Summary:
Ce que Zélie pensait avoir perdu pour toujours, elle le regagnera un jour.
Recueil des premières fois de Zélie, celles d'avant et celles de maintenant.
Celles qu'elle vivra encore.
Ce recueil participe à la Seconde Boîte à Flemme, organisée par les merveilleuses Fleur d'épine et Dreamer. Merci les filles de m'inspirer tant.
Bannière réalisée par mes soins à partir d'images libres de droit sur Canva.
(Images de Hans - Pixabay, Joao Vitor Heinrichs - Pexels, b1 photos - Pixabay, Trang Doan - Pexes et langll - Pixabay)
Categories: Amitié/Famille,
Contemporain,
Projets HPF Characters: Aucun
Avertissement: Aucun
Langue: Français
Genre Narratif: Nouvelle
Challenges: Series: Les Boîtes à flemme : le retour
Chapters: 12
Completed: Oui
Word count: 18581
Read: 44142
Published: 27/06/2021
Updated: 09/03/2022
Story Notes:
Bonjour tout le monde,
Il me semble que j'inaugure la Seconde Boîte à Flemme, et j'en suis fière !
Ce recueil comptera douze textes qui sont tous consacrés au personnage de Zélie, de l'enfance, jusqu'à son envol à l'âge adulte, à travers toutes ses premières fois (les textes seront sensiblement plus longs que ceux de La Femme Creuse, mais pas longs chiants, enfin, j'espère ;) ). Et contrairement à la Femme Creuse, ici, aucune trace de magie, de fantastique, sauf à la télé et dans les bouquins.
Le recueil est déjà commencé, le plan fait et il ne bougera pas, alors si je n'oublie pas, en note de fin de chaque texte, je vous annoncerai le thème du texte suivant.
Je vous souhaite une agréable lecture !
(Ah, et sinon, entre nous, Zélie va vivre une grande histoire d'amour sur HPF, mais c'est une Moldue. J'ai du en parler à une seule personne qui a du zapper, donc vous pouvez déjà ouvrir les paris pour savoir avec qui, vivant ou mort/pas mort - vous me connaissez - Zélie va vivre une belle et grande histoire d'amour... Regardez les dates...)
1. Sans les petites roues by Sifoell
2. Casablanca by Sifoell
3. Le phare by Sifoell
4. Action ou vérité by Sifoell
5. Mange cailloux by Sifoell
6. La retraite de Joker by Sifoell
7. Comme un vin de vigueur by Sifoell
8. Se délier la langue by Sifoell
9. What a wonderful world by Sifoell
10. Mirko* by Sifoell
11. Ses rêves en bandoulière by Sifoell
12. Le grand départ by Sifoell
Sans les petites roues by Sifoell
Author's Notes:
Voici donc le premier texte de ce nouveau recueil. Zélie a ici six ans. Nous sommes en 1991.
Au niveau des contraintes de la boîte à flemme, c'est donc la première fois que Zélie fait du vélo sans les petites roues, et ce, parce qu'elle se cogne tout le temps et tombe souvent. Quelque chose ne se passe pas comme prévu (et aura des répercussions sur la suite du recueil, j'ai laissé des indices gros comme un airbus, mais c'est à force de travailler le texte). Et enfin, le bleu du ciel et le vert de l'herbe sont des rappels réguliers tout au long du texte.
Je vous souhaite une agréable lecture !
Il fait un temps merveilleux. C'est le premier samedi des vacances d'été, Isidore et Zélie étrennent leur nouveau vélo. Isidore rentre au collège en septembre, et Zélie à l'école primaire. Le vélo de Zélie est accroché à celui de son père par une barre de traction, et, ses longs cheveux blonds coiffés d'un casque rouge, ses coudes et ses genoux protégés par des coudières et genouillères, ses mains par des mitaines de cycliste, Zélie est prête à aller jusqu'au bout du monde. Ou au moins jusqu'au parc.
Maman ne veut pas que Zélie apprenne à faire du vélo sans les petites roues dans la rue car, malgré les coudières, genouillères et mitaines renforcées pour la protection de ses petites mains et de ses poignets fins, il est hors de question que la benjamine de la famille enlève les petites roues de son bolide ailleurs que sur un épais tapis d'herbe.
Mais ça, c'est parce que Zélie se cogne ou tombe tout le temps. Papa et Isidore en rient, mais maman non. Maman s'en inquiète.
Ils quittent leur maison et pédalent dans la rue. Maman est devant, puis Isidore, puis papa et Zélie, les cheveux au vent, les yeux partout. Elle fronce les sourcils et plisse les yeux, éblouie par le soleil, et les arbres, les maisons cossues, sont autant de tâches de couleur qu'elle perçoit sur les côtés, alors que le tee-shirt bleu de papa qui est devant elle, elle le voit distinctement.
Le vent apporte l'odeur des lilas plantés devant les maisons, des glycines accrochées aux façades, dans une explosion de sucre qui va jusqu'à l'écoeurement. Zélie étend ses bras de chaque côté d'elle pour faire l'avion mais est rappelée rapidement à l'ordre par la voix de maman, puis celle de papa. Ses mains dans les mitaines se referment alors sur les poignées et les yeux maintenant fermés, elle goûte à la brise estivale qui fait gonfler sa chemisette et voler derrière elle ses cheveux dorés.
Ils arrivent enfin en vue du parc qui est une grande étendue de pelouse d'un vert tendre, et d'arbres d'un autre vert, surplombé par un ciel d'un bleu qui s'éclaircit à mesure que Zélie lève la tête vers lui.
« Tiens-toi bien, Zélie ! Tu vas tomber ! »
Maman, encore, puis la voix de papa qui dit la même chose. Le vélo ralentit, il monte un trottoir et par réflexe, Zélie s'accroche aux poignées. Elle tombe souvent, et se cogne encore plus. Le soleil et le vent lui caressent le visage, et elle ferme les yeux, goûtant la douce chaleur de l'été.
« Les mains sur les poignées, Zélie, on va aller sur la pelouse, d'accord ? »
La petite fille acquiesce, et son univers devient vert en dessous et bleu au-dessus, la brise estivale lui apportant des odeurs fleuries, celles de l'herbe fraîche, de la terre, et celle du plan d'eau qui est en contrebas du parc. Elle entend des cris d'enfants qui jouent au ballon, et aimerait les rejoindre, mais aujourd'hui, elle va apprendre à faire du vélo sans les petites roues.
Maman veut que Zélie s'entraîne sur du plat, mais Isidore veut dévaler la pente herbeuse, alors, même si maman grogne, ils appuient fort sur les pédales, grimpent la côte en pente douce et s'arrêtent au sommet. Enfin, sommet, c'est vite dit. Mais une fois arrivés en haut, maman fronce les sourcils. C'est trop dangereux. Mais l'enthousiasme d'Isidore et de papa l'emportent, et même Zélie fait taire sa frayeur.
Aujourd'hui, elle va faire du vélo sans les petites roues.
Papa ôte la barre de traction avec la clé plate qu'il avait dans son sac à dos, puis les petites roues de Zélie qui les regarde avec ravissement, en plissant les yeux, déjà éblouie par le soleil.
« Francis, tu la réceptionnes en bas, Isidore, tu descends avec Zélie, on ne sait jamais. Et je reste en haut, d'accord ? »
Maman descend de son vélo pour prendre dans ses bras Zélie et lui rappeler d'être prudente. Et dans son coeur de maman, une ombre passe quand elle voit les yeux de sa fille larmoyer.
Casque sur la tête, mitaines aux mains, coudières sur les coudes, et genouillères sur les genoux, Zélie est fin prête. Papa est en bas de la descente, son vélo posé au sol. Maman est en haut et ses deux mains sont sur les épaules de Zélie, la tenant en équilibre alors qu'elle a les pieds sur les pédales. Isidore n'a qu'un pied au sol et est prêt à dévaler la pente, mais il le fera lentement, pour rassurer Zélie, même si tout ce qu'il veut, c'est prendre de la vitesse et faire un beau dérapage en bas.
Papa fait de grands gestes des bras, en bas, et lance un compte à rebours.
Cinq.
« Mets un pied par terre pour donner une impulsion. »
Quatre.
« Maintenant, tu regardes bien papa. »
Trois.
« Ne regarde pas ton guidon, regarde loin. »
Deux.
« Accroche bien tes mains sur le guidon. Voilà. »
Un.
« Prends une bonne inspiration... »
Zéro.
Les petites mains se serrent sur les poignées, le pied droit donne une impulsion. Les yeux quittent le guidon et regardent papa tout en bas. Et Zélie prend une bonne inspiration, ne remarquant pas le regard exaspéré que maman lance à Isidore qui secoue la tête avec un sourire devant toutes ses recommandations.
Et la voilà lancée. La brise fait voler ses cheveux derrière elle et lui emporte les odeurs fleuries du parc. Vert en bas, bleu en haut. Isidore est à côté d'elle, et Zélie sent bien qu'il aimerait aller plus vite. Il a toujours été un casse-cou, mais c'est son modèle. Zélie aimerait aller vite comme Isidore, alors elle décolle ses fesses de la selle et met quelques bons coups de pédale, ignorant les appels de sa mère qui lui demande de ralentir car elle risque de tomber.
Et le monde reste vert en bas, et d'un bleu plus éclatant, en haut. Un bleu qui fait briller ses yeux et les remplir de larmes. Un bleu qui lui fait fermer les yeux fort, très fort, pour les étreindre de leurs larmes qui l'aveuglent. Et une de ses mains quitte le guidon pour essuyer ses yeux, mais son équilibre est précaire, et le vélo se met à tanguer comme une barque qui prend les vagues du mauvais côté. Avec un cri, Zélie se crispe, elle ne voit plus rien, n'arrive pas à poser sa main sur le guidon qu'elle ne voit plus, et c'est la chute et ses larmes, mais cette fois, parce qu'elle s'est fait mal.
Allongée sur le sol dans l'herbe, ses cheveux blonds éparpillés autour d'elle, Zélie essuie ses yeux qui ne voit plus que du bleu si clair que cela la brûle, et qu'elle ferme ses paupières. Elle ne pleure pas son coude et son genou écorché. Elle ne pleure pas la grande frayeur qu'elle vient d'avoir et qui fait battre son coeur si fort dans sa poitrine. Elle reprend sa respiration, cligne des paupières, mais le bleu est partout, éblouissant de lumière, alors elle garde ses yeux fermés. Elle entend des exclamations autour d'elle, Isidore est le premier à ses côtés, suivi de maman qui a du courir depuis là-haut. Elle sent des mains qui touche son coude, son genou. Un mouchoir qui tamponne les écorchures. Maman s'empresse autour d'elle, papa essaie de rassurer maman, et Zélie.
« Maman, le ciel est trop clair, je ne peux pas le regarder. »
End Notes:
Encore ici ? Contente de vous voir ;)
J'ai choisi de finir ce texte de manière un peu abrupte, et c'est bien volontaire de ma part, parce que j'ai semé quelques indices gros comme des airbus qui vont déterminer la suite du recueil. Alors, des idées ?
Le prochain texte est toujours en cours d'écriture, et je vous ferai voyager à Casablance, où la petite famille passe des vacances, et où ce sera la première fois où Zélie voit la mer (ils habitent en plein coeur de la France, donc c'est une première pour elle).
Et normalement, le fameux airbus atterrit dans le prochain chapitre parce que là, les indices que j'y ai déjà semé sont encore plus gros. :D
J'espère que la lecture vous a été agréable, n'hésitez pas à laisser un petit mot, vos impressions, des coquilles repérées, j'apprécie toujours vos petits mots et vous y réponds avec entrain.
A bientôt :)
Author's Notes:
Hello,
Dans ce chapitre, nous voyons (plus tard dans le texte) la première fois où Zélie voit la mer.
Le début du texte est inspiré de la nuit du 25/06/21 (le thème de 21h : le dessin de la petite fille allongée dans l'herbe avec un bouquet dans les mains, réalisé admirablement par Eanna, et le prompt : votre personnage fait toujours le même rêve).
Je vous souhaite une bonne lecture.
Zélie est allongée sur le dos dans l'herbe des jardins de l'hôtel. Un palmier lui dispense une ombre salutaire, elle a l'impression de ne jamais avoir eu aussi chaud de sa vie. Elle a cueilli un bouquet de fleurs rempli de fourmis puis s'est sentie lasse et s'est allongée, après avoir ôté ses lunettes. Elle n'aime pas ces lunettes noires qui l'empêchent d'être éblouie et ressemblent presque à un masque de plongée. Le rempart de ses paupières suffit pour filtrer les rayons du soleil qui lui font pleurer les yeux. Son bouquet de fleurs rouges dans la main, elle se sent sombrer dans le sommeil. Isidore a du se lever et se coller devant la télé, et papa et maman dormaient encore quand elle est allée dans le jardin de l'hôtel sur lequel la terrasse de leur suite est ouverte. Elle a laissé ses claquettes, aussi, et les bruits autour d'elle, la vie qui se réveille, les oiseaux qui chantent à tue-tête et les femmes de ménage qui poussent leur chariot devant elles, la bercent autant que la petite brise.
Et c'est toujours le même rêve qui revient, et lui fait monter aux yeux des larmes qui ne viennent pas du soleil mais de sa tristesse, de celle de sa famille aussi. Le bureau blanc, le médecin qui parle à ses parents avec plein de mots compliqués qu'elle n'a pas compris. Et le regard de Zélie dérive sur ces murs immaculés qui lui font monter les larmes aux yeux, jusqu'à la fenêtre et l'immense arbre que le vent fait danser. Zélie entend les pleurs de sa mère, mais c'est surtout ceux de son père qu'elle n'a jamais vu craquer de sa courte vie, qui lui ont fait se dire qu'elle avait quelque chose de grave aux yeux. Et ce rêve revient, et revient constamment, comme pour la préparer à ne plus rien voir, un jour.
Zélie se réveille en pleurnichant, ouvrant grand les yeux, pour les refermer aussitôt. Le soleil lui brûle les yeux. Elle s'assied brusquement, et les hibiscus rouges qu'elle tenait dans la main viennent se disperser sur sa chemise de nuit, sur ses jambes nues. Zélie frotte ses yeux et cherche à tâtons ses lunettes, ses claquettes, ses fleurs, ses longs cheveux blonds venant, mêlés à des brins d'herbe et des feuilles mortes, la couvrir comme un voile.
Elle entend du bruit autour d'elle, c'est plus de bruit que n'en ferait un chat.
« Hey, petite, ça va ? Tu es tombée ? »
Zélie secoue la tête, cherchant, les yeux fermés, la femme qui lui parle avec cet accent chantant.
« Non, mais je ne retrouve pas mes claquettes, mes lunettes. Et j'ai fait tomber le bouquet pour maman. »
La femme se rapproche, réunit rapidement les affaires de Zélie, puis semble hésiter. Elle sent les mains de la femme lui mettre ses lunettes dans les siennes, alors Zélie les installe sur son nez. Elle cache le soleil devant, dessus, sur les côtés. Mais elle peut ouvrir les yeux.
« Tu es aveugle ? »
Zélie a un petit pincement au coeur qu'elle ignore, et secoue la tête.
« Pas encore. » dit-elle d'une petite voix.
La femme dont elle discerne les contours, foulard noué sur ses cheveux, blouse fleurie par-dessus sa robe, lui enfile ses claquettes et l'aide à se relever. Elle lui frôle le front.
« Tu ne devrais pas dormir dehors, il fait trop chaud pour une petite blanche comme toi. »
Elle la serre contre elle, l'embrasse sur le sommet du crâne et la ramène, sur les indications de Zélie, jusqu'à la terrasse, avant de toquer à la fenêtre.
« Bonjour, je t'ai ramené ta petite soeur, elle était dans le jardin. »
Isidore lève la tête de la télé et regarde Zélie et la dame, la bouche ouverte. Avant qu'il n'ait eu le temps de dire quoi que ce soit, sa mère sort de sa chambre, en peignoir, et demande.
« Quoi ? »
Sa voix est un petit peu trop forte au goût d'Isidore qui ouvre de grands yeux sur elle, attendant qu'elle l'engueule. Il devait juste surveiller Zélie qui a tendance à n'en faire qu'à sa tête, le temps que ses parents se reposent le matin, mais il a été trop absorbé par sa série télé. Mais l'invective ne vient pas, et sa mère récupère Zélie en remerciant la femme de ménage. Il se passe plein de choses dans leur regard qu'elles ne se disent pas. Un dialogue de mamans silencieuses qui savent.
La musique est tonitruante et la danseuse, toute de voiles et de dorures parées, évolue entre les tables où les touristes mangent, dans le grand restaurant de l'hôtel. Un serveur vient leur apporter du pain, et la femme de ménage de ce matin vient déposer sur leur table un bouquet de fleurs, toutes plus belles les unes que les autres, et qui ont meilleure mine que les hibiscus que Zélie a cueilli ce matin, et laissé tomber dans le jardin.
