Summary: Il s'agit de la compilation de trois essais historiques qui traitent de sujets proches.Le premier est consacré aux chars de guerre, leur origine et leur diffusion dans le bassin méditerranéen. Le second est assez court et traite de la guerre de Troie. Le troisième est le plus long, il traite de la Crète et propose une identification entre cette île et la légendaire Atlantide.
Categories: Essai,
Historique Characters: Aucun
Avertissement: Aucun
Langue: Français
Genre Narratif: Aucun
Challenges: Series: Aucun
Chapters: 1
Completed: Oui
Word count: 14769
Read: 2050
Published: 08/07/2014
Updated: 11/07/2014
1. L'art de la guerre dans la haute antiquité by Celian
L'art de la guerre dans la haute antiquité by Celian
Les chars de guerre
L’origine du char :
Tous les indices archéologiques et historiques font apparaître le char de guerre léger en Mésopotamie. Dans l’état actuel de nos connaissances son développement est attribué aux Hourrites qui sont à l’origine du royaume de Mitanni. Le vocabulaire spécifique au char de guerre, trouvé dans les textes babyloniens, est en langue Kassite. Ce fait n’a rien d’étonnant puisque ces derniers ont conquis Babylone au XVIe siècle avant J.C.
Ces faits entraînent à penser que ce sont les Indo-européens qui les premiers en ont fait usage. Grâce à cette arme nouvelle, ils auraient pu dominer le Moyen-Orient et émigrer jusqu’en Europe. C’est ainsi également que les Hyksos ont pu s’établir en Egypte.
Le char semble avoir fait son apparition en Asie dès le deuxième millénaire avant notre ère. Toutefois, le monde égéen ne devait en faire usage que quatre siècles plus tard et encore de manière marginale. Les combattants de la guerre de Troie ne se servaient de leurs chars qu’en matière de transports de prestige. Ils combattaient à pied.
L’hypothèse généralement admise est l’importation du char Hyksos par les Minoens. En effet, on a trouvé un couvercle de vase en albâtre à Cnossos. Il portait le sceau du pharaon Hyksos Khyan. Un postulat différent serait que les Minoens auraient appris à construire des chars directement à la source, c’est à dire le royaume de Mitanni. Grâce à la tablette de Mari, nous savons, en effet, que les Crétois avaient des agents commerciaux dans les territoires qui formeront plus tard ce royaume. De plus, une bague minoenne trouvée à Mycène porte une intaille représentant une chasse au cerf par un équipage de char. Style mis à part, la bague est identique aux scènes de chasse aux lions, classiques dans tout le Moyen-Orient.
Il faut remarquer que les chars égéens, minoens et égyptiens (de la reconquête contre les Hyksos jusqu’à l’époque de Toutmosis IV) ont tous des roues à quatre rayons. Leur parenté est donc évidente.
Seulement, dans quel sens s’effectue cette filiation ?
Le plus logique serait de supposer que les Egyptiens auraient appris la construction des chars en imitant les Hyksos. Toutefois, les chars Hyksos sont d’une facture différente. Comme, d’autre part, les Egéens ont appris la technique auprès des Minoens, on peut logiquement supposer que les Crétois ont poursuivi leur œuvre de professeur auprès des Egyptiens.
Pourquoi pas, en effet ?
L’hypothèse est séduisante, mais pour l’heure ce n’est qu’une hypothèse.
La présence de Minoens à Avaris à l’époque Hyksos est étayée par des fresques de style et de thème indéniablement crétois. Leur datation s’étale de la fin de la période Hyksos à l’occupation de leur capitale par les troupes d’Ahmosis.
De plus, des textes égyptiens insistent sur l’aide apportée par les Haou Nebout ( les Minoens) dans la libération de leur pays. Les raisons de ce soutien se trouvent dans les intérêts des Crétois pour le delta du Nil. Certains archéologues vont jusqu’à dire que les Minoens auraient conclu une alliance dynastique avec les Thébains. Aahotep, la mère d’Ahmosis, étant une étrangère (une Crétoise ?).
On trouve les Crétois aussi bien avec les Hyksos que contre eux. Dès lors, il y a trois hypothèses :
1°) Les Minoens auraient joué sur les deux tableaux soutenant les uns et les autres pour se retrouver au côté des vainqueurs quoi qu’il arrive.
2°) Les artistes crétois présents à Avaris auraient permis de déguiser la présence d’espions dans la capitale Hyksos.
3°) L’île de Crète, à l’époque palatiale, est divisée entre plusieurs cités états supposées rivales. Dès lors, il n’y a rien d’impossible à imaginer que certaines cités aient soutenu les Hyksos tandis que d’autres se retrouvaient aux côtés des Thébains.
La seule certitude que nous ayons sur les Minoens est un vieil adage grec : « Tous les Crétois sont des menteurs ! »
Les chars de guerre assyriens :
L’Assyrie apparaît dès le XIXème siècle avant J.C. Après avoir connu un grand essor commercial grâce aux échanges avec l’Anatolie, la Cappadoce en particulier, elle devient le premier état militarisé de l’histoire de l’humanité. L’Assyrie domine rapidement un empire étendu (XVème- XIIème siècle).
L’instrument de cette suprématie est le char de guerre.
Celui des Assyriens était tiré par deux chevaux. Rapide et maniable, il était également très léger puisque deux hommes pouvaient le porter. Il avait deux roues à rayons. Très grandes et bordées de cuir brut, elles avaient un petit moyeu également gainé de cuir brut.
Ces chars étaient tirés par deux juments. On les préférait aux étalons parce qu’elles apprenaient plus vite et se révélaient également moins fougueuses. L’attelage se faisait grâce à un timon double surmonté d’une cosse chargée de compenser les chocs. Le timon était en jeune châtaigner avec des parties en cuir. Le bois était courbé par humidification et torsion progressive jusqu’à atteindre la forme désirée.
Les représentations de ces chars montrent souvent un troisième cheval (tenu par une longe) qui court à côté de la machine. L’utilité de cet animal n’est pas démontrée, on pense qu’il s’agissait d’une sorte de bouclier vivant que l’on faisait galoper du côté de l’ennemi pour parer ses tirs.
Tactique de guerre :
Les chars de guerre légers sont des armes de harcèlement. Outre un aurige chargé de guider l’attelage, son équipage comprend un archer. Grâce à ses flèches et ses javelots, il sème la mort et la confusion dans les lignes ennemies.
Rapide, il reste en limite de portée et suit l’infanterie en vidant ses carquois. Si l’adversaire se rue vers lui, il profite de sa vitesse supérieure pour se replier hors de portée.
Pour contrer cette arme, il n’y a que deux solutions. La première est d’utiliser des archers d’infanterie. Grâce à leur portée supérieure et à leur capacité à concentrer leurs tirs, ils peuvent décimer rapidement les chars. Ces derniers n’ont alors d’autres recours que de se replier à distance. L’initiative leur reste toutefois acquise puisqu’il leur suffit de s’éloigner et de recommencer leur harcèlement dans une zone sans archer.
La seule véritable parade (jusqu’à l’apparition du cavalier) a été l’utilisation d’autres chars légers. Ces duels de chars étaient souvent un véritable jeu d’échec, chacun jouant des différents facteurs qui influaient sur le déroulement du combat.
Axiome : Plus un char est construit robuste, plus il est lourd. Conséquence : Plus un char est lourd, plus il est lent. Inversement : Plus un char est léger plus il est fragile.
Les experts se focalisent essentiellement sur le nombre de rayons d’une roue pour faire la différence entre char léger ou lourd.
C’est là que le choix du terrain peut avoir des conséquences incalculables. En pratique, les chars de guerre ne peuvent être utilisés qu’en plaine herbeuse. Mais un char robuste peu à la limite charger en plaine caillouteuse, là où ses rivaux plus légers brisent roues et essieux en utilisant toute leur vitesse.
Lors de reconstructions de chars de guerre, on s’est aperçu qu’il s’agissait de machines réellement fragiles. Un simple choc peut briser les parties vulnérables. Il devait être très rare que les chars foncent comme on le voit dans les films. En fait, les chevaux devaient le plus souvent trotter ! Il ne faut pas non plus oublier que les « chevaux » de l’antiquité font souvent moins de 1,20 m au garrot. Tirer un char avec deux hommes, leurs armures et leurs armes devait être exténuant.
Une autre utilisation du char de guerre est rapportée par Tite-live, lors de la bataille de Sentinum (295 av-J.C.). Les Romains qui s’étaient avancés au contact de l’infanterie gauloise virent surgir des chars de guerre sur leur flanc. Les Gaulois criaient à plein poumon, faisaient rugir leurs carnyx, tandis que les attelages brinquebalaient dans un fracas de fin du monde. Terrifiés par cette charge soudaine, le mur de chair, de bois et de fer qu’elle formait, et surtout par le vacarme, les légionnaires perdirent pied et se débandèrent.
En effet, le char de guerre, arme de prestige, impressionne beaucoup lorsqu’il vous fonce dessus. Même les Romains, qui n’étaient pourtant pas des pucelles effarouchées, préféraient ne pas se trouver face à ça.
Au passage, il est très difficile de faire charger un cheval face à un bloc de combattant. L’animal est plutôt intelligent et il freine souvent par anticipation du choc. Un mur de lancier, fermement regroupé épaule contre épaule, un genou au sol, la pique fermement plantée en terre n’a pratiquement rien à craindre d’une charge de chars légers.
La guerre à l’époque des chars de guerre :
Les stratégies compliquées n’apparaissent que de manière très progressive. Les récits des batailles de la haute antiquité abondent en engagement simples et directes.
Un chef de guerre de cette époque rangeait son armée en ordre de bataille de manière à tirer parti au mieux de ses avantages. Il utilisait aussi le terrain. Idéalement, l’infanterie était placée au centre, sur une élévation, les lanciers au premier rang, les archers derrière. Les chars étaient disposés sur les ailes.
Souvent, ils débutaient l’affrontement en harcelant les troupes du centre ou en combattant la cavalerie ennemie.
