle, car ce genre d'attention devenait automatique lorsque la superstition s'emparait d'elle. Son véritable objectif de la journée clignotait de nouveau sur sa ligne de mire : ce vendredi 13 devait cesser. Oui, parce qu'après tout Katherine pouvait attendre, sans compter qu'elle n'appellerait certainement pas aujourd'hui, et dans ce cas elle n'appellerait pas non plus durant le week-end. Son premier réflexe fut de guetter l'heure. Ellen constata avec lassitude qu'il n'était que 16h06 ; pas de quoi crier victoire. Sous l'emprise du désespoir, la brune dans une position de jeune fille se vautra dans son lit, le regard comme attiré par le plafond. Après une
courte réflexion elle pensait que rien ne serait plus efficace qu'une sieste pour faire passer le temps. Néanmoins, une petite appréhension s'emparait d'elle. L'idée qu'elle puisse replonger dans l'un de ces cauchemars horriblement réalistes la rebutait. Comme pour se motiver, elle bondit hors de son lit et se dirigea vers sa petite cuisine où elle s'empressa d'ouvrir le réfrigérateur. Elle en sortit la bouteille de lait à moitié vide pour se servir un grand verre passant de transparent à blanc opaque. Avant même de ranger le liquide au frais elle engloutit de grandes gorgées. Mais quand la lourde porte du réfrigérateur claqua dans un bruit sourd juste après qu'elle l'ait poussé pour le refermer, quelque chose lui faisait penser que son après-midi serait moins vide que prévue. Alors qu'elle s'apprêtait à terminer sa boisson fraîche, son téléphone portable retentit de nouveau. Un
soupire amère s'échappa de la bouche d'Ellen qui eu simplement à tendre le bras pour attraper et décrocher dans la foulée.
« Tu as oublié quelque chose Estelle ? dit Ellen sur un ton presque grondeur.
- Je vous demande pardon Miss Broody ? »
Le coeur d'Ellen s'arrêta net. Une voix à laquelle elle ne s'attendait pas venait de faire sauter chacun de ses nerfs une fois dans son corps. Dans un geste violent elle retourna son téléphone pour constater qu'en effet ce n'était pas Estelle au bout du fil mais bien Mrs Stiff.
« Ellen, c'est bien vous ? » , renchérit Katherine presque inquiète.
Encore un point imprévisible qu'elle devrait ajouter à sa liste, elle qui pensait que sa directrice l'aurait oublié jusqu'à lundi matin... C'est avec hésitation qu'elle reposa délicatement son appareil sur son oreille. Elle n'osait même pas se racler la gorge auquel cas il serait flagrant pour Katherine qu'Ellen était complètement embarrassée.
« Excusez-moi Mrs Stiff, je vous avais prise pour quelqu'un d'autre. », répondit enfin Ellen d'une
voix douce et désolée. Son corps raidi la contraignait à rester debout, immobile devant sa fenêtre et cette situation mimait à la perfection la position qu'aurait réellement gardé Ellen si elle avait été face à sa directrice en ce moment précis. Une petite voix dans sa tête avait beau lui répéter de se détendre, c'était tout simplement physionomique. Si Descartes revendiquait la dualité entre le corps et l'âme, celle-ci faisait visiblement défaut chez Ellen qui confondait les deux.
Katherine se racla la gorge. Elle devait s'impatienter et le ridicule de la situation avait sans doute
dû l'agacer.
« Oui, eh bien, j'avais quelque chose à vous dire ce matin, et il vous est arrivé ce... malaise.
D'ailleurs, comment allez vous ? Visiblement vous avez pris le temps de voir quelqu’un. », Ellen avait bien saisit que cette question n'était que pure politesse et non un réel intérêt pour sa santé, mais c'était toujours inhabituel de l'entendre lui demander de ses nouvelles. En revanche cette petite précision finale qui faisait référence à Estelle sonnait comme un pic amère et Ellen choisit de l’ignorer.
« A ce propos, je m'excuse pour notre rendez-vous gâché. Je vais bien, je vous remercie. » Elle était
prête à lui retourner la question le temps d'une seconde. Mais cette pensée avait à peine existé pour être aussitôt chassée par la rancoeur qu'elle avait contre cette rude femme.
« Je me suis permise de vous appeler malgré cet incident, parce que ce que j'ai à vous dire me paraît
suffisamment important. J'aurais préféré vous en parler en direct mais à moins de me rendre chez vous, ce qui me paraît déplacé, je suis obligée de le faire par téléphone.
- Oh, oui bien sûr je vois. Le téléphone ne me dérange aucunement. Mais j'avoue être de plus en plus effrayée par la nouvelle que vous allez m'apporter. », c'était peu de le dire. Ellen tremblait au point de sentir à plusieurs reprises l'écran moite de son portable se coller sur sa joue froide. Vite que cette angoisse se termine.
« Voilà, Ellen je voulais vous diiiii- que vouuuus... BIP »
Sentant son corps soudainement lâche et mou, Ellen retira aussitôt le portable de son oreille à cause du bruit horrible qu'il avait produit. L'écran tinté de rouge affichait la fin de l'appel : une coupure de réseau en était la cause.
« Merde ! », grogna Ellen sur un ton d'agacement. D'un geste irréfléchi, elle lança son téléphone portable dans la couette défaite de son lit. Le réseau avait l'air de s'être totalement bloqué, comme si le diable se dressait contre elle. Mais saurait-elle un jour pourquoi Katherine voulait tant lui parler ? La rage était devenue plus forte que la peur. Le 13 ne l'effrayait plus, il la rendait colérique.