« C'est pour la petite. »
Le serveur vient leur amener des boissons et dit quelque chose en arabe à la femme qui semble s'emporter.
« C'est mon frère, c'est un imbécile. Bon appétit. »
Le même dialogue silencieux se passe entre la femme de ménage et leur mère qui lui dit.
« On vient d'arriver ce matin, c'est pour ça qu'on s'est couché en arrivant, l'avion avait du retard, on a passé douze heures à l'aéroport. »
« Oh, ça a du être si long. Vous allez vous baigner tout à l'heure ? »
Zélie claque des mains.
« Oui ! Je n'ai jamais vu la mer, que de l'avion, mais il faisait nuit. »
Sa mère passe une main affectueuse dans le dos de Zélie.
« On habite à Bourges, en plein milieu de la France, les enfants n'ont jamais vu la mer encore. »
Zélie ajoute, pétillante.
« Mais je sais nager, j'ai appris à la piscine avec l'école. »
A la fin du repas, Zélie et Isidore sont intenables. Même que leur père a haussé le ton, ce qu'il ne fait quasiment jamais.
« Je vous ai dit qu'on rentre à la chambre ranger un peu tout votre bordel, et récupérer les affaires de plage, et ensuite on y va. »
Les enfants s'impatientent, tout en faisant semblant d'attendre, mais c'est tellement long alors qu'ils débordent d'énergie et que leurs parents sirotent leur thé vert à la menthe brûlant et hyper sucré. Zélie a goûté, elle n'aime pas du tout. Surtout qu'il y a des amandes dans le fonds, elle se demande pourquoi on met des amandes dans un thé vert à la menthe trop sucré.
Le vent porte l'odeur de la mer et du sel, une odeur chaude et salée que Zélie n'a jamais senti de sa vie. Elle a l'impression que ses cheveux ont la couleur des rayons du soleil, mais sa peau est toute blanche, comme la lune dans la nuit noire, mais elle va dorer, bientôt, si le soleil arrive à passer les couches de crème solaire. Leur mère a tellement frotté Isidore qu'il est tout blanc et sent l'amande douce, ce qui fait rire aux éclats Zélie qui doit être pareille. Isidore prend la main de sa sœur et ils avancent sur le sable brûlant. Maman se dit qu'elle aurait du penser à leur acheter ces sandales moches pour ne pas qu'ils se brûlent les pieds. Et elle aurait peut-être dû être plus insistante pour que Zélie porte le tee-shirt anti-UV, elle est si pâle.
La petite fille avance, les lunettes noires sur le nez, la main dans celle de son grand-frère, l'autre main balayant devant elle et sur le côté. Sans s'en rendre compte, elle commence à acquérir ces habitudes de non-voyants, tâtonnant, étant plus attentive à ce qu'elle entend. Et là, ses oreilles sont envahies par le bruit du roulement des vagues, et de l'effervescence sur le sable chaud quand la mer se retire. Elle entend aussi les touristes sur la plage bondée, qui se parlent dans tellement de langues différentes. Une silhouette vient sur sa gauche prendre sa main. Maman, c'est toujours maman, et papa est derrière elle, elle sent l'odeur de son après-rasage qui est bien trop entêtante. Mais l'odeur de la mer, lourde et salée, emporte celle de l'après-rasage. Elle emporte tout, comme les vagues.
Zélie rentre facilement dans l'Océan, même si l'eau est un peu froide à son goût, mais quand elle vient lécher son ventre, ses mains se crispent sur celles de sa mère et d'Isidore.
« T'as peur, Zé ? Tu veux venir sur mon dos et je nage pour toi ? »
Zélie acquiesce, soudainement très émue, et son frère vient près d'elle, se mouille, avant de plonger sa tête sous l'eau, Zélie clignant des yeux. Maman est à côté et ne dit rien, pour une fois. Elle n'essaie pas de la convaincre de retourner sur la plage. Ils sont tous autour d'elle. Papa, maman, Isidore. Rien ne peut lui arriver.
Isidore surgit de l'eau en s'ébrouant et Zélie essaie de le taper gentiment mais ne rencontre que le vide. Fermant ses mains en coupe, Isidore arrose sa petite sœur qui frissonne dans le vent venant du large.
« Mets tes mains sur mes épaules, Zé, et on va nager. Tu bats des pieds et c'est tout, je fais tout le reste... »
Zélie acquiesce, pas très rassurée, mais elle n'en montre rien. Elle met ses mains sur les épaules d'Isidore, qui tout doucement, se laisse aller en avant dans l'eau. Zélie éclate d'un rire incertain, les mains crispées sur les épaules, battant des pieds, la tête sortie le plus possible de l'eau, comme la tête d'une tortue sa carapace.
« Desserre tes doigts, Zé, tu me fais mal. »
Quand elle est plus à l'aise, elle desserre sa prise.
« Tu veux qu'on aille là où on n'a plus pied ? »
Zélie ne répond pas, au début.
« Maman va s'inquiéter...
- Maman s'inquiète toujours, ils sont trois mètres derrière, la plage est surveillée et je suis le meilleur nageur de ma classe.
- Si tu veux... »
Ils s'éloignent doucement au large, Zélie s'en rend compte parce qu'elle entend les voix de la plage moins distinctement. Soudain, quelque chose frôle le pied de Zélie et elle pousse une exclamation de surprise.
« Des petits poissons, c'est tout... Rien d'assez gros pour te manger. »
Zélie éclate de rire, suivie par Isidore qui continue à nager tranquillement dans la mer.
Maman a insisté pour qu'ils aient un parasol, et Zélie néglige le transat que de toutes manières Isidore s'est attribué, le regard perdu sur les filles en maillot. Assise dans le sable, elle discute avec sa famille en faisant glisser le sable qu'elle recueille dans ses mains, et en écartant ses doigts. Le sable à l'ombre du soleil est tiède et sent tellement le sel qu'elle a l'impression de le goûter sur sa langue.
« Maman, tu sais, le docteur il a dit que moins je verrai, et plus mes autres sens seraient plus forts. »
Zélie reconnaît à la qualité du silence autour d'elle, comme une bulle d'intimité qu'elle vient de créer, que sa famille est toute ouïe. Elle entend maman pousser un drôle de soupir saccadé, et c'est papa qui répond.
« Oui, tes sens vont s'affiner, et tu verras autrement. »
Zélie entend un bruit de chute et se retourne brusquement.
« Quelqu'un s'est fait mal. »
Les regards de la famille Berruyer se dirige vers le gamin qui est tombé de son transat et que sa grand-mère a déjà ramassé dans ses bras.
« Il n'a rien. »
Zélie se retourne de nouveau vers ses parents.
« En fait, je vais pas vraiment devenir aveugle. Parce que mes autres sens vont se développer.
-Oui, fait papa du bout des lèvres, tenant la main de maman, mais ça, Zélie ne le sait pas.
- Ben alors c'est pas grave, c'est pas tout à fait comme si je ne voyais plus rien. Tout ira bien. »
Elle conclue avec un petit sourire assuré et rêveur, continuant de jouer avec le sable entre ses doigts, et son père, sa mère et Isidore la regardent avec des yeux humides. Zélie inspire l'air riche et chaud de vent, qui lui apporte l'odeur de la mer, celles des cuisines du restaurant qui fonctionnent tout le temps, et le parfum d'amande douce de leur crème solaire. Son sourire s'agrandit encore.
Tout ira bien.
End Notes:
Hello,
Le texte suivant est déjà avancé, j'ai tout planifié et écrit à droite à gauche. Je vais mettre un petit coup de collier pour finir le recueil dans les temps.
Alors, vous me détestez ?
Author's Notes:
Hello tout le monde,
J'essaie de cravacher un peu sur ce texte histoire de le terminer avant la deadine pour pouvoir attaquer la prochaine Boîte à Flemme en ayant terminé celle-ci.
Ici, Zélie va aller pour la première fois à un concert. Elle a 12 ans et son frère Isidore 16 ans.
Indication : Essayez de trouver des enjeux. Pourquoi votre personnage doit-il faire ça ? Quel âge a-t-il ? Pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ? Ou pourquoi l’avoir fait aussi tôt, au contraire ? Quelles étaient les conditions réunies pour sauter le pas ?
Contraintes obligatoires
- Prenez le temps d’exprimer en quoi cette première fois change quelque chose à l’intérieur de votre perso.
Contraintes facultatives
- Surprise ! Quelque chose ne s'est pas passé comme prévu.
- La couleur de votre choix doit prendre une place importante tout le long du texte.
Je n'ai pas utilisé ici les contraintes facultatives (pour la seconde, vous allez comprendre rapidement et me détester un peu...)
Les parents de Zélie n'ont jamais voulu la mettre en centre spécialisé. Elle est dans le même collège que celui dans lequel a été Isidore. Ils ont préféré qu'elle vive le plus normalement possible, même si maintenant cela fait des années qu'elle ne voit plus grand chose. Elle sait juste où se trouvent les lumières les plus vives, et ne réagit plus qu'à celle du soleil quand le ciel est dégagé. Ce n'est que complètement éblouie qu'elle voit. Ses yeux ne pleurent plus, et elle a troqué ses lunettes qui ressemblaient à un masque de plongée tellement elles étaient larges et lourdes, pour des lunettes rondes et roses, avec une monture fine. Ces lunettes ne lui servent à rien. Elles ne sont qu'un accessoire, avec sa canne blanche et son chien guide, destiné à ce que les gens qu'elle croise l'identifient bien comme une jeune aveugle. Ses parents et Isidore tiquent souvent quand elle se définit ainsi, comme une aveugle, mais Zélie a toujours appelé un chat un chat et ne ressent pas le besoin de s'appeler autrement qu'aveugle, même si elle est bien autre chose que son handicap.
Mais cette année, alors qu'elle fait sa rentrée en 5ème au collège du quartier, accompagnée par Atima, avec qui elle est devenue amie l'année dernière, Zélie est bien loin de penser que sa vie va être bouleversée une nouvelle fois.
Comme beaucoup d'adolescents de son âge, elle écoute la musique qui passe à la télé ou à la radio, ne montrant pas vraiment de préférence. On n'écoute pas beaucoup de musique, à la maison, peut-être plus Isidore, qui a installé sur son podium personnel Eminem, NTM et IAM. Zélie aime bien les paroles, les rythmiques, mais ce n'est pas vraiment son truc, le rap, et déjà qu'elle a du mal à comprendre quand ils rappent en français, alors Eminem, laisse tomber.
Et cette année, au collège, la vieille prof de musique a pris sa retraite, et c'est un jeune professeur qui doit avoir l'âge de ses parents, monsieur Muller, qui a pris sa place. Zélie installe sa machine à brailler – c'est comme ça qu'elle l'appelle – sur son pupitre, et sort sa flûte de son cartable puis de son étui. Après les présentations d'usage, où elle dit à l'oral qu'elle a un frère de 16 ans, que sa mère est secrétaire dans les assurances et que son père travaille dans les télécoms, et que les autres collégiens notent tout ça sur des bouts de papier, monsieur Muller leur fait écouter un morceau de piano, puis un morceau d'accordéon.
Et Zélie en est émue aux larmes. Elle n'a jamais vécu cela de sa vie, jamais été à ce point transportée, jamais imaginé que la musique puisse provoquer cela chez quelqu'un. Elle a une heure de permanence, après le cours de musique, et plutôt que de suivre Atima en perm', Zélie reste sur place, là où elle sait que le professeur de musique a installé un clavier.
« Tu veux quelque chose, Zélie ? »
Sa canne entre ses mains, son sac sur le dos, son chien à la maison, elle sourit en piétinant sur place.
« Je peux essayer le clavier ? L'année dernière quand j'ai commencé la musique avec madame Pailhes, je faisais tout à l'oreille, parce qu'on n'a pas su comment adapter en braille les portées, mais on m'a expliqué comme cela fonctionnait, et comme je voyais, avant, je m'imagine les notes. »
Elle a un sourire qui reste flotter un instant dans l'air. Atima est à l'entrée de la classe. Monsieur Muller sourit et se rapproche de Zélie. Elle replie sa canne et la garde dans sa main gauche, puis tend sa droite à monsieur Muller qui la lui prend, et la mène doucement jusqu'à la chaise sur laquelle elle tâtonne un peu avant de s'asseoir. Monsieur Muller appuie sur plusieurs boutons, et invite Atima à rentrer et à fermer la porte derrière elle.
Zélie, les yeux papillonnant derrière ses lunettes roses, promène ses doigts au-dessus du clavier.
« Vous pouvez remettre la musique que vous nous avez fait écouter tout à l'heure ? »
Le professeur acquiesce, puis dit oui, et Zélie pianote un peu sur le clavier, cherchant la note juste, ce qu'elle fait toujours à l'oreille.
Elle passe une bonne vingtaine de minutes à écouter en boucle Le Phare de Yann Tiersen, jusqu'à pouvoir le jouer de manière correcte. Et il lui faut une vingtaine de minutes supplémentaires pour caler ses doigts en rythme avec ceux du pianiste.
« Tu as un clavier chez toi ? »
Zélie secoue la tête.
« Demande à tes parents de t'en acheter un, tu es douée... »
Zélie regarde vers son professeur et sourit avant de se lever, de déplier sa canne, et de sortir en le saluant.
Le soir, Zélie est dans la chambre de son frère, ils écoutent de la musique sur sa chaîne. Zélie pianote dans le vide, même si c'est de la musique qu'elle aime moins.
« Tu sais, en musique tout à l'heure, le professeur nous a fait écouter Le Phare de Yann Tiersen. C'est du piano, et j'ai essayé de le faire au clavier ensuite, et j'ai réussi. »
Pianotant dans l'air, elle chantonne et danse sur le lit de son frère, suivant le rythme de la musique. Isidore se lève alors de son lit et allume son ordinateur. Il regarde sa petite sœur d'un nouvel œil, elle se laisse porter depuis qu'elle a perdu la vue. Elle est beaucoup moins casse-cou, plus sage et passive. Elle ne se cogne plus et tombe encore moins.
« C'est un truc que tu pourrais faire, Zélie, de la musique. »
Elle arbore un sourire rêveur, les yeux fermés derrière ses lunettes roses. Elle hausse les épaules et baisse la tête, et le sourire demeure.
« Tu veux en parler aux parents ? »
Nouvel haussement d'épaules, et toujours ce petit sourire. L'ordinateur a enfin démarré, et Isidore pianote pour ouvrir Napster et trouver le musicien.
« Le Phare, tu dis ? »
Il se tourne vers Zélie qui reste silencieuse et acquiesce. Il appuie sur lecture, règle le volume de ses hauts parleurs et son cœur fond un peu quand il la voit continuer à danser sur son lit, se balançant sur ses fesses, et pianotant dans l'air.
« Tu veux danser ? »
La question sort comme ça, à toute vitesse. Parce que c'est sa petite sœur et que cela fait longtemps qu'il ne l'a pas vue si heureuse. Zélie lui tend les bras, les yeux ouverts, et Isidore lui saisit les mains pour l'aider à se lever, et ils se lancent dans une valse improvisée, se balançant, dans un rythme qui leur est propre, savourant le bonheur simple de danser l'un avec l'autre sur une si jolie musique. A la fin de la chanson, Zélie essuie ses yeux sous ses lunettes.
« Tu as mal aux yeux ?
- Non, c'est la musique qui est si belle. »
C'est Isidore qui a trouvé que Yann Tiersen jouait à Bourges à la fin de l'année, et ils s'y rendent tous, même Atima. En en ayant discuté avec le professeur Muller, qui va aussi au concert de Yann Tiersen, ils ont convenu de tous se retrouver. Zélie a déjà acheté plusieurs albums du chanteur et passe ses soirées à les écouter, et essayer d'interpréter la musique sur le clavier que ses parents lui ont offert à Noël.
Zélie attend impatiemment de s'installer. Mais quand la musique commence, que la voix timide de Yann Tiersen résonne dans la salle, et que tout le monde se lève pour danser, Zélie est emportée, littéralement emportée par la déferlante d'émotions que provoque en elle la musique.
« Maman, je veux aller danser avec eux. Viens... »
Elle presse sa mère, et au final ils quittent tous les gradins et descendent dans la salle, slalomant entre les danseurs. Et Zélie passe la plus belle soirée de sa vie, dansant, chantant, pianotant dans l'air, elle voudrait que cela ne s'arrête jamais.
Dans la voiture, sur le trajet du retour, Zélie continue de chantonner.
« Il joue quoi comme instruments, Yann Tiersen ? »
Isidore fait la moue, même s'i n'est pas un grand fan, il a quand même été impressionné par son jeu.