Il faut remarquer que les armées de métier n’existent pas à l’époque. Les mercenaires pour qui la guerre est un gagne-pain font figure d’exception. On peut aussi compter sur les noblesses nationales. La chasse au lion qui se fait à l’arc et sur un char permet d’acquérir les réflexes qui seront utiles sur le champ de bataille.
Les autres sont des levées effectuées sur la masse des paysans. Ils reçoivent un entraînement sommaire pendant quelques semaines puis partent à pied jusqu’au champ de bataille.
Equipement de l’équipage d’un char de guerre :
Je n’ai aucune information quant à l’équipement d’un mésopotamien. Toutefois, il ne devait guère être différent de celui d’un soldat égyptien. Celui que je décris appartient à un régiment de char ultra-léger. Il n’a qu’un homme d’équipage, il conduit son char grâce à des mouvements du buste transmis par les rênes qui entourent sa taille.
- 1 outre d’eau
- 1 tablier de cuir (les officiers portent une cotte d’écaille de bronze)
- 6 javelots
- 1 arc
- 2 carquois de 12 flèches (note : les carquois de flèches et de javelots sont les grands sacs obliques que l’on voit sur toutes les représentations des chars égyptiens).
- 1 bouclier (Le bouclier égyptien est en bois ou en cuir. Percé d’un trou pour regarder, il est rectangulaire avec un empiècement demi-circulaire sur le dessus)
- des sandales
- 1 hache
- 1 pagne
- 1 bâton
- 1 perruque
- 1 char
- 2 chevaux
Les missions des chars légers :
Globalement, le char léger a deux types de mission :
L’éclairage : Postés en avant et sur les flancs de l’armée, les chars ont pour mission de repérer les mouvements ennemis et prévenir les embuscades.
Au combat : Les missions de charges frontales sont très rarement du ressort des chars de guerre (contrairement à ce que croyait Cecil B. de Mile dans la Reine de Saba). A la rigueur, une charge de flanc peut leur être confiée. Néanmoins, une troupe cohérente qui ne romprait pas pourrait tailler en pièce les chars. La vraie tâche des chars de guerre c’est le harcèlement et la poursuite d’une armée en déroute. Cette tâche est primordiale pour deux raisons. D’abord parce que les deux tiers des pertes dans une bataille ont souvent lieu lors de la phase de déroute. Ensuite, parce que c’est à ce moment que l’on s’enrichit… en pillant les dépouilles.
Le char lourd, une fausse bonne idée :
Le char lourd est un char à quatre chevaux cuirassés. Il transporte quatre hommes d’équipage : un archer, un conducteur, deux porteurs de bouclier. Les roues avaient huit rayons et étaient cerclés de fer.
Maladroit et souffrant beaucoup en terrain accidentés, il était bien souvent incapable de lutter contre les chars légers. Toutefois, pour les princes de Mésopotamie, les unités de chars lourds étaient prestigieuses. L’Egypte n’a jamais utilisé de chars lourds qui, sur son sol, auraient été de toute façon d’un usage limité.
Le déclin des chars de guerre :
Le déclin des chars de guerre commence au neuvième siècle avant J.C avec l’apparition du cheval monté. Le calcul est évident. Un char de guerre c’est deux hommes, deux chevaux, un char pour un seul arc. Un cheval monté, c’est un homme, un cheval, pour un arc.
Pratiquement, pour le prix d’un char, on peut équiper deux cavaliers et demi.
D’autre part, les chevaux sont capables de monter de fortes déclivités et courir à vive allure sur une plaine caillouteuse sans grand risque.
Malgré cela, le prestige des chars de guerre restera pratiquement intouché des siècles durant. Certaines sociétés conservatrices comme Irlande et la Chine continueront à l’utiliser jusqu’au Moyen Âge.
Troie
Depuis quelques années, notre vision du passé de l’homme subit des bouleversements profonds. Des découvertes archéologiques ont accrédité des textes antiques jusqu’alors dénigrés.
Chante, Déesse, la colère du péléide Achille, pernicieuse colère qui valut aux achéens d’innombrables malheurs, précipita chez Hadès les âmes généreuses d’une foule de héros, et fit de leur corps la proie des chiens et de tous les oiseaux – ainsi s’accomplissait la volonté de Zeus- depuis le moment où, sitôt après leur colère se séparèrent l’Atride roi des guerriers et le divin Achille (l’Iliade, Homère, chant premier).
Ce sont ces quelques lignes qui débutent l’un des textes fondateurs de l’Occident, peut-être même le texte fondateur. A la fois œuvre mythologique, premier roman grec et témoignage historique, il est à l’origine de la plus célèbre des découvertes archéologiques. Enfant, Heinrich Schliemann, homme d’affaire et archéologue amateur s’était passionné pour le texte du légendaire aède grec. En 1871, ayant fait fortune, l’Allemand se décida à réaliser son rêve de bambin et retrouver la ville perdue de Troie.
Historiens et archéologues ne voyaient dans l’Iliade qu’un texte relevant du mythe et rédigé près de six cent ans après les faits. On le dénonçait en tant que support historique à cause de ses incohérences Au contraire, Schliemann, obsédé par le texte, le considérait comme un récit historique. Seul contre tous, l’amateur se révéla pourtant avoir raison. En se guidant d’après les descriptions du poète il retrouva une succession de villes sous la cité romaine d’Ilion Novus, considérée par les Romains comme le site de Troie.
Pourtant, dès après sa mort, son explication se vu remise en question. Le trésor retrouvé par l’archéologue était antérieur d’un millier d’année à Priam. Tandis que la ville contemporaine de la guerre de Troie se révélait trop petite pour être celle d’Homère. En 1960, l’unanimité semblait pratiquement s’être fait contre l’identification du site avec la Troie homérique.
Cependant, le vent finit toujours par changer de sens. Depuis vingt ans, Manfred Kaufman, un archéologue allemand, fouille le site d’Hisarlik. Jamais on ne mit autant d’argent et de moyens dans des recherches archéologiques. Ce qui n’est pas un mauvais investissement puisque les résultats suivent.
On s’aperçoit aujourd'hui que Troie ne se limitait pas à la seule colline d’Hissarlik. Elle comprenait également une cité basse très étendue qu’entourait un large fossé. Pour donner une idée, la citadelle, où se trouvaient les temples et la place décrite par Homère, couvre une superficie à peu près égale à celle de la Tour de Londres. La ville basse, elle, était treize fois plus grande. On estime, qu’en 1250 avant notre ère, Troie était peuplée de 5000 à 10 000 habitants. Ce qui en faisait la plus grande ville du bassin de la méditerranée contemporaine.
Les archéologues ont également retrouvé deux ports artificiels, maintenant dans l’intérieur des terres. Reliés à une rivière proche, ils étaient précédés par des bassins alluvionnaires qui les empêchaient de s’envaser. Un principe technologique connu à l’âge du bronze mais qui ne sera redécouvert qu’au dix-neuvième siècle. Cette découverte est à rapprocher d’un des principaux obstacles à l’identification de Troie avec la colline d’Hissarlik. En effet beaucoup d’archéologues et d’historiens soulignent que les textes d’Homère placent Troie à proximité immédiate de la mer. Or, de nos jours, Hissarlik s’en trouve éloigné de sept kilomètres. Il a fallu l’expertise d’un géologue turc pour s’apercevoir, qu’au treizième siècle avant J.C., Hissarlik était au bord de l’eau.
De leur côté, les ethnologues ressuscitent le mythe de l’enlèvement de la belle Hélène. Pour eux, aux époques archaïques, un tel rapt serait un motif de guerre plus que valable. Cependant, la véritable cause de l’invasion des Mycéniens devrait plutôt être cherchée à bord d’une épave retrouvée au sud de Troie. Ce navire, naufragé à l’apogée de la cité, transportait une grande quantité de cuivre, des bijoux en or et d’autres objets venus de toute la Méditerranée. Comme les Mycéniens manquaient de toutes ces richesses et que c’était un peuple de guerrier, il ne fait aucun doute qu’ils aient pu assiéger Troie pour la piller. Ce n’est pas d’ailleurs en opposition avec l’Iliade. A un moment, les Troyens ont proposé aux achéens -à mots couverts- de leur rendre Hélène. Ces derniers ont refusé, précisant bien qu’ils étaient là pour piller la ville et ne repartiraient pas avant.
Les historiens ont longtemps recherché des indications sur la localisation de Troie dans ce qui subsiste des écrits de la Grèce archaïque. Ils n’ont jamais rien trouvé. Les ruines d’Hisarlik n’ont pas plus laissé d’écris. Du moins, jusqu’à ce que l’équipe de Manfred Kaufman découvre un sceau antique datant de Troie VII. Il portait les traces d’une écriture apparentée au Hittite.
Justement, on a découvert un traité datant de -1280 dans les archives hittites de la localité de Bogahazkale. Il y est fait mention d’une ville nommée tour à tour Wilusa (l’Ilion d’Homère) et Truwisa (Troie). Wilusa aurait été dirigée par un certain Alaksandu dans lequel on pourrait reconnaître Pâris qui portait aussi le nom d’Alexandre. Les Achéens sont aussi mentionnés sous le nom d'Ahhiyama. Leur grand roi, selon une inscription, serait Tawaglawa. Un nom proche phonétiquement d’Etewoklewes, prononciation antique du nom Etéocle. Or, dans le traité, on mentionne les noms des dieux de Truwisa. L’un d’entre eux s’appelait «la divine route de la terre ». Les archéologues ont immédiatement pensé que ce dieu pouvait être une rivière souterraine. On a cherché sur le site d’Hissarlik et on a trouvé cette rivière qui était connectée avec un tunnel. Cette issue permettait à l’eau de remplir le réseau d’irrigation de la plaine. Les concrétions calcaires, déposées par le ruissellement de l’eau de pluie au travers de la voûte, comprenaient d’infimes traces d’uranium. La datation de ce métal radioactif nous a permis d’apprendre que cet aqueduc souterrain avait été commencé vers -3000 et étendu à l’époque de Troie I, II et III. Il existait donc bien à l’époque du niveau VII qui est probablement celui décris par Homère. On ne peut pas voir de coïncidence au fait que l’Iliade cite explicitement l’existence de « sources sacrées » à Troie.
