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Notes d'auteur :
coucou! merci de me lire! voici le nouveau chapitre! la suite est sur gadetauchapeau.skyrock.com, si vous voulez! biiiiiiiiiz!
Voilà donc la fameuse ville d’Inguat… Vous voulez mon avis sur la chose ? C’est laid. Très laid. Inguat n’a pas le charme d’Asyndète.

Si je devais trouver un point de comparaison, alors je dirais que la ville est comme celles des mauvais films d’horreur. Lorsque tout va mal, lorsqu’on pense qu’il n’y a plus d’espoir, tout apparaît aussi triste qu’ici.

Les maisons s’empilent sans grâce. Tout est gris et morne. Même les robes, qui ne m’apparaissent pas plus grandes que des grains de poussière, ne parviennent pas à mettre un peu de couleur. Il n’y a aucune lumière. Les rayons du soleil, qui éclairent la capitale d’un éclat doux mais puissant, sont retenus par d’épais nuages de vapeur.

J’ignore quelle est l’ambiance de la ville – après tout, je ne fais que la survoler – mais je pense pouvoir dire sans me tromper qu’une animation comme celle d’Asyndète – même si tout dans la capitale est factice – ne doit pas se retrouver ici. Pas de joyeuses conversations. Pas de brusques éclats de rire. Pas de fêtes.

Il fait chaud. Je transpire sous ma robe noire d’élève, et la poussière se colle à mon visage moite. La vapeur de la rivière ne me fait aucune grâce.

Je plains Erwan. Je le connais à peine, mais je ne souhaiterais même pas à mon pire ennemi de vivre là-dedans. Ville d’horreur. Pour peu, je me croirais en enfer.

Enfer…hum, voilà qui me ramène à la réalité. Il est facile, même pour un idiot, de comprendre pourquoi le maître de Blakar a choisi cet endroit pour démarrer son invasion. Sans doute doit-il s’y sentir un peu chez lui.

Les environs ne valent guère mieux. Les arbres, l’herbe, les plantes, font grises mines. Pour peu, je me croirais au dessus d’une usine. C’est un endroit où seuls les fous et les suicidaires voudraient aller.

Je n’appartiens à aucun de ces groupes, Dieu m’en préserve. Pourtant, je sais, il faut que j’entre là. Que je m’approche. Cette ville de désolation est la seule à pouvoir m’apporter les réponses que je cherche.

C’est l’heure de rentrer. Congés d’été. Les élèves, les professeurs, retournent dans leurs foyers pour deux longs mois. Deux mois de repos. Deux mois où Insvrack ne connaîtra plus le remous des combats, les élèves surchargés de travail, les courses sur le domaine. Seul un vieux gardien demeure. L’emplacement de l’école est secret. Qui pourrait se douter que le fleuron de la sécurité de l’Hendiadyn est formé dans un endroit si reculé et dangereux ?

Lise vole à mes côtés. Son corps est là, mais je sens son esprit parti…ailleurs. Elle est inquiète. Malgré le petit plan que nous avons savamment monté ensemble, où elle a un rôle à jouer évidement, elle craint pour la vie de son frère.

Je n’ai pas osé lui dire ce qui me brûle la langue : si Erwan avait été tué, ou ne serais-ce que blessé, ses parents en auraient été avertis, et Lise aurait reçu un courrier. Mais bon, j’ai préféré me taire. Mon amie m’aurait fait un exposé en trois parties neuf sous-parties sur les difficultés de transmissions du courrier entre Insvrack et le reste de l’Hendiadyn, dans quel que sens que ce fût.

Ce n’est pas que je m’en moque, mais enfin…savoir ce qu’elle aurait dit ne me serait d’aucune utilité. Je ne reçois aucune lettre, de toute manière. Ah si. Pardon.

Hier, j’ai reçu une carte. D’anniversaire. Ma tante ne m’a pas oubliée, et s’est débrouillée pour passer par-dessus les systèmes de contrôle d’entrée du courrier dans les écoles.

