Quand je me suis retrouvé devant le conseiller d'orientation, je n'en menais pas large.

C'était la seconde fois que je passais ces foutus tests.

La première fois, je n'avais pas pu aller jusqu'à leur terme tellement j'étais malade.

Résoudre une suite arithmétique en ayant la chiasse et une envie pressante de dégueuler, c'est loin d'être une sinécure.

Je m'étais donc éclipsé prétextant une excuse à deux balles.

Là, je me suis accroché.

Avant de rentrer dans la salle d'examen, j'ai fait un détour par les gogues.

Une fois vidée la tuyauterie et purgé le pylore, j'ai investi la salle de torture bien décidé à tordre le bras de l'ami Rorschach.

Tout s'est enchaîné, les dominos, les cartes, les nombres, les lettres.

Une vraie tuerie, certes un peu au pif, en faisant confiance au hasard.

Quand l'examinateur a ramassé les copies, j'étais exténué.

Épuisé certes, mais heureux.

Bien sûr, je ne me faisais guère d'illusions quant au résultat.

Mais ma culotte était propre.

Et le sac que j'avais préparé dans l'éventualité de remontées acides était resté vide.

Bref, j'étais face à celui qui allait m'annoncer la mauvaise nouvelle.

Et bien non, le hasard avait bien fait les choses.

Double six avec les dés, de même avec les dominos, carré d'as avec les cartes.

Les suites, dignes de celles de Jean-Sébastien.

C'était mon Bach à moi.

Ben oui quoi, à chacun ses diplômes.

Le jackpot !

Même les taches d'encre avaient revêtu une profonde signification.

Le mec, en face de moi, était béat d'admiration.

-- quelle démonstration !

-- quel tour de force !

Pour sûr, vous avez dû vous entraîner.

Travailler d'arrache-pied.

Félicitations !

Vous venez d'obtenir votre ticket pour une année d'étude.

Certes, vous ne faites pas partie des meilleurs.

Mais bon, il faut aussi des derniers.

Et puis je vous préviens.

Vous allez en chier.

Ça va être dur.

Ça le fut.

Depuis ce jour Rorschach et moi, on est unis comme les dix doigts de la main.