27 Avril
Il est 20h15 et c'est officiel, je ne ressens plus le besoin d'utiliser ce journal. Que retenir de tout cela... et bien hormis le fait que ce journal fut une idée qui m'a au départ paru complètement stupide, je n'ai pas grand-chose à dire. Evidemment si la psy lisait tout cela, je serais bon pour finir à l'asile de la ville.
Toujours est-il que je comprends Marie de mieux en mieux et je crois que je n'ai plus peur de mon don et de ce qu'il m'envoie à la figure, en permanence. J'ai appris à connaître les intentions des esprits. Et je crois sans me tromper, que toute âme, quoi qu'elle ait pu faire dans sa vie, retrouve sa bonté enfantine lorsqu'elle quitte son corps. Le dealer décédé de jeudi dernier m'en a donné la preuve
Et puis, il y a le cas Hazel Stone.
C'est le nom de ma voisine. Une jolie blonde qui m'a toujours paru un peu étrange et de tout évidence, mon impression était bonne. Ce qu'elle m'a appris avant hier soir est dingue. J'y ai repensé toute la journée d'hier. Notamment que les esprits peuvent bien communiquer par la parole, il suffit de savoir les écouter. Ma Marie commence à être un peu soûlante à me dire mille fois des « je t'aime », mais ça fait tant de bien d'entendre sa voix.
Résumons un peu ma situation. C'est simple en fait. Je me retrouve avec des dons hors du commun et la femme que j'aimais est morte, mais pas complètement. Je croyais que c'était fini, que je pourrais recommencer une vie partiellement normale.
Ce n'est pas fini. Au contraire. C'est à moi de m'adapter, et uniquement à moi.
Ceci était la dernière entrée du journal de Jake Donnelly. Le dit journal va maintenant finir au feu.
25 avril
Guillermo est passé cette après-midi. On a bu des bières et jouer à la console comme au bon vieux temps, où nous étions des ados boutonneux fans de Slipknot et de Static-X. Enfin on était jeunes et cons. ( Là, on est juste un peu moins jeunes.)
Je suis assez ravi de voir que nos après-midis console énervent autant Marie que lorsqu'elle était encore en vie. J'ai dû me retenir d'exploser de rire, quand elle s'est mise à coté de la télé et qu'elle a commencé une série de grimaces grotesques. On aurait dit une gamine furieuse que l'on ne s'intéresse pas à elle. Mais il ne faut pas qu'elle s'en fasse, j'ai l'intention de passer la soirée en tête à tête avec elle.
On a peut-être passé la trentaine, mais l'âge ne change rien à notre amitié. À part que Guillermo s'en met plein les fouilles, avec l'entreprise de travaux publics qu'il a hérité de son paternel. Mais au fond, je crois qu'il est resté le même. Je pense aussi pouvoir reprendre le travail sous peu. Mais être infirmier sera plus difficile, avec ce don. Je suis habitué à côtoyer la mort d'une certaine manière. Mais à l'idée de voir des esprits fraîchement libérés alors que leur enveloppe charnelle est à deux pas d'eux, je me dis que ce métier va prendre une toute autre dimension.
Tiens, on sonne.
C'était le voisin, un vrai danger public celui-là. Il avait sorti sa batte de base-ball et la planquait près du mur, d'après ce que Marie m'a montré de l'index. Tout ça parce que je mettais la musique trop fort. Mais bon, je le comprend. Il a vite regretté la fois, où il a insulté Marie de tous les noms quand elle est venue lui ouvrir.
Ça sonne à nouveau. Il veut vraiment que je m'énerve, on dirait. J'ai baissé, en plus. Mais Marie m'indique d'un signe du pouce que c'est bon.
*******
Il est plus de minuit, et les deux filles qui viennent de sortir, ont tout simplement changé ma vie en moins d'une heure. Ma voisine, une certaine Hazel, est venue accompagnée d'une adolescente d'environ quinze ans que j'ai déjà aperçu plusieurs fois, bien qu'elle ne semble pas du coin. Elle s'appelle Sarah, je crois. La gamine ne semblait pas voir Marie, mais ce n'était pas le cas de Hazel, puisqu'elle a salué ma chère et tendre comme si elle la voyait parfaitement bien. Elle m'a expliqué plus tard que ce qui est inné chez Sarah ou moi, lui a demandé de longues années d'apprentissage.
