La grande dame en noir by Lsky
Summary: Recueil des trois textes écrits dans le cadre du concours "Ma plus belle histoire" de Juliette54 et Amnesie.
(en tant que fane de Barbare je ne peux qu'admirer cette idée de challenge !)
Categories: Tragique, drame, Romance Characters: Aucun
Avertissement: Violence physique
Langue: Anglais
Genre Narratif: Poésie (prose)
Challenges:
Series: Ma plus belle histoire...
Chapters: 2 Completed: Non Word count: 2080 Read: 4864 Published: 04/07/2022 Updated: 26/07/2022

1. L'Italie comme dans les chansons ? by Lsky

2. MIS... by Lsky

L'Italie comme dans les chansons ? by Lsky
Author's Notes:
Elle essai, comme Barbara dans "Gare de Lyon", à découvrir "l'Italie comme dans les chansons", l'Italie romantique, l'Italie gorgée de soleil. Elle essai, encore et encore...
Elf était un designer, et un bon. Il adorait l’art, l’architecture. Sa cage à lapin parisienne était tapissée de feuilles de brouillons ; jusqu’au plafond on discernait des plans et des croquis, beaucoup de ratures, de blancs et de noirs, quelques jets de feutres colorés. Quand nous sommes arrivés à la Gare de Lyon pour prendre le train qui nous amènerait à la Biennale de Venise qu’il rêvait de « faire au moins une fois » et que j’ai réclamé une pause clope avant ce long trajet, il m’a à nouveau sermonné.
Depuis un an et demi que nous étions ensemble, c’était sa grande lutte. Il tenait un compte précis du nombre de cigarettes et de la fréquence avec laquelle je les fumais. Je m’étais récemment rendue compte qu’il en avait dissimulé dans son appartement, les faisant discrètement disparaître de mes paquets. Alors je m’étais mise à tenir les comptes moi aussi. C’était la guerre froide et j’avais l’impression d’être de retour chez mes parents car j’étais à deux doigts de me remettre à fumer en cachette.
« Il est que 9h du matin et c’est ta 6e déjà ! » Arguait-il.
Mais moi, j’étais stressée à l’idée de ne sans doute pas pouvoir fumer pendant ce long trajet alors j’avais besoin d’une clope pour me détendre.
Le problème était cependant plus large qu’une question nicotinique. On avait organisé ce voyage pour sauver notre couple, comme ceux qui font un enfant pour voir si ça arrangerait les choses. Bref, la Biennale de Venise était notre acte désespéré à nous, notre projet casse-gueule personnel. Tant et si bien qu’au bout de plusieurs heures de voyage où ni la tension entre nous, ni nos hargnes respectives, ni le ton de nos voix lorsque nous nous adressions l’un à l’autre n’avaient diminué, Elf me débarqua au dernier arrêt avant la frontière avec l’Italie.
Toute la semaine durant, je regardais avec attention la météo : je fus vengée par Tlaloc car il a plu à Venise sans discontinuer, la place Saint-Marc était devenue un lac, alors que, pour une fois, l’avril parisien fut clément.

