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Cette brume grisâtre.
Sethann se souvenait de cette brume, épaisse et froide, qui semblait recouvrir de manière permanente la cité de Sostine. Quelques heures après l'aube, la capitale impériale affichait le même spectacle qu'elle avait affiché durant des siècles.
Il se souvenait des hautes murailles et des tours pointues de la citadelle, siège du pouvoir de l'Empire. La Haute Cité se trouvait juste en dehors, avec ses bâtiments de pierre grise et ses routes pavées constamment parcourues par des patrouilles de la garde civile. Enfin, la Basse Cité s'étendait tout autour, avec son activité confuse, ses tavernes et ses marchés.

Il quitta les avenues de terre battue, se détourna devant l'un des portails gardés qui marquaient la bordure de la Haute Cité, et longea un instant les bâtisses limitrophes.
Il s'arrêta enfin devant une échoppe d'apothicaire, à en croire le signe qui se balançait au dessus de la porte. En lettres stylisées était écrit “Rosaire”. Il franchit le seuil.

L'étranger s'avança dans la boutique, laissant la lumière grise du matin et une vague d'air froid parcourir la pièce étrange, aux murs couverts d'étagères pleines de bocaux mystérieux, de liquides bouillonnants et d'ingrédients inidentifiables.

Il referma la porte derrière lui et l'endroit se vit replongé dans une atmosphère inquiétante, soutenue par la lueur de quelques chandelles se reflétant sur les rangées de flacons.
La maîtresse des lieux était penchée au dessus du comptoir, ses longs cheveux noirs tombant en cascade sur ses épaules, scrutant l'ombre de la capuche dissimulant le visage de l'étranger. Elle était intriguée. Voila bien longtemps qu'elle n'avait plus senti la présence de l'Anima dans les parages, mais à l'approche de cet individu, elle avait immédiatement remarqué l'empreinte de l'énergie arcanique.
Méfiante, elle se demanda s’il était plus prudent de chasser l'étranger au plus vite, ou au contraire d'éviter de le courroucer et d'écouter ce qu'il avait à dire.
Elle décida de le laisser approcher. Non pas par crainte de sa réaction, mais parce que sa curiosité avait eu raison de sa suspicion. Elle était convaincue d'être en présence d'un mage, mais que pouvait il bien lui vouloir ?

"Bienvenue dans le domaine de Cahaya, étranger. Auquel de tes desseins peuvent servir mes talents ? Désires-tu maudire un de tes ennemis ? Envoûter l'élue de ton cœur ? Ou connaître ce que te réserve ton destin ?"

"Je suis en quête de vérité."

"Tu as frappé à la bonne porte. Nul secret ne se dérobe à ma vision..."

Le mage retira une dague richement ornée de son manteau et la déposa sur le comptoir. A sa vue, l’apothicaire recula vivement.

"Vous ne trouverez pas ce que vous cherchez ici. Vous feriez mieux de partir !"

"Je ne peux pas faire ça, Cahaya."

L'intonation de sa voix, plus encore que la familiarité de ses mots, paralysa l'apothicaire.
Sethann rejeta sa capuche en arrière, une sourire attristé sur son visage sévère.

"C'est impossible..." souffla Cahaya. "Tu es... tu es..."

"Je ne suis pas aussi mort que l'Empire a voulu le faire croire." déclara le mage. Il eût un sourire attristé. "Je suis désolé de t'avoir abandonné durant toutes ces années."

Elle prit sa main et la serra, n'osant croire ce que ses sens, et plus encore ses sentiments, lui disaient. Finalement, elle cessa de lutter et se jeta dans ses bras, agitée de sanglots et submergée par un chagrin vieux d'une longue décennie.

"Je l'ai toujours su, au fond de moi. Tous ces mensonges... mais tu n'étais plus à mes côtés..."

"J'ai bien peur que mon retour ne te cause davantage de problèmes. J'ai besoin de ton aide."

Le regard de Cahaya se reporta sur la dague aux dragons.

"Si cela concerne cet objet, tu pourrais regretter d'être revenu."

Sethann la saisit par les épaules et plongea son regard dans le sien.
"Jamais. Les regrets n'ont pas leur place dans ce que je ressens à présent. Mais je t'expose à un grand risque..."

"Ne dis pas cela. Je ne regrette rien, moi non plus. Quoi qu'il arrive, je resterai à tes côtés. Je ne te laisserai plus m'abandonner."

