Summary: Texte écrit dans le cadre du Concours Le parchemin hanté de Roxane :) Sous-genre choisi : plutôt Cosmic-horror mais un côté Gothic-horror quand même Trope(s) choisi(s) dans la catégorie I (Personnages) :L'alcoolique, droguée âgée, blasée et nymphomane Trope(s) choisi(s) dans la catégorie II (Décors) : Toilettes publiques Trope(s) choisi(s) dans la catégorie III (thèmes/artefacts) : Le miroir/ le Fantôme Citation choisie : “The gate… I opened it.” (Stranger Things) / "I myself am strange and unusual." (Beetlejuice)
Elle est alcoolique, droguée, nymphomane, sa vie et ses idéaux sont derrière elle, elle fréquente les bars et les galeries d'art, les brocantes et les antiquaires.
Elle chasse les miroirs, ces miroirs témoins de drames, portes telluriques vers un ailleurs peuplé par le Mal.
Categories: Concours,
Horreur Characters: Aucun
Avertissement: Violence psychologique
Langue: Français
Genre Narratif: Nouvelle
Challenges: Series: Aucun
Chapters: 2
Completed: Non
Word count: 3860
Read: 1249
Published: 18/02/2022
Updated: 29/03/2022
Story Notes:
Warning : évocation sexe, drogues...
1. Toutes vos bougies blanches n'y changeront rien by Lsky
2. Notre côté by Lsky
Toutes vos bougies blanches n'y changeront rien by Lsky
Author's Notes:
Ce texte est potentiellement un premier chapitre, selon le temps que je dispose, sinon il devra bien se suffire à lui-même !
« T’as plus vingt ans. »
C’est ce que dit ce con de reflet dans le miroir chaque fois que j’ai un peu trop bu. Quand ça tangue, mais rien qu’un peu, suffisamment pour se sentir inspirée, suffisamment pour savoir qu’un verre de plus et il aurait fallu vomir. J’ai l’habitude maintenant ; j’essaie d’ignorer ce que me dit le reflet, je ne regarde pas la bouche rosie mal démaquillée. Je plante juste mon regard dans le sien, et ce sont mes yeux que je vois. Ça va, ils ne sont pas trop abimés, pas encore. J’évite de zieuter les chaires flasques qui pendent de mon ventre et de mes cuisses, pour ne pas savoir à quel point, à ce stade d’alcoolémie, le reflet peut avoir raison.
Je siffle, je fume, je pense à me forcer à vomir. J’ai déjà la flemme d’être demain, et la nuit est seulement entamée. Se faire des pâtes et se coucher, c’était prévu. Mais c’est de la poudre que je prends et je laisse là ma bouteille entamée, je repars, semi-malade, en attendant que la coke fasse effet.
*
Dieu merci, elle a fait effet et bien effet. C’est le matin, juste avant la redescente. Il faut que je me dépêche, que j’aille vite, que je bâcle ce rendez-vous de malheur. Je l’ai déjà repoussé car j’étais trop mal en point, mais maintenant on est jeudi, je dois prendre mon courage à deux mains, tout le peu d’énergie qu’il me reste, et m’y pointer. Pourtant, elles sont sympas les nanas de la galerie d’art où je dois me rendre, mais j’ai la flemme, flemme de ne pas avoir le loisir de ne rien faire.
Cette fois c’est une adresse, des chaussures et le nom de sa mère. D’autres fois c’est un lieu, une expression ou un mot inventé, un souvenir exact… Toujours le même effet : cette fascination que j’exerce ; ces signes incroyables qui se mettent à briller, ces destins qui s’entrecroisent, qui se parlent, et ces gens qui, bien naturellement, veulent creuser ce lien qu’ils entrevoient : qui est cette apparition avec qui tout raisonne comme ça ? Qu’avons-nous d’autres en commun ? Qu’avons-nous à nous dire ? Quel grand destin nous uni ? Quelle révélation sur ma vie porte cette femme avec qui je semble partager tant de choses ?
Mais je ne réagis pas comme ils s’y attendent. Je ne réagis pas. Ces incroyables coïncidences se passent, me poursuivent, c’est tout.