Comment faire ? Se rendre sur place c'était prendre de trop gros risques pour un résultat des plus ratés. La contacter par téléphone n'était plus envisageable. Mais il restait un mode de communication ! Internet serait peut-être son sauveur. Ellen se pencha sur sa table basse en verre pour y attraper son mini ordinateur portable dont elle était très satisfaite. Elle regagna rapidement son lit – sûrement le meuble qu'elle chérissait le plus dans son appartement. Le clapet ouvert, elle tapait son mot de passe aussi vite que l'éclair et ouvrait une page internet. Sur Google Chrome, on pouvait voir trois onglets déjà ouverts : celui de Facebook, celui de son forum préféré, et enfin
celui de sa boite mail. L'ordinateur était une des machines qu'Ellen maîtrisait le mieux, loin devant la machine à laver, c'était certain, alors écrire un e-mail ne lui poserait aucun problème.


Mme Stiff,

Je vous contacte par ce biais car mon téléphone portable ne capte visiblement plus aucun réseau et il se trouve que je ne peux plus attendre. J'aimerais vraiment que vous me communiquiez ce que vous souhaitez me dire depuis que vous m'avez donné ce rendez-vous. Soyez franche et directe.

Bien cordialement,


Mme Broody


« Bon, c'est un peu brut de décoffrage mais ça a au moins le mérite d'être clair. », chuchota Ellen en
se frottant la joue. Après avoir vérifié qu'elle n'avait fait aucune faute d'orthographe dégradante,
elle cliqua directement sur « Envoyer ». En quelque seconde, un message automatique lui faisait parvenir que son e-mail avait bien été reçu. En revanche, rien ne la mettrait au courant de la lecture de celui-ci. Ellen n'avait pas pensé au fait qu'elle devrait peut-être attendre la fin de la journée pour se voir retourner une réponse de la part de sa directrice. Et si ça n'était même pas elle mais sa secrétaire qui lisait ses e-mail ? Après tout Ellen n'avait pas l'adresse personnelle de Katherine. La mine boudeuse, Ellen laissa ses yeux lourdement tomber en bas à droite de son écran pour y lire l'heure. Il était 16h33 et pourtant elle avait l'impression de tomber de sommeil. Il est vrai qu'elle n'avait pas l'habitude de subir de telles journées, aussi pleines d'émotions. Le premier
bâillement bruyant ne tarda pas à surgir de la bouche molle d'Ellen. Elle dû se résoudre à reposer son ordinateur pour pouvoir étaler librement son corps sur le lit. Les éventuels cauchemars, elle n'y pensait plus. Ce qui prenait toute la place dans sa tête c'étaient les derniers mots de Katherine qui résonnaient comme dans un bâtiment vide : « Ellen je voulais vous diiiii- que vouuuus... » Ça avait l'air presque amical dans ses souvenirs, et assez plaisant. Jusqu'à ce qu'elle se rappelle du fait qu'elle attendait surtout la suite de cette fichue phrase. Son corps formait une étoile sur le matelas. C'était sa façon de se détendre dans les moments de tension. Elle était si impatiente de recevoir une réponse qu'aucune autre activité ne la tentait mis à part l'ennui. Pourtant elle savait qu'être active ferait passer le temps plus rapidement. Même la télévision ne l'attirait pas, alors que sa série quotidienne commencerait dans un instant. Il s'agissait d'une sorte de saga policière
américaine en vogue, assez branchée sur les meurtres de fanatiques étranges et gores. L'horreur, Ellen aimait ça, mais seulement tant que ça restait bien enfermé dans la boite à couleur.
Autrement, elle se qualifiait elle même de lâche et de poule mouillée. Mais qui ne fuirait pas devant un tueur fou à la hache ensanglantée ? A moins d'être aussi fou qu'un fou.