« Guitare, piano, accordéon, basse, violon, alto... Le truc qui ressemble à un accordéon... »
Zélie acquiesce, et continue de chantonner. Son visage s'affaisse un peu et elle tourne la tête vers la fenêtre, ses doigts se glissant sous ses lunettes roses. La main d'Isidore caresse les épaules de Zélie. Et elle éclate en sanglots, puis se retourne vers son frère et ses parents.
« C'est ce que je veux faire. De la musique. Je veux faire ça toute ma vie. »
End Notes:
Hey, j'espère que cela vous plaît !
Le prochain chapitre est en cours d'écriture et sera (si je ne change pas d'avis), la première fois où Zélie embrasse quelqu'un sur la bouche.
A bientôt !
Action ou vérité by Sifoell
Author's Notes:
Hello,
Dans ce texte, Zélie a 14 ans, son grand-frère 18 ans.
Nous voyons ici la première fois où Zélie embrasse quelqu'un sur la bouche !
On se retrouve en bas ?
C'est la fête pour les 18 ans d'Isidore, et en septembre, il quitte Bourges pour Bordeaux pour faire son DUT. La maison est emplie d'adolescents, et leurs parents les ont laissés, mais ils ne sont pas loin, ils ne sont jamais bien loin.
Après avoir passé une énorme commande de pizzas, et rempli le frigo de bières – mais vous n'êtes pas obligés de tous les boire, hein, Modération est invitée aussi – les parents les ont laissés. Au cours de la soirée, alors que la musique résonne, avec modération, et après avoir mangé des kilos de chips et de pizzas, ils se mettent à pousser les meubles et danser. Atima reste aux côtés de Zélie qui chante et danse avec elle. Manu, une nouvelle amie de Zélie, est là aussi, et bien loin de la timidité d'Atima. Certains des amis d'Isidore sont juste pompettes, et Atima a fermé les yeux quand d'autres bouteilles d'alcool sont sorties et ont commencé à tourner. Zélie et elle n'ont pas bu d'alcool, parce que c'est ce qu'elles ont promis à leurs parents, et qu'Isidore veille au grain, même s'il est un peu trop joyeux pour être sobre. Manu, par contre, a goûté quelques bières et un peu de whisky aussi, mais elle n'aime pas ça.
Sur la fin de la soirée, quand les sacs de couchage sont déroulés sur le tapis, que des coussins, oreillers et couvertures y sont ajoutés, ils s'assoient tous, chantant et dansant sur leurs fesses, claquant des mains en rythme. Quentin, le meilleur ami d'Isidore, dépose un plateau rond par terre et y place dessus une bouteille de bière vide.
« On se fait un action ou vérité ? »
Il y a quelques soupirs et quelques protestations, mais tous s'y mettent, pendant que Quentin réexplique les règles.
« On fait tourner la bouteille, le goulot va montrer la personne qui va choisir action ou vérité, et le cul de la bouteille, celui qui lui dit quelle action ou quelle vérité. Je sais pas si je suis clair... »
Quelques têtes acquiescent, et Atima cache son visage dans ses mains. Elle sent qu'elle ne va pas aimer. Zélie sourit, aussi. Mais soudain, Manu s'exclame.
« Hey, mais ça veut dire que c'est tout le temps le même qui pose l'action ou vérité à la même personne ! »
Un silence se fait, et Emilie, la copine d'Isidore, répond.
« Non, mais à la limite, si toi tu sais pas quoi poser comme question, les autres peuvent en suggérer, et tu choisis celle que tu préfères. On fait comme ça ? »
Tout le monde marmonne des oui, ils sont pressés de faire le jeu parce qu'on est au cœur de la nuit, et qu'ils commencent tous à fatiguer, même si personne ne le reconnaît. La première fois que la bouteille tourne, ça tombe sur Emilie. La copine d'Isidore a toujours eu un côté très sage, alors, comme elle se méfie quand même du groupe de copains et de ce qu'on peut lui demander, elle assène un « vérité ! » tellement fort que Zélie a l'impression de voir flotter dans l'air le point d'exclamation. Des rires se font entendre autour d'elle, et un grand silence.
« Non, mais en fait, on sait pas quoi te demander parce qu'on te connait par cœur, Emilie ! »
Les adolescents éclatent de rire, et Zélie aussi. Elle entend quelqu'un embrasser quelqu'un sur sa gauche, et c'est probablement Isidore qui vient de faire un gros bisou sur la joue d'Emilie. Sarah, une amie d'Isidore et d'Emilie, demande alors, d'une voix douce.
« Est-ce qu'Isidore et toi vous avez... »
Elle n'arrive pas à finir sa phrase, et tout le monde éclate de rire. Zélie aussi. Entre deux hoquets de rire, Emilie dit d'une voix gênée.
« Non. Oh, ce que vous êtes vaches, c'est pas une compétition, hein ! »
Et la bouteille tourne, et tourne encore, et Isidore se retrouve obligée de faire la vaisselle, Quentin a avoué qu'il partait au même DUT qu'Isidore mais qu'il n'était pas sûr de son choix, mais c'est pas grave, on verra. Les amis d'Isidore essaient de ne pas poser de questions ou d'actions trop dures à Zélie et ses copines, et les filles se rendent bien compte qu'ils ont envie de plus se lâcher. Il faut dire qu'ils ont bu, mais avec Modération qui était invitée, sur l'instance de tous leurs parents. Ils apprennent ainsi qu'Isidore copiait sur Quentin sur les devoirs de maths et de physique, mais les sciences, ça n'a jamais été le truc de son grand frère.
Et la bouteille tourne, et tourne encore. Et Emilie refuse d'embrasser Sébastien, donc elle embrasse avec tellement de ferveur Isidore que même Manu détourne les yeux, tout en expliquant à Zélie qui glousse dans ses mains. Mais l'attention de Zélie est régulièrement attirée par Quentin, qui est plein de vie, et d'humour. C'est au tour de Zélie de faire tourner la bouteille, et à tâtons, elle la trouve, la fait tourner, et souhaite de toutes ses forces que ça tombe sur Quentin et qu'il va choisir action. Les yeux tournés vers Quentin, Zélie a l'impression que le groupe fait silence, ou alors c'est elle qui éloigne de son esprit le chahut, toute concentrée qu'elle est sur Quentin et ce qu'il va choisir, et sur le fait qu'elle a envie qu'il l'embrasse.
Mais ça tombe sur Sarah. Alors, Zélie marmonne « action ou vérité », un peu déçue.
« Action ! »
Zélie sourit, et annonce.
« J'aimerai que tu m'apprennes à me maquiller. »
Les adolescents se taisent, un peu gênés, mais dans les rouages de Sarah, une petite équation se fait.
« Ok, mais tu m'apprends à te l'apprendre. »
Sarah est déjà debout.
« Tu veux faire ça maintenant ? »
Zélie éclate de rire.
« Ben non, on va pas tarder à se coucher. Mais plus tard. »
Sarah lui promet alors de le faire cet été, elles iront même ensemble faire des emplettes. Et Manu s'y invite, mais Atima ne s'intéresse pas au maquillage.
Alors que le soleil se lève, ils se préparent à vraiment aller se coucher, cuits de fatigue, gavés de pizzas, de chips et de bonbons. Zélie sort de la salle de bain en chemise de nuit quand elle entend Quentin l'appeler doucement, pour ne pas réveiller ceux qui dorment déjà.
Les cheveux lâchés, elle a laissé ses lunettes sur l'évier.
« Oui, Quentin ? »
Il se rapproche d'elle, parce que sa voix est soudainement beaucoup plus près. Il bafouille, a l'air gêné.
« Pour l'action-vérité, tu voulais me poser un gage, non ? J'ai l'impression que tu m'as regardé toute la soirée. »
Zélie rougit et baisse les yeux. Il est tellement plus grand et tellement plus vieux. Il a bientôt dix-huit ans, et Zélie n'en a que quatorze. Elle marmonne.
« Je voulais que ça tombe sur action, et je voulais que tu m'embrasses. »
Quentin a un petit rire de gorge. Il ne voudra sûrement pas l'embrasser, c'est le meilleur ami de son frère, ça fera tellement bizarre.
« Il fallait me le demander, Zélie. »
Elle relève la tête, et entrouvre la bouche, surprise. Elle sent la main de Quentin effleurer sa joue, sa respiration chaude venir réchauffer son visage. Et avant qu'elle ne puisse plus intellectualiser tout ce qu'il se passe, elle sent des lèvres caresser les siennes, et ses mains se lèvent pour attraper le tee-shirt de Quentin, mais il est torse nu pour aller se coucher. Zélie exhale un soupire chevrotant. Elle a l'impression d'avoir le corps en feu. Elle goûte ses propres lèvres alors que celles de Quentin s'éloignent, et y trouve un goût de bière et de chips. Ce n'est pas complètement désagréable. Et quand Zélie lui sort :
« Je t'attendrai »
Elle entend Quentin retenir sa respiration de surprise avant d'aller se coucher.
End Notes:
Et voilà, à la relecture, j'ai trouvé Zélie plutôt attendrissante ici. Je n'ai pas développé toutes les contraintes demandées, je trouve que le texte est suffisant, mais j'essaierai de plus en tenir compte sur les prochains textes.
Bon, il faut que je cravache sérieux, là, non ?
Le prochain chapitre, en cours d'écriture (oui, je suis à la bourre), ce sera la première fois où Zélie est confrontée à un échec.
J'espère que la lecture vous a été agréable ! A bientôt :)
Mange cailloux by Sifoell
Author's Notes:
Hello,
Voici le cinquième texte de ce recueil qui en comptera douze au total.
Au chapitre précédent, Zélie fêtait l'anniversaire de son frère, et embrassait pour la première fois Quentin, le meilleur ami de son frère.
Ici, nous sommes deux ans plus tard, en 2002. Zélie a 16 ans, son frère Isidore, 20 ans.
Et c'est la première fois où elle est confrontée à un échec.
Allongée sur son lit, Zélie est en pleine conversation téléphonique avec Atima qui est retournée pour l'été à Pondichéry voir sa famille. Leur conversation est minutée, rapide et efficace, parce que le mois dernier, elle a eu 400 euros de dépassement de forfait, et ses parents ont un peu fait la gueule. Normal.
« Je te dis que c'est bizarre, avec Quentin. Je pensais qu'il reviendrait à Bourges pour les vacances, il aurait pu trouver un petit boulot ici, mais il préfère rester à Bordeaux. »
Atima prend un court temps de silence, minuté aussi.
« Il y a un écart d'âge, il a peut-être envie d'autre chose ? Tu n'as que seize ans, Zélie. »
Zélie s'agace mais rapidement, parce qu'elle n'a pas le temps. Et elle sait que derrière elle pourra appeler Manu qui est bien plus grande gueule qu'Atima.
« Je sais l'âge que j'ai, mais je lui ai dit que je l'attendrai. Je suis pas encore prête à... enfin, tu vois quoi.
- Tu ne veux pas aller le voir ?
- Je ne peux pas dormir au FJT, et Isi a rendu son appartement. Il est rentré il y a deux jours.
- Ben tu peux pas en parler à Isi ? C'est son pote après tout. »
Zélie se tait. Trop longtemps, alors Atima met fin à la conversation, en lui promettant de la rappeler la semaine prochaine. Zélie repose son téléphone, soupire un coup, et s'assoie dans son lit, tout en appuyant de nouveau sur le bouton, jusqu'à entendre la petite sonnerie. Elle approche son téléphone de sa bouche.
« Appeler Manu sur son portable. »
La synthèse vocale lui répond que l'appel est en cours. Et c'est avec une voix pâteuse que Manu répond, Zélie l'a visiblement réveillée.
« Putain, mais il est 10h, Zélie, tu fais chier ! »
« Oui, bonjour à toi aussi... »
Manu fait silence, et Zélie se l'imagine en train de passer sa main sur son visage pour en ôter toute trace de fatigue.
« Comment ça va, Zélie ? Je vais me faire un café... »
Les deux filles discutent tranquillement, le temps que Manu émerge. Zélie sait qu'elle n'est pas du matin, ou pas du réveil, toujours, et Manu n'est pas fonctionnelle avant d'avoir ingurgité un solide petit déjeuner. Au bout d'un petit quart d'heure, Manu pousse un soupir, et Zélie sait qu'elle est maintenant capable de l'écouter.
« Quentin ne rentre pas cet été. Il reste à Bordeaux. Je ne sais pas quand on va pouvoir se voir. Il est plus distant... »
La voix de Zélie se brise, juste un peu, et un profond silence se fait entendre à l'autre bout du fil.
« J'arrive, Zélie. Tu me laisses une grosse demi-heure ? »
Zélie acquiesce, puis répond oui, avant de raccrocher. Atima est la meilleure pour écouter, mais Manu est la meilleure pour dire les choses. Ses deux amies se complètent à un point qu'elles ignorent.
Quand Manu arrive chez Zélie, déjà un peu plus réveillée, elle a à peine passée le portail qu'Isidore sort de la maison alors que sa mère essaie de le retenir, les clés de voiture dans les mains, et le téléphone dans l'autre, dans lequel il hurle, les phalanges blanchies par l'effort.
« Je vais te casser la gueule, je te dis. »
Zélie est debout derrière sa mère, en train d'essuyer ses larmes.
« Isidore, je t'interdis d'aller à Bordeaux ! »
Zélie s'avance, sa mère lui faisant de la place, et ses mains tâtonnent à la recherche de celles de Manu.
« Emmène-moi jusqu'à la voiture... Je ne veux pas qu'il y aille... »
Manu l'accompagne jusqu'à la voiture, qu'Isidore n'a pas encore réussi à ouvrir, tellement il est furieux.
« Isi, laisse tomber... C'est pas grave. »
Arrivée à la voiture, Zélie lâche le bras de Manu et longe la voiture en l'effleurant de sa main, jusqu'à arriver à son frère. Ses mains prennent les clés de voiture, et elle ferme ses bras autour de son frère qui tremble encore de fureur contenue. Il raccroche le téléphone avant de l'enfourner dans sa poche, et de refermer ses bras sur sa sœur, et de la serrer très fort contre lui.
Toute la petite famille, et Manu, retournent à la maison. Lucie, la mère d'Isidore et Zélie, réchauffe la cafetière et tout le monde s'installe autour de la table. Zélie garde la main sur le bras d'Isidore.
« Tu me réconfortes alors que c'est toi qui en as besoin. »
Manu se tait et remercie Lucie d'un sourire pour la tasse. Le sucre rejoint rapidement la table, ainsi que des biscuits que Lucie a fait ce matin.
« On a tous les deux perdus quelqu'un, Isi. »
C'est juste un filet de voix qui s'échappe des lèvres de Zélie, mais elle a une tête brave.
« Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » s'avance Manu.
Un muscle tressaute à la mâchoire d'Isidore, qui répond en serrant les dents.
« Quentin lui a laissé un message sur le répondeur et l'a larguée. Comme ça. »
Il plonge alors son regard dans celui de Manu, la colère affleurant à la surface.
« Et il lui a dit qu'il ne pouvait pas s'occuper d'elle, qu'il ne se sentait pas d'être avec elle parce qu'elle est aveugle. »
Manu serre les dents aussi, et regarde alors Zélie. Elle avance sa main sur la table jusqu'à effleurer ses doigts qu'elle enserre.
« C'est un connard, Zélie. »
La jeune fille secoue la tête, avec un sourire résigné.
« Non, il a juste fait un choix, et ce n'est pas moi. »
Les regards se tournent vers elle, empreints de fierté pour certains et de compréhension pour d'autres. Manu garde en main la main de Zélie qu'elle serre une dernière fois.
« Tu veux me faire écouter tes nouveaux morceaux ? »
Zélie sourit et s'anime. Sa chambre, au fil des années, est devenue en partie un studio de musique. Elle a un clavier depuis le collège, une guitare et une harpe celtique. Ce que Manu appelle le super-pouvoir de Zélie, est cette capacité qu'elle a de jouer une musique à l'oreille. Elle prend des cours à l'école de musique aussi. Et Zélie est vraiment douée. Depuis, la maison familiale résonne régulièrement de musique qu'elle écoute, qu'elle interprète, qu'elle invente. Et lors d'un voyage à Rennes pour rendre visite à une tante, toute la famille s'est rendue au festival Mythos, un festival de musique et de contes. Et depuis, Zélie ne jure que par cela. La musique et les contes. Ses parents ne sont pas très à l'aise avec le fait qu'elle veuille en faire son métier, mais ils n'en disent rien, ou le disent de manière pas suffisamment claire pour que Zélie entende leur peur de la voir partir sur les routes si elle choisit vraiment cette voie.
