Deuxième by Pikenikdouille
Summary:

Il est le deuxième fils.
Un hasard de la vie, une circonstance anecdotique, et l'impact dans sa vie.


Categories: Amitié/Famille Characters: Aucun
Avertissement: Aucun
Langue: Français
Genre Narratif: Aucun
Challenges:
Series: Des histoires sous contrainte
Chapters: 1 Completed: Oui Word count: 1503 Read: 783 Published: 27/09/2023 Updated: 29/09/2023

1. Chapitre unique by Pikenikdouille

Chapitre unique by Pikenikdouille
Author's Notes:
Bonne lecture
Ne sympathisez pas trop avec Lui, c'est un one-shot !
Il est assis sur le bord de la piscine. Il est encore tôt. Dans quelques minutes, sa mère va sortir de la maison avec le plateau du petit déjeuner et elle dira qu’il faut venir manger. Elle ne l’appellera pas lui, elle n’aura pas besoin de le faire : il se sera levé tout de suite, se sera assis bientôt, aura commencé à manger.
Lui, elle n’a pas besoin de l’appeler. Ce n’est pas comme l’autre, son frère.

« Tom ?! Le petit-déjeuner ! »

On entend l’écho de la voix de leur mère dans le jardin, dans l’escalier. Tom ne répondra pas. Il ne descendra pas avant plusieurs minutes. Elle, elle va continuer à l’appeler et à faire semblant de s’agacer. Mais au final lui, il le sait, elle aime ça. Elle préfère ça : appeler son fils ainé qui ne daignera descendre que lorsque sa partie de jeu vidéo sera terminée. A moins qu’il ne soit encore sur un site porno…
Il n’y a bien que les parents pour ne pas voir ces choses-là, jusque sous leur nez ! Mais les petits frères le savent. Lui, il le sait et il l'a toujours su. Il se souvient d’un jour où Tom a plongé sous le duvet qu’il avait noué à sa taille… Leur mère montait du linge sans bruit et elle n’avait pas frappé à la porte de son fils ainé… Ca faisait plusieurs minutes qu’on pouvait deviner des gémissements saccadés et des respirations haletantes de l’autre côté de la cloison, pourtant. Lui, il avait l’habitude d’entendre son frère ; il ne faisait plus attention. Mais quand même, elle ?! Comment avait-elle pu rester sourde et aveugle aussi longtemps ?! Il était sorti dans le couloir pour la retenir, victime de cette stupide loyauté fraternelle qui se noue à coups de crasses données et rendues et de silences complices. Mais c’était trop tard. La porte avait été poussée, le linge s’était renversé sur la moquette. Leur mère était plantée là, pétrifiée. Et Tom restait debout devant l’écran de son ordinateur, deux blondes entremêlées étirant leurs soupirs dans les haut-parleurs…
Il revoit la scène. C’aurait pu être drôle, ça l’avait été ; comique tout au moins, sur le moment. Pourtant, maintenant qu’il y pense, il n’a plus envie de rire… Une amertume monte en lui tandis que sa mère jette quelques regards anxieux vers l’escalier par lequel Tom ne descend pas, la cafetière fumante à la main…
Lui, il se remémore son frère là-haut dans le couloir, la serviette autour de la taille, les joues roses et le torse nu soulevé par un souffle qui se perd… Elle avait simplement souri, à ce moment-là. Elle était repartie sans un mot et quelques minutes plus tard, c’était de nouveau Tom, son gentil petit garçon plein de vie… C’était Tom, son fils, son ange. Sa réussite et son orgueil, son jeune dieu en train de devenir un homme.
Et lui, il n’était que lui. Le second, le deuxième pour toujours.
D’ailleurs, ça aurait pu lui être égale. Tom était un frère potable. Après tout, il n’avait jamais été vraiment méchant, ou en tout cas jamais gratuitement... On pouvait lui tirer quelques-unes des cigarettes qu’il cachait dans son armoire, il ne disait rien. Et il cédait volontiers consoles, jeux vidéo et magazines en tout genre lorsqu’il partait chez un copain… Il l’avait même emmené une fois ou deux en vadrouille en ville. Il jouait alors les grands-frères attentifs, juste assez pour que les filles de la bande se retournent sur lui et se murmurent des commentaires approbateurs à l’oreille les unes des autres… Une fois en rentrant, Tom avait avoué qu’il était amoureux de Chloé et que grâce à lui ; le petit frère dont on s’occupe, grâce à leur petit manège d’amour filial, elle allait finir par craquer…
Lui, il avait trouvé ça amusant. Chloé était très belle, magnifique. Sous son tee-shirt se dessinait deux formes d’une ronde douceur, merveilleuses, accueillantes… Il était fier de penser qu’un jour, peut-être, elle aimerait son grand-frère grâce à lui.
Non vraiment, ça lui aurait été bien égale, à lui, d’être le deuxième…