Un petit bruit électronique rappela Ellen à l'ordre ! Sans attendre, elle se jeta sur son ordinateur et regagna rapidement la boite de réception de ses e-mail. Katherine lui avait répondu, au bout de vingt minutes.

Ellen, je te demande de ne pas m'écrire sur cette adresse, ce n'est pas un lieu pour parler de ce
genre de chose, si ma secrétaire tombait dessus... Je n'ose même pas imaginer les dégâts. Contacte-moi
sur cette adresse, elle est bien plus sécurisée : evilK-666@gmail.com


Les yeux grands ouverts, Ellen n'en revenait pas d'avoir lu un tel message. Elle dû le relire une nouvelle fois pour être sûre de n'avoir rien inventé. Tout sonnait faux, tout était bizarre, inattendu. Depuis quand Katherine tutoyais ses employés ? Depuis quand n'utilisait-elle pas de phrases de politesse pimpantes et grotesques au début et à la fin de son e-mail ? Bon sang mais de quoi voulait-elle lui faire part pour que ce soit si secret !? Ellen souhaitait à tout prix savoir, alors elle ouvrit une nouvelle page et entra l'adresse que sa directrice lui avait fourni. « Quelle drôle d'adresse... », pensa Ellen qui ressentit comme un frisson d'effroi en tapant chaque caractère de cette adresse diabolique.

Mme Stiff,

Dites-moi maintenant ce que vous avez à me dire, j'aimerai ne plus avoir à attendre, vous m'intriguez sévèrement.


Nul besoin de signer, néanmoins, il était hors de question qu'elle se rabaisse à tutoyer ce dragon. Combien de temps devrait attendre Ellen cette fois ? Elle soupirait d'avance, pendant que ses mains devenaient collantes. Son souffle, de plus en plus bruyant, s’accélérait au fil des secondes tant la pression se faisait ressentir. Le temps semblait jouer contre elle, il était long et presque douloureux. La pendule qui lui faisait face affichait bientôt 17h00 quand son ordinateur sonna. Elle riva alors ses yeux sur l'écran blanc.

Je ne sais pas comment annoncer ça, c'est plutôt délicat mais je vais me lancer car ça ne peut
plus attendre, je garde ce secret depuis bien trop longtemps. Vous vous souvenez de votre arrivée dans la banque ? Moi je m'en souviens parfaitement, c'était un lundi évidemment, il y a quatre ans déjà et on vous avait placée dans le bureau voisin du mien du fait de votre expérience. Je vous ai longuement observée, discrètement bien sûr, je ne voulais pas me faire remarquer. Mais vous avez dû vous rendre compte avec le temps de mon traitement de faveur envers vous. [...]


Elle s'arrêta en pleine lecture. « Quoi ?! », pensa-t-elle si fort qu'elle aurait juré qu'on l'avait entendu à côté. Un traitement de faveur ? En y réfléchissant, c'est vrai qu'elle avait peur de Katherine uniquement sur les dires de ces collègues mais de la à dire qu'elle avait été une directrice gentille...