En l’occurrence, c’est le nom de la rue où la galeriste habite – et où je réside aussi –, ce sont des chaussures qu’elle a achetées au fin fond de l’Espagne à une gitane alors qu’elle voyageait une dernière fois avec sa mère – ce matin-là je possède et porte très exactement les mêmes pompes – ; sa mère, d’ailleurs, qui vient de décéder et qui s’appelait comme moi. Mais tout le monde s’appelle comme moi. Bien sûr, pour elle, c’est fou tous ces coups du sort. Elle, elle est tombée une fois sur la gitane, une fois sur une adresse ; moi, c’est sans cesse que je tombe comme ça, de coïncidences en coïncidences. C’est sans fin, je ne suis même plus étonnée comme dans mon adolescence, je ne m’émerveille plus. J’ai perdu toute naïveté et je suis devenue incapable de feindre, car les diseuses de bonnes aventures, les médiums, les charlatans, les possédés, tous, ils semblent finir par me trouver. Alors forcément, si vous tombez sur l’un d’eux puis sur moi, il y a des chances pour qu’on ait des histoires à se raconter. Des histoires communes. Mais je suis blasée.
J’ai essayé de couper court. J’ai juste acheté le tableau, je l’ai embarqué, j’ai serré les mains et je suis partie, sans avoir eu à feindre quoi que ce soit.
C’est vrai que même si l’étonnement n’est plus, ces petits signes, cailloux dispersés s’adressent bien à moi : je suis sur la bonne voie.
Je loue un deux pièces à Paris, dans une rue de la soif, ça me coûte l’intégralité de mon salaire et c’est la galère. Je me nourris et je bois en me faisant offrir des verres par n’importe qui. Je me régénère au sperme et à la cyprine ; les dépistages réguliers sont remboursés par la sainte sécu, sans qui je ne serai peut-être plus en vie.
Je dépose ma nouvelle trouvaille dans la chambre, pièce condamnée de l’appartement que je planque maladroitement derrière une armoire vide. J’aurais aimé la cacher derrière une bibliothèque, comme dans les films, mais ç’aurait été trop lourd et je n’ai pas un rond à investir dans des rayonnages de bouquins. A terre, je pose la dernière œuvre que je viens d’acquérir. Je frissonne terriblement, et aussi vite que je peux, je repars, je ferme la porte, à double tour, je la cache avec l’armoire. Et je sais que la sensation que j’ai eue dans cette chambre peuplée uniquement par ma collection – uniquement habitée de miroirs – ne me quittera plus durant des jours. Durant des jours, j’aurais la sensation d’être épiée, d’être suivie dans la moindre vitrine, le moindre reflet. Si bien que je condamne celui – le seul, l’unique – de ma salle de bain avec un drap noir réservé à cet effet, que je lave religieusement après chaque utilisation. Tant pis, ces prochains jours je ferai sans maquillage, je serai moche même au manque de lumière des bars.
*
« C’est la faute à l’art déco tout ça. »
Ca y est, la nuit est tombée et je divague totalement, mais je ne peux plus m’arrêter.
Ça fait des heures que je suis au bar, je crois, j’ai perdu le compte, la notion… Joumela me fait doucement une tresse pendant qu’affalée sur le comptoir d’Andrès je dis n’importe quoi sans m’en empêcher. Le bar est vide, on est encore en semaine. J’étais tellement ravie de voir que Joumela était là. C’est une ancienne collègue ; il y a quelques temps, on a arrêté d’être simplement collègue, puis on a plus était rien du tout. Je l’aime bien et il se fait tard, mais je ne suis plus capable de quoi que ce soit. Je ne me contrôle plus vraiment ; ni mon corps ni mes pensées. Du loin de mon esprit brumeux, je profite de la caresse de ses doigts dans mes cheveux, mais sans doute est-ce une technique de sa part pour que quand je vomisse cela soit moins salissant.
« Ramè-ne mo-a. »
Je sens ma bouche pâteuse et je comprends que j’ai du mal à articuler. Elle m’embarque et me remonte dans ma piaule. Alors que je refuse qu’elle m’aide à me déshabiller, elle me laisse galérer, enlève ses chaussures et tombe de sommeil dans mon lit, toute habillée.
*
Quand je me réveille, il n’y a personne. Le téléphone m’indique qu’on est vendredi, il est onze heures : j’ai fait le tour du cadran. J’ai reçu des messages, aucun de Joumela. Je vais dans la cuisine, il n’y a aucun signe d’elle alors je me creuse les méninges pour tourner un texto d’excuse, mais dans ma tête ça bourdonne. Avant même que l’eau boue pour le thé, j’ai avalé un citrate, un gaviscon et deux dolipranes ; et je me suis mise au travail.