Pour votre gouverne, sachez que j’ai seize ans depuis deux jours. Tante Marthe, qui ne m’a pourtant pas adressé une seule lettre pendant toute mon année, a eu la gentillesse de se souvenir de la date. Elle est bien la seule. Bon, Lise le savait, c’est vrai. Mais le reste de ma famille, nada !

Grand-père ? Il aurait préféré mourir que se faire rappeler qu’il vieillit. J’ai déjà dû lui donner trois rides de plus en apparaissant de manière aussi inopinée l’an dernier.

Marvolo ? Il est gentil, toujours très poli, mais je ne suis pas sûr qu’il fasse très grand cas de moi. Je ne dois lui apparaître que comme une enfant.

Ariane ? Sait-elle seulement que j’existe ?

Ma…famille humaine ? Seigneur, c’est difficile, tout de même, d’y penser. Comme à chaque fois, mon cœur se brise rien qu’à l’évocation de ma mère. Seule au milieu de mes frères. Ils m’ont probablement oubliée. Je suis un relent du passé, le souvenir qu’on voudrait oublier. Que reste-t-il de moi ? Un acte de naissance…l’attestation de transfert en Hendiadyn…quelques affaires…des photos, peut-être. Non, désormais, Maman ne peut plus penser à moi. Je suis une étrangère. Ce serait trahir sa famille.

Ne me dites pas que je suis défaitiste ! C’est obligé que les choses se passent ainsi. Dès qu’ils ont connu la vérité…sur moi…mes frères n’ont plus eu le même regard. Pour eux, j’avais déjà changé de monde. Je n’étais plus leur sœur.

Edward parlait de changer de nom. Tommy a vaguement grogné sans un regard pour moi. Seul Damian paraissait vouloir dire quelque chose, mais je me doute bien que ça n’aurait pas été agréable à entendre. Il m’a toujours considérée comme une enfant. Qu’est ce que cela changeait ? Nos relations n’ont jamais été chaleureuses, et il avait déjà parcouru depuis longtemps le chemin sur lequel Tommy et Edward venaient de s’engager.

Eleanor doit être devenue Madame Elis maintenant. Elle doit s’appliquer à donner à la famille une image respectable, afin d’effacer cette tare venue par Papa.

Misère…mes larmes coulent maintenant. Ce ne sont pas les poussières qui me font pleurer. Je savais que je n’aurais jamais dû penser à mes parents. A Maman. C’est trop douloureux…de savoir…de penser…que je ne suis qu’une étrangère.

Même ici…je ne crois pas avoir été totalement acceptée. Je ne suis qu’à moitié magicienne, et personne ne l’a oublié. Même ceux qui ont l’esprit ouvert, comme Lise, ma tante, Marvolo, ou certains de mes professeurs. Ils excusent mes erreurs, les lavent d’un sourire. Intérieurement, j’en suis sûre, ils pensent que la faute n’est pas mienne. C’est au dessus de mes forces. Je suis à moitié humaine, après tout…

Ils pensent que je ne le sais pas, mais je le lis dans leurs yeux. Je n’en dis rien. Après tout, ils se montrent conciliants, pourquoi ne le serais-je pas ?

Non, vraiment, penser à ma famille ne me réussit pas. Je broie du noir, peut-être à raison, certes, mais je dois savoir me montrer forte. A Insvrack, il nous a plusieurs fois été répété que nous devions mettre nos chagrins et colères de côté, et n’agir que la tête froide.

Or, là, il faut que j’agisse.


- Hey ! Sarah ! Arrête de rêver ! C’est le moment !


Arrêter de rêver ? Mon Dieu, elle en a de bonnes ! Qui était dans les nuages depuis le décollage ? Sans jeu de mots, hein. C’est bien elle, il me semble.

