Le Chemin des Hommes by Vifdor
Summary:

Photo de l'auteur représentant la sculpture de Haïm Kern,
« Ils n'ont pas choisi leur sépulture », droits réservés.


Le Chemin des Dames et l'horreur de la Grande Guerre revisité par de courts poèmes de style libre.

Un chemin de mort, de cadavres pourrissants, de fleurs fanées sur le marbre. Le Chemin des tous les Hommes au final.
Categories: Horreur, Historique Characters: Aucun
Avertissement: Aucun
Langue: Français
Genre Narratif: Poésie (vers)
Challenges:
Series: Aucun
Chapters: 7 Completed: Oui Word count: 1322 Read: 38278 Published: 03/03/2010 Updated: 13/03/2010

1. Introduction - Le chemin by Vifdor

2. I. VIE by Vifdor

3. II. TREPAS by Vifdor

4. III. DEPOUILLE by Vifdor

5. IV. POURRISSEMENT by Vifdor

6. V. OSSEMENTS by Vifdor

7. VI. TOMBEAU by Vifdor

Introduction - Le chemin by Vifdor
Author's Notes:
Ce recueil traîne depuis longtemps sous forme de petites notes sur mon ordinateur, le voici présenté sous forme d'un ensemble de petits poèmes, "classés" en cinq chapitres.
Bonne lecture, et n'hésitez pas à indiquer vos réactions par le biais des critiques.
Les poèmes qui suivront n'ont pas pour vocation d'être un acte de Mémoire, du moins, je n'ai commencé à l'écrire pour ça, le but étant avant tout de rechercher dans l'horreur de ce conflit la matière poétique. Si ces textes présentent des points de vue anti-militaristes et pacifistes, je n'ai pas cherché à porter de jugement sur les soldats morts sur le Chemin des Dames et pendant le reste du conflit, même si le vocabulaire choisi peut parfois le faire penser. Ma démarche est avant tout artistique, cherchant à transformer l'objet d'Histoire en objet d'Art.
Je n'ai pas voulu insulter ces soldats, mais je n'ai pas voulu non plus répondre à un consensus.





†††

Depuis quatre-vingt-dix ans, ils ont piqué un somme
Sur le Chemin des Dames coule le sang des hommes
Et s'essoufflent dans le soir d'un nouveau millénium
Les larmes des dames, sur le Chemin des Hommes.


†††
I. VIE by Vifdor

I
VIE



Sur l'ancien champ, sur les obus dans leur dernier envol
Sur les barbelés qui te font couronne,
Sous les yeux des autres qui meurent sans qu'on les nomme,
Crève petit gars et qu'on n'en parle plus.


†††

Fumée et torpeur tu crèves comme on vit
Tu arraches la terre, tu grattes les morts
Tu chatouilles tes futurs amis!


†††

Bruit et dernier sacrement
Comme un concert industrieux
La balle iridescente sera ton tourment
Hurle, rien ne les rendra plus heureux.


†††

Celui qui a tué
Celui qui est tué
Celui qui a brûlé
Celui qui est brûlé
Tous seront celui-là.


†††

Il y a au fond du caveau un général
Grand, puissant, couronné de lauriers
Sans hésiter il a réglé l'horloge fatale
« Demain, c'est ici que nous allons attaquer. »


†††

En face on meurt aussi
On saigne, on hurle, on rit
Que l'on soit bleu ou vert de gris.


†††

La terre du carnage sur ce grand chemin
Vole et voyage vers ta pauvre fin
Cours! Deviens sauvage, deviens félin
Echappe à la rage des sans-lendemain.


†††

Il tuait de manière institutionnelle
Sans savoir qui il était.
Il progressait de manière professionnelle
Sans savoir où aller.
II. TREPAS by Vifdor

II
TREPAS



L'éclat de rire de l'obus t'a déchiré
Tu pleures ta vie par les entailles
Dans les gouttes j'entends ton âme rouler
Et toujours tu avances vaille que vaille.


†††

Ton corps posé sur le bord d'un entonnoir
Attend anxieux l'aurore qui le sauvera
Bientôt grande lumière et fracas dans le noir
Ton âme s'est envolée dans chaque éclat.


†††

Le fumet merveilleux des gaz a gagné ton refuge
Le vent furieux te frappe tel une lance
Le nez retroussé, enivré par l'odieux déluge
Roulant tel l'océan de boue immense
Ta peau bleuie attend sa dernière sentence.


†††

Enfant fou de la République,
Ta peau s'orne d'un bleu royal.
Enfant mort de la dialectique,
Tu es perméable aux balles.


†††

Camarde remonte vers ton coeur,
Sans vraiment y penser
Pour te donner la pâleur
De ceux déjà fauchés.

Camarde ferme tes paupières,
Sans songer à compter
Pour tenir à jour l'inventaire
Des disparus oubliés.

Camarde te scelle la bouche,
Sur tes lèvres irisées
Pourtant si peu farouches
Vient mourir son baiser.


†††

Un autre va rejoindre la terre
Mais lui sera honteusement fusillé.
Oubliant ce qu'était la guerre,
Il crève, puisqu'il a sympathisé.