Alors, Zélie berce ces rêves de spectacle où elle serait conteuse et musicienne, et émerveillerait son public. Elle sent la main de Manu qui se pose sur son épaule.
« Allez, fais-moi rêver, Zélie zolie. »
Zélie éclate de rire en entendant ce surnom qu'elle aime mais qui est tellement ridicule. Elle se lève et attrape le bras de Manu qui la mène jusqu'à sa chambre à l'étage. Zélie n'a pas besoin d'être accompagnée, chez elle, elle connaît par cœur les lieux, mais elle apprécie Manu et Atima qui sont à ses petits soins, même si elle essaie d'être aussi autonome que possible.
Zélie se tient au milieu de ses instruments, hésitante.
« Tu veux que je te raconte quoi ? »
Manu s'assoie sur son lit et fait mine de réfléchir.
« Mange-cailloux. »
Zélie sourit, redresse ses lunettes roses sur son nez, et s'installe à tâtons, délicate et mesurée, sur le tabouret de pianiste. Elle attrape sa harpe celtique qu'elle cale entre ses genoux, et vient la reposer sur son épaule en une étreinte familière.
« Il y a fort, fort longtemps, vivait dans un royaume une princesse si malheureuse que ses larmes avaient inondé toutes les terres alentours... »
Et Zélie raconte son histoire, de sa voix douce et mesurée, alors que ses doigts pincent les cordes de la harpe à toute vitesse. Et cette rêverie dans laquelle elle se glisse éloigne la déception de Quentin et ses mots qu'il a sans doute soupesés avant de les dire.
Zélie ne veut être un poids pour personne.
End Notes:
Encore ici ? Cool !
Je viens juste de finir d'écrire ce texte, et j'aurai voulu finir la boîte à flemme 2 avant que la 3 ne sorte, mais tant pis (et je n'ai pas de textes d'avance sur Zélie, juste un bon petit plan et quelques idées).
J'espère mettre un bon coup de collier pour le terminer rapidement :)
J'espère aussi que la lecture vous a été agréable, à bientôt !
La retraite de Joker by Sifoell
Author's Notes:
Hello, au dernier chapitre, Zélie vivait la première fois où elle était confrontée à un échec. Ici, c'est la première fois où elle a la capacité de revoir (et c'est cette contrainte-là qui a mené Zélie à devenir aveugle, quand j'ai pensé à la construction du personnage et du recueil).
Nous sommes ici en septembre 2003 et Zélie a 17 ans (donc son frère 21).
Indication : Essayez de trouver des enjeux. Pourquoi votre personnage doit-il faire ça ? Quel âge a-t-il ? Pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ? Ou pourquoi l’avoir fait aussi tôt, au contraire ? Quelles étaient les conditions réunies pour sauter le pas ?
Contraintes obligatoires
- Prenez le temps d’exprimer en quoi cette première fois change quelque chose à l’intérieur de votre perso.
Contraintes facultatives
- La couleur de votre choix doit prendre une place importante tout le long du texte : le bleu commence à refaire son apparition, mais à petite dose, je vous laisse lire la suite.
Le père de Zélie a mis son tee-shirt bleu. Sa mère, sa robe rouge. Isidore a un peu râlé de devoir porter, comme l'a demandé Zélie, un pantalon vert gazon et son polo jaune poussin. Mais ils s'y sont tous mis, parce qu'aujourd'hui est un grand jour. Zélie a subi une greffe de cornée il y a trois jours, à l'oeil droit, et aujourd'hui, on lui enlève son pansement. Atima et Manu sont venues aussi, même si c'est la rentrée scolaire, mais leurs parents les ont excusées auprès du lycée. Atima a mis son plus beau sari, et ses plus beaux bijoux. Et Manu, habituellement habillée de noir et de gris, a choisi de « ressembler à un putain de sapin de Noël », pour que Zélie en prenne plein les yeux une fois le pansement ôté.
Lucie, la maman de Zélie, en a déjà parlé à Claude, son mari. Si l'opération de Zélie réussit, et qu'elle recouvre sa vue, elle fera ce qu'elle voudra de sa vie. Lucie la soutiendra, quel que soit le choix de sa fille, même si elle veut devenir intermittente du spectacle. Claude n'en est pas encore là, et temporise Lucie. Il faudra une bonne année à Zélie avant qu'elle ne retrouve la vue de son œil droit, et il faudra alors s'attaquer au gauche, et ça, c'est si tout se passe bien.
Zélie est assise dans le fauteuil du bureau du chirurgien, et à peine entrée, elle est incapable de dire quoi que ce soit, son espoir gonflé de larmes prenant toute la place. Seuls ses parents sont autorisés dans le bureau, et une infirmière est présente, assistant le chirurgien. Zélie s'est habillée de ses vêtements les plus colorés pour l'occasion, sur les conseils de sa mère. Dans le couloir, Isidore trépigne d'impatience, aux côtés de Manu et Atima.
« On va mettre Joker à la retraite ? » demande Manu, avec un petit sourire en coin. Isidore pouffe de rire, alors qu'il se retient tant de pleurer. Il craint tant d'être déçu. Non, il craint tant que Zélie soit déçue.
« On va mettre Joker à la retraite. »
Isidore se pose alors contre le mur, et ses yeux restent un instant de trop plongés dans ceux de Manu, qui est parfaitement confiante. La meilleure amie de sa sœur est une force de la nature qui les porte tous. Et Emilie est partie. Mais Manu est trop jeune. Il y a trop de « mais » dans tout ça. Manu esquisse un autre sourire en coin, et Atima les regarde un instant d'un air affolé avant de reprendre son attente silencieuse.
Zélie est sur ses gardes, dans le grand fauteuil du chirurgien. Ses parents sont trop loin d'elle à son goût en ce moment précis, mais le médecin et l'infirmière sont gentils. Elle entend l'infirmière et le chirurgien se rapprocher d'elle, et du pansement qu'elle a sur l'oeil, lui donnant sûrement l'air d'un pirate. Son esprit s'amuse à s'évader dans un conte de pirate qui cache sous une pièce de cuir un œil qui voit autre chose, des choses cachées, magiques. Par réflexe, elle lève ses mains vers son visage en une vaine protection, avant de s'excuser, la voix précipitée, les mots sortant de sa bouche en pagaille.
« Cela fait plus de dix ans que je suis aveugle. Je m'y étais faite, parce que la vie n'est pas plus laide ou plus triste sans la vue... »
« Elle sera plus belle, encore, Zélie. »
La jeune fille sourit, et ses mains viennent sagement se reposer sur ses genoux, même si tout cela lui fait peur, et encore plus le fait que peut-être, cet espoir sera déçu, et qu'elle demeurera dans le noir. Les lèvres tremblantes, Zélie redresse le menton, et le chirurgien lui ôte ses lunettes occultantes, ces énormes lunettes noires devant, et tout autour, celles qui avaient marqué le début de l'obscurité. Celles qui vont peut-être maintenant occulter la lumière. Ce n'est qu'éblouie qu'elle voyait, avant de ne plus voir du tout.
Les mains délicates retirent le sparadrap, puis l'énorme compresse. Zélie garde les yeux fermés. Elle sent ses paupières lourdes, collées, à droite. Elle sursaute quand elle sent une compresse ôter les traces du sparadrap.
« Alors, c'est comment ? »
Personne ne lui répond, d'abord, et Zélie retient sa respiration.
« Ouvre les yeux, Zélie » demande le chirurgien.
Zélie prend une bonne respiration, puis une deuxième. Puis elle ouvre les yeux, d'abord le gauche, les paupières du droit étant plus lourdes. Elle cligne plusieurs fois, et ne voit rien. Elle se fait l'effet de quelqu'un ouvrant les yeux sur l'obscurité et y cherchant une toute petite lueur pour s'orienter.
« Ma lampe, Sonia. »
Et la lumière fût.
Quelques jours plus tard, Zélie est de retour à la maison, et est tout aussi perdue par le peu de lumière qu'elle perçoit, que lorsqu'elle est devenue aveugle. Mais l'espoir a gonflé, quelque part dans son esprit, et dans celui de sa famille, et d'Atima et Manu, qui sont toujours là. Sa famille persiste à s'habiller de vêtements colorés, et Joker, le chien d'assistance de Zélie,vieillissant, a été mis à la retraite. Le bon vieux Labrador continue quand même à mener Zélie quand elle va le promener dans le quartier.
Isidore a fini son DUT et est revenu sur Bourges où il cherche du travail. Il a réintégré sa chambre et refuse de prendre un appartement pour le moment, le temps de savoir pour Zélie. Tout le monde des Berruyer tourne autour de Zélie, et elle souhaiterait tant qu'il en soit autrement. Elle porte toujours ses lunettes occultantes quand elle sort en pleine lumière, parce que ce n'est qu'éblouie qu'elle voit. La vue de son œil droit c'est la lumière qui envahit tout, et des tâches de couleurs qui se promènent dans son champ de vision et qui sont sa famille, ses amis. Et le bleu du ciel quand il fait beau, et qui se marie, sans qu'elle ne le sache, à la couleur de ses yeux.
Au fil des jours, les tâches de couleur prennent forme, et que c'est déconcertant pour Zélie de voir les visages de ses parents qu'elle ne pouvait qu'imaginer. Que c'est étrange cette jeune fille blonde aux cheveux bouclés qu'elle ne reconnaît pas dans le miroir, mangé de la buée de son souffle. Ses yeux sont bleus. Sa peau est d'abord laiteuse, elle se sent perdue dans les couleurs dont elle se vêt. Alors, elle se contemple nue, en sortant de la douche, et ne se reconnaît pas.
Elle n'a plus ce corps de petite fille, elle est grande et a toujours ces rondeurs de l'enfance un peu partout, dans ses bras qui sont potelés, ses hanches pleines, son ventre qui n'est pas plat, ses seins qui sont lourds. Elle ne se reconnaît pas, mais elle s'adore.
Au fil des semaines, sa vision se précise, et elle est bientôt capable de lire seule, mais pas la musique. Elle n'a jamais appris, aveugle, à étudier une portée, et ces petits signes dansant sur les lignes, se tenant l'épaule ou la jambe, sont aussi abstrait que les idéogrammes chinois pour Zélie. Alors, elle continue la musique comme elle l'a toujours fait, le soir, après le lycée. Et son cœur se gonfle de bonheur quand elle voit que tout le monde est heureux pour elle, même si sa vie obscure, elle l'aimait quand même tellement. Et elle continue de jouer de la harpe, de la guitare ou du clavier, les yeux fermés, parce que c'est familier et rassurant. Et quand, parfois,par inadvertance, elle les ouvre, c'est pour voir danser des traits de lumières et de couleurs devant ses yeux. Mais cela, Zélie l'enfouit au plus profond de son cœur comme un secret, une sorte de super-pouvoir que sa vue revenue lui offre. Alors, Zélie en profite, ouvrant de temps en temps les yeux, et se repaissant du spectacle des tâches de lumière qui dansent, se marient, se séparent, en un ballet mesuré par le pincement des cordes ou le battement de ses doigts sur le clavier.
Et le bleu prédomine. Là où l'immensité du ciel lui avait annoncé qu'elle ne le verrait plus, le bleu témoigne du retour de sa vue.
End Notes:
Hey, encore ici, ça fait plaisir !
J'ai un peu affiné le plan, donc, en théorie, si je suis bien inspirée comme il faut, je devrai écrire assez rapidement (je croise les doigts). Sachant que sur plusieurs de ces chapitres, je me suis inspirée des Nuits qui m'ont fait pas mal écrire sur Zélie...
Au prochain chapitre, Zélie va mettre pour la première fois du maquillage pour un événement spécial ;)
J'espère que la lecture vous a été agréable et à tout bientôt !
Comme un vin de vigueur by Sifoell
Author's Notes:
Bonjour,
Nous sommes ici sur la première fois où Zélie met du maquillage pour un événement spécial. Je vous fais un rappel des contraintes (en gras ce que je pense avoir utilisé).
Indication : Essayez de trouver des enjeux. Pourquoi votre personnage doit-il faire ça ? Quel âge a-t-il ? Pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ? Ou pourquoi l’avoir fait aussi tôt, au contraire ? Quelles étaient les conditions réunies pour sauter le pas ?
Contraintes obligatoires
- Prenez le temps d’exprimer en quoi cette première fois change quelque chose à l’intérieur de votre perso.
Contraintes facultatives
- Surprise ! Quelque chose ne s'est pas passé comme prévu : tout se passe comme prévu !
- La couleur de votre choix doit prendre une place importante tout le long du texte.
Nous sommes à l'été 2004, et Zélie a 18 ans.
C'est le mois de mai, et la douceur de l'air incite plus à la paresse et la rêverie qu'au travail, et Zélie peine à réviser son bac, pourtant, il faut bien. Elle vient de subir sa deuxième greffe de cornée, ce coup-ci à l'oeil gauche, et arbore un cache-oeil qui lui donne un air de pirate. Le fait de bientôt voir des deux yeux, et de bientôt ne plus se cogner partout sur sa gauche, la rend rêveuse.
Et ce que Zélie garde comme un secret, tout au fond d'elle, c'est que depuis qu'elle a recouvré la vue, progressivement, l'année dernière, quand elle joue de la musique, c'est un véritable feu d'artifice de couleurs quand elle joue certaines notes. Uniquement des nuances de bleu. Elle a appris par cœur les noms de ces nuances, et s'est mise depuis au dessin et à la peinture, ce que sa mère l'observe faire en silence, un doux sourire sur ses lèvres, invisible et inaudible, la concentration de sa fille oblitérant tout.
La garde robe de Zélie a changé aussi. Elle ne porte que des nuances de bleu. Barbeau, canard, indigo. Des robes, des jupes, des pantalons, des foulards, des tuniques, des bracelets. Outremer, saphir, sarcelle. Un chouchou dans les cheveux, des boucles d'oreilles qui pendent, des chaussures montantes. Turquin, horizon, gris de lin. Zélie baigne dans une mer de bleu, dans un océan de musique, dans un univers de mots. Parce que Zélie a découvert Rimbaud, et au lieu de réviser pour son bac, ce qui la fait encore plus rêver, c'est le spectacle de fin d'année qu'elle a préparé. Des contes imaginés à partir des poèmes d'Arthur Rimbaud, et un décor minimaliste se dessinent dans son esprit, puis sur ses croquis. Une estrade, une simple baladeuse, un tabouret, et ses instruments. Le clavier, la guitare, la harpe celtique. Un tambourin et ses grelots de chevilles. Des verres à pied emplis d'eau. Et elle et ses mots.
Cela fait tellement plus rêver que les révisions du baccalauréat.
Et Zélie rêve grand, et traîne ses parents, et sa petite bande, Isidore, Atima, Manu, ses plus proches amies, Sarah et Emilie, les amies de son frère. Mais plus de Quentin. Depuis qu'il a rompu avec elle, Isidore ne veut plus en entendre parler. Elle les traîne de pièce de théâtre en concert, choisit le programme télé, lit à voix haute des poèmes, chante des chansons, compose, écrit, se nourrit de mots, de couleurs et de musique. Ses parents s'en inquiètent, mais sans le dire. Eux qui l'avaient imaginée aveugle à jamais, et kiné, ils la découvrent si pleine d'imagination, et elle leur échappe, quelque part. Même si, trop gentille, toujours compréhensive, elle s'est laissée un peu étouffer sans trop se plaindre, leur sollicitude est malvenue, maintenant, et la Zélie qu'ils ont connue n'est plus, elle étend ses ailes.
Et son envergure est trop grande pour les rêves qu'ils font d'elles.
Les épreuves du bac sont derrière elle, et Zélie a réussi à arracher à ses parents une promesse : une année sabbatique, une année à lire, vivre, écrire, voyager. Le permis, mais pas d'études, hormis l'école de musique. Elle aimerait se lancer, peut-être être intermittente du spectacle, mais elle ignore les grimaces sceptiques de ses parents sur ce métier que l'on fait un peu mais pas souvent. Ce métier que Zélie elle-même n'arrive pas à nommer. Instrumentiste ? Conteuse ? Chanteuse ? Parolière ? Zélie ne veut pas faire de choix, Zélie veut tout prendre sans rien laisser. Et le bac derrière elle, elle se prépare comme une pro au spectacle qu'elle donne au lycée pour clore sa dernière année, dire au revoir à ceux qui ont compté, et qu'elle ne reverra peut-être pas de sitôt : Atima qui va étudier un an à Pondichéry, à vivre chez son oncle et sa tante, Manu qui, étonnamment, part sur une formation d'ingé, comme elle dit, mais Zélie n'a jamais bien compris en quoi tout cela consiste.