Je lui ai promis que je l’aiderai à avoir des nouvelles de son frère. Puisque je ne puis me réconcilier avec ma famille, autant l’aider à être heureuse dans la sienne.


- Tu peux commencer le numéro, je murmure. Je suis prête.


Enfin, pas vraiment, mais c’est le moment ou jamais.

Insensiblement, je m’écarte d’elle et me dirige vers une des extrémités du groupe. Joie des joies, Cassandre n’y est pas. Vraiment la situation idéale. Le cirque peut commencer…même s’il s’agit plus d’une opération de commando que d’un spectacle.


- Oh, vous avez vu le bel oiseau ? Il est super rare ! Attendez, je vais l’attraper !


Hum…le but est atteint, mais l’exécution malhabile. Décidément, Lise est plus intellectuelle que pratique. Il faudra pourtant qu’elle progresse dans ce dernier domaine si elle veut espérer une bonne place.

Je vous jure, ce n’est pas mon mauvais caractère qui dit cela ! Je pensais juste que…enfin…elle aurait pu attendre qu’un oiseau passe pour lancer son cri.

Stupidité. A cette altitude, rares sont les piafs. Décidément, notre entourage est bien crédule… Je veux bien que l’intelligence de Lise soit universellement reconnue, mais ce n’est pas une excuse pour se départir de son esprit critique.

Enfin, la voilà qui part à la poursuite d’un volatile imaginaire. Un professeur se lance aussitôt à sa poursuite, sous l’œil amusé et curieux des autres élèves. Aucun ne remarque la diversion. Et c’est censé être observateur ! Voyez où est tombé le monde…

Personne ne me regarde. Insensiblement, je m’éloigne. De quelques mètres d’abord, puis de plus en plus. Toujours aucune réaction. Je compte donc si peu que cela pour eux ? Charmant… Moi qui tentais d’être aimable, je n’ai plus aucune raison de l’être maintenant.

Cassandre tourne la tête, et nos regards se croisent. Je suis loin, aussi je ne vois pas bien. Cependant, il me paraît lire…de la colère ? dans ses yeux. Elle serre les poings. Mon incartade lui déplaît.

Vraiment ? Tant mieux, j’ose dire. Après tout, ce n’était pas le but premier, mais si fuguer peut la faire tourner en bourrique, alors je suis prête à recommencer.

Si quelqu’un devait me voir, il vaut mieux que ce soit elle et pas une autre personne. Ne paraissez pas étonnés, je sais ce que je dis. Cassandre me hait. Si je mets ma vie en danger, ou bien si je commets une faute digne des annales, elle ne donnera pas l’alerte. Rien ne lui plaît plus que me voir souffrir. Sans doute pense-t-elle que je risque ma vie. Mais ça ne la dérange pas.

Monstre, va.

Oh, mais tant que j’y pense, c’est bien de cela qu’il est indirectement question : d’un affreux monstre. Je dois vérifier qu’Erwan va bien.

Pourquoi moi ? Pourquoi moi et pas Lise, alors que mes capacités magiques et intellectuelles sont loin de valoir les miennes ? C’est fort simple. Parce que je suis une Elis…

La famille Amir, pour aussi opulente qu’elle soit, se sortirait bien mal de pareil scandale. Moi…pas.

Je sais que c’est risqué. En fait, il y a deux solutions : l’une, c’est que les journaux s’emparent de l’affaire avec appétit et en fassent leur chou gras. Après avoir tartiné plusieurs pages sur ma blessure à la cheville – si on les écoutait j’aurais tenté de m’enfuir de l’Hendiadyn – ils se jetteraient avec avidité sur ce scandale, le premier qui touche les Elis depuis des lustres.

Mais je n’y crois pas. Grand-père a de l’argent. Beaucoup d’argent. Payer ne lui serait pas un problème. Retenir la somme de mes maigres biens non plus, d’ailleurs. C’est un point que j’aurais mieux fait de ne pas négliger avant de me lancer là-dedans, maintenant que j’y pense.

