Grand-mère sur son banc.
Un vieux cliché n'est-ce pas ? Mais derrière la photo écornée l'encre pâlie les couleurs passées - il y a une idée du temps qui défile.
Elle est assise là avec sa canne entre ses mains, ses mains déformées. Ses mains, ce sont des serres qui s'accrochent rapaces à la terre - elles qui ont toujours cultivé la terre.
Dans le regard vide on voit les ombres - le passé écorné qui ne veut pas partir, la vie qui pâlit dans le corps le temps qui passe. Au-delà le souvenir.
Elle a vécu la guerre la grand-mère.
Mais personne ne se presse autour du banc pour l'écouter. Tout est flou hors du cadre et on distingue à peine la bouche cachée au fond des rides. Plus de parole. Tout s'efface ineffablement. Ce qu'elle a dit et même ce qu'on pensait qu'elle avait dit et qu'elle n'avait pas dit. (Parole contre parole, qui pour retenir ?)
Maintenant on regarde la photo et on dit :
« Mais qui est-elle ? »
« Qu'ils avaient le regard dur, rapace à l'époque ! »
Non, sa vie avait été suffisamment dure pour elle-même.