Habillée d'une longue robe bleue dont le bas lui caresse les pieds, Zélie se souvient des conseils que Sarah lui a donné pour se maquiller. Elle se lave d'abord le visage à l'eau claire, puis le sèche en le tamponnant de la serviette éponge. Un fond de teint clair pour lui donner une bonne mine, puis de la poudre ambrée sur les pommettes. Zélie noircit ensuite ses yeux bleus de khôl et les souligne d'un trait d'eye liner, les agrandissant et renforçant leur forme amande. Puis du fard cuivré sur la paupière mobile, rehaussée d'un brun mordoré. Et du mascara brun profond.
Zélie s'éloigne du miroir, et se regarde avec attention. Un rouge à lèvre rose poudré, pour que l'attention soit tournée vers ses yeux. Zélie penche la tête sur le côté, le rideau de ses longs cheveux blonds venant recouvrir son épaule. Elle va laisser ses cheveux lâchés, c'est comme ça qu'elle les préfère. Zélie se sourit, Sarah serait fière d'elle. Elle quitte les toilettes qui lui servent de loge, traverse le couloir, la tête basse, se concentrant sur les contes qu'elle a imaginés, et le portrait de Rimbaud danse un peu dans son esprit, sépia, la mèche folle, le regard lointain, ce portrait qui a rendu fou Verlaine. Fou de désir et d'amour.
Zélie s'arrête devant la double porte menant à la salle de conférence que le professeur Muller a aménagé pour elle. Elle a tout installé sur l'estrade, et le professeur s'est occupé de l'éclairage et de la sono, que Zélie ne maîtrise pas encore, mais elle va apprendre, entre l'école de musique, et les cours qu'elle a trouvé sur le net. Elle a tant et tant à apprendre, cette année. Et elle a réussi à arracher à ses parents la promesse de la laisser faire.
Le cœur battant, elle tend l'oreille vers la rumeur de la salle, et le tic-tac de l'horloge du couloir. Ils sont tous là. Son entrée en scène est dans quelques instants. Juste quelques instants qu'elle vole encore pour se concentrer, alors que dans sa tête, dans une ambiance sereine, dansent les mots, filent ses doigts sur les cordes ou les touches. Le spectacle qu'elle a imaginé se déroule dans le théâtre de son esprit, à toute vitesse, parfait. C'est là qu'elle doit être, là ce qu'elle doit faire, qu'importe ce qu'en pense le monde, elle n'a jamais été aussi près de ce qu'elle veut faire. Un bref coup d'oeil à l'horloge lui fait dire qu'elle est un peu en retard, alors, elle pousse la porte, et les conversations se taisent, la lumière baisse. D'un pas léger, elle marche jusqu'à l'estrade où elle allume la baladeuse, et se perche sur son tabouret. Elle enfile ses griffes, comme elle les appelle, sur le bout de ses doigts, et installe les sangles de sa harpe sur ses épaules, et la rapproche d'elle, comme elle le ferait d'un enfant qui a besoin de repos. Ses yeux parcourent alors les têtes sombres du public. Elle sait sa famille et ses amis là, devant elle, mais elle ne les voit pas. Dans le silence attentif de la salle, sa voix s'élève doucement, avec juste assez de faiblesse pour qu'ils tendent tous l'oreille sur les quelques premières phrases.
« Trois prénoms il a, mais le troisième seulement est connu. Un prénom de roi, un prénom de légende. Un prénom que tous vous connaissez. Arthur. Arthur Rimbaud, il est. Arthur Rimbaud il sera toujours, car mort trop tôt, il a rejoint les Immortels, tapis dans les replis de notre mémoire... »
La voix de Zélie, chaude et profonde, conte, et ses doigts pincent doucement les cordes de la harpe celtique. Elle conte son amour pour Rimbaud, et son amour des mots. Et dans la salle, un silence muet lui répond.
End Notes:
Et voilà ! J'espère que Zélie prend un peu de consistance, je ne suis que moyennement satisfaite de ce que j'écris jusqu'à présent pour elle.
Le format recueil veut cela, aussi, les ellipses temporelles, s'arrêter sur des moments clés.
J'espère que la lecture vous a été agréable, n'hésitez pas à me laisser un commentaire, quand je ne suis pas complètement bloquée à l'idée d'y répondre, je le fais avec joie :)
Se délier la langue by Sifoell
Author's Notes:
Hello,
Et non, je n'étais pas en train de bouder dans mon coin. J'écris tous les jours, et j'en suis fière ! Mais j'écris des choses que je vais attendre un peu avant de publier, notamment deux fics dans l'univers MCU (marvel cinematic universe). Je n'ai pas oublié mes originaux, ni mes fanfics HP en cours (y en a tellement, ça me désespère, mais petit à petit, l'oiseau fait son nid, donc y a pa de raison que je n'avance pas à pas de fourmi !).
Voici donc le 8ème texte du recueil sur Les Premières Fois de Zélie, et purée que je l'aime, ce personnage ! J'ai vraiment envie d'en faire une nana super positive qui dévore la vie. Je ne suis pas sûre de parvenir de faire d'elle le quart de ce que je voudrai qu'elle soit.
Merci à Dedellia pour tes commentaires !
Alors, c'est parti.
Nous sommes en été 2004 : à la suite du chapitre précédent (Zélie a 18 ans). Ceci est la première fois où Zélie boit de l'alcool.
Indication : Essayez de trouver des enjeux. Pourquoi votre personnage doit-il faire ça ? Quel âge a-t-il ? Pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ? Ou pourquoi l’avoir fait aussi tôt, au contraire ? Quelles étaient les conditions réunies pour sauter le pas ?
Contraintes obligatoires
- Prenez le temps d’exprimer en quoi cette première fois change quelque chose à l’intérieur de votre perso.
Contraintes facultatives
- Surprise ! Quelque chose ne s'est pas passé comme prévu : arrivée de Quentin
- La couleur de votre choix doit prendre une place importante tout le long du texte : jaune
Et comme les contraintes de la BAF ne me suffisaient pas (héhé, j'adore en avoir trouzemille en même temps), voici :
Atelier Fleur, la fabrique à plumes du 26/08/21, thème de 21h
BELIER : Associé au signe du FEU.
Le bélier est fonceur, impulsif et énergique. Demandeur d'attention, c'est un leader par nature.
Hyperactif, c'est un signe d'action, d'enthousiasme, de projection vers le futur, d'autorité et d'audace. Ce signe a toujours envie d'aller de l'avant, c'est le signe des chefs, des pionniers.
Prompt : Votre personnage est leader, chef de quelque chose ou de quelqu'un. Il réagit de façon impulsive et finit par le regretter (j'ai un peu mis de cela pour Zélie et Quentin, sur la fin du texte).
Je vous souhaite une bonne lecture !
Juste après la fin du printemps, et après le bac qu’elle a obtenu avec justesse, Zélie a son anniversaire. Ses dix-huit ans. Et une année sabbatique devant elle pour apprendre tant et tant. Elle s’imagine cette année comme un tremplin, pour la faire rebondir vers ce qu’elle désire, ou la faire retomber dans ce qui lui est familier.
Ses parents l’ont fichue dehors, avec Manu, le temps qu’ils préparent la surprise, qu’ils parent la maison de guirlandes et de fanions, le temps que sa mère pâtisse et que son père fasse les courses. Le temps qu’Isi aille acheter ses cadeaux parce qu’il le fait toujours à la dernière minute sinon c’est pas drôle. Les deux filles sont parties au parc, étalées dans l’herbe, à fumer des clopes et refaire le monde, au téléphone avec Atima. Zélie ne dit pas à ses parents qu’elle fume avec Manu, ils lui en feraient toute une histoire parce que les médecins le déconseillent suite à sa greffe. Mais Zélie, même si elle a obtenu ce qu’elle attendait de ses parents, son année sabbatique, se sent un peu enfermée. Elle reste leur enfant fragile, qui a vécu dans le noir pendant une dizaine d’années et vient juste de recouvrer la vue. Leur enfant à protéger. Et cela l’étouffe. Plus ils prennent soin d’elle, plus elle appelle à la liberté. Plus ils s’inquiètent, plus elle s’éloigne.
Zélie plisse les yeux en regardant les gosses jouer au ballon dans le bas de ce même parc qui a vu une de ses dernières grosses gamelles, avant qu’elle n’aille voir le pédiatre. Puis l’ophtalmo, et que son monde s’assombrisse.
« Manu, j’ai envie de partir. »
Prononcée d’une voix traînante, Zélie regarde Manu, interloquée, quand celle-ci se met debout rapidement et lui tend la main.
« Tu veux aller où ? En forêt ? On a deux bonnes heures encore, on fera ce que tu veux. C’est ta journée. »
Zélie éclate de rire en secouant la tête.
« Non. J’ai envie de partir de Bourges, mais je ne sais pas où. Et même pourquoi pas, quitter la France. Aller en Angleterre, ou en Irlande, être fille au pair, pourquoi pas... »
Manu, circonspecte jusqu’à la pointe verte de ses cheveux, regarde son amie, sa blondeur, le rose de ses joues, le jaune éclatant de sa robe sur sa peau laiteuse. Zélie est la fille modèle incarnée. Alors que Manu, brune, cultive son côté punk et se destine à une carrière d’ingé.
« Alors, fais-le, Zélie, si c’est ce que tu veux. Et tu t’en fous de ce qu’en pense ta famille. Ils t’aiment, ils accepteront de te laisser partir, même si Lucie va pleurer toutes les larmes de son corps. »
Zélie a un sourire incertain et rêveur qui reste sur ses lèvres. La sonnerie de son téléphone la rappelle à l’ordre, et elle fronce les sourcils quand elle voit que c’est Quentin qui l’appelle. Adressant un regard gêné à Manu, Zélie se lève, décroche son téléphone d’un allo hésitant, et s’éloigne.
« Joyeux anniversaire Zélie. »
La jeune fille a soudain envie de lui demander pourquoi il l’appelle au bout de deux ans pour lui souhaiter son anniversaire, mais elle n’arrive pas à l’exprimer, alors elle se tait, et entend la respiration de Quentin au bout du fil.
« Je suis désolé, Zélie. J’ai été un con. »
« Je ne te le fais pas dire... »
Elle met de suite sa main sur sa bouche. Elle n’a aucune envie de reprocher quoi que ce soit à Quentin. Il a fait son choix, certes discutable, mais Zélie ne veut pas lui tenir rigueur d’avoir pris peur à l’idée d’être en couple avec une fille aveugle.
« Comment vas-tu ? »
Zélie lance un regard à la mine renfrognée de Manu qui se laisse tomber sur les fesses avant de se rouler une clope, et s’éloigne encore d’elle. La conversation avec Quentin se poursuit tranquillement, deux ans de nouvelles et pas grand-chose à se dire. Et cela sort de la bouche de Zélie sans qu’elle ait pu s’en empêcher. Quelque chose comme un espoir vague.
« Tu sais, tu peux venir ce soir, si tu veux ? On fait un petit truc à la maison pour mon anniversaire. »
Zélie lance alors un regard alarmé à Manu, se demandant dans quelle mouise elle est en train de se mettre.
« Mais Isi ? »
« Je lui parlerai. Viens, Quentin. »
Elle lui arrache la promesse de passer, et raccroche en se disant qu’elle est en train de faire une énorme connerie.
« Je crois que j’ai invité Quentin à mon anniversaire. Il vient à 20h. »
Manu acquiesce d’un air indéchiffrable.
« Je crois aussi. Tu veux en parler ? »
Zélie secoue la tête, le coeur battant fort dans sa poitrine.
« Parce que je pense que tu fais une connerie. »
Zélie acquiesce, le regard fuyant, et range son téléphone dans son sac.
« Rentrons. »
L’ambiance est pesante à la maison, à mesure que les minutes passent et que vingt heures se rapprochent dangereusement. Isidore n’a rien dit, mais à sa mine, et à celle de Manu, Zélie sait qu’ils sont du même avis. Alors, un peu mal à l’aise, Zélie est devant sa quatrième bière quand la sonnerie retentit et qu’elle va ouvrir à Quentin.
Il est comme dans son souvenir. Grand et les épaules larges sur lesquelles elle adorait faire courir ses doigts, la mèche un peu trop longue et le sourire en coin.
« Salut. »
« Salut. »
L’accueil est frisquet, Zélie ne sait pas comment faire mieux. Quentin lui tend alors un bouquet de tulipes jaunes. C’est la première fois qu’on lui offre des fleurs, et que cela vienne de lui la touche mais la gêne à la fois, elle ne sait pas pourquoi. Alors, les tulipes dans la main, Zélie vient embrasser la joue de Quentin. Il a la peau douce et sent l’après-rasage, comme dans ses souvenirs. Mais c’est les yeux fermés qu’elle s’en rappelle le mieux. Quand elle s’éloigne de Quentin, elle a la tête qui tourne, et se dit que les trois bières y sont pour quelque chose.
De retour à l’intérieur de la maison qui est remplie de jeunes gens, leurs parents étant partis chez des amis, Zélie supplie du regard Isidore de bien se comporter, comme elle l’a supplié avant, pour elle ne sait quelle raison, de ne pas en vouloir à Quentin. Maintenant que ses yeux sont réparés, peut-être que sa relation avec Quentin peut l’être aussi ?
L’accueil est frisquet, et Zélie en profite pour fuir dans la cuisine à la recherche d’un vase.
Qu’est-ce que j’ai fait ? Pourquoi je l’ai invité ? Qu’est-ce qu’il veut ?
De retour dans la salle à manger, sa main attrape par automatisme sa bière qu’elle sirote un peu trop vite, et son regard s’aimante à celui de Quentin. Elle se souvient du Quentin d’avant qu’elle ne perde la vue, grand gamin de dix ans aux genoux cagneux et tout dégingandé. Elle se souvient de Quentin quand il était l’ami d’Isi, et quand il était son petit ami. L’odeur musquée de sa peau, le vetiver de son après-rasage, son rire chaleureux et sa voix douce. Et Quentin maintenant, elle le reconnaît sans le reconnaître, il est comme un souvenir lointain dont elle s’est un peu détaché.
Pourquoi je l’ai invité ?
Zélie siffle le reste de sa bouteille de bière, et, la tête lui tournant un peu, va grignoter des chips, alors que Quentin la suit et que les conversations se taisent. Isidore et Manu ont promis de faire des efforts, mais cela ne les empêche pas de ne pas adresser la parole à Quentin, et de le fusiller du regard, la mine longue. Quentin s’assoit à côté de Zélie qui se pelotonne contre l’accoudoir.
« Tu m’as manquée. »
Les yeux pétillent, le sourire est charmant. Zélie se verse un verre de punch, incapable de lui répondre que lui aussi lui a manqué, au début. Et qu’elle a failli un peu sombrer, quand même. Quand il l’a larguée par message.
Tu es une fille géniale, mais je ne peux pas être en couple avec toi. Je ne me vois pas m’occuper d’une femme aveugle toute ma vie. Alors, c’est fini, Zélie.
C’était il y a deux ans, et deux opérations plus tard, elle voit de nouveau, mais plus personne n’a parlé à Quentin depuis. Même pas Isi dont c’était le meilleur pote. Même pas Manu qui est sa voisine. Même pas les parents d’Isi et de Zélie qui étaient amis avec les Monard, les parents de Quentin. En trente-quatre secondes de message sur le répondeur de Zélie, Quentin a fait voler en éclat plusieurs amitiés. Et cela fait deux ans que cela dure. Ils s’évitent tous, ils ne se parlent pas, et c’est comme ça.
Zélie fait tourner son verre de punch jaune entre ses doigts avant de tremper ses lèvres dedans. Elle est franchement pompette. Et c’est sans doute pour cela qu’elle parle si aisément à Quentin, d’une voix toute douce, n’ayant pas envie de le blesser.
« Tu m’as manqué, au début. Puis je me suis habituée. J’ai fait avec, ou plutôt, j’ai fait sans toi, Quentin. »
Le regard de Quentin devient plus distant, et Zélie s’étonne de remarquer toutes ces petites choses alors qu’elle a tant de mal à prononcer les mots qui sortent de sa bouche. La main de Quentin vient se poser sur son genou, légère et incertaine. Zélie regarde cette main incongrue, dont le teint jure avec sa robe jaune tournesol, puis elle se tourne vers Quentin.
« Le problème, c’est que tu as perdu ma confiance. C’est la première fois que la confiance que j’ai placé en quelqu’un n’existe plus. »
« Laisse-moi la regagner. »
Zélie a un sourire triste. Quentin n’est que murmures, et plus personne ne cause dans le salon, suspendus qu’ils sont aux lèvres de Zélie et Quentin.
« Cela ne marche pas comme ça. Elle n’existe plus. Rentre chez toi, merci pour les tulipes, je crois que je voulais juste vérifier quelque chose. C’est fait. Je n’ai pas besoin de toi. »
La main de Quentin se crispe sur le genou de Zélie, froissant entre ses doigts sa robe. Celle de la jeune fille vient la saisir.