A 7h ce samedi de juin, j’étais déjà devant la porte du Train Bleu, j’admirais la vue qu’offrait la Gare de Lyon depuis l’escalier monumental que je venais de gravir. A l’ouverture des portes, une demi-heure plus tard, j’étais la première installée. J’étais en avance pour calmer ma nervosité, que je ne savais pas contrôler depuis que je ne fumais plus. J’attendais Astride et cela me mettait dans un état impossible.
Elle et moi, ça ne faisait même pas deux mois, et c’était précisément ce qui m’angoissait : et si le voyage se passait mal ? Si on ne s’entendait pas finalement ? Jamais nous n’avions passé tant de temps ensemble. J’envisageais le pire alors que je l’attendais et que je triturais fourchettes, cuillères et douces serviettes. Astride était d’une intelligence que j’avais du mal à suivre. Lui parler, c’était un effort intellectuel que je n’aurais jamais soupçonné ; le simple fait de l’interroger sur la journée qu’elle venait de passer me demandait une préparation cognitive certaine. Sa thèse sur la sémantique des luttes l’absorbait tout à fait, passionnée, elle m’embarquait dans ses lectures et m’ouvrait un monde de recherche inconnu de moi. Elle m’impressionnait et m’enchantait ; je me demandais bien ce qu’elle me trouvait.
C’est pour cela que je voulais faire les choses bien, vraiment bien, je voulais lui en mettre plein les yeux : je lui avais donné rendez-vous bien avant l’heure au Train Bleu, dans ce temple de dorure et de charme, pour l’impressionner, pour être déjà en vacances sans encore avoir encore quitté Paris. Aussi, pour annoncer la thématique du voyage tellement romantique et raffiné qui s’annonçait.
A 8h, elle avait déjà trente minutes de retard et ne répondait pas.
A 8h47, j’avais renoncé à monter dans le train que je voyais partir depuis le quai.
Elle se pointa chez moi quelques heures plus tard, s’excusant : elle avait pris en charge une nana qui avait fait un malaise et lui avait offert de quoi se nourrir pour se remettre mais ça n’avait pas été suffisant et elle avait appelé les urgences puis attendu que son petit-ami arrive à son chevet. C’était bien ma veine.
Elle avait une âme de guerrière, de gardienne, ma Astride. Et c’est moche, mais c’est ce qui m’a fatigué : la Cour des Miracles réunie régulièrement autour d’elle, ses retards et son trop grand investissement pour tout ce qui avait l’air plus fragile que moi.

Adèle avait un salon important à Rome, elle bossait dans le marketing du numérique et elle devait à tout prix s’y rendre. On sortait ensemble depuis un petit moment et elle m’avait invitée à la rejoindre pour partager sa chambre d’hôtel. Enfin, j’allais réussir à voir l’Italie ! En amoureuse ! Enfin, c’était ma chance ! Même si je devais subir un train de nuit et visiter Rome dans le froid mordant de novembre. La veille au soir, j’étais bien à l’heure, à ma place lorsque le train démarra. Je partageais ma cabine avec un Apollon presque trop jeune pour moi et sa très sympathique maman qui allait rendre visite à sa propre mère.
Nous dormions à poings fermés lorsqu’on nous tira tragiquement de nos sommeils respectifs. Sans en avoir conscience depuis nos songes, nous étions coincés depuis déjà deux bonnes heures en rase campagne et il fallait se rendre à l’évidence : le train ne démarrerait plus, il fallait descendre.
J’écrivais immédiatement à Adèle, la rigoureuse, la dynamique, qui, j’en étais sûre, avait prévu de m’attendre à la gare avec des fleurs et une bouteille de Limoncello dans le but de la déguster le soir même dans sa chambre. Sans doute dormait-elle ; et je n’avais aucun mal à imaginer dans quel état de contrariété l’annonce de ce gros retard lui serait désagréable : son agenda était sacré !
Elle me laissait régulièrement des post-its sur chaque objet ou meuble de son appartement, pour me rappeler de lancer une lessive et de l’étendre 1h30 plus tard précisément, ainsi que de penser à bien éteindre la cafetière pour ne pas qu’elle chauffe plus d’une heure et de la détartrer toutes les 3 semaines, chaque date étant soigneusement inscrite et barrée au fur et à mesure. Bref, je redoutais sa réaction, mais pas trop longtemps car je me retrouvais au beau milieu de nulle part dans une nuit glaciale, et j’étais bien plus absorbée par mon malheur qu’une potentielle contrariété de sa part.
Je fumais plusieurs cigarettes – plus que je n’en avais l’habitude désormais – pour tenter de réchauffer ma gorge gelée. Apollon apparu miraculeusement à mon côté, débarrassé de maman, il cherchait des cigarettes pour se réchauffé et on partagea tout mon paquet ainsi que des baisers qui ne parvenaient pas à éviter le gercement de nos lèvres. Au petit jour, un train de remplacement était enfin dépêché, mais au même moment, je recevais un message vocal bien plus froid encore que la nuit que je venais de passer et qui m’indiquait qu’il n’était pas la peine de me déplacer jusqu’à Rome.