Alors que l'entrée de l'échoppe était aménagée en antre de sorcière lugubre, la partie arrière de la bâtisse où vivait Cahaya était accueillante et chaleureuse. Sethann parcourut le salon d'un œil approbateur, et son hôtesse l'invita à s'installer sur un confortable canapé.

"Après ta... disparition, j'ai quitté l'armée pour venir m'installer en ville. En tant que potentielle complice d'un traître, la brigade de contrôle arcanique ne cessait de me tourmenter. J'ai ouvert cet établissement parce que je voulais utiliser le peu que je savais, même sans l'usage de l'Arcane, pour aider le peuple de la capitale. Je tentais de t'oublier de toutes mes forces, noyant ton souvenir sous le poids du labeur. Mais cela s'est révélé vain. Le découragement et l'amertume ont fini par avoir raison de ma détermination. Je ne suis devenue rien de plus qu'une charlatane, donnant aux gens ce qu'ils voulaient et non ce dont ils avaient besoin."

"Au moins, tu as l'air d'avoir prospéré."

"Cela aura au moins eu une utilité, les membres de la brigade arcanique venaient souvent me voir pour que je leur fournisse des élixirs et potions diverses, philtres d'amour, fioles de courage et j'en passe. Je n'étais pas heureuse, mais j'étais en paix. Tout cela à changé il y a quelques mois à l'arrivée du nouveau capitaine de la brigade. C'est un homme discipliné et tenace, totalement incorruptible. Depuis sa prise de fonction, la brigade s'est remise à me surveiller... C'est la raison pour laquelle tu n'es pas en sécurité avec moi. Tu sais que les hommes de la brigade sont entraînés à ressentir les traces d'Anima ; moi-même, je l'ai sentie sur toi. Ils te tomberaient dessus comme des limiers sur une proie blessée."

"Je te remercie pour ton avertissement, mais les chiens de garde ne me font pas peur."

Cahaya sourit.
"Je ne me souvenais pas que tu fus aussi téméraire. Cela ne diminue en rien ma joie de te revoir, mais tu as changé après toutes ces années."

"Plus que tu ne peux l'imaginer, j'en ai peur."

Elle prit ses mains dans les siennes.
"Qui est responsable de tout cela ? Que t'est-il arrivé ?"

Sethann ne se départit pas de son sourire, mais toute chaleur quitta néanmoins son expression. Au fond de ses yeux, de noirs souvenirs tournoyaient.

"On m'a arraché tout ce que je chérissais, et on a tenté d'en faire de même avec ma vie."

Il s'approcha de l'âtre ou brûlait un feu réconfortant et plongea son regard dans les flammes. Cahaya frissonna.

"Je ne désire pas t'en parler en détail. Pas encore. Mais j'ai pu prendre un nouveau départ. A Vernost, j'ai recueilli une petite fille qui avait miraculeusement survécu au massacre. Je l'ai emmenée avec moi, et nous nous sommes réfugiés à l'Académie. Nous y avons été accueillis, et j'ai pu l'élever dans une paix que je n'avais encore jamais connue."

Son bonheur avait transparu dans sa voix, et son amie ressentit un immense soulagement. Il avait été loin d'elle, mais il avait été heureux.
Sa silhouette découpée par le foyer ardent, elle le vit lever la dague ornée dans sa main.

"Puis ceci est arrivé jusqu'à nous, et je compris que pour continuer à la protéger, il me fallait revenir."

Il ne lui confia pas ce que Silmar lui avait dit après avoir vu la dague, et qu'il n'avait pas voulu révéler à Prasine ni à la visiteuse.

Il se tourna vers elle, son regard redevenu sérieux.
"Que peux-tu me dire sur cette dague ?"

Elle examina l'objet, les sourcils froncés.
Il s'installa à ses côtés et observa le motif représentant les deux dragons.

"Je me souviens simplement avoir déjà vu ce symbole quelque part à Sostine, mais impossible de me rappeler où et quand."

L'apothicaire soupira.
"Je crois me souvenir. T'es tu déjà rendu dans la Grande Cathédrale ?"