« Mais je ne t’en veux pas. »
Le sourire de Zélie, un peu vague et aviné, se grave dans l’esprit de Quentin. Il repart sous les yeux lourds de reproche d’Isidore, Manu, Sarah et Emilie.
End Notes:
Pfffffiou !!!
J'en suis contente et pas contente, je ne sais pas pourquoi, j'ai l'impression d'avoir du mal avec ce recueil, pourtant je brainstorme pas mal.
Est-ce que j'ai du mal à écrire des personnages foncièrement positifs ? Là est la question.
J'espère que la lecture vous a été agréable, n'hésitez pas à laisser un petit mot auquel je répondrai avec plaisir :)
A bientôt (plus que QUATRE textes !!!)
What a wonderful world by Sifoell
Author's Notes:
Hello,
Je mets un coup de collier à la publication de ce recueil, parce que la quatrième boîte à flemme vient d'être publiée, et je n'ai pas fini la deuxième (chuis pas vexée, non...).
Bref, au chapitre précédent, Zélie goûtait pour la première fois de l'alcool pour ses 18 ans, et s'expliquait avec Quentin, qui l'avait larguée parce qu'elle était aveugle, et souhaitait revenir avec elle maintenant qu'elle ne l'était plus.
Et dans ce court chapitre (mais je trouve qu'il se suffit), Zélie se sent pour la première fois vivante.
Je vous souhaite une bonne lecture !
Zélie est une fille de l’été. Bien que d’une pâleur un peu effrayante l’hiver, elle n’aime rien tant que se dorer la peau au soleil. Et ce qu’elle aime par-dessus tout, l’été, à Bourges, ce sont Les Rues en Fête. Tous les ans, elle y traîne sa famille et ses amis, car tous les soirs, au coin de la rue Mercoeur et jusque dans le parc qui lui fait face, se tiennent des concerts. Ce soir-là, c’est un saxophoniste qui joue du jazz. Isidore et Manu sont venus, contraints et forcés, accompagner Zélie qui porte sa robe rouge, qui met en valeur le discret hâle de sa peau. Elle se retourne vers son frère et sa meilleure amie.
« J’ai un secret à vous dire... »
Elle étend ses bras, montrant les environs, un air mystérieux et fier sur le visage.
« Jeudi prochain, c’est moi qui serai là. Vous viendrez ? »
Manu rougit jusqu’à la pointe de ses cheveux verts avant d’exploser de joie.
« Oui !!! »
Et de prendre Zélie dans ses bras, et de la faire tourner, cheveux noirs et verts et cheveux blonds voletant derrière elles, alors qu’Isi reste sur place à les regarder faire. Quand les deux filles se lâchent, Zélie observe son frère avant de se jeter dans ses bras, alors qu’il tapote son dos d’un air gêné. Isi n’a jamais été très démonstratif dans le cercle privé, alors, dans le parc avec les passants et les spectateurs, rapidement, il ne sait plus où se mettre.
Isi embrasse les cheveux de Zélie, avant de murmurer.
« Je dirai à papa et maman de venir, aussi. »
« Non, je leur dirai de venir. Ils doivent comprendre que c’est du sérieux, Isi. C’est ce que je veux faire toute ma vie. »
Elle est comme ça, Zélie. C’est tout ou rien. Elle n’est pas dans la demi-mesure.
Quelques notes de saxophone les font se retourner vers le musicien, qui, les joues gonflées, souffle dans la hampe.
« Oh, je la connais, celle-là... »
Et Zélie se met à fredonner, et le musicien capte son regard, et s’arrête.
« Si tu la connais, chante-la, ma jolie. »
Zélie commence alors à chanter What a Wonderful World, de Louis Armstrong, d’une voix d’abord timide, avant qu’elle n’ose l’élever. Le musicien se lève de son tabouret et le déplace sur le côté, lui laissant de la place. Et Zélie chante, chante, chante encore et encore, dansant. Elle n’a pas une voix jazzy, sa voix est plus claire que du cristal, dans les graves comme dans les aigus. Et cela dure toute la soirée, Zélie et le saxophoniste, Zélie et sa voix, Zélie et sa silhouette rouge virevoltante, Zélie qui connaît par coeur toutes les chansons qu’il joue, Zélie habitée par ces voix anciennes. Louis Armstrong, Ella Fitzgerald, Billie, oh Billie Holiday et ses Strange Fruit, Nat King Cole, jusqu’à la récente Norah Jones.
Zélie dansant, portée par ses voix qui se sont éteintes mais demeurent.
A la fin du concert, Zélie ouvre les yeux et se rend compte de toutes les personnes qui se sont arrêtées, éparpillées sur la pelouse, entretenant les barbecues du parc, grignotant leurs merguez dans du pain, dorant des shamallows sur les braises encore rouges. Et Isi et Manu, dans les bras l’un de l’autre, l’oeil humide et fier.
Et le coeur de Zélie se gonfle d’aise, et elle n’a que la confirmation que oui. Elle veut faire ça toute sa vie.
End Notes:
Et voilà !
Je n'en suis pas complètement satisfaite, mais ce n'est pas trop mal... Donc je le laisse comme ça. Où en sommes-nous donc dans les premières fois ? Il reste les premières fois où le personnage déçoit quelqu'un, prend l'avion ou va à une prison (ou en prison). Alors, d'après vous, que va-t-il se passer pour les prochaines textes ? Certains sont en partie avancés grâce essentiellement aux nuits HPF.
Rappel des contraintes ici :
Indication : Essayez de trouver des enjeux. Pourquoi votre personnage doit-il faire ça ? Quel âge a-t-il ? Pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ? Ou pourquoi l’avoir fait aussi tôt, au contraire ? Quelles étaient les conditions réunies pour sauter le pas ?
Contraintes obligatoires
- Prenez le temps d’exprimer en quoi cette première fois change quelque chose à l’intérieur de votre perso.
Contraintes facultatives
- Surprise ! Quelque chose ne s'est pas passé comme prévu : on lui demande de venir chanter
- La couleur de votre choix doit prendre une place importante tout le long du texte : rouge (à peine effleuré, couleur rouge de la robe).
A bientôt !
Sif.
Author's Notes:
Indication : Essayez de trouver des enjeux. Pourquoi votre personnage doit-il faire ça ? Quel âge a-t-il ? Pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ? Ou pourquoi l’avoir fait aussi tôt, au contraire ? Quelles étaient les conditions réunies pour sauter le pas ?
Contraintes obligatoires
- Prenez le temps d’exprimer en quoi cette première fois change quelque chose à l’intérieur de votre perso.
Contraintes facultatives
- Surprise ! Quelque chose ne s'est pas passé comme prévu : non
- La couleur de votre choix doit prendre une place importante tout le long du texte : gris
N2 : Votre personnage se retrouve dans une prison ! En tant que visiteur, prisonnier ou gardien à vous de choisir... Dans votre texte vous devrez également placer les mots "ciel" et "rouge" (défis hebdo bibliothèque de fiction, Almayen)
Nuit du 25/06/21. Thème de minuit (proposé par Guette de mémoire).
Votre personnage se réveille et...
- WAAAAAAAW MAIS T'ES QUI TOI?
Zélie a été super impressionnée devant le grillage qui entoure la prison, puis devant le second grillage, et l'énorme porte, et la sécurité. Tout l'a impressionnée, jusqu'aux gardiens, certains humbles et sympathiques, d'autres aimables comme des portes de prison. C'est donc de là, que vient cette expression...
Ses cheveux ont été rassemblés dans une barrette, alors qu'elle les laisse toujours libres. Elle porte une chemise grise appartenant à son père. On lui a fortement conseillé de ne pas paraître féminine. Aucun maquillage ne vient souligner son regard, rehausser son teint, rendre gourmandes ses lèvres. Elle n'est pas là pour ça. Elle est là pour eux. Trente sept prisonniers et presque autant de gardiens. Tout cela est très impressionnant. Zélie ferme les yeux et prépare ses affaires. Son petit rituel est toujours identique. D'abord, installer le tapis sur l'estrade de ce qui ressemble à une grande classe ou à une petite salle de conférence. Puis poser dessus son tabouret. Oter sa harpe de sa housse, installer le pied de micro, le brancher sur la sono de la prison. Et leur chanter des chansons et leur conter des contes.
Zélie pense, mais elle ne le dira jamais à voix haute, que les prisonniers se font tellement chier qu'elle pourrait leur chanter des comptines.
Elle commence comme d'habitude, avec les classiques des Dubliners, à la harpe, à la voix, et en battant la mesure de ses pieds sur l'estrade. Cela sonne si bien que si elle trouvait une estrade transportable, elle en trimballerait sûrement une avec tout son barda. A la deuxième chanson, un gros prisonnier qui semble shooté aux médicaments, laisse sa tête tomber sur sa poitrine et ronfle bruyamment, faisant rire tout le public, et Zélie aussi. Quand elle repose, à la fin d'une chanson, la harpe qui fait grincer atrocement l'estrade, la tête se relève brusquement, il cligne des paupières, son regard tombe sur Zélie et il braille.
« - WAAAAAAAW MAIS T'ES QUI TOI? »
Zélie reste interdite, ne sachant que dire, mais le prisonnier à sa droite lui tapote l'épaule et lui dit quelque chose à l'oreille. Le nouvellement réveillé braille alors.
« Aaaah, d'accord. Ben continuez ! »
Zélie le remercie d'un hochement de tête et d'un sourire et à la troisième phrase de son conte, il s'est de nouveau endormi.
Manu poireaute dans la voiture pendant que Zélie est à son concert, et fume clope sur clope en discutant via messenger avec Isidore, le frère de Zélie, qui est super inquiet.
« Non, mais c’est un concert dans une prison, Manu ! Une prison. »
Manu hésite à ouvrir la fenêtre pour aérer la voiture, et recevoir toute la flotte qui tombe, ou continuer à enfumer l’habitacle et se parfumer au tabac froid. Il fait un temps dégueulasse qui grise tout le paysage.
« Oui, c’est une prison, mais je pense que c’est un tout petit peu sécurisé, parce que tu sais, il y a des gardiens, dans la prison. Ils vont pas laisser Zélie toute seule avec sa harpe et son micro, Isi. Réfléchis… Et t’es pas censé bosser au fait ? »
Les grommellements d’Isidore au bout du fil font éclater de rire Manu qui tire sur sa clope et grogne quand la braise tombe sur son genou.
« Merde ! »
« Qu’est-ce qu’il y a ? »
La voix d’Isidore a de nouveau des accents d’inquiétude.
« Rien, je viens juste de cramer mon collant préféré... »
« Ah, parce que t’es en train de fumer dans ma voiture ? »
Manu pâlit, puis se décide à ouvrir la fenêtre.
« Non, pas du tout... »
Elle agite ses mains en des gestes vains pour essayer de faire sortir la fumée, ce qui n’a absolument aucun autre effet que de répandre de la cendre partout, et de la faire glapir quand de la braise s’y mêle.
« J’en connais une qui va passer l’aspirateur dans ma Clio... »
« Dans tes rêves, mon grand. »
Manu lance un regard vers l’entrée de la prison, vaguement inquiète, même si elle ne le reconnaîtra pas de vive voix. Elle plisse les yeux quand elle perçoit sous les trombes d’eau le pantalon noir et la chemise grise.
« Oh, elle a fini ! J’te rappelle... »
Et avant qu’Isi n’ait pu protester qui que ce soit, Manu démarre la Clio, ouvre les fenêtres parce qu’avec la pluie, l’odeur de tabac froid est insupportable, et la rapproche de l’entrée du parking où elle l’arrête. Zélie est abritée sous l’auvent à l’entrée, et installe la housse de sa harpe sur son épaule, puis ses autres sacs, et chargée comme une mule, elle trotte jusqu’à la Clio rouge dont Manu vient d’ouvrir le coffre. Une fois qu’elles ont tout rangé, elles s’installent devant, et Manu s’inquiète devant la longue mine de Zélie. La jeune fille a les yeux dans le vague, puis en soupirant, défait sa barrette et libère ses cheveux qui ondulent à cause de la pluie. Une expression indéfinissable sur le visage, elle regarde Manu, puis murmure.
« Rentrons. »
Ce n’est qu’une fois sur la quatre voies, que Zélie commence à parler de ce qu’elle a ressenti là-bas, et qui est lourd et l’encombre.
« Tu me passes une clope ? »
Manu lui lance un regard en biais, puis pioche dans ses roulées d’avance, en allume une à ses lèvres et la tend à Zélie qui tire dessus, encore pensive.
« Il y a tellement à faire là-bas. Ça s’est super bien passé, mais tu sens qu’ils se font tellement chier que tu leur proposerais n’importe quoi, ils viendraient… Il y a tellement à faire... »
Elle tire sur sa clope, les yeux sur le goudron de la route, le ciel gris, les essuie glaces qui battent la mesure.
« Je me rends compte qu’en fait, quand ils vont sortir de là, ils seront encore enfermés, tu vois, comme une sorte de répétition d’un traumatisme… Tu as lu le Joueur d’Echec de Stephen Zweig ? C’est tellement ce que je veux dire... »
Manu se contente de hocher de la tête, concentrée sur sa conduite.
« Ils sont enfermés dans leur tête. Je dis pas qu’il faut pas les mettre en prison pour ce qu’ils ont fait, quelque soit ce qu’ils ont fait. S’ils y sont, c’est qu’y a une bonne raison, mais… Y avait ce prisonnier, shooté aux médocs. Il doit être malade là-dedans... »
Zélie tapote sa tempe de son index.
« Il passait son temps à s’endormir, ronfler comme un sonneur, et se réveiller en hurlant, comme si à chaque fois qu’il se réveillait, il ne savait pas où il était. Putain, il m’a touchée, ce mec. »
Zélie pose sa main sur sa poitrine, et pour s’accorder à la pluie qui ne cesse de tomber, elle se met à pleurer à gros bouillons.
« Il faut faire quelque chose pour eux. Même si ça reste des personnes qui ont fait quelque chose de mal, et qui le paient, ils sont des humains. Il faut penser à leur sortie, s’il y a sortie prévue ou possible, et il faut penser à leur séjour en prison, leur sortir un peu la tête de ce marasme… Je supporterai pas d’être enfermée comme ça, Manu, je le supporterai pas. »
Zélie réunit ses pieds sur le siège et entoure ses genoux de ses bras, détournant le regard vers la fenêtre et la route qui défile, un mélange de vert et de gris.
« J’y retournerai. Je vais les faire écrire. »
Elle essuie ses yeux de ses mains et se met à rire.
« Je vais les faire écrire. »
Manu se met à rire à son tour, heureuse d’être aux côtés de la plus belle personne qu’elle connaisse.
End Notes:
* Mirko est un des personnages principaux du Joueur d'Echec, de Stephen Zweig, une lecture qui m'a vraiment marquée, bien qu'elle soit ancienne. Ou comment un homme libre est toujours enfermé dans sa tête...
Allez, plus que deux chapitres, dans l'ordre : la première fois où Zélie a déçu quelqu'un, puis la première fois où elle a pris l'avion (seule). Je triche parce que je me rends compte qu'elle a été en vacances à Casablanca, j'imagine qu'elle n'y a pas été en bateau, oups... Donc, le dernier chapitre sera Zélie qui prend l'avion pour la première fois seule. (Chut, faut pas le dire à Dreamer ou Fleur... Elles vont me gronder...)
J'espère que la lecture vous a été agréable !
Ses rêves en bandoulière by Sifoell
Author's Notes:
Hello, hello,
Me revoici par ici avec le 11ème et avant-dernier texte de ce recueil sur Zélie. Il a été inspiré (sur la fin) par la première fois où Zélie a déçu quelqu'un. Je vous rappelle les contraintes utilisées pour cette boîte à flemme :
Indication : Essayez de trouver des enjeux. Pourquoi votre personnage doit-il faire ça ? Quel âge a-t-il ? Pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ? Ou pourquoi l’avoir fait aussi tôt, au contraire ? Quelles étaient les conditions réunies pour sauter le pas ?
Contraintes obligatoires
- Prenez le temps d’exprimer en quoi cette première fois change quelque chose à l’intérieur de votre perso.
Contraintes facultatives
- Surprise ! Quelque chose ne s'est pas passé comme prévu : oui
- La couleur de votre choix doit prendre une place importante tout le long du texte : /
Nuit du 25/06/21. Thème de 22h.
Un objet doit tomber et casser.
Dessin d'Adhara d'un petit garçon tenant un chien noir en laisse et marchant sur un chemin escarpé vers un château.
Chanson « Notre Père » en swahili (correspondant à la prière)
On est sur la fin de l'été 2004. Zélie a 19 ans.
Je vous souhaite une bonne lecture !