Mais la guerre de Troie a-t-elle vraiment eut lieu ? Bien que l’on ne puisse pas prouver l’existence du cheval de bois d’Ulysse ou même que les agresseurs soient Achéens, les traces d’un conflit sont évidentes. La présence d’une grande quantité de charbon de bois, daté de -1225, tend à prouver que la cité a été brûlée. La présence de pointes de flèches et de lance fichées dans le mur d’enceinte ou au sol dans la citadelle lie bien cet incendie à un acte de violence. Les nombreuses dépouilles d’hommes et de chevaux seraient elles aussi les vestiges d’un combat.
La Crète
Pendant longtemps, le prodigieux développement de la société crétoise pré-hellénistique ne put se deviner que par les mythes. Homère, par exemple, chantait la puissance de « l’île aux cent villes ». Dans L’Odyssée, le divin aède relate : « Au loin, dans la mer bleu sombre se dresse une terre appelée Crète, une terre riche et aimable baignée par les vagues de toute part, densément peuplée. »
Plus tard, les historiens Hérodote et Thucydide feront mention de la puissance de la Crète. Selon eux, il fut un temps où l’île domina l’est de la méditerranée. Outre la puissance militaire et économique, les Crétois se révélèrent également bon administrateur puisque le philosophe Aristote soutient que ce furent eux qui exportèrent le système des castes en Grèce.
Toutefois, c’est par les mythes que la Crète fait encore le plus parler d’elle.
Tout le monde connaît la légende du roi Minos qui – ayant reçu un magnifique taureau blanc- refusa de le sacrifier à Poséidon. Le dieu courroucé le punit en ensorcelant son épouse Pasiphaé pour qu’elle en tombe amoureuse. De cette union impie naquit le Minotaure que Dédale fut contraint de cacher au fond du Labyrinthe. Piège dans lequel il fut à son tour enfermé avec son fils Icare. Pour s’en échapper, les deux hommes se construisirent des ailes. Malheureusement, Icare s’approcha trop près du soleil et le goudron qui tenait ses plumes se liquéfia.
Le Minotaure continua à terroriser la Crète des années durant. Pour contenir le monstre, Minos lui faisait livrer des victimes venus des nations soumises à la Crète. Ainsi sept victimes athéniennes lui étaient régulièrement immolées. Thésée, un Athénien, parti finalement pour affronter la créature. Aidé par Ariane, la fille de Minos, qui lui offrit un fil lui permettant de triompher du Labyrinthe, il parvint jusqu’en son cœur. Là, le héros tua le Minotaure. Mais Poséidon déchaîna sa colère, ébranlant le sol de la Crète.
Thésée survit, mais du fait de sa séparation avec Ariane (Dionysos éprit de la belle lui avait demandé de la laisser sur l’île de Naxos) il oublia de changer les voiles de son vaisseau. Celles qu'il arborait étaient noires. Or, Thésée avait convenu avec son père Egée d’un code. Des voiles blanches s’il survivait et noires s'il mourrait. Egée, foudroyé par ce qui cru être un messager lui annonçant la mort de son fils, se jeta dans la mer qui depuis porte son nom.
Une seconde légende illustre la puissance de la Crête. On raconte qu’autrefois un colosse d’airain arpentait sa côte. Cette histoire est antérieure d’une génération au mythe du Minotaure puisque son héroïne fut une des épouses du roi Egée. Le colosse d’airain fut terrassé par la sorcière Médée qui voyageait en compagnie des Argonautes. La légende du navire Argo est bien connue puisqu’il s’agit de la fameuse quête de la toison d’or qui unit de grands héros : l’archère Atalante, les jumeaux Castor et Pollux, Héraclès et bien sûr Jason. Toutefois l’escale en rade dictéenne n’est qu’une anecdote du voyage.
Voilà ce que les textes grecs nous apprennent sur les Crétois. Il faut cependant attendre l’époque moderne et l’apparition de l’archéologie pour que la Crète commence à sortir de l’ombre. Une quasi résurrection que l’on doit à un grand personnage : Sir Arthur Evans.
Evans
Entre 1899 et 1935, Evans fouilla Cnossos, le plus grand palais de la Crète. C’est à lui que l’on doit le terme « Minoen » utilisés pour qualifier la période pré-hellénistique. En effet, le plan en dédale du palais lui évoqua la légende du Labyrinthe. On lui doit la division de l’histoire minoenne en trois époques :
Minoen Ancien (MA) 2700-2000 av. J.-C.
Minoen Moyen (MM) 2000- 1580 av. J.-C.
Minoen Récent (MR) : 1580- 1200 av. J.-C.
Le Minoen Ancien correspond à l’Ancien Empire Egyptien, le Minoen Moyen au Moyen Empire et le Minoen Récent aux 18ème et 19ème dynasties.
Les Minoens avaient un très haut niveau de civilisation. Leurs poteries étaient souvent modelées sans tour mais cependant d’une grande finesse. Ce qui est tout à l’honneur de leur céramiste. Plus tard avec la maîtrise du tour à rotation lente et la cuisson contrôlée, ils donneront naissance à d’authentiques chef-d’œuvres. Polychromes, leurs poteries s’ornent de dessins qui montrent maîtrise et imagination. Si les motifs sont linéaires, ils ne montrent aucune sécheresse géométrique. Les représentations animales et végétales sont le plus souvent stylisées, esquissées de quelques lignes nerveuses. Exubérant et plein de vie, l’art de la céramique crétois séduit au premier coup d’œil.
Si la céramique est le plus ancien art crétois, il reste un art mineur. Les meilleurs artistes minoens sont les sigilistes (créateurs de sceaux) capable de graver dans la pierre fine de minuscules personnages et animaux. L’art de la sculpture n’est pas non plus inconnu des Crétois. Toutefois, ils n’ont jamais créés de statues de taille humaine, ni de colosse. Les sculptures minoennes sont des miniatures d’une incroyable délicatesse dans les détails. Peintes, elles nous ont permis de découvrir que la vie des Crétois était très colorée.
Les fresques et les peintures, en l’absence d’une écriture qui puisse être traduite, restent notre meilleur guide pour comprendre cette extraordinaire civilisation. La peinture est partout dans les palais, couvrant les murs d’un foisonnement imaginatif, d’une véritable exubérance dans les thèmes et dans son animation. Les thèmes non-figuratifs (spirales, méandres et autres) voisinent avec des scènes de tauromachie, des foules, des défilés triomphaux, des dauphins, des « aquatiques » représentant la mer en une succession de lignes ondulées où dansent poissons et dauphins. Beaucoup de scènes nautiques montrent les navires crétois, orgueil de ce peuple.
Ces représentations permettent de se faire une bonne idée de ces vaisseaux. Ils devaient être très proches des « Longs Vaisseaux » chantés par Homère. Etroit et longs, c’étaient des galères munies d’un mat central à voile carrée et à la proue très relevée, comme un cimeterre. Leurs flancs sont peints et décorés, chaque vaisseau a une couleur et des motifs propres. Leur tirant d’eau était si faible qu’ils pouvaient être tirés au sec par leurs équipages. A l’arrière, un dais protège le fauteuil du capitaine. Devant lui se tient le barreur tenant une longue rame. Placé juste devant ou à ses côtés, se trouve le tambour.
Les palais crétois dégagé par Sir Arthur Evans nous donnent une bonne idée de l’art de l’architecture chez les Minoens. Il n’est pas étonnant que le mythe du labyrinthe soit né sur cette île. La complexité des plans des palais masque cependant leur relative simplicité de construction. Autour d’une cour centrale et des appartements de réception s’ordonnent des appartements privés, des halls, des escaliers, des salles de culte, des ateliers, des réserves… Les architectes avaient le goût du confort. Des puits de lumière permettait au soleil d’éclairer le rez-de-chaussée, des canalisations amenaient de l’eau- éventuellement sous pression- des égouts évacuaient les déchets. Les puissants connaissaient les salles de bain avec eau courante. Celle de la reine à Cnossos est même dotée de la plus ancienne chasse d’eau connue !
Coiffure : Les Crétois avaient des coiffures très unisexes. Les cheveux se portaient long jusque aux épaules chez les hommes, parfois jusqu’aux reins chez les femmes. Toutes les fresques représentent la chevelure très ondulée, peut-être la faisaient-ils gaufrer.
Couleur de peau : Les représentations des Minoens les montrent avec une peau blanche ou rouge. Il est probable que les Crétois étaient des blancs à la peau plus ou moins bistrés.
Vêtements : Le vêtement masculin est en général assez simple. Il consiste en une tunique descendant jusqu’à mi-cuisse. Chez les personnes du peuple, elle est souvent de lin blanc. Les représentations des tauromachies montrent les athlètes des deux sexes vêtus d’un simple pagne, les cheveux tenus par un bandeau. Les minoens s’attachaient souvent les cheveux et de nombreuses fresques montrent ces bandeaux. Souvent blanc, ils pouvaient être noirs ou rouges entre autre. Le vêtement féminin est plus complexe. La déesse aux serpents est montrée vêtue d’une robe bustier très ajustée. Elle lui couvre le cou et les bras jusqu’aux coudes. Cependant, elle laisse les seins libres. Le bustier descend devant et derrière jusqu’aux cuisses mais s’ouvre jusqu’aux hanches sur les côtés. La jupe est faite d’une succession de volants obliques.
Bijoux : Les Minoens ont laissé derrière eux des trésors d’orfèvrerie. Le bijou le plus courant était la boucle d’oreille, portée par les deux sexes. Le modèle le plus usité était un simple clou de métal précieux, assez discret, qui transperçait l’oreille. Il y a assez peu de peintures montrant des bijoux.