†††

La mort au bout d'un long tube
Ou d'un pic acéré,
Sur l'autel sanglant des bombes
Ta chair est sacrifiée.


†††

Allons Enfant de la batterie
Ton jour de gloire est calciné
Contre le mur des diplomaties
Ton corps sanglant est appuyé.


†††

Au milieu des parjures et des rancuniers
Il a explosé en inhumanité.
Des uniformes sont partis, ont dansé, ont sauté.
III. DEPOUILLE by Vifdor

III
DEPOUILLE



La Guerre a volé la vue à tes yeux embrumés
La Guerre a pris tes dents pour s'en faire un collier
La Guerre a écorné tes membres déjà coupés
Tout ce qui pouvait être objet de vanité.
Puis la guerre a pris le peu qui restait.


†††

L'obus qui tombe, misère opportune
Sur ton corps rigide pris d'engourdissement
Un soudain passage du froid au brûlant,
Comme une résurrection posthume.


†††

l'âme effondrée,
et l'oeil mort,
haine et remords
fiel et regrets.


†††

Ils regardent derrière la ligne un grand gaillard
Qui donne un spectacle illuminant le soir
Il brûle dans sa vareuse boueuse depuis une heure
Quel bonheur de crever au champ d'honneur.


†††

L'obus l'a meurtri de manière sauvage
Le front est perdu et le nez est fendu
C'est un homme à présent sans visage.
A la santé du soldat maintenant inconnu.


†††

Ton corps comme un épouvantail
Suspendu aux barbelés tel un trophée
Attend content la fin de la bataille
Tu n'as maintenant plus de guerre à gagner.
IV. POURRISSEMENT by Vifdor

IV
POURRISSEMENT



Les vivants partagent l'ennui du cadavre
Soupirent accroupis sur des tombes
Ses trous puants, suintants, sont des havres
Le temps d'y voir tomber une bombe.


†††

Tu envoies doucement comme un message
Ton odeur, tes miasmes et tes mouches
A tes vomissants camarades de carnage
Qui bientôt te rejoindront dans cette couche.


†††

Petits, incisifs, presque irritants, les amis de la terre
Par des canaux minuscules mordent ton visage
Et subtilement creusent comme la pierre
Œil, bouche, peau ; chairs mortes si délétères!


†††

Ils ont peur, on les entend encore
Glapir dans la glaise
Ils sont morts, on les voit encore
Pourrir dans la glaise.


†††

Tu fais cet horrible sourire de mort
Qui tord ta pauvre peau parcheminée
Victorieux tu sembles nous dire alors :
Je suis mort mais j'ai aussi tué.


†††

Tu fus un homme jadis
Courant, tuant
Tu devins charogne triste
Gisant, puant
Tu seras un os mon fils.


†††

Boue infecte recuite par le soleil
La chair peine à quitter ton squelette.
Les insectes abreuvés d'eau du ciel
Se délectent de cette macabre dînette.
V. OSSEMENTS by Vifdor

V
OSSEMENTS



Quand les lames ne tourmenteront plus leur chair
Le pouls doux et suave de la glaise
Au rythme du pourrissement les mettra à l'aise
Réduira en poudre les os couleur de pierre
Ô que vienne le Printemps!


†††

Tes os n'ont plus peur maintenant,
Après la fin du pourrissement
Nuit, mort, oubli après le tintamarre
Sans nom, tu crèves deux fois dans le noir.


†††

Il y a dans la terre
Un squelette aux bras ballants
Qui a franchi une frontière
En uniforme il y a très longtemps.


†††

De pauvres souvenirs qui errent
Des os goûtant à la poussière
Légende en devenir naguère
A présent en poudre dans l'air


†††

Sur la route menant aux défuntes ruines
Entre deux noirs fantômes d'arbres
On voyait un squelette riant,

Et tête en arrière, comme d'humeur sanguine
Il s'esclaffe de son adieu aux armes,
Hante la route en chantant.


†††

Sur le plateau la sombre crypte sylvestre
honorant le sacrifice,
Chuchote à un crâne arraché de son squelette
quelques maléfices.
VI. TOMBEAU by Vifdor

VI
TOMBEAU



La couronne sur la tombe ;
Coquelicot, bleuet, pervenche
Jettent à la face du monde
Qu'il n'attend plus la revanche.


†††

Et quand partiront les fantômes un jour,
Quand la terre aura fini son embaumement
Apparaîtra fier et impassible un homme de velours
Qui les roulera serrés dans l'oubli réconfortant


†††

En lettres d'or sur la terre encore fumante
Le calcaire poli, voluptueux soutient
Le corps brisé de quelques amantes
Pleurant tes os retournés au purin.


†††

Un jour, ils se lèveront
et iront déposer leurs os aux pieds des monuments,

Ils jetteront les gerbes de fleurs
aux visages de leurs commandants,

Ils sortiront de terre les obus enfouis
et frapperont droit au cœur ,

Et crieront leur mépris d'une voix claire
sans orgueil et sans peur.

Et longtemps nous parlerons encore,
de la Grande Mutinerie des Morts.
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