Donc si l'on résume bien les choses, Paradise City serait une sorte de point de convergence pour les créatures surnaturelles, les esprits et même les démons. C'est ainsi que j'ai appris que les loups-garous, les vampires et autres affreuses bestioles existaient réellement. D'accord, cela me semble encore un peu tirer par les cheveux mais cela expliquerait beaucoup de trucs bizarres qui se passe dans cette ville. Comme les disparitions étranges ou les meurtres macabres. Choses qui peuvent très bien être l’œuvre des différents connards qui constituent les gangs de cette ville. Ça fait quand même beaucoup de menaces potentielles pour une ville de taille moyenne, je trouve. Mais pourquoi pas, après tout.
Mais elle m'a aussi parlé des humains qui développent des dons hors du communs, une chose propre à cette ville apparemment. Là, je ne peux que la croire, vu que je suis l'un de ces cas. Sarah aussi en est une, visiblement. La petite doit être télépathe ou quelque chose dans le genre, je l'ai bien senti fouiller dans mon cerveau. Ce que je n'aurais sans doute pas pu faire avant. Quant à Hazel, bah je sais pas trop. Si j'ai bien compris, c'est une sorcière qui a pas mal voyagé et qui a posé ces valises, à Paradise City, pour un truc bien précis. Elle ne m'a pas dit ce que c'était, cependant. Je n'avais d'ailleurs pas vu les tatouages qu'elle a sur les mains, jusque là mais j'imagine que ce n'est pas anodin. On devrait former une espèce d'équipe dans le genre des X-Men tiens, ça pourrait être marrant.
Du coup j'ai eu le droit à toutes les explications possibles, sur mon don. Notamment, sur son origine. Marie avait le même, et me l'a toujours caché. J'ai hérité de ce pouvoir pour une raison inconnue. Toujours est-il que ma fantomatique fiancée a confirmé tout cela, d'un signe de tête. Il y avait beaucoup de choses que je savais déjà ou que j'ai découvert récemment, mais aussi le fait que les morts peuvent vraiment parler. Il suffit de faire des efforts. Et visiblement ils sont payants. Marie a ouvert la bouche, il y a environ dix minutes.
Bref, c'est un sacré bordel, et je pense que je réfléchirais à tout cela quand j'aurai l'esprit clair. En attendant, ça fait du bien d'entendre Marie me parler. Même si j'ai l'impression qu'elle ne sait plus dire autre chose que « je t'aime ». Mais je ne vais certainement pas m'en plaindre.
20 Avril
La journée avait plutôt bien commencé. J'avais rendez-vous avec ma chef, à l’hôpital central. Elle m'a conseillé de prendre encore un peu de temps. Rasmussen est une chouette femme. Un peu sévère, sans doute, mais très à l'écoute malgré tout. Ma place n'attend que moi, visiblement. Mais Jake l'infirmier devra encore attendre un peu.
Suite à quoi, je suis allé déjeuner dans mon restaurant favori, avant de rentrer chez moi.Une sorte de routine s'est installé. Ce n'est pas déplaisant, le fait de s'habituer à la vie « sans » Marie me fait toujours un peu mal, mais au fond, elle est encore là. Et elle ne semble pas décidée à partir.
J'ai fait une petite sieste de 14h à 16h. Marie m'avait rejoint dans le lit. Et c'est ce qui est le plus dur, je crois. Ne pas pouvoir lui parler, ne change pas grand-chose, parce que on arrive tout de même à communiquer. Mais ne pas pouvoir l'embrasser ou lui faire l'amour est une vraie malédiction, je souhaiterais presque qu'elle s'en aille, dans ces moments-là.
Il faisait nuit quand je suis sorti m'acheter à manger pour ce soir. Jusque là tout allait bien. Mais au fur et à mesure que j'avançais en direction de la supérette, j'ai ressenti un truc étrange. La mort avait frappé dans le quartier. J'ai l'impression que c'est un autre don que j'ai développé.
Et ça n'a pas raté. Les flics quadrillaient tout un pâté de maison. J'apercevais aussi des impacts de balles. Il y avait un cadavre un peu plus loin et les inspecteurs se penchaient déjà sur son cas. Un gars en uniforme m'a directement dit de bifurquer par la rue voisine.
Seulement, en continuant mon chemin, je me suis rendu compte que l'on me suivait. En me retournant, je suis aperçu que le gars mort se rapprochait de moi. Il avait l'air d'avoir besoin de quelque chose.
Il m'a mené vers une tour HLM complètement moisie, avant de me montrer le code à taper pour rentrer. Ça m'a grandement facilité la tache. S'il me demandait ça, c'est qu'il y avait quelque chose d'important à voir. Une personne à sauver, comme la dernière fois. Sauf que cette fois-là, j'étais plus que prêt.