Sethann secoua la tête.
"J'y vécu quelques temps en tant qu’acolyte avant mon admission dans l'ordre des thaumaturges impériaux. Tous les thaumaturges sont assermentés devant le père Legima Drast. La religion me laisse indifférente, mais un détail m'avait intriguée le jour de la cérémonie. J'avais remarqué ce symbole particulier," elle désigna du menton les dragons dorés, "sur un livre que possédait le grand prêtre. Ma curiosité avait été piquée, et je suis allée fouiner dans d'antiques archives auxquelles les thaumaturges avaient justement accès. C'est là que j'ai découvert des éléments étranges, indiquant qu'il existait un ancien culte pratiqué il y a des siècles par les nobles impériaux, avant l'apparition du culte de la Dame d'Au-Delà. Avant que je ne puisse approfondir, un aîné de l'ordre m'avait découvert et interdit l'accès à cet ouvrage. Ce qui m'avait marqué," poursuivit-elle, "était la teneur sinistre et obscure des pratiques de cette religion."

Sethann avait adopté une mine songeuse.
"Elle provoque en effet beaucoup de crainte." remarqua-t-il. "Cela n'explique cependant pas qui était sa porteuse, ni pourquoi elle possédait un tel objet."

"Sa porteuse ?" demanda Cahaya.

"Une jeune fille est arrivée à l'Académie, munie de cette dague. Elle avait le corps entièrement marqué par l'Ombre : la peau grise, les cheveux blancs et les yeux rouges. Son esprit s'est révélé insondable et elle est restée muette, nous ne savons donc rien sur elle."

"Entièrement marquée par l'Ombre ?" répéta l’apothicaire. "Sethann, tu imagines les circonstances qui auraient pu conduire à un tel état ?"

Elle fronça les sourcils, son expérience de thaumaturge lui revenant en mémoire.

"J'ai vu de nombreux cas de mutations d'Anima au fil des années." dit-elle, songeuse. "Des mages qui perdaient le contrôle au lancement d'un sort, et dont le corps était marqué sur une petite surface. Une main, un avant-bras, un côté de leur visage, tout au plus. J'ai peine à imaginer ce qui pourrait causer une mutation globale du corps..."

"C'est ce que je suis venu découvrir. Je suis convaincu que l'identité de cette fille et l'origine de cette dague sont intimement liés. Déduire l'un me conduira à l'autre."

Il dissimula la dague dans sa ceinture.

"Je pense que Drast pourrait avoir certaines réponses, mais il ne sera pas facile de l'approcher. Qui sait combien de personnes dans cette ville seraient capables de me reconnaître ? Je dois commencer par retrouver de potentiels alliés."

Cahaya se leva et lui prit la main.
"Tu dois être prudent ! Je refuse de te laisser te faire tuer une seconde fois !"

Il lui sourit en retour.
"Je compte sur ton aide. Tout d'abord, il va falloir trouver un moyen de garder la brigade arcanique loin de moi."

Le sourire de sa compagne se fit malicieux.
"J'ai peut-être ce qu'il vous faut, mystérieux étranger !"

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"Par la barbe sanglante de Jurek !"

Le vieil homme jura encore une paire de fois en trébuchant sur une autre pile de livres renversée, se rattrapant de justesse à son bureau d'une main et jonglant pour ne pas laisser échapper sa pipe de l'autre.

Les archives impériales, le plus grand bâtiment de la Haute Cité, était plongé dans le chaos. Du moins, c'était l'avis du vénérable Noster Aldon Xian, maître archiviste, concernant son état actuel. Dans n'importe quelles autres circonstances, pour une personne non initiée, les archives constitueraient un dédale infini de livres et de parchemins anciens, s'étendant sur des rangées interminables de hautes bibliothèques poussiéreuses, et baigné de l'épaisse fumée que produisait en permanence le tabac du maître des lieux.
Dire alors que les archives étaient actuellement dans un état parfaitement chaotique était un doux euphémisme.

De sa démarche laborieuse, Noster Aldon Xian parvint au prix d'immenses prouesses physiques à s'installer dans le grand siège massif qui l'attendait derrière son bureau. Il ouvrit un tiroir et en retira une pincée de tabac brun d'Ufalme, dont la valeur allait très certainement grimper étant donné que le royaume d'Ufalme n'était plus qu'une ruine fumante à la frontière occidentale de l'Empire, et en fourra sa pipe. D'une pensée, il conjura une petite flamme pour embraser le tabac, et tira une longue bouffée relaxante tout en parcourant des yeux le désastre qui s'étendait dans toute la salle.
D'antiques oeuvres jonchaient le sol, au milieu de tas de parchemins si anciens qu'ils allaient bientôt contribuer directement à la quantité grandissante de poussière qui emplissait le bâtiment. Son bureau avait été balayé de ses précieux travaux, et certaines étagères arboraient de larges espaces vides où auraient dû se trouver des ouvrages méticuleusement classés.