Frost
Le 19 février 1909, le journal londonien The Times publia un article intitulé The Lost Continent. Son auteur, K.J. Frost, professeur à l’université de Belfast, osa une hypothèse hardie. Le premier, il évoqua l’Atlantide comme le souvenir de la gloire passée de la Crète. En peu de mots, s’appuyant sur des fouilles sur les îles grecques comme en Egypte, le professeur Frost reconstitua le souvenir de la puissance maritime des Minoens. En Crète même, le niveau de la civilisation était fantastique. Les fresques du palais de Cnossos surpassaient en qualité tout ce qui fut fait ailleurs à la même époque. Elles nous permirent d’imaginer leur raffinement inégalé. Les poteries, les robes mêmes des femmes crétoises donnaient plus l’impression d’appartenir au monde moderne qu’à l’antiquité. Par comparaison, les autres peuples de la Méditerranée contemporaine paraissent bien barbares.
Isolés sur leur vaste île, auréolés de la perfection de leur civilisation, les Minoens devaient apparaître comme des êtres bien mystérieux. En Grèce, comme en Egypte ou au Levant, leurs danses élégantes, leurs palais enchanteurs, et leur fascination taurobolique devaient engendrer bien des légendes.
Frost rappela ensuite le texte de Platon. L’île d’Atlantide était une escale sur le chemin d’autres îles et, à partir de ces îles, vous pouviez passer sur l’ensemble du vrai continent, qui entourait le véritable océan. Pour l’Irlandais, cette description de la position de l’Atlantide faisait irrésistiblement penser à la celle de la Crète en méditerranée orientale. Platon ne disait-il pas aussi : Dans cette île, il y avait un grand et merveilleux empire, qui s’étendait non seulement sur l’île elle-même et sur d’autres mais aussi sur certaines parties du continent. Encore une fois, le professeur Frost vit dans cette phrase le souvenir de la puissance de Cnossos et sa primauté sur les autres villes de Crète comme sur toute la méditerranée.
La disparition de la civilisation minoenne interpella aussi l’auteur. La chute brutale et incompréhensible de Cnossos et des autres villes de Crète, par sa soudaineté, garde quelque chose de cataclysmique. Le parallèle n’est pas gratuit. Ce fut comme si tout le royaume de Crète s’était vu englouti comme l’Atlantide de la légende.
Cette thèse osée passera pourtant complètement inaperçue. C’est sans s’y rapporter, l’esprit libre de toute influence, qu’un archéologue grec devait trouver des indications frappantes sur la fin des Minoens.
Marinatos
Plus de vingt ans se sont écoulés, nous sommes en 1932, durant cet été chaud et sec que la Crète connaît chaque année. Le professeur Marinatos conduit des fouilles près d’Amnisos. On découvre une maison… remplie de pierres ponces ! La Crète n’étant pas une île volcanique, comment ces débris ont-ils pu aboutir sur cette grève ? Bien vite l’archéologue arrive à la seule hypothèse plausible. La maison aurait été frappée par un tsunami qui aurait charrié ces pierres.
A quelque temps de là, le professeur met à jour une magnifique habitation –la Villa des Fresques- dans l’antique port d’Amnisos. Comme beaucoup de bâtiment de la haute antiquité, des dalles dressées verticalement surmontaient la plinthe du soubassement. Ces orthostates, longues de deux mètres, ont été éjectés de leur emplacement normal comme sous l’effet d’un tremblement de terre ou d’un raz-de-marée. Pour Marinatos, il y a là des signes évidents d’un cataclysme de grande amplitude. Comme les dégâts n’ont jamais été réparés, on peut admettre que c’est cette catastrophe qui a conduit à l’abandon du site d’Amnisos.
En 1939, l’archéologue grec a réunis suffisamment de preuves pour se permettre d’écrire dans la célèbre revue Antiquity. Son article, The volcanic destruction of minoan Crete, relie la disparition de l’empire crétois et l’abandon du palais de Cnossos, vers 1 500 av. J.C. à une explosion volcanique d’une force inouïe. L’île plutonienne de Santorin, à 120 Km au nord de la Crète, est le site le plus probable de cette catastrophe.
Autrefois connue sous le nom de Théra, Kallistê (la « très belle île ») et même Strongylê (l’ « île circulaire »), il n’en reste maintenant plus que trois morceaux disposés autours d’une grande baie. En fait, la structure de l’ensemble -abruptes falaises de pierres ponces, lave et cendres entourant une eau profonde- ne laisse aucun doute. Nous avons là ce qui reste d’une caldera, les vestiges du cratère d’un volcan gigantesque.
Cette ruine spectaculaire n’a pas toujours eu ce visage. Des sondages archéologiques ont mis à jour une terre brune très fertile sous les cendres et les pierres ponces. Dans cette couche minoenne, des restes de végétations, de poteries et de grosses pierres taillées furent découvertes.
Jusqu’au tremblement de terre de juillet 1956, il n’y eut pas de véritables recherches archéologiques sur Santorin. L’ébranlement eut ceci de positif qu’il mit à jour les restes pitoyables d’ossements, de dents et de bois carbonisé sous la couche de pierres ponces. Les restes datés au carbone 14 livrèrent des estimations qui oscillaient entre 1090 et 1410 avant notre ère. Quant aux poteries découvertes sur le site, elles étaient d’un style très homogène, le minoen IA. Cette période correspond à la fin de l’empire crétois, c'est-à-dire aux alentours de -1 500. L’éruption et la disparition de la culture des palais seraient donc bien contemporaines.
Mais c’est seulement à partir de 1967 que Marinatos exploita les ruines d’Akrotiri. Cette campagne de fouille lui permis de ramener le vieil établissement minoen à la lumière. Comme, à nouveau, l’examen des vestiges faisait coïncider éruption volcanique et disparition de la civilisation minoenne, l’archéologue relia ces événements à la légende de l’Atlantide (Sp. Marinatos, Some Words about the Legend of Atlantis, 1971).
D’autres détails – culte taurobolique, agriculture intensive, irrigation, couleur des roches- firent immédiatement songer à la description de l’Atlantide dans le Critias de Platon. L’attrait de ce rapprochement se retrouva encore renforcé par le niveau de civilisation qu’avait atteint la ville au moment de sa destruction. Des canalisations de plomb ont été trouvé dans les murs des maisons. Quant au réseau hydraulique, avec ses aqueducs, il était tout à fait comparable à celui que l’empire romain édifia un millénaire plus tard. La maîtrise affirmée des Minoens dans les domaines de la peinture, de la sculpture, de l’architecture et de la navigation en font un des peuples les plus avancés de leur époque.
J.V. Luce
Luce s’était passionné pour les thèses de Marinatos. Seulement, elles se heurtaient à un grand scepticisme de la part des archéologues. Il leur paraissait impossible que la destruction de Théra ait pu engendrer la fin de l’âge minoen. Les preuves qu’il leur fallait pour être convaincu, Luce les chercha aussi bien dans la vulcanologie que dans l’histoire et la mythologie.
Par la vulcanologie, Luce obtint aussi bien des preuves directes qu’indirectes. Des sédiments marins prélevés sur le fond de la Méditerranée révélèrent la présence de cendres volcaniques. Leur composition était similaire à celle des dépôts de l’île de Santorin. On a pu ainsi définir quelles étaient les régions qui avaient subies les conséquences de ce cataclysme. La Méditerranée orientale, des côtes de la Grèce jusqu’à l’Egypte, avait été touchée.
Des fléaux de l’ampleur de l’éruption de Théra furent heureusement rares au cours de l’histoire de l’humanité. Néanmoins, le tsunami du 26 décembre 2004 démontre bien la violence de telles catastrophes. Dans ce cas de figure, l’ampleur des dégâts doit d’ailleurs plus à la densité de population qu’à la seule puissance destructrice du phénomène. Le mur d’eau qui a dévasté Banda Aceh (Sumatra) atteignait vingt mètres de haut, mais ailleurs il avait seulement cinq à dix mètres. Par comparaison avec le mur de 524 mètres qui a ravagé la baie de Lituya en Alaska, c’était un « petit » tsunami. Pourtant, la vague s’est enfoncée jusqu’à trois kilomètres dans l’intérieur des terres. En certains endroits, la dévastation a été telle qu’un sauveteur l’a rapproché de l’explosion d’une bombe atomique.
Le tsunami du 26 décembre est né d’un séisme d’une intensité de 9,3 sur l’échelle de Richter et s’est propagé à la vitesse d’un avion de ligne. Sa force et l’effet de surprise suffisent à expliquer l’ampleur des destructions. L’éruption de Théra fut une manifestation encore plus violente. On ne peut la comparer qu’à un phénomène semblable, comme l'explosion du Krakatoa.
En 1883, ce volcan explosa dans une déflagration visible à plus de 1 480 kilomètres. 290 villes et villages furent détruits. 36 000 personnes trouvèrent la mort. Quelques jours avant l’explosion, des navires naviguant entre 16 et 64 Km du Krakatoa virent apparaître « des boules de feu blanches » dans sa direction. Des pierres ponces, projetées par le volcan retombaient partout dans la mer. Le panache de cendre et de fumée qui surplombait le cratère fut estimé à près de vingt-cinq kilomètres de haut. Son ombre plongeait la région entière dans la nuit. Dans l’obscurité, il ressemblait à un « immense pin, dont le tronc et les branches étaient dessinés par des éclairs volcaniques. » Alentour, l’air était chaud et étouffant, empuanti par la cendre et le soufre.
Le 27 août, le volcan se désintégra en quatre explosions d’une extraordinaire brutalité. L’île se brisa, la partie nord et tout ce qui affleurait les flots disparurent. Un nuage de poussière s’éleva jusqu’à 80 Km de haut, chassant 18 Km³ de matière jusque dans la haute atmosphère. Les effets climatiques furent ressentis jusqu’à Londres où la neige se mit à tomber, et à Paris, le 26 novembre 1883, où le ciel s’embrasa comme sous l’effet d’un gigantesque incendie.
A Batavia, à 160 Km de Krakatoa, le souffle de l’explosion fissura les murs et une épaisse pluie de cendre tomba jusque vers trois heures de l’après-midi. La destruction du volcan est la plus formidable déflagration auquel l’homme contemporain ait assisté, 70 000 fois la bombe d’Hiroshima ! Elle fut entendue jusqu’à 4000 Km de distance et les vagues du tsunami firent le tour du monde.