Marie m'a alors fait tout les signes possibles pour rebrousser chemin. J'entendais du bruit dans l'appartement, comme si on le fouillait. Il y avait aussi une gamine qui pleurait. J'ai donc pris soin de cacher mon visage avec un bandana et de sortir mon taser et ma matraque télescopique. Je me suis équipé que très récemment. J'ai eu la chance de faire beaucoup de boxe à l'université mais mon premier acte en tant que super zéro a bien failli tourner à la catastrophe. La plaie que j'ai au bras n'a toujours cicatrisé. La rue m'a rappelé ce soir là, que personne n'est à l'abri d'une mort rapide, pour peu que l'on soit mal préparé à y vivre.
J'ai attendu un certain temps derrière la porte, jusqu'à ce que l'un des gars parle de tuer la personne à l'intérieur. C'était des gars sérieux mais il y avait une vie à sauver et j'avais les moyens de le faire. Des moyens qui incluaient notamment Marie, malgré sa réticence à l'idée que je me mette dans les ennuis.
Marie a alors traversé l'appartement, devenant visible pour tous l'espace de quelques secondes, suffisant pour terroriser le premier gars. J'ai enfoncé la porte et il m'a suffit alors de deux coups de matraque, pour étaler le premier gars. L'effet de surprise m'a permis de prendre le dessus rapidement. L'autre est arrivé aussitôt et a pointé son flingue sur moi, mais j'ai été plus rapide. Il s'est mangé les crochets du taser en plein dans les yeux, je ne sais pas ce qui est le plus douloureux entre ça et la décharge de 50 000 volts. J'ai récupéré la fillette après avoir attaché les deux types, avant de partir avec l'enfant. Les flics sont arrivés dix minutes plus tard, j'avais laissé la petite sur un banc avec un mot. J'ai observé tout ça, planquer dans une ruelle voisine.
Je ne sais pas si jouer les justiciers est une bonne idée mais c'est assez satisfaisant, il faut le reconnaître.
9 Avril
Journée à la con. Je suis blessé au bras, et j'ai la tête d'un panda. Tout ça parce que j'ai sauvé la vie d'une nana. Les flics m'ont emmené à l'hôpital, en parlant sans cesse de mon héroïsme. Sauf que j'ai pris les coups à la place de la fille, ce qui n'a rien d'héroïque, je suis juste un gros demeuré. Bon, je me suis défendu, sauf que à un contre trois …
Sinon, je crois que je m'habitue à la présence de Marie. Elle arrive encore à me faire peur, à chacune de ces apparitions. Elle est aussi belle qu'avant, peut-être trop pour que ce soit supportable. Mais comme elle est de plus en plus présente, je suis de moins en moins angoissé. Je me demande quand même pourquoi ça m'arrive. Je suis probablement devenu fou ou alors il m'arrive vraiment quelque chose d'incroyable. Et si c'est ce dernier cas, il n'est pas exclu que je finisse par devenir complètement marteau.
20 Mars
J'ai recommencé les sorties à l'extérieur. Avec une grosse pointe d'appréhension, vu ma dernière expérience, avec la petite bande de Marie. Enfin ça fait plaisir à mon meilleur ami, c'est le principal. Elle est apparue dans la salle de concert, ce soir. Elle dansait. Elle a même fait une bise à la charmante Kendra. Je ne sais vraiment pas quoi en penser. Sa présence me donne de sacrés frissons, et je n'en dors plus. J'ai pourtant le sentiment qu'elle n 'est pas là pour me nuire, mais ce n'est pas normal. Comment ça pourrait l'être. Je crois surtout que mon premier vrai contact, avec elle et ses amis, ne m'a pas laissé une très bonne impression. J'en fais encore des cauchemars régulièrement.
Sinon, je crois que je m'attache vraiment à la copine de Guillermo. Elle est drôle, toujours là pour rassurer les autres et en plus c'est très belle femme. Kendra restera une amie, par contre. Je ne ferais jamais un sale coup pareil à Guillermo.
12 Mars
Marie n'est pas revenu, tant mieux. Ni aucun autre mort. Mais j'ai aussi envie de la revoir. Même si ses apparitions m'empêchent vraiment de dormir. Il parait que nous faisons toujours les mauvais choix dans les cauchemars. Pourtant je suis bien éveillé.
Sinon je ne vois pas ce que j'ai à raconter à part que je me fait chier comme jamais, auparavant. Ouais, non, rien en fait. Mais je n'ai pas envie de sortir pour autant.
4 Mars
Ce n'était pas dû à mon imagination. Sauf que cette fois, la situation était claire et Marie n'était pas seule.