[…]Je vais être plus claire, à notre rencontre, quand nous nous sommes serré la main en tant
qu'associées, c'est comme si je m'étais dédoublée et une partie de moi a totalement perdu pied. J'espère que vous comprenez, je suis comme tombée sous votre charme mais je n'ai jamais pu laisser paraître ça. Je suis mariée à Patrick depuis des années, je n'ai jamais rien ressenti pour une femme et voilà que je tombe sur vous, jeune, effacée. Je n'ai rien compris à ce qu'il m'est arrivé, et j'ai préféré cacher cela à tout le monde. Je crains grandement votre réaction mais je commence à saturer de toutes ces cachotteries. Ne m'en veuillez pas Ellen, je devais cracher le morceau.


Sous le choc, Ellen relâcha ses mains restées étroitement resserrées sur son ordinateur pendant la lecture. Sa mâchoire également bloquée retomba lourdement. Inconsciemment elle s'était maintenue sous pression face aux mots inattendus que Katherine venait de lui livrer. Elle n'en croyait pas ses yeux. Sa salive avait séché sur sa langue et sa gorge était si nouée qu'elle n'aurait pu sortir un seul son de sa bouche qui ne soit pas faussé. Vu son visage figé, elle avait l'air d'avoir été pétrifiée, comme par magie. Elle n'aurait pas le temps de s'en remettre, Katherine
venait de lui écrire un autre e-mail. C'est vrai qu'il s'était déjà écoulé un quart d'heure et l'émettrice devait s'impatienter.

J'ai l'impression de vous avoir choquée, vous n'osez pas me répondre ? Je ne voulais pas vous
brusquer mais peut-être qu'on pourrait tenter de se voir pour en discuter. Je comprendrais si vous préférez attendre, je peux être encore patiente après tout. Mais il faut mettre les choses à plat, dîtes moi ce que vous pensez, car lundi on sera bien obligées de se croiser pendant les heures de travail. Vous comprenez mieux maintenant pourquoi je vous ai donné rendez-vous chez-moi un matin, alors que c'est inhabituel. Mon mari est en fait absent pendant trois jours, vous pourriez passer me voir sans finir à l'hôpital. Réfléchissez-y.


Une fin de message brusque pour des paroles brutes, ça se tenait. Ellen était de plus en plus perdue, son cerveau personnifié courrait dans tous les recoins de son crâne sans plus savoir où donner de la tête. Voilà qu'elle était dans de beaux draps maintenant. Comme un retour aux années de la faculté, Ellen se sentait quelque peut séduite par cet imprévu car au fond, elle savait que Katherine avait toujours été un aimant pour elle bien qu'elle la détestait assez souvent. Étaitce
une chance de remettre les compteurs à zéro ? « Mais pourquoi moi ? », beugla Ellen à voix haute. Elle ne sait expliqué pourquoi un canon comme Katherine avec sa vie bien rangée, sa vie de luxe, foutrait tout en l'air pour une fille paumée comme elle ! Ça n'avait aucun sens. Quoique... Justement, les sentiments ça n'a pas de sens, ça ne s'explique pas. Peut-être bien que Katherine était faible, trop faible pour s'interdire de servir ses désirs. Enfoncée dans cette réflexion, Ellen en avait oublié l'heure. Elle devrait prendre une décision et avant tout acte, il fallait répondre à ces
deux e-mail à jamais gravés dans son esprit.

« Choquée », c'est bien le mot. Oui, je suis surprise de recevoir une telle confidence de votre
part. Je suis encore bouche-bée devant votre message mais vous avez raison sur une chose, il faut
mettre ça au clair. Je vais prendre la voiture, ça me laissera le temps de penser.


Ellen avait hésité une bonne minute avant d'enfoncer la touche « Enter » pour envoyer son e-mail. Elle voulait éviter à tout prix de confier ces ressentiments de peur et d'embarras à une femme qu'elle avait toujours considérée comme son supérieur hiérarchique et rien d'autre. Son écrit était volontairement froid, pour appuyer le fait que tout ceci était déplacé et improbable. Sachant qu'elle était dans cet état de perdition, Ellen se demandait quelle tête pouvait bien faire Katherine de son côté ce soir. Elle qui l'avait toujours vu sereine, sûre d'elle, la tête haute, tandis
que cette fois, elle devait se sentir prisonnière, car c'est Ellen qui avait les cartes en main.
Note de fin de chapitre:
Le mystère n'est pas encore élucidé mais on est très très proches du but !
Merci à ceux qui auront donné leur avis.
Vous devez vous connecter (vous enregistrer) pour laisser un commentaire.