Trois ans ! Trois ans nous n’avions plus eu accès à la pierre magique, le lieu sacré de mon peuple. Trois ans que les Karmariens, nos ennemis héréditaires, avaient envahi cette partie de la forêt, empêchant les membres de ma famille de rendre hommage à notre ancêtre et protectrice : la déesse Ismé. Celle-ci, privée de nos rites, s’affaiblissait et plus elle s’affaiblissait, plus nous perdions espoir, plus nos récoltes s’amenuisaient, plus nos forces déclinaient. Mon père, malade, était à bout de force, ma sœur était bien trop jeune pour affronter un tel danger, alors en tant que prince d’Isméria, je devais me rendre à la pierre magique pour redonner à notre protectrice sa force en pratiquant le rituel. Si je n’y allais pas, personne ne pourrait le faire à ma place, ils n’avaient pas en eux le sang d’Ismé, personne d’autre ne portaient sa marque.
J’étais parti à l’aube ce matin-là, prenant avec moi le talisman sacré. J’étais très satisfait lorsque je réussis à passer discrètement les lignes Karmariennes sans me faire remarquer. Mais à proximité de la pierre je perdis toute prudence tant je souhaitais procéder rapidement au rituel. A cause de mon inattention j’étais tombé dans un piège rudimentaire. Si nos ennemis étaient des guerriers accomplis, ils n’étaient pas malins pour établir des chausse-trappes et franchement celle-là était tellement évidente que je me maudissais de m’être laissé attraper. J’étais pourtant si près, à quelques mètres de la pierre. Je n’avais pas eu le temps de glisser le talisman dans l’encoche, il m’était donc impossible de réaliser le rituel qui permettrait de renforcer l’énergie d’Ismé. J’enrageais contre ma propre bêtise.
Alertés par le bruit de ma chute, quatre guerriers Karmariens s’approchèrent et appelèrent leur chef. Le sourire sadique que fit cet homme me glaça le sang. Il avait vu sur mon épaule la marque dorée, symbole de mon ascendance divine. Il savait qu’elle signifiait que j’étais le prince des Ismérians. Une prise de choix, mon sang était puissant pour leur dieu, je savais ce qui m’attendait si je ne trouvais aucune issue d’ici les trois prochains jours que durerait leur rituel sacrificiel.
Ils me sortirent de ce trou pour m’enfermer dans une cellule, leur chaman me retira mes vêtements pour me faire porter la tenue de cérémonie, me laissant uniquement le talisman d’Ismé. Il n’avait pas le choix, il n’aurait pu le toucher sans être brûlé, n’étant pas un enfant de notre protectrice. Ils me laissèrent seul pendant un long moment, pendant lequel je restai prostré. On m’apporta un repas que je refusai de prendre. Le religieux et le chef revinrent plus tard, le chaman avait un couteau et une coupe. Il me fit une entaille dans le bras, récolta un peu de mon sang dans le récipient, s’en servit pour tracer des dessins mystiques sur le corps du chef, avant de boire le reste. C’était purement répugnant. A nouveau ils me laissèrent seul.
La nuit tomba, le surlendemain je serais sacrifié sur l’autel du dieu sanguinaire Jeggred et personne ne pouvait rien pour moi, mon peuple avait déjà de la peine à se défendre contre les attaques des Karmariens et ils ignoraient où je me trouvais. J’avais envie de pleurer, mais un prince ne devait pas montrer ses faiblesses. Je m’approchai de la lucarne et je regardais notre pierre magique, si près et pourtant inaccessible. Portant ma main sur le talisman, les yeux rivés sur le lieu sacré, je tentai malgré tout une prière, avec l’énergie du désespoir.
— Ismé, mère de toutes les mères, nous ne t’avons pas abandonnée, les Karmariens nous empêchent de te rendre l’hommage que tu mérites. Ismé ton peuple t’aime et pense à toi en chaque instant. Donne leur la force de lutter contre l’envahisseur, donne à ma sœur la force d’assumer son rôle lorsque je ne serai plus, guide la et veille sur elle, elle est si jeune, qu’elle ne soit pas aussi stupide que je l’ai été aujourd’hui. Vieille sur mon père qui s’affaiblit. Ismé, mère de toutes les mères, écoute le dernier vœu de ton descendant et je te ferai honneur en ne montrant aucune faiblesse lorsque les Karmariens pratiqueront leur rituel sur moi. Ismé mère de toutes les mères, je te fais don de mon âme.
En cet instant il se passa une chose que je ne m’expliquai pas. La pierre magique se mit à briller. Le scintillement était très faible, mais je savais que ma prière avait été entendue même si je n’avais pu accomplir le rituel avant, même si je n’avais pas pu rendre sa force à la déesse. Chose plus surprenante encore, une étrange créature sortit de derrière un arbre. Elle était imposante et marchait sur quatre pattes pourvues d’impressionnantes griffes, son corps était recouvert d’un plumage gris cendre, dans sa gueule ouverte, je pouvais apercevoir les crocs de sa puissante mâchoire. Ma respiration se coupa, ce ne pouvait être que le Grulwak. Il s’agissait de l’anima totem d’Ismé, son messager. Aucune personne vivante ne pouvait se vanter de l’avoir vu, en dehors de sa représentation sur le talisman.
