Summary:
Montage à partir d'images libres de droit
Un meurtre dans une colonie de vacances et puis quoi encore ? Augustine a peur qu'on ne la croie pas mais les faits sont indéniables. Qui a bien pu tuer Monique ?
Prologue écrit dans le cadre de la Boîte à flemme : 5 minutes avant...
Rétrospective 3 (en 6ème position) écrit dans le cadre de la Boîte à flemme : La première fois
Categories: Projets/Activités HPF,
Policier, Thriller, Espionnage Characters: Aucun
Avertissement: Discrimination (racisme, sexisme, homophobie, xénophobie)
Langue: Français
Genre Narratif: Roman
Challenges: Series: Les Boîtes à flemme : le retour, Plus d'un cas pour Augustine Pinson
Chapters: 14
Completed: Oui
Word count: 18359
Read: 34479
Published: 11/05/2021
Updated: 05/10/2021
Story Notes:
Alors alors, cette histoire n'est pas du tout finie en ce 11 mai 2021 (oui je prévois d'oublier d'éditer), alors vous allez attendre pour connaître le fin mot de l'enquête, désolée.
Enfin voilà, la boîte à flemme m'a donné une idée et je l'ai suivi. Merci les beiges
1. Prologue : Cinq heures cinquante-deux by Carminny
2. Rétrospective 1 : Début by Carminny
3. Chapitre 1 : Six heures dix by Carminny
4. Rétrospective 2 : Jeux by Carminny
5. Chapitre 2 : Quatorze heures un by Carminny
6. Rétrospective 3 : Sortie en vélo by Carminny
7. Chapitre 3 : Seize heures cinquante-huit by Carminny
8. Rétrospective 4 : Pluie by Carminny
9. Chapitre 4 : dix-sept heures treize by Carminny
10. Rétrospective 5 : Menace by Carminny
11. Chapitre 5 : Dix-sept heures trente-et-un by Carminny
12. Rétrospective 6 : Veillée by Carminny
13. Chapitre 6 : Dix-huit heures deux by Carminny
14. Epilogue : Cinq heures cinquante-deux by Carminny
Prologue : Cinq heures cinquante-deux by Carminny
Author's Notes:
La boîte à flemme donc était : Décrivez les 5 min avant (au choix) : Un meurtre notamment.
Contraintes obligatoires
- Vous pouvez aller jusqu'à l'après (LE moment) mais les 5 min en question doivent représenter les 3/4 de votre texte
- Les 5 min doivent faire 500 mots minimum
Contraintes facultatives
- Evoquez les pensées de votre personnage comme si vous étiez dans sa tête, sans forcément de lien logique entre elles
Bonne lecture !
Augustine observait le lever de soleil à travers le feuillage de l’arbre sur lequel elle s’était perchée. Un hêtre comme chez elle. Après tout, elle n’était pas si loin de sa maison non plus, à peine deux heures avec le petit train qui s’arrêtait à chaque village. Elle aurait pu être à l’autre bout du monde que cela n’aurait rien changé. Ici, elle ne connaissait personne, même après ces deux semaines de colonie. Oh, elle, elle savait plein de choses sur les autres mais personne ne s’était intéressé à elle. Ça, c’était comme chez elle.
Sa montre argentée indiquait cinq heures quarante-sept. Le ciel se colorait doucement en orange mais les nuages avaient déjà une teinte rose. Dans à peine quelques heures, la colonie de vacances serait à nouveau remplie de cris et de rires, de chants et de disputes, d’enfants de tout âge et d’adultes censés les encadrer. Si elle pouvait, elle resterait perchée sur son hêtre toute la journée, et celle du lendemain, et toutes celles qui la séparaient du retour à la maison. Elle ne lui manquait même pas en réalité. C’était juste plus simple.
Avec un soupir, Augustine se laissa tomber de sa branche. Le soleil ne tarderait pas à apparaître entièrement au-dessus de la montagne et alors le dortoir serait baigné dans une douce lumière qui réveillerait Natalie, l’animatrice chargée de la surveillance des plus grandes. Autant éviter qu’elle ne s’énerve dès le matin. Six heures, c’était la fin de sa paix chaque matin et elle devait être dans son lit à ce moment-là. En plus, si elles la voyaient revenir à cette heure, Sylvie et Martine n’hésiteraient pas à la balancer à Monsieur Germain. C’était beau la solidarité entre eux…
Cinq heures quarante-neuf. Traverser la cour entre le hêtre au bord du jardin et le vieux bâtiment ne lui prit qu’une minute en courant. Elle s’apprêtait à se glisser à travers la porte qu’elle avait coincé avec un petit caillou quand elle aperçut une ombre passer dans l’escalier. L’adolescente se blottit contre le mur priant de ne pas s’être fait repérer et attendit quelques instants. La silhouette devait être partie maintenant. Elle entra à l’intérieur faisant attention que la porte ne grince pas.
Le couloir avec l’escalier était plongé dans la pénombre. Au deuxième étage se trouvaient les dortoirs des filles, au premier ceux des garçons. La porte du réfectoire n’était qu’entrebâillée. Quand Augustine était sortie deux heures plus tôt, ce n’était pas encore le cas. Poussée par la curiosité, elle s’en approcha et posa sa tête contre le bois.
– Je ne pensais pas que tu serais assez stupide pour venir, fit une voix qu’elle ne reconnut pas, une voix de jeune femme en tout cas.
– Pourquoi ne serais-je pas venue ? répondit une voix de jeune fille qu’Augustine ne connaissait que trop bien. Ce n’est pas moi qui ai peur.