Zélie a posé ses affaires dans la rue, déplié son tabouret de camping, sorti la harpe de sa housse qu'elle a laissé au sol, ouverte. Elle pose son sac à dos par terre et en sort cette ridicule descente de lit sur laquelle elle installe son tabouret de camping, puis elle approche sa harpe d'elle. Elle regarde dans la rue en souriant, les passants ralentissent en lui jetant un oeil. Zélie attrape alors dans son sac sa bouteille de verre qu'elle débouche, boit une rasade d'eau, la rebouche.
- Tu vas chanter quoi ?
Surprise, Zélie lâche sa bouteille qui tombe au sol avec un bruit inquiétant. Quand elle la ramasse, l'eau s'échappe de toutes les fissures. Zélie marmonne un juron, et lève les yeux vers l'importun. Son coeur manque un battement en voyant ce grand gars costaud, en marcel noir, aux muscles saillants, aux étonnants yeux bleus, et aux épaisses dreads blondes réunies avec un élastique.
- Salut. Je vais chanter des chansons celtiques, et conter.
- Compter ?
Il fronce les sourcils, et Zélie se rend compte qu'il doit être anglais.
- To tell a tale.
- Oh. D'accord. Je m'appelle Rodolphe.
Zélie hausse un sourcil étonné.
- C'est un prénom très français pour un anglais !
Rodolphe secoue la tête.
- Je ne suis pas anglais, je suis de Jersey, au large des côtes Normandes, mais on m'appelle Rudy.
Zélie acquiesce, visualisant où se trouve cette petite île. Rodolphe tend la main vers elle et tout ce qu'elle a installé.
- Je te laisse faire, je vais m'asseoir. Je t'achèterai une autre bouteille, tu l'as fait tomber à cause de moi. Tu t'appelles comment ?
- Zélie.
- Oh, on dirait jolie ! Tes parents ont bien trouvé ton prénom.
Zélie sourit de toutes ses dents en le regardant s'assoir par terre, croisant ses pieds nus. Elle se concentre, approche la harpe d'elle, et ferme les yeux, pinçant doucement les cordes, réglant son instrument. Zélie respire, comme si elle aussi prenait un temps pour s'accorder. Quand elle rouvre les yeux, cinq personnes sont assises par terre. Elle lutte contre l'envie de fermer de nouveau les yeux et de les faire disparaître et réapparaître, se multiplier ainsi, et sourit.
Elle commence par Molly Malone, balançant son corps, et la harpe contre elle, d'avant en arrière, se rassérénant du regard bleu pétillant de Rodolphe. Quand elle a fini Molly Malone, ils sont une vingtaine à s'être arrêtés. Des jeunes, des vieux, des familles.
Plus haut dans la rue, résonne un chant dans une langue étrange. Un chant entraînant, rythmé par les mains qui claquent, le bruit de chaussures sur le pavé. Zélie tourne la tête vers le haut de la rue, enchaînant sur une autre chanson des Dubliners, et voit quelques robes de chanteurs de gospel. Mais elle ne reconnaît pas la langue dans laquelle ils chantent, sans doute une prière.
A la fin de sa deuxième chanson, Zélie respire un coup devant son auditoire d'une trentaine de personnes, et lumineuse, commence à conter.
- Connaissez-vous l'histoire du garçon qui est parti promener son chien dans les montagnes, mais a traversé un monde entier avant de revenir chez lui ?
La voix de Zélie résonne dans la rue, alors qu’elle force à peine dessus. Ses doigts pincent adroitement les cordes de sa harpe, et ses yeux vont et viennent entre les visages qui l’écoutent, l’oeil brillant, accroché, et Rudy qui semble à la fois ici et ailleurs. Zélie entend en fond la chorale de gospel qui chante dans cette langue inconnue mais musicale, une chanson qui la fait voyager vers des pays où le soleil est écrasant, alors qu’elle conte l’histoire d’un garçon qui est bien loin de chez lui, avec pour seul compagnon son chien.
- Les montagnes sont escarpées, et le garçon et son chien noir, marchent sur la ligne de crête, en direction d’un château d’un autre temps dont on se demande comment il peut tenir au sommet, surplombant la vallée qui s’étend sous leurs pieds.
Zélie offre son histoire, sa voix, sa musique aux personnes qui s’arrêtent, de plus en plus nombreuses, pour l’écouter, mais son regard se pose, aimanté sur Rudy, ce jeune homme solaire, autour duquel elle a l’impression de graviter, et bientôt, c’est comme si tout ce qu’elle contait, chantait, tout son être ne s’offrait qu’à lui. Et il a cette qualité d’écoute qui fait que Zélie se donne encore, et encore, de plus en plus, entière, à lui, à ces gens, et à ces rues. Mais surtout à lui.
- Mais là n’est pas sa maison. Le garçon et le chien sont de la ville, et même si ce château a tant et tant à leur offrir, ce n’est pas chez eux. Alors, après avoir vécu des jours et des semaines auprès du roi de la montagne et de sa cour, le garçon décide de repartir chez lui. C’est comme s’il était parti ce matin...
Ils sont de plus en plus nombreux à s’arrêter et l’écouter, et certains viennent lui mettre quelques pièces dans l’étui de sa harpe qu’elle a laissé ouvert à ses pieds.
- Dans les forêts les plus obscures, son chien devient loup. Dans les villes les plus étranges, le petit garçon devient troubadour…
Zélie sourit aux parents qui murmurent à leur fille ce qu’est un troubadour. Le regard de Zélie se pose de nouveau sur Rudy, et inconsciemment, elle sait ou espère, peut-être, que ce jeune homme couronné de ses cheveux emmêlés vienne prendre une place auprès d’elle. Elle sent des choses comme ça, des fois, Zélie. C’est pour ça aussi qu’elle n’a pas cherché à renouer avec Quentin. Parce que leur histoire était finie, qu’il avait fait son choix, et qu’elle devait faire le sien.
- Et quand il rentre chez lui, son fidèle compagnon à ses côtés, il en revient vieux de plusieurs années, mais rien ne transparaît sur son visage inchangé. Il a l’impression d’avoir fait le tour du monde, a rencontré le roi de la montagne, la fée des eaux, la lutine des tulipes, et s’est enrichi de leur présence, pourtant, rien n’a changé. Sa maison est toujours la même, sa famille aussi.
Rudy est le premier à applaudir, très fort, entraînant les autres à en faire de même, le bruit de leurs mains rebondissant de bâtiment en bâtiment, dans le centre historique de Bourges, se mêlant au public plus haut qui clame son bonheur d’avoir écouté les chanteurs de gospel.
Le temps s’étire, et Zélie l’attrape, le dévore, en profite au maximum, persuadée d’être à la bonne place, à la juste et bonne place qui lui est réservée, et qu’elle s’approprie. Cette place sur laquelle elle se tient, sa harpe dans les mains et ses rêves en bandoulière.
Bien plus tard dans la soirée, quand les spectateurs sont sagement rentrés chez eux, et que la foule s’est clairsemée dans les bars, les musiques entremêlées s’éteignant les unes après les autres, Rudy aide Zélie à ranger ses affaires. Son regard rieur se promène sur la longue silhouette de la jeune fille, sur tous ses instruments qu’il se demande bien comment elle pourra porter. Avec son accent qui la fait sourire – Zélie a toujours aimé les gens qui se démarquent des autres, par une voix, un rire, ce petit quelque chose qui fait qu’ils sont eux, ce petit quelque chose qui n’appartient à personne d’autre – Rudy lui annonce.
- Je t’ai promis de te payer une bouteille d’eau, mais vu l’heure, tu dois avoir faim. Alors, je t’invite à manger, si tu veux, Zélie jolie.
Le sourire de la jeune fille s’étire devant le surnom un peu ridicule mais tellement mignon, et le dos chargé de sa harpe, ses bras de son tabouret et de son tapis, elle n’a pas le temps de ramasser le restant de ses affaires que Rudy se baisse et jette un sac, puis deux, sur son dos, et attrape l’ampli. Le regard de Zélie s’attarde sur les veines qui parcourent les bras de Rudy pour venir, comme un fleuve sur une carte, disparaître entre ses doigts. Elle s’imagine alors un homme qui fait surgir l’océan de ses mains, et se dit que cela peut-être une belle histoire à raconter. Avec un sourire en coin, conscient d’avoir été admiré, Rudy lui adresse un signe de tête.
- Tu viens ? Il y a un bar à tapas plus haut dans la rue, que j’aime bien.
Et ils passent le reste de la soirée là-bas, à discuter, refaire le monde, combler les rares silences de sourires qui illuminent la terrasse entière, le ciel dans les yeux, le soleil dans les cheveux, deux personnes solaires autour desquelles le monde tourne et tourne encore, tournera toujours.
Manu observe Zélie d’un air méfiant, les yeux plissés, la bouche boudeuse. Isidore qui est revenu passer les congés de la Toussaint à la maison, mais il ne voit rien, à part Manu. Et les parents de Zélie sont plus occupés à dévorer leur salade César et leur dernier melon d’été qu’à investiguer sur leur si silencieuse fille. Zélie est un moulin à paroles, d’habitude. Là, elle est taiseuse, mais ne paraît pas triste. Quelque chose cloche, mais quoi ? Manu, circonspecte jusqu’à la pointe de ses mèches vertes, écarquille les yeux quand une lumière se fait dans son esprit. Elle pousse une exclamation de surprise.
- Putain, t’es amoureuse !
Des couverts tombent dans des assiettes, Isidore toussote avant d’avaler son verre d’eau. Le père des deux blonds regarde sa fille avec des yeux ronds. Zélie jette un bref regard sur Manu avant de se détourner du regard inquisiteur de l’ensemble de la famille qui s’est posé sur elle. Ses joues sont en feu et son coeur s’affole. Elle picore sa salade dans son assiette avant de répondre, cryptique.
- Peut-être bien.
Un ange passe, puis deux. Puis une légion entière. Zélie râle.
- Oh, c’est bon, on va pas en faire tout un fromage !
Elle sourit en coin, son regard pétille. Et les vannes s’ouvrent. Ils retrouvent leur Zélie si loquace, si enthousiaste, leur Zélie que les Berruyer n’avaient même pas conscience d’avoir égaré faute d’attention.
- Il s’appelle Rudy, il est de Jersey. Il a acheté un camion et a prévu de voyager jusqu’en Asie.
La jeune fille passe sous silence ce qu’ils ont fait tous les deux dans ce fameux camion, les gémissements qu’elle a étouffé entre ses doigts, parce que les camions et l’isolation phonique, cela fait deux, ce qu’il lui a appris, goguenard, à l’issue de leur première fois. Zélie s’est alors rendue compte, lors des fois suivantes, que tenter d’être discrète décuplait son plaisir, quelque part. Et y échouer le sublimait.
Après, Rudy a changé de parking.
- Il sait tout faire de ses mains.
Les joues des Berruyer se colorent, et Zélie s’enfonce.
- Non, mais il est très doué, il travaille dans le bâtiment, et il répare son camion tout seul. Il est presque bilingue.
Manu, prise de pitié, vole à son secours.
- Cet après-midi, on n'a qu’à aller en ville, on ira boire une bière avec lui.
Zélie, qui avait sorti les rames, les range, et sourit à sa meilleure amie. Les parents demeurent silencieux, écoutant l’échange entre les deux filles. Le père inexpressif, et la mère méfiante, qui se détend en comprenant que Manu veille au grain. D’ailleurs, elle se tourne vers Isidore qui a récupéré un teint moins alarmant.
- Tu viens avec nous, Isi ? Tu ne bosses pas aujourd’hui, si ?
Isidore secoue la tête.
- Bon, ben tu viens avec nous, alors.
Il y a un je-ne-sais-quoi chez Rudy dont Manu se méfie. Mais quand elle y réfléchit un peu plus, elle se dit que ce je-ne-sais-quoi n’est pas que chez Rudy. C’est chez Rudy et Zélie. Et soudain, cela la frappe comme un camion. Rudy rêve d’Asie, Zélie d’Angleterre. Oups.
Zélie est suffisamment éprise pour penser à mettre de côté, repousser un peu son envie de partir à Londres, et si Rudy semble attaché aussi à la jeune fille, il a quelques années de plus, et surtout, il cultive son indépendance avec ferveur. En en discutant un peu avec Zélie, Manu sait qu’elle s’en rend compte, de ce qui va mettre fin à leur histoire. Mais l’été s’étire, et Zélie a enfermé ce petit détail dans une boîte quelque part à l’intérieur, caché entre deux rêves, trois musiques et quatre contes. L’été s’étire, et un obscur problème mécanique, et un beaucoup plus clair problème pécunier, empêchent Rudy de partir. Une histoire de casse moteur qui le met en rage et le fait accepter tout chantier de rénovation au noir. Zélie profite de cet été qui n’en finit pas et contraint Rudy, fauché comme les blés, à rester dans les parages, avec son moteur qui fait un bruit de machine à laver qui tourne avec des casseroles dans le tambour.
- Mais Zélie, enfin, ouvre les yeux !
Tout ce que peut lui dire Manu ne peut rivaliser avec ce que ressent la jeune femme pour Rudy. Zélie soupire, soutient son regard.
- Je SAIS ! Rudy va partir, je sais. Mais pas de suite, alors laisse-moi profiter de lui.
- Je vais te ramasser à la petite cuillère quand il va partir.
- Sans doute. Mais c’est à ça que servent les amis, non ?
Manu essaie de ne pas sourire, soupire à son retour, et replonge dans ses bouquins, alors que Zélie s’allonge sur le lit et fixe le plafond. D’une voix lointaine, rêveuse mais incertaine, elle marmonne.
- Rudy m’a parlé d’une école à Londres. En fait, il y en a plus d’une dizaine, j’ai regardé sur Internet. Mais il m’a parlé de cette école… The LSMT : the London School of Musical Theater…
Manu lève le nez de ses livres et fait la moue.
- Cela paraît assez éloigné de ce que tu fais, Zélie…
La jeune femme poursuit, perdue dans ses rêveries, et Manu l’écoute alors qu’elle ne lui répond même pas.
- Je pourrai apprendre pas mal de choses. Des trucs que je ne sais pas faire. C’est peut-être loin de ce que je fais, mais j’ai envie d’essayer.
Zélie s’anime, farfouille dans ses papiers, et retrouve ce qu’elle a imprimé tout à l’heure, et le tend à Manu qui déchiffre, plisse les yeux sur les frais d’inscriptions, fait un rapide calcul à la louche dans sa tête.
- Mais ça coûte une fortune, Zélie !
La jeune fille hausse les épaules, guettant une approbation dont elle n’a pas besoin, parce que sa décision est prise. L’été prochain, dans quelques mois, elle partira, et personne ne pourra l’en empêcher.
Assise en tailleur, Zélie se roule une cigarette et observe Rudy qui s’échine à essayer de changer son moteur. De ce qu’elle a compris, il avait tout juste assez d’argent pour acheter un nouveau moteur, et ne peut pas se permettre d’envoyer son camion immobilisé depuis bien trop longtemps pour Rudy et sa bougeotte, au garage. Pensive, elle allume sa cigarette et regarde Rudy couvert de cambouis, pester, tempêter, et ahaner alors qu’il manipule un genre d’engin de levage qui extirpe le moteur hors service du capot. Zélie a renoncé à lui proposer son aide après qu’il l’ait envoyé paître une énième fois, et se contente de le regarder travailler. Ironiquement, ce camion qui devrait permettre bientôt à Rudy de la quitter, sans doute définitivement, est déjà en train de les éloigner l’un de l’autre.
- Rudy ?
- What ?
Zélie grimace. Quand Rudy est en colère, il revient facilement à sa langue maternelle, mais ce que porte Zélie est trop lourd. Manu n’est pas là, ses études d’ingénieur lui prennent trop de temps pour supporter d’entendre Zélie se plaindre, et Isidore ce n’est pas mieux. Atima est encore à Pondichéry. Zélie se sent seule et un peu abandonnée, mais ne peut le reprocher à personne, parce que chacun a ses propres préoccupations. Mais les siennes pèsent, et pèsent lourd sur son coeur.
- J’ai parlé à mes parents de l’école de Londres. Ils ne sont pas très contents.
- Ils le seront plus tard…
Zélie fait tourner sa cigarette entre son pouce et son index, les mots sur le bout de sa langue peinent à franchir ses lèvres.
- Je t’ai dit que je suis devenue aveugle quand j’étais gamine ?
Rudy s’arrête, se redresse, et la regarde.
- Non, tu ne m’as jamais dit ça.
Il essuie ses mains crasseuses sur un chiffon qui a vu des jours meilleurs.
- J’avais une maladie aux deux yeux, et j’ai perdu la vue j’avais même pas dix ans. Je me suis fait opérer du premier œil il y a presque deux ans, et du second un an après. Mes parents m’ont toujours couvée, et mon frère aussi. Je leur ai annoncé que je vais partir à Londres l’année prochaine.