Je compte pour les incapables thunés ; c’est ça qui me permet de vivre. Combien tu dois, combien on te doit, comment remplir ta putain de fiche d’imposition. Et le mieux dans tout ça, c’est que je peux bosser depuis mon salon, confortablement installée à contempler les tableaux Excel qui virevoltent sur mon écran. Derrière lui, j’ai aussi en visu l’armoire qui scelle la porte de la chambre. Je préfère la voir, la surveiller, malgré l’impression désagréable que cette pièce me procure.
La nuit, allongée dans mon canapé-lit, je dors mal sans psychotropes, et j’hallucine, je rêve éveillée que l’armoire grince et se déplace… Je crois l’entendre, et mes yeux dans le noir croiraient la voir. Je ne dors pas, jamais, sans personne, sans ma descente dans les bars, sans mes aides extatiques et évasives.
*
A vingt heures pile je suis au bar, il y a les copains, cela promet une bonne soirée car tout le monde annonce ne pas rentrer trop tard : ça sent bon le dérapage et c’est ça qui fait tout le charme de ces descentes de bars.
Une bête coquetterie me rattrape – ou serait-ce le besoin de ne pas passer une nuit seule ? –, je m’éclipse rapidement pour me maquiller dans les toilettes. Si les gens parlaient aux miroirs ils sauraient qu’il n’y a souvent rien à craindre de ces miroirs ébréchés et sales dans les toilettes des rades. Ce qu’ils ont reflétés ce sont des rixes, des fellations, peut-être un coup de poing mais surtout beaucoup, beaucoup, de pisse. Ils n’ont rien des grands miroirs des vieux immeubles ou des maisons qui, eux, racontent des histoires, qui, eux, ont aspiré des âmes pour les avoir vu se détacher du corps et partir s’enliser dans les miroirs. Dans ces miroirs témoins de drames rôdent les ombres, rôdent les morts et les démons : se tenir devant un miroir, c’est une des choses les plus dangereuses au monde, mais ça, les gens ne le savent pas. Ils n’écoutent pas les miroirs, et ceux qui les entendent sombrent dans une folie noire.
Je ne compte pas trop en faire : du crayon noir, du noir sur les cils, du rouge sur la bouche, simple. Efficace. Rapide.
« Tu n’arriveras à rien avec ton maquillage. T’es toujours aussi laide. Aussi vieille. »
Certaines personnes trépassent, puis passent de miroirs en miroirs.
Je relève les yeux, je les fixe dans ceux de mon reflet. C’est elle . Elle est là. C’est mon reflet et pourtant ce n’est pas moi.
J’ai seulement un trait de crayon noir sous un œil quand je m’éjecte de là pour arriver en trombe dans la salle du bar. Je ne réfléchis même pas à ce que je vais dire, de toute façon on sait bien que je suis bizarre, que je ne suis pas d’aplomb .
« Putain, Al ! Il s’est passé quoi dans tes chiottes ?!
- T’es malade ?! Crie pas comme ça.
Un temps.
- Comment tu sais ? »
Parce qu’il ne dément pas, ça attire les copains ; et puisqu’ils sont plus persuasifs que moi il s’explique :
« Y a un gars qui a tabassé sa meuf hier soir.
- C’est tout ?
- Bah j’ai appelé les flics qui l’ont embarqué, y avait l’ambulance et c’est moi qui aie dû nettoyer leur merdier. Ça m’a fait vider le bar et fermer plus tôt cette histoire.
- Tu m’étonnes, dis Loan en hochant la tête.
- Ah c’est vraiment pas de bol, dit Hart comme si ça lui donnait l’air compatissant.
- Mais la fille, elle va bien ? Ça, c’est moi qui pose une question censée.
- Bah franchement bof, j’en sais rien.
- T’as pas regardé comment elle allait ? Ça c’est une autre question intelligente, mais de Xen cette fois.
- Ben elle était dans les pommes quoi. »
Et mon cœur se sert parce que je comprends ce qui s’était passé. Là encore, je suis la seule à percuter parce que je suis la seule à savoir écouter les miroirs.
Et toutes vos bougies blanches n’y changeront rien.
La fille a dû crever sur le chemin de l’hôpital, son âme s’est raccrochée là. Et moi, ça me fait un miroir de plus à éviter ; un miroir de plus qui irait bien dans ma collection… Mais comment on peut convaincre un barman de céder la vitre dans ses chiottes ?