Ce scénario transposé du détroit de la sonde, entre Bornéo et Java, à la Méditerranée n’en fait qu’accroître le coté spectaculaire. Le tsunami, attesté archéologiquement à Chypre et en Palestine, aurait soulevé un mur d’eau de 50 mètres de haut. La Crète, la Libye, le delta du Nil et toutes les îles jusqu’à la côte grecque furent ainsi balayées. On a même suggéré que la transformation du jour en nuit, l’une des dix plaies de l’Egypte (Exode 10. 22), aurait été provoqués par les pluies de cendres qui auraient suivi l’explosion de Théra. En tout cas, on les trouve répandues sur une superficie qui dépasse 300 000 Km². Aux destructions engendrées par cette vague monstrueuse il faut encore ajouter la famine qui suivit le salage des terres et les maladies transmises par l’eau (choléra, diarrhée, typhoïde…). Au vu des dégâts et de la zone touchée, il est douteux que la civilisation minoenne ait pu se relever d’un tel coup du sort.
Luce ne s’est pourtant pas contenté de témoignages archéologiques pour valider la théorie de Marinatos. Un événement aussi effroyable que l’explosion de Théra avait sans doute traumatisé ceux qui y survécurent. Des siècles après, légendes et mythes devaient encore en porter des traces. A ce sujet la mythologie grecque est d’un secours précieux.
Au terme de l’affrontement entre Thésée et le Minotaure, Poséidon apparaît. Le monstre issu des noces de Parsiphaë et d’un taureau sacré du dieu était cher à ce dernier. Pour marquer sa colère, celui que les Grecs surnommaient l’«ébranleur des terres » déclencha un terrible séisme. Poséidon apparaît aussi dans l’Iliade lorsque Homère raconte que les Troyens ont été en guerre contre Héraclès, l’envoyé du dieu. Or, nous savons par l’archéologie que Troie VI, la ville qui prédécédé directement la Troie homérique, a été détruite par un tremblement de terre. D’après les datations, ce cataclysme serait globalement contemporain de l’éruption de Théra et peut-être une conséquence de celui-ci.
Plus intéressant encore est le récit des Argonautes. Sur le chemin du retour, s’étant emparé de la Toison d’Or et de la belle Médée, Jason fait halte dans la rade dictéenne, en Crète. Le héros et ses compagnons « virent se dresser devant eux une formidable statue d’un géant de bronze qui les bombarda avec des blocs de rocher. Terrorisés, les Argonautes reconnurent Talos, le géant donné à Minos par Héphaïstos. C’était le gardien de l’île et il patrouillait dans tous les sens en se déplaçant sur ses jambes d’airain. Le bronze avec lequel Héphaïstos l’avait fabriqué le rendait invincible. Seule une veine de sa cheville était vulnérable car protégée uniquement par une mince membrane.
- Fuyons ces rivages funestes », se dirent les marins.
Mais Médée se lève et leur dit :
- Ne perdez pas courage. J’ai un moyen de terrasser le géant. »
La magicienne lui jette un sort. A l’instant la vue du géant s’obscurcit. Et quand il soulève un bloc de pierre, Talos se blesse la cheville contre une arête rocheuse.
Alors, son sang se mit à couler comme un flot de plomb fondu et, perdant rapidement ses forces, le géant tomba du rocher escarpé où il se tenait, avec un horrible craquement. »
Pour Luce, Apollonios de Rhodes a écris dans Les Argonautiques un récit imagé de la fin de Théra. « … Les projections de pierres, les veines à la cheville, l’effondrement et la mort du géant sont des détails significatifs. Le personnage de Talos incarnait le souvenir que les grecs avaient conservé du volcan Théra. Théra « garde » les approches septentrionales de la Crète qui étaient fréquentées par les premiers marins mycéniens. La charpente de « bronze inébranlable » représente la paroi du cratère nouvellement formé sur la montagne de Théra telle qu’elle était alors. Les rochers qu’il projette sont les « bombes » lancées par la cheminée du volcan. Il s’affaisse et demeure « en repos » quand tout son sang s’est écoulé comme du « plomb fondu », ce qui rappelle le refroidissement et la solidification des coulées de lave après la fin d’une éruption. »
Luce continue ensuite à confronter récit mythologique et archéologie : « … La légende de Talos pourrait s’être formée au cours des vingt ou trente années qui s’écoulèrent entre le réveil du volcan (1 500 avant J.C.) et sa désintégration finale (1 470 avant J.C.). Pendant cette période, Théra avait probablement été désertée et constituait un objet d’effroi pour les habitants des îles environnantes. Si son sommet central dépassait réellement 1 200 mètres d’altitude, comme le pensent certains géologues, il aurait été nettement visible depuis la Crète. Les habitants de Cnossos peuvent très bien avoir contemplé avec appréhension cet étrange et agressif « gardien » que les dieux leur avaient envoyé, une montagne géante qui s’était mise à flamboyer comme un fourneau de bronze après être resté longtemps en repos. »
En 1992, des géologues ont publié le résultat de leurs recherches sur le volcanisme de Santorin. Il est alors apparu que la plage de temps entre le réveil du volcan et son anéantissement a été plus longue que ce que l’on avait supposé jusqu’alors. En effet, l’éruption qui a dévasté l’île a pu être daté précisément de -1 628. L’explosion finale n’aurait pas suivi vingt ou trente après, mais bien après quatre cent ans ! Le problème c’est qu’à ce moment, vers - 1 200, la civilisation palatiale minoenne avait déjà disparu depuis au moins deux cent cinquante ans. Plus récemment encore, une autre expertise géologique a donné des résultats encore plus contradictoires. La date de l’abandon de l’île ne fut pas remise en question. Néanmoins, la grande explosion qui aurait dévasté Théra aurait été bien antérieure, sans doute de plus de huit mille ans. L’hypothèse est intéressante, surtout dans le cadre de mes propres théories. Seulement, elle se heurte à une impossibilité archéologique. Dans les ruines de l’antique Akrotiri, cité minoenne de Santorin, on a trouvé une fresque. La dite fresque représente l’île telle qu’elle était vers -1700. Or, on constate de nombreuses différences avec son apparence actuelle. L’île centrale était beaucoup plus vaste qu’à présent et occupée par une ville importante. La caldera formait encore l’île circulaire qui lui avait valu son nom antique de Strongylê. Une « simple » éruption ne pouvant avoir détruit 34 Km³ de roche, on ne peut qu’en déduire le caractère postérieur de l’explosion sur la fresque.
A propos, vous avez noté la description que je fais de l’île de Théra durant l’antiquité ? Ne vous paraît-elle pas proche de celle que Platon donne de l’Atlantide ? L’alternance de cercles d’eau et de terre, la capitale de l’île en son centre, mais reliée à la mer par une brèche qui a permis à l’eau de s’engouffrer dans la caldera. Même les roches noires et rouges sont semblables à celles que décrit le philosophe grec. L’un des noms antiques de Santorin, Kallistê (la « très belle île »), rappelle sa beauté insolite mais aussi le niveau de vie de ses habitants. La terre volcanique très fertile leur permettait des récoltes abondantes. Cela aussi cadre avec les descriptions du Critias.
On peut aussi confronter la description de Platon avec celle du géant Talos par Apollodore de Rhodes. Talos est un géant de bronze massif, donc invincible. Cela ressemble beaucoup à la muraille d’orichalque qui enserrait le cœur de l’Atlantide. Orichalque est un mot qui veut dire « cuivre des montagnes » en grec ancien. Platon souligne que c’est « le métal le plus précieux après l’or » et « que l’on extrayait de la terre en maint endroit de l’île ». Ce devait être un matériau durable puisque c’est sur la stèle d’orichalque au centre de l’île qu’avaient été gravées les lois de Poséidon.
Décrit ainsi, l’orichalque est soit un métal simple, soit un composé naturel. En tout cas, ce ne peut être le laiton comme le pensaient les sages de l’antiquité. Le laiton (cuivre + zinc) n’a pas ce flamboiement de feu qui caractérise l’orichalque.
Le mot orichalque pourrait désigner un métal dur et précieux, mais peut-être aussi une matière très résistante. Talos est la personnification d’un volcan, nous l’avons vu grâce à Luce, et qu’est-ce que le volcan produit en abondance et qui soit connu pour sa solidité ? Le basalte, la roche qui forme la muraille naturelle qui entourait Théra.
Nous avons vu, un certain nombre de preuves, d’indices et de déductions inspirés par la mythologie, l’archéologie et la géologie. Comme l’univers grec est riche d’historiens et de géographes, ceux-ci nous apprennent beaucoup sur l’antique civilisation minoenne.
Thucydide (de 465 à 395 av. J.C.) - l’auteur de l’Histoire de la guerre du Péloponnèse- raconte qu’il y eut une époque où la Crète était une puissance hégémonique. Son empire était alors étendu sur la plus grande partie de la Méditerranée. Les Crétois auraient levés une puissante flotte pour envahir les Cyclades. Là, ils auraient combattu les Cariens qu’ils chassèrent des îles. Par la suite, des gens de leur propre peuple prirent leur place et fondèrent des colonies. Les minoens auraient ensuite purgés les mers des pirates pour pouvoir profiter du trafic maritime commercial.
Cette vision a été confirmée par l’archéologie. En effet, des traces d’établissement crétois ont été retrouvées à Cythère, Kéos, ainsi que dans toute les Cyclades, particulièrement à Mélos, Amorgos, Thèra, Siphnos et Délos. A l’est, les minoens se seraient également installés à Karpathos, Rhodes et le long des côtes d’Asie Mineure. On a découvert jusqu’en Bulgarie des tablettes écrites en linéaire A. Les poteries exhumées, en 2003, dans l’ancienne thrace sont aussi très nettement influencées par l’art des Mycénien et des Crétois.