Les mâchoires de Zélie se serrent. Elle roule une seconde cigarette pour Rudy qui vient s’asseoir à côté d’elle.
- Et ils l’ont pris comment ?
Zélie tend la cigarette à Rudy qui la coince entre ses lèvres.
- Ma mère l’a mal pris. Très mal. Tu sais, c’est comme s’ils avaient tous peur pour moi, tout le temps. D’un côté, je fais ce que je veux, ils me laissent toujours faire. Mais de l’autre, c’est comme s’ils attendaient que j’échoue, que je me trompe, pour continuer à me protéger et me faire comprendre que j’avais tort, et eux raison.
Le bras de Rudy vient se poser autour de Zélie, et il la rapproche de lui, jusqu’à ce que sa tête vienne reposer sur son épaule.
- C’est ta vie, Zélie, pas la leur. Fais ce que tu veux, ils seront là pour toi.
La jeune fille redresse la tête et regarde le visage de Rudy qui a les yeux perdus sur son camion. Ses dreads sont maintenus ensemble par un élastique, ses yeux bleus sont ailleurs, déjà partis rêver de ces pays qui valent plus que Zélie. La fumée de la cigarette lui fait plisser les yeux.
- Et toi, tu seras là, Rudy ?
Zélie sent le jeune homme se tendre contre elle, et attend une réponse qui ne vient pas.
End Notes:
Devinez qui prend l'avion pour la première fois seule au prochain et dernier chapitre ? (ben oui, pas moi).
A tout bientôt !
Le grand départ by Sifoell
Author's Notes:
Bonjour bonjour,
C'est toujours un peu émouvant de finir quelque chose, donc voilà le dernier chapitre du recueil des Premières Fois de Zélie.
Concernant les contraintes de la Boîte à Flemme, nous voici ici sur la Première Fois où Zélie prend l'avion seule (je me suis rendue compte qu'elle l'avait déjà pris pour les vacances à Casablanca avec ses parents au deuxième chapitre, donc je me permets de dire que c'est la première fois où elle fait un voyage seule).
Indication : Essayez de trouver des enjeux. Pourquoi votre personnage doit-il faire ça ? Quel âge a-t-il ? Pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ? Ou pourquoi l’avoir fait aussi tôt, au contraire ? Quelles étaient les conditions réunies pour sauter le pas ?
Contraintes obligatoires
- Prenez le temps d’exprimer en quoi cette première fois change quelque chose à l’intérieur de votre perso.
Je n'ai pas utilisé les contraintes facultatives donc je ne les note pas.
Sinon, d'autres choses m'ont inspirées dans ce chapitre, je vous le donne dans l'ordre :
Nuit du 25/06/21. Thème de 23h
Il t’a pas dit pourquoi ?
Pourquoi quoi ?
- Pourquoi il voulait pas venir demain !
Atelier du 27/08/21, défis galactiques. Description paysages. Photo station de métro londonien, 20h15.
Défi N10 : votre personnage emménage chez un nouveau chez lui ! Vous devrez faire figurer les mots 'user', 'société' et 'rapide' (défi hebdo bibliothèque de fiction, Almayen)
Nous sommes en janvier 2005, Zélie a 19 ans. Je vous souhaite une bonne lecture !
- J'espère bien que tu vas partir, cette école c'est une opportunité dingue, Zélie ! C'est ce que tu as toujours voulu.
Vautrée dans le fauteuil de sa chambre, celui qui est son refuge pour lire et écouter de la musique, Zélie joue avec ses cheveux, tout en jetant un oeil à la durée de son appel avec Manu. Déjà deux heures quarante. Elles vont l’user, leur téléphone, mais elles ont fait pire.
- Tu sais, c'est Rudy qui m'en a parlé, de cette école...
- Oui, je sais, et comment ça va, vous deux ?
Zélie hausse les épaules, puis se marre parce que Manu ne peut pas la voir le faire, vu qu'elles sont au téléphone l'une avec l'autre.
- Oh, heu... Nous... Ben...
La voix de Manu tonne et Zélie éloigne son téléphone en grimaçant.
- Oui, donc il va te planter, comme il l'a déjà fait, c'est ça ?
Zélie ne répond pas, et sent une boule se former dans sa gorge.
- Il t'a pas dit pourquoi ?
Encore cette question, sur laquelle Manu insiste tant et tant. Zélie soupire.
- Pourquoi quoi ?
Manu s'agace, grogne au téléphone.
- Pourquoi il voulait pas venir demain !
Zélie ne répond pas. Elle éloigne le téléphone de son visage et plaque sa main sur sa bouche, étouffant le sanglot qui monte et menace de déborder.
- Zélie ? Zélie ?
Zélie réprime ses pleurs en levant les yeux au ciel. C'est si dur de partir de sa famille, ses parents ont tiré une tronche pas possible quand elle leur a dit qu'elle partait pour Londres alors qu'elle venait juste d'avoir son bac. Ils la surprotègent toujours, même depuis qu'elle a eu ses greffes de cornée et voit de nouveau. Surtout sa mère. Toujours sa mère.
- Zélie ?
- Rudy ne viendra pas. Il part acheter un camion pour voyager en Asie, c'est ce qu'il a toujours voulu. Voyager, rencontrer d’autres personnes, découvrir de nouvelles sociétés. Il m'a dit qu'il n'était que de passage dans ma vie, et que moi aussi, je n'étais que de passage dans la sienne. Que c'était ça, la vie, des gens qui vont et viennent.
Manu ne répond rien, pour une fois. Puis elle s'emporte, et au moins, ça fait rire Zélie.
- Mais quel connard !
Avec l’aide de ses parents, d’Isidore et de Manu, Zélie a fait tous ses papiers pour voyager à Londres, s’inscrire à l’école de théâtre musical, mais en septembre seulement, et pouvoir travailler. Les démarches administratives, c’est le dur retour sur terre pour quelqu’un qui rêve autant. Zélie est quand même rassurée parce que ses parents la soutiennent financièrement, et que cela risque d’être juste pour elle. Elle devra, d’une manière ou d’une autre, trouver un petit boulot à Londres.
Sa tête lui tourne quand elle apprend tout ce qu’elle aura à faire, seule, là-bas. Emménager dans le petit appartement à fleur de rue, ne pas se perdre dans les transports, faire les trajets quotidiens entre sa colocation et l’école, avoir le petit job dans le coin pour ne pas passer sa vie dans les transports. Acheter un vélo, sûrement. Rien que de penser à tout ce qui est à accomplir, Zélie se sent un peu dépassée.
C’est dans une sorte de brouillard que sa famille remplit la voiture de ses affaires, que sa mère vérifie pour la énième fois qu’elle n’a rien oublié, sinon il y a la poste, hein, ou tu achèteras ce qu’il faut sur place, je vais te faire un virement. Manu et Isidore sont collés l’un à l’autre, soutenant Zélie qui clairement, n’en mène plus très large. Et avant qu’elle ne sache comme cela s’est produit, ils se retrouvent entassés dans la voiture qui déborde d’instruments de musique. Le trajet à Paris passe en un clignement de paupières, et bientôt, Zélie se trouve en salle d’embarquement, elle et des milliers d’autres personnes. Elle sait que le vol Paris-Londres est super rapide, elle aura à peine le temps de se poser qu’elle aura déjà atterri.
Les yeux brillent et les gorges se serrent au moment des au revoir. Zélie disparaît dans les bras de son frère, réapparaît dans ceux de Manu, s’extirpe de l’étreinte de sa mère, est soulevée de terre par son père qui n’a jamais été démonstratif.
La dernière fois que Zélie a pris l’avion, c’était pour aller à Casablanca en vacances avec sa famille, alors qu’elle n’y voyait, déjà, quasiment plus. Maintenant que ses bagages ont disparu sur le tapis roulant, et qu’elle n’a plus que son petit sac, elle adresse un dernier signe à sa famille, Manu incluse, avant de se faire avaler par la foule et de s’engouffrer dans le couloir menant à l’avion. La tête lui tourne. Elle envoie un texto à Atima pour dire qu’elle est sur le point de prendre l’avion toute seule pour la première fois, ce que, bien entendu, tout le monde sait, mais cela la rend fière de le répéter.
C’est le début d’une nouvelle aventure, lui a répété Rudy avant qu’il ne fasse le mort et ne réponde plus à ses messages et ignore ses appels.
Bourges n’est pas une grande ville. Par contre, Londres l’est. Son énorme sac de rando accroché à ses épaules et sanglé au-dessus de sa poitrine et à sa taille, Zélie s’approche de la station de métro, la bouche grande ouverte, les yeux attirés par tous ces signaux lumineux. Elle traîne derrière elle un petit diable sur lequel elle a réussi à caser les étuis de sa harpe, de sa guitare et de son clavier, et porte à son épaule un autre sac de voyage auquel elle a accroché deux paires de chaussures par leurs lacets. Les adieux avec ses parents, son frère et Manu ont été difficiles, et Zélie a pleuré, une fois dans l’avion. Oh, pas très longtemps, mais elle était tant partagée entre le bonheur de partir mais ce déchirement aussi. C’est la première fois qu’elle les quitte, et là, ce n’est pas pour quelques jours, mais pour un an. Au moins. Maintenant qu’elle touche du doigt la liberté qu’elle a tant désiré, cela lui fait peur. Mais Zélie repousse cette idée étrange, et préfère s’émerveiller devant la station de métro. La lumière verdâtre, comme celle d’un aquarium, vient rivaliser avec celle des lampadaires. L’entrée est impressionnante, avec un fronton en fer forgé – c’est peut-être du cuivre, d’ailleurs, se dit Zélie. Le métal a verdi… Des gens passent devant la station, en entrent et en sortent, mais ses yeux se fixent sur un couple qui s’enlace, et elle associe de suite cette image à Orly, de Jacques Brel, et Zélie regrette qu’il ne pleuve pas.
Elle hésite un moment à entrer dans la station de métro et finir tranquillement son voyage, ou continuer d’observer ce couple qui se dit au revoir, enlacé, seuls parmi les milliers qui ne font que passer alors qu’ils demeurent. Le regard de Zélie retourne sur l’entrée de la station de métro, l’éclairage qui en sort, se mêle à celui des lampadaires, concurrence celui des enseignes. Londres est une ville qui ne dort jamais.
Elle vérifie sur son téléphone le trajet qu’elle doit faire, s’engouffre dans l’entrée du métro, et envoie un énième texto rassurant à sa mère. Elle se les imagine tous en train de guetter leur téléphone, attendant qu’elle les appelle parce qu’elle est perdue. Le truc qui ne sert à rien, franchement.
Alors qu’elle a demandé son chemin, Zélie se dit qu’elle aurait du prendre des cours d’anglais supplémentaires, elle a un accent épouvantable, mais arrive à comprendre ce que lui disent les gens, ou les conversations autour d’elle, s’ils ne parlent pas trop vite.
Le trajet a été plutôt rapide, même si, encombrée de toutes ses affaires, Zélie a l’impression d’être un escargot qui promène sa maison sur son dos. Elle quitte la gare de Charing Cross, emprunte la ligne de métro Central Line, et descend au bord du canal. Zélie prend le temps de reprendre son souffle, et de consulter le plan sur son téléphone. Elle soupire et rassemble son courage devant le petit quart d’heure de marche qui lui reste, qui aurait été beaucoup plus appréciable si elle n’était pas chargée comme une mule. Zélie bénit sa mère de lui avoir acheté un diable. Elle traverse le quartier de Bethnal Green, cherchant des yeux la maison aux briques rouges et à la cour encombrée de meubles de jardin fabriqués en palette. Heureusement, il fait beau, se dit-elle, le trajet aurait été bien plus pénible sous la pluie.
Son téléphone sonne, et elle reconnaît le numéro de Teon, un de ses colocataires. Elle répond, mais il parle à toute vitesse, elle comprend juste qu’il vient à sa rencontre pour l’accompagner jusqu’à la maison. Un homme barbu marche en effet d’un bon pas vers elle, le long du canal.
- Hey, salut ! Tu es Zélie ?
La jeune fille acquiesce, et serre la main tendue de Teon qui la débarrasse d’un sac et de son diable. Il lui dit autre chose mais elle ne comprend pas, et avec cet accent qui lui fait presque honte, demande en souriant au jeune homme de ralentir le débit parce qu’elle ne parle pas très bien anglais.
- Oh, oui, pardon. Tu as fait bon voyage ?
- Oui, très bien. C’est la première fois que je voyage toute seule, c’était impressionnant.
- Il faut des premières fois à tout, Zélie.
La jeune fille sourit. La première fois que Teon a prononcé son prénom, cela ressemblait à Zaylie, là, c’est plus Zeelie. Arrivés à la maison, il lui montre comment on ouvre le portail, lui annonce qu’elle peut lui emprunter son vélo quand elle le veut, il utilise sa voiture parce qu’il travaille à l’extérieur de Londres. Les yeux de Zélie se promènent sur la petite cour, le barbecue qui est recouvert d’une bâche parce qu’on est en hiver, les banquettes et la table en bois de palette dépourvues de coussin, les pavés inégaux de la cour, et l’herbe qui pousse entre eux. Elle adore tout ce qu’elle voit. Teon la précède pour entrer dans la maison, se déchausse et hisse la housse de la harpe sur son épaule avant de monter les escaliers et de s’arrêter à la première porte, la chambre de Zélie.
La jeune fille a laissé une partie de ses affaires en bas, elle ne rêve que d’une bonne douche et d’un bon repas.
- Bon, je te laisse t’installer, et je te dirai comment on s’organise avec Edward et Walter pour les courses, le ménage…
Le téléphone de Zélie sonne, et elle s’excuse d’une grimace en décrochant.
- Oui, maman ?
- Tu es bien arrivée ?
- Oui, je vais m’installer. J’ai rencontré Teon, et il y a deux autres colocataires, Edward et Walter. La petite cour devant est super belle !
Les yeux de Zélie se promènent sur sa chambre, il y a un grand lit juste sous la fenêtre, qui est déjà fait, et prend toute la largeur de la chambre. Une armoire longe le mur depuis la porte jusqu’au lit, et sur l’autre mur, il y a une échelle de bois derrière laquelle il y a un petit meuble pour les chaussures. Ses yeux suivent l’échelle, qu’elle se met à monter une fois débarrassée de son sac de randonnée, et Zélie sourit en découvrant une petite mansarde couverte de moquette et sans garde-corps. Cela lui fait penser à certaines Tiny Houses que Rudy lui avait montré, avec le couchage en hauteur pour laisser le plus de place en bas pour l’espace de vie. Elle a de la place pour installer ses instruments, il y a même une prise électrique et une ampoule nue.
- C’est parfait, ici. Et encore, je n’ai vu que la chambre. Il y a deux salles de bain à l’étage, et je n’ai pas vu encore le rez-de-chaussée. Teon m’attendait et on est monté directement, il m’a aidée à porter mes affaires.
Cela fait du bien à Zélie de parler en français, savoir ses parents si près, si facilement joignables, la rassure beaucoup. La jeune fille redescend, toujours au téléphone avec sa mère qui lui passe son père. Elle entreprend de ranger ses vêtements dans l’armoire qui est énorme. Quelques paires de draps y sont déjà, peut-être les lui laisse-t-on. Quand elle a raccroché avec son père, elle descend rejoindre Teon qui lui fait visiter le rez-de-chaussée, la cuisine, la salle à manger, le salon. Il y a même un petit jardin derrière, entouré de murs, avec une belle pelouse grasse et quelques carrés potagers en hauteur.
Zélie sourit. Elle sera bien, ici.
End Notes:
Et voilà ! La petite Zélie vient de débarquer dans le Grand Londres, je vais la laisser découvrir tranquillement les lieux avant de venir la chercher pour la rencontre qui va peut-être lui apporter plus de bonheur, et une grande et belle relation amoureuse mais pas avec un Moldu :)
Merci pour tous vos commentaires, et merci à Caro particulièrement d'avoir proposé ce recueil pour les Sélections Flamboyantes.
Pour les autres Boîtes à Flemmes, les nouvelles de Fleur et Dreamer, ou les anciennes d'Erwan et Litsiu, je ne ferai plus de grand recueil comme Les Premières Fois de Zélie ou La Femme Creuse, parce que c'est vraiment trop compliqué à gérer. Il y aura peut-être de courts recueils, mais surtout des nouvelles, je verrai quand j'y remettrai le nez.
A bientôt pour de nouvelles aventures !
Sif.
Attention: Tous les personnages et situations reconnaissables sont la propriété de leur auteurs respectifs. Les auteurs reconnaissent qu'ils ne touchent aucun droit sur leur travail en publiant sur le site.