Le titre de maître archiviste était pompeux et inutile. Il était la seule personne qui vivait et travaillait dans cet endroit, le seul à qui la bonne garde des archives était dévolue. Autrefois, une telle fonction avait été accompagnée de prestige, mais aujourd'hui plus aucun noble se s'intéressait à l'histoire, et son travail se voyait bafoué sans qu'il puisse en référer à quiconque.

La grande porte d'entrée s'ouvrit dans un long grincement. La matinée se terminait, mais l'extérieur était toujours baigné dans la grisaille omniprésente. L'archiviste s'attendait à voir les soldats revenir pour poursuive leur labeur de destruction, mais deux silhouettes s'introduisirent dans la salle avant de refermer la porte. Sa vue était toujours perçante malgré son grand âge, et il reconnut immédiatement l'une d'entre elles, celle qui n'était pas recouverte d'une cape sombre.

"Ah, ma chère Cahaya ! Cela me réchauffe le cœur de te revoir, même si je regrette de devoir t'accueillir dans un désordre pareil !"

Cahaya n'avait plus mis les pieds dans les archives depuis bien des années, mais elle devait bien reconnaître que l'endroit était dans un état particulièrement déplorable.

"C'est un plaisir de vous retrouver en bonne forme, maître Xian !" s'exclama-t-elle.

"Je t'en prie, appelle moi Noster. Qui donc t'accompagne ?"

Sethann releva sa capuche. Il prenait goût à ces révélations dramatiques.

"C'est un honneur de vous revoir, Noster."

Pour toute réaction, l'archiviste haussa les sourcils et émit un grognement. Sethann ressentit une pointe de déception.

"Le grand sorcier, de retour d'outre-tombe ! Je savais bien qu'ils n'auraient pas eu raison de toi si facilement, mon garçon."

Après un si long séjour en tant que maître au sein de l'Académie, s'entendre appelé ainsi renvoya Sethann de nombreuses années en arrière.

"Ils ont pourtant réussi, vieil ami. Assez pour me convaincre de rester loin de l'Empire tout ce temps."

Noster fit un geste de la main, comme pour dire "ce qui est fait est fait", envoyant valser un nuage de fumée.

"Et aujourd'hui te revoilà, tout auréolé d'Anima... d'ailleurs, je me méfierai des braves gaillards de la brigade arcanique, si j'étais vous."

Cahaya sourit.
"Nous avons anticipé ce petit problème. J'ai mis au point des appâts alchimiques pour tromper leur sens de détection."

L'archiviste émit un petit gloussement.
"Ingénieux. Voila qui constituera pour eux une occupation plus saine que de débarquer chez moi pour me dérober mes travaux."

Sethann se fraya un chemin à travers le désordre ambiant.
"Ils sont responsables de tout cela ? Pourquoi en auraient-ils après vous ?"

Leur hôte fronça les sourcils.
"Pas après moi, après certains des documents entreposés ici. Ils sont entrés, toute une escouade, ont fouillé le bâtiment tout entier avec la délicatesse que vous pouvez imaginer, et sont repartis en emportant une grande quantité d'ouvrages. Principalement des recueils d'histoire de l'Empire. Mais rien de tout cela ne doit vous intéresser, je suppose. J'imagine que tu dois avoir une bonne raison d'avoir bravé cette ville pour venir me trouver."

Sethann et Cahaya échangèrent un regard inquiet.
Finalement, Sethann brandit la dague ornée. Comme il s'y attendait, il n'avait pas besoin de poser de question, l'arme avait immédiatement capté l'attention du vieil homme. Il déposa l'objet sur son bureau, et Noster l'examina de plus près. Enfin, il poussa un grand soupir qui répandit une vague de fumée au dessus de leurs têtes.

"Je ne devrais plus m'étonner de voir le destin se précipiter ainsi. En vérité, je l'avais compris lorsque j'ai reconnu ton visage."

"Vous savez de quoi il s'agit ?" s'enquit Sethann.

"En temps normal, j'aurais sans doute dû chercher la réponse dans ma mémoire, mais il se trouve que parmi les ouvrages que les soldats ont emportés figurait un antique grimoire d'une grande valeur, dont la couverture était ornée de ce symbole. Je n'ai même pas eu l'occasion de le consulter !"