*
C’est Sean qui est rentré avec moi ce soir. Vivre dans la même rue que de nombreux bars à l’avantage de ne jamais finir la nuit seule. Je parle de soir, je parle de nuit, mais parler de matin serait plus juste. Il fait jour quand on franchit ma porte et il est huit heure quand on baise dans mon pieu, il est huit heure trente quand il vomit tout le liquide ingéré pendant la soirée car ce sport l’a trop remué.
Je l’ai convaincu de faire une œuvre au Posca sur le miroir, j’espère qu’Al se montrera aussi réceptif et me laissera lui acheter l’œuvre sur miroir. Un billet pour Sean et son âme d’artiste, un billet pour Al qui fournit le matériel. Tout le monde sait que je collectionne les œuvres d’art, même si personne ne les a jamais vu, scellées qu’elles sont dans ma pièce secrète. Tout le monde croit que je vis dans un studio, c’est presque vrai.
Encore pâteuse après son départ, je prends mon courage à deux mains. Je pousse l’armoire et j’ouvre la porte. Je déballe ma dernière acquisition, et je suis face à un tableau d’art contemporain, la peinture déposée à même un miroir. Je me demande quelle intention y a mis cette idiote d’artiste pour attirer les âmes meurtries, celles qui vous dévorent de l’intérieur. Je me demande si elle n’a pas choisi un miroir d’occasion qui aurait des histoires à raconter.
Dans cette pièce remplie de miroirs, partout, je sens qu’elle me regarde, mon reflet. Prête à m’assassiner, à m’étrangler. À tout moment, j’ai peur de me retourner et de me voir prête à me jeter sur moi.
Author's Notes:
Deuxième (et sans doute dernier chapitre !)
Je crois que je n’ai pas dormi depuis des jours, j’ai sans doute somnolé entre temps. Je suis incapable de me concentrer sur mon travail en ce moment. Je suis incapable de me concentrer tout simplement. On me parle, mais les mots arrivent en écho, de loin, j’ai un temps de réaction conséquent. Si une voiture me fonçait dessus, là, tout de suite, je meurs. Le temps que je la vois arriver elle sera déjà passée sur moi. C’est comme si mes neurones n’étaient pas en face de mes yeux, de mes oreilles. Ils ne connectent plus. Je suis épuisée. Latence.
Joumela dépose un baiser sur mon front alors que je réalise qu’elle vient d’entrer dans le bar, que je réalise que j’avais les yeux fermés et que je piquais du nez, littéralement, dans ma bière. Je lève un regard ensommeillé à Andrès, il me renvoie coup d’œil de l’autre côté du comptoir, d’un air désolé. Je me sens subitement pitoyable.
« Je suis là. »
J’ai envoyé un message désespéré à Joumela, et ce pour le deuxième jour d’affilé, et elle est là, en effet, à chaque fois. Je pense que je dormirais mieux si je n’étais pas seule. Mais même avec sa présence, la nuit dernière, ça n’a pas fonctionné.
« Merci. »
Peut-être que cette nuit, dans quelques heures, ça marchera.
Je manque à tous mes devoirs, je ne suis pas retournée dans le bar de Al, je n’ai pas envie de savoir qu’il y a le miroir, qu’elle est là dans ce miroir, dans les chiottes, de l’autre côté de la cloison. Mais il va bien falloir qu’on se débarrasse de cette chose, qu’elle aussi je la cache dans ma chambre aux miroirs.
Je me frotte les yeux, j’appuie mes paumes dessus pour faire passer le mal de crâne qui ne me quitte pas ; celui qui dit « tu n’as pas assez dormi, il faut que tu dormes » mais qui ne m’aide pas à sombrer dans le sommeil pour autant. Je baragouine :
« Faut qu’on passe voir Al. »
Joumela acquiesce avec une œillade désolée à Andrès car elle n’a même pas eu le temps de commander quoi que ce soit chez lui. C’est elle qui paie, sans me demander, sans me regarder, les quatre bières que j’ai déjà englouties en moins de temps qu’il lui en a fallu pour arriver jusqu’ici.
On remonte un peu la rue, on entre chez Al, on commande puis je demande :
« Sean est passé depuis samedi ?
- Ouaip.
- Il t’a rien dit ?
- Non. »
Faut toujours s’occuper de tout soi-même ici. Alors je lui explique le concept artistique pour le miroir, il ne veut pas, il est septique. Mais je dis la formule magique :
« Je te l’achète pour 500 €. »
Il fait semblant de réfléchir, mais je sais qu’il a déjà accepté. Il déclarera aux patrons du bar qu’il a été cassé et ça filera direct dans sa poche. Je m’en fous, je veux juste le sceller ce con de miroir.