Il s’approcha de moi, à travers les barreaux de ma cellule, il plongea son regard hypnotique dans le mien, je m’efforçais de ne pas ciller, l’animal était effrayant, mais c’était le messager de mon ancêtre j’étais en confiance. Il sembla me trouver digne de lui, il leva sa patte et de ses griffes particulièrement acérées il brisa la serrure avec une facilité déconcertante. Je poussai alors la porte de ma cellule et je m’agenouillai auprès de lui.
— Merci à toi.
Mais le Grulwak s’avançait déjà vers la pierre, me laissant stupéfait, je ne savais quoi faire. Il tourna la tête vers moi comme pour m’inviter à le suivre. Malgré la peur d’être surpris à nouveau par un Karmarien je m’engageai à sa suite. Il s’arrêta auprès de la pierre posa son museau sur l’encoche. Il avait raison, je devais accomplir le rituel sacré. Je lui obéis, mis le talisman en place et rentrai en transe. Plusieurs minutes après j’avais honoré Ismé comme je le devais. Je sentis en moi une force nouvelle, je savais que tous les miens devaient le ressentir aussi. En cet instant je réalisai que durant le cérémonial, le Grulwak était monté sur la pierre, protégeant mon sanctuaire. Il tenait en respect les Karmariens terrorisés à la vue de ses crocs. Lorsque le chef de mes ennemis tenta une attaque envers moi, le Grulwak se rua sur lui en poussant un rugissement surnaturel. L’homme devint livide, lâcha son arme, renonçant au sacrifice. Le cérémonial avait commencé, il serait probablement puni par Jeggred, privé du sang promis, le dieu n’allait pas être clément. Mais son sort m’importait peu, son peuple oppressait le mien depuis tant d’années.
Grâce au Grulwak je pus regagner ma terre, sans encombre, les Karmariens terrifiés par la créature légendaire s’écartaient sur notre passage. Après quelques heures de marche, j’aperçus le village. Le messager d’Ismé me quitta avant que quiconque puisse le voir. Un instant plus tard, mes yeux s’arrêtèrent sur ma sœur, ne prêtant aucune attention à la liesse générale.
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Notes d'auteur :
Nom de l'épreuve : Sauvez Willy !
Résumé de l'épreuve : Vous devrez raconter la rencontre entre un humain et une autre créature où l'un doit sauver la vie de l'autre (libre à vous de choisir le personnage en détresse). La créature peut être un animal "normal" ou alors une créature totalement imaginaire ou même venir d'une autre planète ! Le sauvetage peut éventuellement échouer, et les deux personnages (humain et créature) peuvent se rencontrer pour la première fois comme se connaître depuis des lustres.
Contraintes : Votre histoire devra comporter deux chapitres, chacun abordant le point de vue d'un des deux personnages. Les deux chapitres devront être écrits à la première personne. Pensez à ne pas trop "humaniser" votre créature. Votre histoire doit tenir en 3000 mots maximum (500 mots minimum). Le premier mot du premier chapitre devra être le même que le dernier mot du deuxième chapitre. Ah, et bien sûr, le personnage en détresse se nommera Willy !
Merci Pimy pour la Béta, et pour tes précieux conseils pour les noms. Mardi matin, j'ignorais encore tout d'Isméria, cette contrée c'est construire au fil de la journée, en fonction de mes besoins, je n'aurais jamais cru que j'arriverai un jour à créer ainsi un "univers"
Résumé de l'épreuve : Vous devrez raconter la rencontre entre un humain et une autre créature où l'un doit sauver la vie de l'autre (libre à vous de choisir le personnage en détresse). La créature peut être un animal "normal" ou alors une créature totalement imaginaire ou même venir d'une autre planète ! Le sauvetage peut éventuellement échouer, et les deux personnages (humain et créature) peuvent se rencontrer pour la première fois comme se connaître depuis des lustres.
Contraintes : Votre histoire devra comporter deux chapitres, chacun abordant le point de vue d'un des deux personnages. Les deux chapitres devront être écrits à la première personne. Pensez à ne pas trop "humaniser" votre créature. Votre histoire doit tenir en 3000 mots maximum (500 mots minimum). Le premier mot du premier chapitre devra être le même que le dernier mot du deuxième chapitre. Ah, et bien sûr, le personnage en détresse se nommera Willy !
Merci Pimy pour la Béta, et pour tes précieux conseils pour les noms. Mardi matin, j'ignorais encore tout d'Isméria, cette contrée c'est construire au fil de la journée, en fonction de mes besoins, je n'aurais jamais cru que j'arriverai un jour à créer ainsi un "univers"
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