La puissance de ce peuple était telle qu’il obligeait les nations environnantes à leur livrer un tribut sous forme de jeunes gens des deux sexes. Ce serait cette histoire qui aurait engendré le mythe du Minotaure. Comme les Minoens auraient pratiqués le sacrifice humain, leur destin pourrait avoir été aussi sinistre que sa contrepartie légendaire. En effet, en 1979, les fouilles d’Arkhanès ont permis la mise à jour d’un édifice où fut trouvé trois squelettes. L’un d’entre eux portait des traces qui indiquaient qu’il avait été égorgé. A Cnossos même, on a trouvé des ossements d’enfants portant des traces de blessures au couteau. Thucydide conclut son récit en racontant la fin de l’âge minoen : « Alors que le royaume était à l’apogée de sa gloire, un déluge de feu et de pierres s’abattit sur le pays et détruisit tout sur son passage. »
C’est après cette catastrophe que les mycéniens conquirent la Crète. A partir de 1 460 avant J.C. les palais et les villes révèlent des vestiges visiblement apparentés à ce qui se fait sur le continent. L’écriture change, remplacée par la langue grecque. Même les tombes font place à des constructions typiques de la civilisation de Mycènes.
Evidemment, la fin cataclysmique de Théra ne se fait pas sentir qu’en Crète. Le poète grec Bacchylidès narra l’histoire de l’île de Kéos, avant et après. Nous savons par le professeur John L. Caskey que cette terre fut peuplée dès le troisième âge du bronze par un peuple qui se servait de vases typiquement minoens. Comme à Théra, toute trace de cette population disparaît avec la catastrophe du XVème siècle. D’après Bacchylidès, le roi de Kéos était Euxantius, fils de Minos. Ce personnage, également cité par Pindare, aurait refusé de recevoir la « septième partie de la Crète » en héritage de son père. Euxantius expliqua son refus par le rappel des guerres qui ensanglantèrent la Crète depuis ses origines. Selon lui, elles aboutirent autrefois à un événement effroyable : « … ils ont envoyés une terre et toute une force armée vers les régions souterraines du Tartare… ». Le « ils » en question désigne les dieux Poséidon et Zeus s’affrontant à coups d’éclairs et de tridents. Une allusion sans nul doute aux orages et aux vagues monstrueuses qui dévastèrent Kéos après la destruction de Théra.
Ces textes sont intéressants, mais prouvent-ils que la Crète est l’Atlantide de Platon ? Non, ils ne le démontrent pas, évidemment. Bien plus, leurs comparaisons avec le Critias se heurtent à deux contradictions. La première est temporelle. Les prêtres égyptiens de Saïs ont dit à Solon que le cataclysme daterait de 8 000 ans. Solon vivait au septième siècle avant J.C. Ce qui placerait la submersion de l’Atlantide vers 8 700 avant notre ère. Théra aurait été détruite vers - 1 600, ce qui fait quant même une différence de 7 000 ans ! Difficile de croire à une telle erreur de datation.
La seconde contradiction est cette fois-ci géographique. En effet, Platon situe l’Atlantide au-delà des Colonnes d’Héraclès, donc en Atlantique. Or la Crète se trouve dans l’est de la Méditerranée.
Apparemment, les deux théories sont inconciliables. Seulement les apparences sont souvent trompeuses. Faites attention à mon énoncé ! Lorsque les prêtres de Saïs dirent à Solon que le cataclysme daterait de 8 000 ans, ils parlaient de 8 000 de leurs années. Solon savait-il que les Egyptiens comptaient en lunaisons ? Selon le cycle de Méton, dix-neuf années solaires correspondent à 235 lunaisons. 8 000 lunaisons coïncident donc à peu de chose près à 647 ans de notre calendrier. L’Atlantide aurait donc été submergée vers – 1 350. Bien sûr nous avons plusieurs siècles de différences entre cette estimation et la date supposée de la destruction de Théra. Cependant, l’histoire de la haute antiquité abonde en approximation de cet ordre.
Un autre indice peut être trouvé dans les écrits de Diodore. Citant Le voyage à l’Atlantide du mythographe Denys de Milet, l’historien rapporte que la disparition de l’Atlantide aurait eut lieu 2500 ans avant la rédaction de cet ouvrage. Encore une fois, je ne prétends pas à l’exactitude historique. Néanmoins, cette date parait plus rationnelle que l’interprétation littérale du Critias.
Revenons à la localisation de l’Atlantide. L’île porte un nom forgé à partir de celui d’Atlas. Le premier roi d’Atlantide ne s’appelait pas réellement Atlas. Solon a fait ce que fait tout bon grec confronté à des dieux étrangers, il l’a identifié à un dieu de son propre panthéon. Le nom n’a donc pas été choisi au hasard. L'indentification devait s’inspirer des attributs qu’évoquaient les Egyptiens.
Le monde vu par les Grecs de l’époque de Solon nous paraîtrait certainement risible. Il était centré sur la Méditerranée (la mer intérieure) et comprenait ce qu’ils connaissaient de l’Europe, du Moyen-Orient et du nord de l’Afrique. Cette terre serait encerclée par un grand océan, la mer extérieure, qui rejoindrait la mer intérieure au niveau des Colonnes d’Héraclès. Autour de la mer extérieure se trouverait le « vrai continent » qui encerclerait le disque du monde. Le ciel était séparé de la terre grâce à un Titan, Atlas, qui vivait à l’extrémité du monde connu, non loin du jardin des Hespérides (Théogonie 517-518). Ce jardin peuplé par les filles de la Nuit, Hésiode le situe loin au-delà de l’Océan, à l’Ouest.
De leur côté, les Egyptiens avaient une vision encore plus réduite. Pratiquement, elle se limitait à l’Egypte, ses abords immédiats et la Méditerranée orientale, qu’ils appelaient « grande mer de l’Ouest ». Des piliers, aux quatre coins du monde, séparaient la terre du ciel.
Il faut se couler dans ces mentalités différentes et imaginer les difficultés de traduction pour comprendre ce qui va suivre. Si la Crète est bien l’Atlantide, par quels mots les prêtres de Saïs l’auraient désigné ? En égyptien, l’île était appelée Keftiu, elle était située « loin à l’Ouest » (en fait, dans la mer de l’Ouest, la Méditerranée) si loin d’ailleurs que c’est là que les dieux avaient placé un des piliers qui soutenait le ciel.
Voilà certainement ce que dirent les prêtres à Solon. Pour le Grec, le nom Keftiu n’évoquait rien. Néanmoins, la mer de l’Ouest ne pouvait qu’être la mer extérieure, l’Atlantique. La mention du pilier du ciel lui fit penser alors à Atlas. De fait, Hésiode mentionne Atlas comme support de l’Univers. Une punition imposée par Zeus pour un crime que la mythologie n’a jamais mentionné (Voir Théogonie 519-520). Sans doute aussi, Solon, en Grec cultivé, se rappela-t-il la lamentation d’Athéna dans le chant I de l’Odyssée vers 48 à 54 : Mais, quand je pense à Ulysse, mon cœur se fend : l’infortuné ! Depuis longtemps il souffre loin des siens dans une île des eaux au milieu de la mer : dans les bois de cette île une déesse loge, la fille du féroce Atlas qui connaît les abîmes de la mer, et qui porte à lui seul les colonnes puissantes par lesquels terre et ciel sont séparés.
Les mythes de l’archéologie ont la vie dure et l’identification de l’Atlantide à la Crète minoenne se heurte aux préjugés du public comme à son avidité pour l’extraordinaire.
Lorsqu'Arthur Evans déterra les ruines de Cnossos, inspiré par son fouillis de couloirs, il y vit l’origine du mythe du Labyrinthe conçu par Dédale pour emprisonner le Minotaure. Tout le reste en a découlé. Le palais ne pouvait être que celui de Minos, fils de Zeus, renommé pour sa sagesse. La beauté des fresques et le caractère paisible des scènes représentées ne pouvaient que militer en faveur du caractère pacifique des Crétois.
Le problème, c’est que Minos ne s’est jamais assis sur le trône qui porte son nom. La plupart des pièces de monnaies trouvées à Cnossos représentent une figure féminine. Les archéologues l’ont nommée « la déesse aux serpents », à cause des ophidiens qu’elle tient dans chacune de ses mains. Pendant des années, on a estimé qu’il s’agissait de l’image d’une divinité. On a bien là une figure de pouvoir, sa représentation sur des pièces de monnaies et sur des statuettes le prouve amplement. Bien plus, les serpents entre ses mains symbolisent le contrôle d’une puissance létale. Pensez à l’arcane XI du tarot qui représente une femme qui ouvre la gueule d’un lion. Il s’agit d’une figuration de la force. Le choix des serpents plaide plutôt dans son cas pour un pouvoir basé non sur la coercition, mais plutôt sur l’habileté et la connaissance. En effet, depuis l’aube de l’histoire, le serpent représente celui qui rôde partout, jusque dans le cœur de la terre mère pour en apprendre les secrets. On ne peut soigner la morsure du serpent que par le sérum que l’on tire de son venin. C’est donc aussi le pouvoir de donner comme de reprendre la vie. Une symbolique que l’on retrouve sur le caducée d’Hermès qui sert de nos jours encore à désigner les médecins, maîtres dans l’art de guérir. Plus important encore, cette « déesse » est représentée entourée de dauphins. Les mêmes dauphins qui encadrent le trône du palais de Cnossos. Il se pourrait bien que la Crète minoenne ait été un matriarcat.
Quant au pacifisme des Crétois, il est sévèrement remis en question par les dernières découvertes des archéologues et des historiens. Nous avons déjà vu que les minoens s’étaient implantés par la force dans les Cyclades, chassant de leurs terres les Cariens qui y habitaient avant eux. Il n’y a nul lieu de douter que leur expansion vers les autres archipels ne fut pas plus pacifique. En Palestine, les Crétois fondèrent la ville de Kaphtar (1) . Une ville que nous savons être peuplée par les… Philistins. Inutile de rappeler que les dits Philistins ne se firent pas connaître de leurs voisins par leur douceur de vivre mais bien par leur ardeur expansionniste. A propos, vous rappelez vous de ce passage de la Bible (Juges 25-30) où Sanson abat les colonnes jumelles du temple philistin ? Ne vous rappelle-t-il pas le supplice d’Atlas ? En définitive, la démolition des colonnes du temple de Dagon symbolise bien la destruction du monde des Philistins. Quant à ce même Dagon ne serait-ce pas le dieu que Platon nomme « Poséidon » dans le Critias ? A mon avis, la proximité de ces différents mythes est plus qu’un simple hasard. L’histoire d’Atlas et celle de Sanson ont vraisemblablement une origine commune, source oubliée qu’il ne peut venir que de Crête.