La présence de Joumela m’apaise, son doux babillage m’amuse, j’oublie mon sommeil et mon mal de crâne, on boit des cocktails comme des grandes dames dans ce vieux rade. On est rejointes par Hart, j’oublie un peu tout ce qui me fait du mal. Mais immanquablement, avec tout le liquide que j’ingère, j’ai envie de pisser.
J’ai organisé par message interposé la venue de Sean pour réaliser l’œuvre que j’embarquerai une fois sèche. Au Posca, ça ne sera pas bien long. Mercredi, dans presque une semaine, on se retrouvera ici. Et je suis soulagée de savoir qu’il y a une date, une issue à ce problème-là.
Je trépigne sur ma chaise, et, finalement, je ne pense plus qu’à ça : vider ma vessie. Une première fois, je repars chez Andrès, je prends un shot juste pour pouvoir utiliser ses toilettes. Mais la nuit s’étire comme un chat flemmard et mon besoin naturel revient. Suffisamment alcoolisée pour ne plus avoir peur de rien, je passe dans les chiottes de Al. C’est plus fort que moi, il faut que je jette un œil, de biais, au miroir. Elle est bien de face, elle me regarde avec un sourire digne d’un démon, des dents pointues, d’une oreille à une autre. Je réprime un cri. Elle n’a rien de moi, elle ne mime pas mes mouvements ou ma posture. Je n'ai jamais rien vu de tel. Alors que je la regarde de biais, tapie contre le mur opposé, elle se tient bien droite face à moi, comme s’il lui avait suffi de basculer son buste pour passer de l’autre côté.
De notre côté.
*
Putain. Ça a déconné ce soir-là.
Ce soir-là. C’est ce soir.
J’ai perdu la boule quand je l’ai vu, elle, passer de notre côté du miroir. Je suis sortie de là en trombe et puis, j’ai fait ce que je fais de mieux : je n’ai pas arrêté de boire. Je n’ai pas laissé une seule minute, une seule seconde, sans qu’un liquide alcoolisé ne passe mes lèvres. Pour profiter, plus vite. Pour oublier, plus vite. Pour ne plus penser, plus du tout, plus vite. Ahah !
Si bien que Joumela s’est lassée, mais elle m’a laissée aux bons soins de Hart. Certes, il ne m’a pas laissé tomber, il ne m’a pas laissé seule. Il m’a motivé, m’a entrainé au strip-club.
Nous sommes au moins cinq quand on frappe à la porte de l’établissement, sous la pluie battante. Le balèze nous évalue derrière l’œil de bœuf puis nous laisse entrer.
Mais là, je suis seule avec la strip-teaseuse dont une des douces cuisses frôle ma joue. Je suis totalement alcoolisée, j’ai la tête qui tourne quand je ferme les yeux. Je suis saoule et je respire très fort quand les perles qui constituent son corsage tombent à terre, bruit de cascade et d’avalanche. Je baisse les yeux vers ce bruit qui m’attire, le reflet de son string en strass pétille sur les dalles de carrelage noir.
Mais près des étincelles, ce que je vois c’est ce regard indescriptible qui me fixe, qui sans être le mien me plonge dans mes propres yeux. Elle sourit d’un sourire carnivore, mais moi, je ne souris pas, je suis pétrifiée non plus par l’émotion et l’excitation, mais par une peur qui me glace. J’avais alors très chaud, j’étais alors très saoule l’instant d’avant, et maintenant me voilà gelée comme par la mort alors que je réalise qu’il n’y a plus seulement des miroirs dédiés aux drames mais que désormais cette entité passe de miroirs en miroirs, elle me suit, quoi que je fasse.
Elle me pourchasse désormais et règne sur ma propre vie : dans mon appartement, dans la pièce au miroir inconnue du monde, dans les toilettes des bars que je fréquente, dans un strip-club et sans doute dans chaque vitrine que je croise.
Mieux vaut que je profite de ce soir, de l’alcool, de la douceur de la peau de cette femme sans nom, car sans doute n’y aura-t-il par de prochain soir, ni même de jour pour succéder à celui-ci.
End Notes:
J'espère que cela vous aura plu ! Bien que ce soit du Lsky classique, des miroirs, du sexe et beaucoup d'alcool ahah
Attention: Tous les personnages et situations reconnaissables sont la propriété de leur auteurs respectifs. Les auteurs reconnaissent qu'ils ne touchent aucun droit sur leur travail en publiant sur le site.