Mon cœur a raté une bonne dizaine de battements. Elle est apparu derrière moi subitement, pendant que je me rasais. Le coup de la salle de bain est un énorme cliché de film d'horreur, mais ça marche très bien quand on en est la cible. Mon rythme cardiaque est monté d'un coup et j'ai hurlé, j'ai hurlé tellement fort qu'un voisin est venu sonné. Je l'ai envoyé promener.
Mais en me retournant, j'en ai vu un autre. Un vieil homme qui habitait au-dessus, il y a environ deux ans. Il a disparu sans laisser de traces. Je comprend mieux pourquoi.
Son teint était blanc, livide et ses yeux pourris abritaient des vers. Ce qui restait de sa trachée était visible à cause d'une énorme plaie béante et pleine de croûtes. Quelqu'un lui avait fait ça avec une énorme lame. Peut être un hachoir à viande. J'ai vomi sur le champ. Avant de m'enfuir de mon appartement.
Le couloir était infesté de morts, d'esprits ou peu importe comment on les nomme. Et surtout l'atmosphère était affreusement lourde.
Ils étaient tous là à me regarder avec des yeux vides. Ils cherchaient à me toucher. Leur hurlement muet était sans aucun doute effrayant. Le fait de ne pas entendre leur peine et leur souffrance l'est encore plus.
J'ai donc couru, et manqué de tomber dans l'escalier durant mon sprint. Je suppose que mon instinct de survie m'a fait comprendre que prendre l’ascenseur était sans doute suicidaire. Il y en a moins dans la rue, ou du moins, j'imagine qu'ils sont plus dispersés.
J'ai lu dans un roman de je ne sais plus qui, que le meilleur moyen de contrer ce genre de choses est de s'enivrer. C'est chose faite, le mec du bar ne va pas tarder à me virer. Je m'étonne d'ailleurs d'écrire aussi bien, vu mon état. Je parle autant de mon état d'ébriété que de mon état psychique, proche de la rupture.
À l'évidence, j'ai été suffisamment stupide pour espérer que l'alcool marcherait ...
2 Mars
Je ne suis pas certain de croire en ce que j'ai vu. Peut-être que j'étais encore un peu dans mon rêve. Mais ça ne peut pas être réel, c'est impossible. Elle est morte, je l'ai vue allongée par terre avec les bris de verre et le sang. Toujours est-il qu'elle était plus nette pour une simple illusion. Bordel, je dois devenir cinglé.
28 février
J'ai gagné six fois contre Guillermo, sur Mario Kart. Avec dix shots de vodka dans la tronche. Ça mérite d'être noté, non ?
Je commence à m'y faire à ce journal, finalement.
20 février
C'est terminé, le corps de Marie vient d'être inhumer. Que dire de plus à part qu'il n'y avait personne, à part mes collègues, les siens, Guillermo et ma sœur. Evidemment, ses parents sont venus de France, mais je n'ai pas eu le courage de les faire venir à l'appartement. C'est à peine, si je leur ai dit plus de deux mots depuis leur arrivée. Il doit y avoir une vingtaine de personnes. Les gens sont tous des faux culs, ils te promettent de venir , te disent qu'il pensent à toi et au final, ils t'enfilent bien profond. Puisqu'on ne peut plus faire confiance à personne …
18 Février
Je dois noter toutes mes pensées sur ce journal de merde. Une brillante idée de ma psy. Pauvre conne, ma Marie est morte. Alors comment tu veux que j'arrive à poser tout ce que j'ai en tête sur papier, alors que j'ai des milliers de pensées qui me viennent à la seconde ? Qu'elle aille se faire foutre, il finira à la poubelle de toute façon.
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Notes d'auteur :
C'est le grand retour de Jake. :)
Nom de l'épreuve : À reculons. Résumé de l'épreuve : Votre personnage vit une expérience de peur intense qu'il arrive, ou non, à surmonter. Contrainte : Votre texte devra comporter 500 mots minimum. Au lieu de raconter votre texte dans l'ordre chronologique, vous devrez partir de la fin et remonter jusqu'au début. Délai de réponse : Vous avez jusqu’au 30 mars 23h59 pour poster votre texte.
Nom de l'épreuve : À reculons. Résumé de l'épreuve : Votre personnage vit une expérience de peur intense qu'il arrive, ou non, à surmonter. Contrainte : Votre texte devra comporter 500 mots minimum. Au lieu de raconter votre texte dans l'ordre chronologique, vous devrez partir de la fin et remonter jusqu'au début. Délai de réponse : Vous avez jusqu’au 30 mars 23h59 pour poster votre texte.
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