Ce n’est pas d’ailleurs le seul cas de convergence entre la Bible et la mythologie grecque. Peut-être sont-elles le seul fruit du hasard, ou peut-être pas, le monde méditerranéen est finalement très fermé. Pour aider Paris à séduire Hélène, Aphrodite aurait remis une pomme que le Troyen devait tendre à la belle. Cette histoire apparaît déjà dans la Genèse, lorsqu'Eve est séduite par le Serpent qui l’invite à prendre le fruit de l’arbre de la connaissance et à le partager avec Adam. L’histoire des religions permet d’identifier le Serpent comme une très vieille divinité du panthéon proto-hébraïque, Hêjêlêl ben Shashar. [Le seigneur de la haute corne (lunaire) fils (et incarnation) de l’aurore] personnage identifié à l’archange déchu Lucifer. Or Hêjêlêl ben Shashar est une sorte de double masculin de la déesse babylonienne Ishtar, un dieu de l’amour doté d’un double destructeur. Si les points communs entre ces deux histoires sont patents, il faut encore rajouter une troisième mythologie pour mieux en souligner les convergences. Les Philistins, et donc les Crétois, avaient une déesse de l’amour dans leur panthéon. Elle s’appelait Derketo. Quel est l’attribut de cette déesse ? Des pommes, bien sûr ! Les pommes de Derketo sont des fruits d’une merveilleuse beauté, pourtant celui qui mordrait dedans connaîtrait une mort rapide et douloureuse. Les trois mythes donnent à la pomme une nature ambiguë. On interprète généralement le « fruit défendu » comme la découverte de la sexualité et du péché. Cette connaissance fait de l’homme l’égal de Dieu et donc ce dernier –jaloux- le chasse du paradis. Dans l’Iliade, Aphrodite offre à Pâris l’amour de la plus belle des femmes mais cet amour détruit son peuple, sa ville et le tue finalement. Le mythe philistin, le plus simple, est également le plus facile à appréhender. Le fruit de l’arbre de la déesse Derketo est le plaisir d’amour tel que connu par les dieux. L’homme mortel n’est pas fait pour connaître une telle extase, elle lui serait fatale. Les récits tournant autour de fruits merveilleux sont légions dans la mythologie grecque. On pourrait encore citer le onzième travail d’Héraclès. Aidé par Atlas, le demi-dieu avait dû s’emparer des pommes d’or des Hespérides, gardées par les filles de la nuit et le dragon Ladon. Cependant, c’est peut-être chercher un peu loin les correspondances entre tentatrices, grand serpent et arbre aux fruits merveilleux.
Platon mentionne la puissante charreterie des Atlantes. Or, on n’a jamais trouvé de traces de char de guerre en Crète durant l’époque minoenne.
Quant à la puissance militaire réelle des Minoens, il est difficile de l’exprimer en l’absence de texte. Nous avons bien trouvé des tablettes en écriture pictographiques (utilisée de 2 000 à 1 600 avant J.C.) et en Linéaire A (utilisée de -1 900 à -1 450) néanmoins, ces deux écritures restent non traduites. Tout ce que l’on sait de la langue minoenne c’est qu’elle n’était pas apparentée au grec. Cependant, Arthur Evans découvrit à Cnossos une salle remplie de tablettes écrites en Linéaire B, c'est-à-dire en grec syllabique. Traduit par Michael Ventris, elles nous livrèrent un inventaire des chars et des équipements qui y sont liés. Malheureusement, le texte daterait de l’époque mycénienne et serait postérieure à la civilisation minoenne. A cette époque, le palais de Cnossos devait fournir de 60 à 80 chars et le double de chevaux, ainsi que des armures de bronze pour 120 à 160 combattants de char. Leurs équipements étaient sans doute personnels puisque l’on n’en retrouve pas trace dans les archives. Il se composait sans doute d’armes de jet tel l’arc, la fronde et le javelot. Au contact, les combattants se servaient d’épées longues et courtes, parfois utilisées par paires, ainsi que divers « sabres » dont l’aspect ne nous est pas connu. Des piques et des lances ont également été retrouvées. Néanmoins, on ignore si elles étaient utilisées par les équipages de char ainsi que ce fut le cas à l’époque homérique. Comme l’équipement des mycéniens était extrapolé de celui de leurs prédécesseurs, je suppose qu’il donne une bonne idée de ce qu’était l’armée minoenne. Reste à savoir quel était le nombre des chars minoens. Il semble logique de penser qu’ils en disposaient d’un plus grand nombre puisque l’île était plus peuplée avant l’explosion de Théra. Mais combien de fois plus ? Assez en tout cas pour que les Crétois envoient une aide à Ahmosis lorsqu’il affronta les Hyksôs.
Pour ce qui est de la supériorité des lois et de la culture atlante, elles ne posent aucune difficulté quant à son identification avec la Crète minoenne. En effet, le philosophe Aristote soutenait que le système des castes en usage en Grèce avait été introduit par les Crétois. Le Linéaire B, l’écriture utilisée chez les Mycéniens, apparut d’abord en Crète et ne se répandit sur le continent qu’une centaine d’années plus tard. Elle était bien sûr directement inspirée du Linéaire A en usage chez les Minoens. La tradition indique encore des dizaines et des dizaines d’autres domaines où la culture minoenne a influencé celle des grecs. Les archéologues admettent d’ailleurs que la civilisation mycénienne n’est en rien une continuation de la seule culture helladique. L’apport des Crétois a été très profond et aurait très largement influé sur l’évolution ultérieure de la Grèce.
Il reste un dernier point à évoquer. Platon raconte que l’Atlantide aurait été en guerre contre la Grèce et l’Egypte lorsque survint le cataclysme qui l’aurait anéanti. Bacchylidès mentionne également la Crète comme un lieu de guerres sans fin. Dans son poème, le roi Euxantius se lamente au sujet du combat titanesque entre Poséidon et Zeus : «… ils ont envoyés une terre et toute une force armée vers les régions souterraines du Tartare, laissant ma mère et ma sœur et toutes les maisons fortifiées ». Hérodote raconte également que Minos partit chercher Dédale jusqu’en Sicile après qu’il lui eut échappé. Mais le roi connut une mort brutale. Pour se venger, les Crétois attaquèrent l’île avec toute leur armée, seuls les habitants de la ville de Praïsos s’abstinrent de suivre l’expédition. Néanmoins, l’armée ainsi levée ne parvint pas à prendre la Sicile. Ils étaient sur le chemin du retour quand se leva une puissante tempête qui balaya leur flotte. Les survivants ne purent repartir et s’installèrent là où la mer les avait déposés, c'est-à-dire à l’extrémité du talon de l’Italie. Ils fondèrent donc la cité d’Hyria. De leur peuple descendraient les Messapiens. Cette histoire très intéressante aurait été racontée à l’historien par les habitants de Praïsos. Or, les Praisiens vécurent isolés jusque vers 140 av. J.C. gardant intacte leur langue originelle –non grecque- et des traditions propres à la Crète minoenne. Seulement, si une telle armée avait été levée en Méditerranée à l’époque du cataclysme de Théra, il devrait en rester des traces.
C’est dans cette perspective que s’inscrit Jean Deruelle en imputant l’invasion des Peuples de la Mer aux Atlantes. Tout le problème de ce scénario vient de sa chronologie. La civilisation minoenne aurait disparu vers -1 500 alors que l’invasion des Peuples de la Mer serait survenue vers -1 200. En fait, les Egyptiens ont gardés les traces de deux de ces invasions. L’une daterait du règne du pharaon Mineptah (vers -1 230) l’autre à l’époque du pharaon Ramsès III (1 199- 1 168).
La première invasion serait une coalisation menée par « le misérable chef des Libyens, Mériraï, fils de Didi », comme le disent les inscriptions de Karnak. Les peuples réunis pour l’invasion de l’Egypte comprenaient les Akaouasha, les Toursha, les Loukkou, les Shardana et les Shakalasha. Seulement, quels peuples se cachent derrière ces appellations égyptiennes ? Les Akaouasha sont sans doute des Achéens (appartenant à la civilisation mycénienne), les Shardana, des Sardes, les Toursha, des proto-Etrusques, les Shakalasha des Sicules venus de Siciles et les Loukkou seraient un peuple d’Anatolie. La coalisation comprendrait des peuples qui appartiendraient aussi bien à l’est méditerranéen comme les proto-Etrusques et les Loukkou qu’à l’ouest avec les Sicules et les Sardes. Au premier abord cela paraît impossible, sauf si le lieu où ces armées se seraient regroupées fut accessible à tous. Le décompte des tués indique 6369 Libyens, 742 Toursha, 222 Shakalasha et quelques centaines de Shardana, Akaouasha et Loukkou. Le petit nombre de ces trois dernières ethnies semble indiquer qu’elles venaient de très loin. Or, dans la Méditerranée de cette époque, il n’existe qu’un seul lieu possible pour une telle réunion de peuples, la Crète. Néanmoins, les Egyptiens connaissaient bien les Crétois. Le nom qu’ils leur donnaient, les Haou Nebout, est absent du texte de Karnak. Il ne peut y avoir d’erreur. La chronologie comme le texte de Karnak excluent la présence de Minoens parmi les Peuples de la Mer.
La seconde invasion est mentionnée dans les inscriptions du temple de Médinet-Habou. Cette attaque est beaucoup plus puissante que celle qui l’a précédé. Les Hittites, la Cilicie, l’île de Chypre, les royaumes kardémish et Arzawa de l’ouest de la Turquie ainsi que la Syrie succombent sous les attaques des Peuples de la Mer. La victoire de Ramsès III, en -1190, évite à l’Egypte de connaître ce même destin. Malgré cela, le pays des deux royaumes ne fut pas totalement épargné. Le prix du blé passa de 1u31; debens à 5u31; debens par sac. A tel point que la famine conduisit à la première grève de l’histoire.