Sethann et Cahaya se regardèrent à nouveau, l'inquiétude à présent palpable.

"Vous savez quelque chose sur ce culte ?" demanda-t-elle.
"Bien peu, j'en ai peur. J'ai parcouru quelques ouvrages traitant du sujet, mais je pense que le livre qui m'a été soutiré devait être bien plus détaillé. Peut être même l’œuvre de référence. Comment êtes-vous entrés en possession de cette dague ?"

Sethann lui raconta toute l'histoire. L'archiviste sembla immédiatement fasciné par l'Académie et Silmar, et le mage dut plus d'une fois le ramener à son propos.

"Il faudra que tu me relates tout cela en détail, mon garçon. L'Académie est une telle mine d'informations... ici bas, à Sostine, mes recherches sur l'Arcane peinent à avancer. Le contrôle est trop sévère. Mais là-bas, la magie peut s'épanouir... je me demande si..."

"Vous comprenez pourquoi je suis venu jusqu'ici pour en savoir plus." l'interrompit Sethann.

"Oui, oui, bien entendu..." reconnut Noster en tirant pensivement sur sa pipe. "J'ai beaucoup étudié le sujet des mutations d'Anima. Comme tu peux l'imaginer, je n'ai en revanche pas beaucoup vu de cas réels. Ce que tu m'as décrit ne ressemble pas à une mutation due à une utilisation directe d’un sort qui aurait mal tourné, mais plutôt à une exposition prolongée à une forte quantité d'Anima ambiante, comme un contact avec une Liche, par exemple."

"Une Liche ?" s'interrogea le mage. "De quoi s'agit-il ?"

L'archiviste afficha un sourire triomphant.
"Ah ! On ne sait donc pas tout, à l'Académie !"

Sethann prit une mine renfrognée, tandis que Noster tirait une longue bouffée de tabac tout en l'observant.

"Une Liche est un Élémentaire, une créature d'Anima pure. Lorsqu'un individu se retrouve entièrement infecté par l'Anima, par le niveau maximal de la mutation, la plupart du temps il se fait dévorer par l'énergie. Mais s'il survit, il se change en une forme de vie entièrement dépendante de l'Anima. Les Liches pour l'Ombre, les Anges pour la Lumière, les Démons pour le Chaos et les Golems pour l'Ordre."

Ses visiteurs étaient pendus à ses lèvres. Cahaya était bouche bée, et Sethann faisait tout son possible pour ne pas afficher son effarement. Le vieil homme était ravi.

"Cela m'étonne que tu ne saches pas cela. Une très vieille histoire prétend que ton vénérable confrère, Silmar, à un jour croisé le regard d'un Golem et que cela lui aurait instantanément changé les yeux en cristal."

Le mage ressentit un frisson le parcourir.

"Tel est le pouvoir d'un Élémentaire. La question est, où ton étrange visiteuse a-t-elle pu croiser une pareille créature, et y survivre de surcroît ?"

"La question reste entière." remarqua Sethann. "Peut-être serait-il plus judicieux de commencer par investiguer ce culte."

"Comme je te l'ai dit, je n'en sais pas beaucoup plus sur cette fameuse religion. Aux premiers jours de l'Empire, c'est l'empereur lui-même qui était vénéré comme une divinité locale, à la place des Quatre. Ce symbole, les deux dragons qui se dévorent entre eux, représente une forme plus évoluée de ce culte. Sa pratique n'a duré qu'un temps assez court, et il a été rapidement remplacé par l'adoration de la Dame d'Au-Delà que nous connaissons encore aujourd'hui, c'était donc il y a plus de deux siècles."

Cahaya était perdue dans ses pensées.
"Pourtant, ce culte ne semble pas si éteint, aujourd'hui." remarqua-t-elle.

"Nous n'avons pas vraiment le choix." déclara Sethann. "Nous devons récupérer les ouvrages que la brigade arcanique a emporté."

Noster fut pris d'une quinte de toux.
"Ce serait du suicide, surtout pour toi ! Vous n'avez pas un autre plan ? A quoi pensiez-vous avant de venir me voir ?"

"Soutirer des informations au père Legima Drast." répondit Cahaya.

Le vieil homme s'affaissa dans son siège et produisit quelques ronds de fumée.

"Vous m'avez convaincu. Prendre d'assaut le quartier général de la garde d'élite de la cité semble être une bien meilleure idée."
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