Enfin, je ne pense pas que l’affaire s’ébruitera. Tout demeurera secret. Ce que je m’apprête à faire est interdit, mais la peur d’un scandale empêchera quiconque de me punir, du moins pénalement. Dans la sphère privée, c’est autre chose…quoique Grand-père est tellement occupé que je ne pense pas pouvoir lui faire confiance pour ça.

J’ai envie d’aventure. Personne ne fait attention à moi plus que nécessaire. J’ai été installée, en arrivant ici, dans un carcan qui m’oppresse. Cet univers-là n’est pas le mien. Même si ce n’est que pour quelques heures, je veux retourner à celle que j’étais jadis. Une fille libre…

Le temps passe, sur le cadran de ma montre. Une demi-heure, déjà. Mon départ a dû être remarqué. Peut-être qu’un professeur est parti à ma poursuite. Selon quel cap ? Cassandre a peut-être vendu la mèche, tout compte fait…

Ce n’est vraiment pas le moment pour moi de me faire prendre. J’ai promis à Lise, à la fois par désir d’aventure et de liberté, et par amitié. J’aurais l’air fine, si j’étais rattrapée avant d’être allée au bout de ma mission.

Et si je me faisais renvoyer ? Grand-père me viendrait certainement en aide… Mais s’il ne le fait pas ? Etrange pour moi de le dire, mais je ne veux pas quitter Insvrack. Mes difficultés n’ont pas changé. Je suis toujours aussi cancre dans la pratique magique que Lise est intelligente. Mais je me sens bien à l’école. Pas complète, je n’irais pas jusque là. Après tout, ma place n’est pas vraiment ici, de même qu’elle n’est pas chez les humains.

Mais je marche sur les traces de Papa, et c’est ce qui compte à mes yeux. En me donnant son pouvoir, l’ajoutant au mien, il a voulu que je vienne ici. Quelles étaient ses motivations ? Je l’ignore, mais le résultat est là. Par égard pour mon père, je dois rester.

Si jamais…Insvrack…décidait, tout de même, de m’expulser… Ce ne serait vraiment pas dans leur intérêt. J’ai remarqué, en observant le monde dans lequel on m’a jetée, que je vis dans une société privilégiée. Cela n’est pas en soi une nouvelle. Mon univers est celui de l’argent roi et du culte des traditions.

Cette société diffère bien peu de son équivalent humain. Soyez différent et vous serez rejeté. Peut-être pas officiellement, mais dans le fond ce sera le cas. Nulle gentillesse ici. C’est un combat, un combat d’argent, un combat de puissance. Nulle pitié.

Alors je m’abaisserai à leur niveau. Insvrack devra bien réfléchir avant de me jeter dehors. Après tout, je suis censée appartenir à cette société cruelle. Par pure vengeance, je n’aurais aucun scrupule à tout révéler…

Moi méchante ? Peut-être bien. Mais j’aurais fait justice. Ils auront brisé ma vie, alors j’aurais brisé la leur. C’est cela, la pensée de mon milieu. Si je n’écoutais que mon cœur, je serais partie pleurer dans mon coin.

Mais là, ce ne sera pas le cas. Je commettrais un dernier acte, celui qui leur fera craindre d’avoir créé un nouveau monstre. Et puis je disparaîtrais. Pas loin, sauf pour eux.

Cessons de penser à cela. Ce domaine m’appartient, et je ferais mieux de ne pas me bâtir des films d’horreur. De plus, rien ne me dit que, le cas échéant, je serais capable d’agir comme j’ai prévu de le faire.

Inguat m’apparaît. Vu de près, c’est encore plus laid. Heureusement que je ne suis pas là pour le tourisme, sinon je m’ennuierais plus que le Roi dans son palais.

J’ai une visite à faire.
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