Cette nouvelle confédération des Peuples de la Mer regroupe les Péleshéta, les Tchakkara, les Shakalasha, les Danaouna et les Ouashasha… Les Péleshéta (qui semblent correspondre aux Philistins) étaient les plus nombreux. Lorsque Champollion traduisit le texte du temple, il s’étonna de l’habillement et de l’armement des Philistins. Le premier, il en vint à soupçonner que les Philistins n’étaient pas un peuple sémite mais bien européen. Nous l’avons vu, il s’agissait de Minoens établis en Palestine. Les Shakalasha pourraient être les habitants de Sagalassos en Pisidie, quant aux Ouashasha, il pourrait s’agir des habitants de la ville d'Ouassos en Turquie. Les Danaouna renvoient au terme homérique Danawoi qui désigne les Grecs à l’époque de la guerre de Troie.
Tout cela reste plus que nébuleux. Cependant, une étude approfondie de la Méditerranée avant et après la destruction de Théra permet de se rendre compte de certaines modifications importantes. Les Philistins sont des Minoens qui auraient survécus à la disparition de leur civilisation. A partir du XVème siècle avant notre ère, ils furent progressivement absorbés par des éléments achéens. A tel point que leurs poteries devinrent si semblables à celles des Mycéniens qu’il est impossible à un non-spécialiste de les différencier. Ils subirent aussi des influences tant chypriotes que cananéenne qui déteignirent sur leur langue et leur architecture. Sans compter qu’ils appartenaient indiscutablement à l’ère d’influence de la culture égyptienne. La Bible cite fréquemment les Philistins en Palestine avant l’époque de Ramsès III. Il s’agirait alors de Minoens. Pareil en fait pour les Danaouna/Dananiens. Il est fait mention d’une cité du nom de Dan dans la Genèse (14.14). C’est derrière ses murs que se réfugièrent les rois Amraphael de Schinear (notez le radical de son nom, « rapha », nous avons affaire à un Géant), Arjoc, roi d’Ellasar, Kerdolamer, roi d’Elam et Tideal, roi de Gojim. Ils venaient de livre bataille à Sodome et Gomorrhe, pillant ces deux villes. Mais ils commirent l’erreur d’enlever également Lot, le fils d’Abraham. Aidés seulement de quelques serviteurs, il eut bien sûr tôt fait de libérer son fils. Cette cité se trouverait quelque part entre la Cilicie et Damas. En effet, en 1947, l’archéologue Bossert a trouvé une inscription à Karatépé en Cilicie faisant référence au roi Awrik des Dananiens. Certains de ces habitants auraient pu émigrer jusque dans le nord de la Palestine et seraient à l’origine de la tribu de Dan. Ces peuples et probablement aussi les Tchakkara qui habitaient la ville de Dor, ancienne colonie minoenne, descendraient des Crétois.
Il y aurait donc bien eut une invasion, venue de Crète, formée en partie de descendants des Minoens mais pas sous leur commandement. En fait, les Mycéniens de Crète pourraient être à l’origine des invasions des Peuples de la Mer. Il semblerait que l’invasion des Peuples de la Mer serait liée à la guerre de Troie. Or, l’archéologie montre que l’affaiblissement des Troyens, leur vulnérabilité, aurait pour origine le tremblement de terre qui avait détruis Troie VI. Comme dans le Timée, l’association entre la guerre qui a ravagé la Méditerranée et un cataclysme est encore une fois avancée.
L’invasion des Peuples de la Mer aurait donc été formée sur l’instigation des Mycéniens. Pourtant, encore une fois, je ne vois là aucune contradiction avec le mythe de l’Atlantide. Rappelez-vous ce que disait Platon au sujet du sang divin des Atlantes. C’est son affaiblissement qui aurait conduit à la décadence de l’Atlantide. Si ce sang divin était en fait le caractère minoen des Crétois, le métissage qui les aurait affaiblis serait l’apport des Mycéniens. On n’a jamais trouvé de trace d’une invasion de la Crète par les Mycéniens. Peut-être sont-ils entrés pacifiquement dans l’île en profitant de l’affaiblissement du pouvoir central de l’île. Le cataclysme n’aurait donc pas mis fin à la Crète minoenne mais à la Crète mycénienne. D’ailleurs, d’après Hérodote, la guerre de Troie n’eut lieu que trois générations après la mort de Minos. Même en tenant compte des approximations habituelles des Grecs, il est improbable qu’ils prennent trois générations pour cinq siècles. Le terme Minoen utilisé pour qualifier la crête antérieure au XVème avant J.C. ne doit pas faire illusion. Evans était pétri de mythologie, mais si Minos, le roi légendaire, a réellement existé, il aurait été un roi de la Crète mycénienne. La chronologie ne laisse aucun doute sur ce sujet. N’oublions pas non plus que cette civilisation a disparu brusquement, en pleine apogée, vers le XIème siècle avant J.C. Le secret de l’écriture fut perdu pendant trois siècles et ce fut avec un alphabet emprunté aux phéniciens que l’Iliade fut couchée par écrit.
Les Minoens historiques :
Que savons-nous réellement des Minoens ? Peu de chose en fait. Les premiers palais apparaissent dès 2200 av. J.C. D’abord à Cnossos, au Nord, à Phaïstos au Sud et peut-être déjà à Mallia au Nord-Ouest. Le Palais de Zakros, à l’extrémité orientale de la Crète serait plus tardif. On a émis l’hypothèse que chaque palais ait été le centre d’un pouvoir indépendant. Toutefois, les similarités entre objets suggèrent plutôt un pouvoir centralisé à Cnossos. Quant aux « palais » il est probable qu’ils étaient plus que des résidences royales. On doit probablement y voir des centres religieux et administratifs.
L’écriture des Minoens est contemporaine des premiers palais. La première écriture crétoise (de 2000 à 1600 av-J.C) est une suite de signes pictographiques que l’on a retrouvé sur des sceaux et des tablettes d’argile. Son usage semble surtout avoir été administratif. C’est de cette première écriture qu’est issue celle utilisée de –1900 à –1450, le linéaire A. Celle-ci a été retrouvée sur les tablettes des palais.
Ces deux écritures restent complètement non traduites. On ne peut – dans l’état actuel des connaissances- qu’avancer une seule assertion : Les Crétois ne parlaient pas grecque !
Le linéaire B utilisée en Crète et en Grèce après la chute des Minoéens est issus du linéaire A mais sert à écrire le grec de la haute antiquité. Grâce à Michael Ventris, cette dernière langue a été décryptée.
Cultes tauroboliques :
Tout le monde a en tête cette magnifique fresque de Cnossos montrant un garçon effectuant un saut périlleux au-dessus d’un taureau. Une fille tend les bras pour le recevoir, un garçon se prépare pour sauter à son tour. Cette scène a été très largement représentée sur les sceaux, les bronzes et les ivoires minoens.
On ignore toutefois la signification de ce sport. Peut-être s’agissait-il d’un rite religieux ? Encore une fois, les légendes grecques sont notre seul… fil d’Ariane. La mythologie fait de la Crète l’un des lieux de naissance du dieu Zeus. Ce « Zeus » est probablement une divinité propre aux Crétois qui a été assimilé au Zeus grec.
Ce « Zeus » est mentionné dans la légende d’Europe où c’est sous l’apparence d’un taureau blanc qu’il séduisit et enleva la jolie mortelle. Il eut trois enfants d’elle, dont Minos.
On peut aussi penser au Minotaure (encore lui). Mais si le mythe porte en lui le souvenir de la sujétion des Grecs aux Crétois, il ne contient guère d’autres éléments. Tout au plus peut-on supposer que le culte taurobolique des Crétois nécessitait des sacrifices réguliers.
La déesse aux serpents :
Une autre représentation courante de la civilisation minoenne est celle d’une déesse (ou une prêtresse) portant deux serpents entre ses mains. Sur sa tête se trouve un animal, un chat ou peut-être un léopard. Cet animal symbolise-t-il la royauté ? Le léopard est en tout cas associé aux cultes des déesses mères de l’Anatolie. Le serpent pourrait être une divinité domestique ou un esprit bienfaisant.
En tout cas, on n’a retrouvé aucun temple en Crète. On suppose que le culte ait été pratiqué dans des sanctuaires naturels comme ces grottes où l’on a retrouvé de nombreuses offrandes – statuettes, doubles haches (labrys) et armes.
Les archéologues supposent que le culte s’organisait autour d’un dieu ou d’une déesse dont le labrys était l’attribut et d’un jeune dieu subordonné, sans doute le fils. Il est possible que l’on ait pratiqué des danses rituelles au cours desquelles de jeunes gens sautaient par-dessus un taureau. Ce dernier était peut-être sacrifié au cours de la clôture. Il est possible qu’il y ait eu des sacrifices humains.
L’époque néo-palatiale :
Vers 1700 avant notre ère, la Crète est ravagée par un tremblement de terre. Les palais, endommagés, sont reconstruits en plus grands. Les petites villes, telles Gourmia et Mochlos s’étendent. De grandes villas sont édifiées autour des palais, preuve de l’émergence d’une puissance caste intermédiaire.
Le palais de Cnossos tel que l’ont reconstruis les archéologues est le palais de la seconde période.
On sait qu’à cette époque les Minoens commerçaient avec l’Egypte sous le nom de Keftiou. On trouve également des traces de leur présence dans les îles égéennes dont Théra (Santorin). On suppose que l’éruption qui a détruit l’île aurait également détruit la Crète. La catastrophe serait survenue vers – 1450. Seul le palais de Cnossos aurait été relativement épargné. Pendant un temps, les Crétois auront plus ou moins vivoté tout autour, puis les Mycéniens seraient survenus. Eux aussi connurent une fin brutale et disparurent à la fin du douzième siècle. Leurs cités se retrouvant abandonnées sans trace de pillage ou de destruction.
(1) Les Philistins nommaient leur patrie d’origine Ai Kaphtor, l’île des Colonnes. Ils se nommaient eux-mêmes, Kaphtorites, adorateur des colonnes. Le terme est à rapprocher de l’Egyptien Keftiu qui désignait l’île de Crête.
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