Summary:
Driftwoodwolf sur DA
Des magazines et des romans d'horreur sont étalés sur le sol.
Il y a un fantôme dans la salle de bain de l'école.
Des pastels gras se font la malle sous le lit.
La chaleur de l'été remplit l'atmosphère.
Soudain, nous sommes en hiver la rencontre entre Horace Vogel et Charlie Nelson remonte à plus de dix ans.
Est-ce trop tard pour une folle aventure de peinture volée et de revanche sur le temps ? A nos fureurs, et à nos souvenirs aussi.
Categories: Amitié/Famille,
Tragique, drame Characters: Aucun
Avertissement: Contrainte (chantage, viol...), Discrimination (racisme, sexisme, homophobie, xénophobie), Harcèlement, Violence physique, Violence psychologique
Langue: Français
Genre Narratif: Roman
Challenges: Series: Aucun
Chapters: 1
Completed: Non
Word count: 544
Read: 818
Published: 20/05/2023
Updated: 24/05/2023
Tu es arrivé à la fin de l'automne. Les feuilles gondolaient déjà dans les caniveaux, gorgées de pluie et de boue brune qui s'écoulait lentement le long des trottoirs du village. Il faisait froid, un froid humide qui perce l'épaisseur des pulls en laine et vous glace jusqu'aux os. Je me souviens encore du bruit qu'a fait la camionnette lorsqu'elle a gravi la pente qui menait à ta future maison, et des éclaboussures que les pneus projetèrent sur mon jean déchiré au niveau des genoux pour me donner un genre. Tu as passé la tête par la fenêtre lorsque la camionnette est arrivée à mon niveau. Tes yeux ont trouvé les miens dans la grisaille, sévères, presque accusateurs, et j'ai ressenti un pincement dans la poitrine. C'est alors que mon vélo a déraillé, et tu as disparu au loin, emporté par la camionnette, un fantôme qui ne s'attarde pas.
C'est ainsi que je me représentais ton existence jusqu'à notre prochaine rencontre. Un spectre de cheveux roux, le menton en avant et les lèvres pincées, le regard dur qui contrastait avec la jeunesse de ton visage. Tu ressemblais pour moi à l'un de ces personnages surnaturels que mon père faisait surgir des méandres de son imagination sur sa machine à écrire, à ces fantasmes de vie que l'on surprenait entre les pages d'un livre lorsque la nuit tombait et que le murmure de la pluie se faisait plus pressant contre l'obscurité. Des années plus tard, c'est encore cette image flottante de toi qui surgit dans ma tête lorsque je t'invoque dans le bureau du Docteur Ainsworth.
De la soirée qui suivit ne subsistent que quelques bribes. Le retour en vélo sous l'averse, et l'odeur de chien mouillé qui encensait le vestibule, les aboiements ravis de Percival, et les cris de Reesa, Henry et Cathy à l'étage, le froufrou de la jupe de Maman qui s'activait dans la cuisine tout en répondant au téléphone, et le cliquetis des clefs que l'on insère dans une serrure rouillée. Je me souviens encore m'être affalé dans le canapé, couvert de terre séchée des pieds à la tête, et de la pile de magazines Fangoria pour lesquels mon père rédigeait un ou deux articles - entre deux tentatives de publication de son dernier roman - qui menaçait de s'effondrer sur le parquet du salon. On devinait la lumière derrière la porte close de son bureau et même, si l'on se concentrait et que l'on fermait les yeux, le bruit des touches que l'on martèle avec un enthousiasme effréné, et le surgissement d'un personnage glaçant qui se penchait sur ses épaules pour mieux observer sa création.
Tu resterais pour moi l'incident majeur de la journée, que j'avais hâte de relater aux autres à l'école le lendemain. Une nouvelle tête à Cliffwick était toujours un évènement, et l'achat de la Maison Jaune qui dominait le village ferait parler longtemps de lui. Car en vingt-ans, personne n'avait jamais remis les pieds là-bas suite au décès du fils du propriétaire, un jeune garçon nommé Abel et dont il ne restait qu'une plaque vissée sur une stèle dans le cimetière de Cliffwick, et la légende selon laquelle il se serait pendu dans une salle de classe de l'école - tout le monde ignorait laquelle.