A présent le soleil éclate en mille reflets à la surface de la piscine immobile… Tom vient d’arracher un morceau de brioche directement avec les doigts. Il y enfonce ses dents pointues et grogne de satisfaction en avalant presque tout rond sa bouchée…
Leur mère soupire. Elle lui demande de débarrasser quand il aura terminé. Tom ne répond pas. Il marche vers l’eau turquoise.

« Tu te baignes pas ? demande-t-il de but en blanc »
Le cadet regarde l’aîné. Un regard flou, plein d’incompréhension et de doute.

« Il fait chaud. Tu te baignes pas ? poursuit Tom. Moi je me baigne ! »

Un frisson aquatique plus tard, Tom se laisse couler dans le fond, indifférent au tee-shirt qu’il a jeté sur le bord et que la brise renvoie dans l’herbe.

« Allez ! insiste-t-il Viens te baigner, c’est cool »

A son tour, il entre dans la piscine, suivant le même chemin que son aîné. Son œil est attiré par la table laissée en plan. Il se rappelle les petits-déjeuners d’antan, lorsque le père était encore là. Un petit-déjeuner en particulier. Le téléphone avait sonné (c’était encore un téléphone filaire). Le père était allé décrocher dans le couloir. Tom et leur mère bavardait en tartinant de la confiture. Lui, il ne sait plus très bien où il était… Dans son souvenir, il voit la scène depuis l’intérieur de la maison. Pour quelle raison s’était-il levé de table ? Pourquoi avait-il suivi ce père, à pas feutrés ? Que cherchait-il à entendre de ce coup de téléphone inattendu ?
Il s’était tenu dans l’ombre de la porte. Non, pas vraiment caché, pas vraiment pour espionner. Ou peut-être que si, il n’avait pas réfléchi à ce qu’il était en train de faire… Le père n’avait pas dit grand-chose pendant plusieurs minutes. Il se contentait d’émettre des syllabes d’approbation et de petits rires nerveux. Des rires que lui, il ne lui avait jamais entendus pousser. Et puis il avait eu cette phrase aussi soudaine que terrible : je ne peux pas, mon amour...

Lui, il n’avait plus respiré pendant plusieurs secondes. Des secondes stridentes, quelque chose s’était mis à siffler dans ses oreilles comme une sirène, une alarme. Il avait à peine pu comprendre les derniers mots qui avaient été prononcés avant que son père ne plaque le combiné sur son socle… Des mots, nets, indiscutables :

Je ne peux pas : mes fils… (un soupir) C’est trop compliqué. Surtout le deuxième.

A présent, il flotte dans l’eau turquoise. Il n’a pas vu sa mère débarrasser la table. Il n’a pas vu Tom nager jusqu’au bord, se hisser hors du bassin, attraper la serviette…

Tom est assis sur le bord de la piscine. Il est encore tôt. Il se penche vers lui :

« Tu voulais pas y entrer et maintenant tu ne veux plus en sortir ! lance-t-il en le regardant sous ses épais sourcils froncés »

Il ressemble soudain terriblement au père. Dans l’eau immobile, lui, il le regarde par en-dessous… Il ne sait plus très bien quoi répondre, quoi faire. Qui il est ou ce qu’on attend de lui.
Et puis soudain, Tom lui tend la main. Une main large et solide. Une main facile à empoigner et lorsqu’il l’empoigne, oui, c’est comme sentir qu’il n’est pas seul, qu’il compte…
D’un bras vigoureux, Tom le tire vers le bord. Lui il se hisse à la force des abdominaux. En quelques secondes, ils se retrouvent debout, face à face. L’espace d’un instant, ils pourraient se serrer dans les bras, se dire tout le contenu ombrageux de ces dernières années. Un doute s’étire comme un silence trop long, et la sensation qu’aucun mot ne le comblera, de toute façon. Alors Tom plisse les yeux, un sourire en coin se dessine sur son visage :
« Jusqu’au muret ! lance-t-il sur le ton de défi de leur enfance. Et le premier paye sa tournée ! »
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