Avec Camille, ce fut les grèves qui nous empêchèrent d’aller à Palerme, avec Charlie ce fut le Covid qui eut raison de Vérone. Mais ces événements-ci sont d’autres histoires qui n’ont pas eu de rapport avec les ruptures respectives advenues plus tard. Cependant, je ne voyais plus l’Italie comme dans les chansons mais comme le pays de la scoumoune.

Et puis, pour la blague, bien évidemment, j’avais prévu d’inviter Milan, le si beau Milan, à Milan. C’était seulement pour l’humour, et bien évidemment ça n’a pas marché. Ce n’était pas même une relation mais de réguliers coups de reins pendant deux semaines. L’idée d’aller à Milan s’était cependant plantée dans ma caboche, si bien que c’est la seule ville d’Italie que j’ai réussi à voir, car j’y suis allée seule, en avion cette fois.
MIS... by Lsky
Author's Notes:
Texte très court qui m'a été un peu violent à l'écriture, alors petit rating ici !
Vos violences sont omniprésentes dans notre monde, si bien que nos innocences les ignorent, ne les voient, ne les devinent pas. Vous imposez vos fantasmes, vos poids écrasants, vous les lovez de poésie, de fausse transparence, vous espérez que nous n’y verrions rien. Vous faîtes de nous vos ennemies, vous avez choisi de nous combattre sans rien dire. On prend les coups plus qu’on ne les encaisse.
Mais, doucement, on se réveille. Et quand nous revenons de l’au-delà, d’entre les morts, du fond de l’abîme, voilà ce que nos cœurs sont devenus : des collines désertes. Les doux jardins et tendres forêts ont été desséchés par un soleil hypocrite, possédés par d'abominables feux, ne reste qu’une cendre grise presque déjà balayée dans une cour composée uniquement de murs. Des fleurs sauvages, il n’y en a plus, de roses entrouvertes non plus, noyées par les pleurs que vous avez fait couler. On pleure alors comme on prie : intimement, passionnément, et pourtant dans le silence. La tendresse s’oubli en soupires dans une profonde ivresse, essayant éperdument de voir le bout de ce tunnel absolument noir qui semble ne jamais se terminer, se couchant dans le seul espoir de l’anesthésie du corps, de l’amnésie de l’esprit. A ne seulement vouloir plus vivre. C’est qu’il faut absolument trouver ce qui importe à sa vie. Et je frissonne de voir, d’ qu’on soit, d’aussi haut que la fenêtre ouverte sur nos rêves nous appelle, qu'on ne peut compter combien nous sommes, pas parce que nous ne sommes que deux, mais parce que toutes et chacune d’entre nous, et depuis la nuit des temps, nous faisons la riche expérience de la dépossession.
Vous rêvez de nous déposséder, pourquoi ? Comment ? Vous y arrivez pourtant, mais enfin nous réussissons à découvrir vos vérités, à voir que vous n’avez aucune richesse, pas même un petit quelque chose à nous apporter. Vos poudres de perlimpinpins, on les connait désormais, on ne se laisse pas faire, on est prêtes à faire exploser nos rires, à retrouver le goût de la vie, du pain et de l’eau dans cette guerre que vous avez commencé malgré nous et qu’on ne croit pas perdre. On ne vous passera plus une seule respiration, pas un seul frisson, pas même l’abandon d’un souffle, on va vous écraser on ne sait contre quoi, mais on le fera. Car on en a assez de vous, on reconstruit nos aubes.
On en a assez de vous qui pleurez sur nos ressentiments, bien légitimes pourtant. Vous montrez les fusils de douleurs que nous tenons comme des enfants qui meurent, vous hurlez que nous sommes terribles, que nous n’avons aucun drame que des chances, vous nous accusez de venir faire la guerre que vous provoquez, vous fermez les yeux devant nos existences. Pour jouer, vous plantez nos corps sur des piquets, avec tant de violence que nos corps restent en accordéon sans un souffle. Nos êtres, nos enfances n’intéressent plus personne, bâillonnées, elles n’osent pas parler, déjà dissimulées, cachées, enterrées quelque part sous la terre, dans une cave ou un square comme celui des Batignolles.
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