Que faisait Monique Germain, la fille du directeur de la colonie de vacances, dans le réfectoire à cette heure-ci – en parfaite enfreinte du règlement – et en plus avec d’autres personnes ? Elle ne l’aimait pas particulièrement. Comme la plupart des autres adolescents, Monique avait la tête pleine de mode et de garçons et la bouche remplie de moqueries. Il n’empêchait qu’elle avait un mauvais pressentiment. Un très mauvais pressentiment. Un rayon de soleil qui passait par la fenêtre se réfléchit sur sa montre et Augustine se précipita de descendre sa manche pour ne pas se faire remarquer. Cinq heures cinquante-et-un. L’heure se grava dans sa mémoire en même temps que ce sentiment d’urgence.
Dans le réfectoire, les voix avaient laissé place à des bruissements de chaises. Augustine se pencha pour jeter un coup d’œil à l’intérieur. Il faisait trop noir pour voir quelque chose et elle se demanda comment faisaient Monique et son interlocutrice. Peut-être qu’elles avaient une lampe-torche qui était maintenant éteinte ?
Soudain une ombre bougea dans la pénombre. Un bruit sourd se fit entendre. Augustine resta pétrifiée. C’était le bruit d’un corps qui tombait par terre. Un bruit qu’elle n’aurait jamais voulu réentendre de toute sa vie. Un bruit qu’elle essayait d’oublier en s’immergeant dans le silence. Un bruit si simple et si terrifiant à la fois. Deux faits ne permettaient plus aucun doute : il était cinq heures cinquante-deux et Monique Germain était morte.
End Notes:
Merci d'avoir lu
Rétrospective 1 : Début by Carminny
Author's Notes:
Bonjour !
Je vais commencer à publier dans l'espoir que ça me mette la pression pour écrire la suite ^^ (mais vous inquiétez pas, c'est en cours).
Bonne lecture !
Les arbres défilaient devant la fenêtre de l’autocar. Des hêtres et des sapins surtout. Parfois ils cédaient la place à une clairière ou à quelques maisons. Le car vrombissait à toute allure sur la petite route serpentine, gravissant à grands efforts le flanc des Vosges.
A l’avant du car, Augustine Pinson avait posé sa tête contre la vitre. Elle n’avait aucune envie de se retrouver en colonie de vacances, surtout avec la bande d’adolescents qui faisait un vacarme au fond du car. Evidemment que les pires s’étaient directement trouvés et avaient déjà sympathisé. C’était la bande des plus âgés qui devaient déjà se connaître. Surtout une fille, quinze ans probablement, parlait et riait fort comme si elle devait s’imposer à tout prix. Non, franchement Augustine n’avait aucune envie de passer un mois avec eux.
Pourtant elle comprenait le choix de son père. Elle avait passé l’âge de pouvoir partir à la colonie de la paroisse – ils ne prenaient que les enfants jusqu’à douze ans – et elle ne pouvait pas non plus rester seule à la maison. Elle était certaine qu’en plus il se promettait une évolution quelconque de ce changement d’air. Elle l’avait entendu discuter d’elle avec Bernard…
– Les jolies colonies de vacances, Merci maman, merci papa, entonna le fond du bus.
La petite fille à côté d’Augustine sursauta puis se tourna vers l’arrière, curieuse. L’adolescente appuya davantage la tête contre la fenêtre. Elle avait pourtant espéré éviter cette chanson venue tellement en vogue quand elle n’était pas encore sortie au bout d’une heure.
– Tu ne chantes pas ? demanda la petite fille. C’est quoi le texte ?
Augustine secoua la tête en la rattrapant d’un bras quand le bus prit un virage en épingle à cheveux. Dieu l’en préserve, jamais elle ne chanterait quelque chose comme cette horreur.
– Tous les ans, je voudrais que ça recommence.
Cette fois-ci, la fillette entonna avec les autres. Augustine esquissa une grimace en retournant à la fenêtre. Au prochain visage, elle la laissera tomber. Et tant pis si ce n’était pas très gentil.
– You kaïdi aïdi aïda.
Elle ne voulait pas entendre cette chanson, elle ne voulait pas être dans ce bus et elle ne voulait certainement pas partir dans cette colonie de vacances. Cela allait être encore pire à qu’au collège puisqu’il n’y aurait même plus la position de pasteur de son père pour la protéger. Aucune envie de passer ne serait-ce qu’une heure de plus avec ces autres enfants.
L’adolescente du fond du bus devait bien connaître le trajet puisque la chanson se termina pile au moment où l’autocar passa les grilles de la colonie et quitta la forêt pour entrer sur une jolie clairière avec un grand et plusieurs petits bâtiments. Dans le fond se détachait un lac des montagnes boisées.
– Encore une fois le refrain, les encouragea l’une des animatrices à l’avant en se levant.
Augustine leva les yeux au ciel. Cela promettait pour la suite. Elle allait passer les vacances avec des cotons dans les oreilles si cela continuait ainsi.
– Les jolies colonies de vacances, Merci maman, merci papa, Tous les ans, je voudrais que ça recommence, You kaïdi aïdi aïda.
Le car s’arrêta et le brouhaha fut immédiat. La jeune fille resta contre sa fenêtre. Une cinquantaine d’adolescents et d’enfants de tout âge se pressant pour sortir par une seule porte, aussi peu pour elle. A ses côtés, la fillette guettait une ouverture pour sortir à son tour mais se rassit finalement pour patienter.
– Merci pour le virage avant, fit-elle avec un sourire timide qui dévoilait ses deux dents manquantes. Je m’appelle Corinne. Ravie de faire ta connaissance !
Augustine lui rendit timidement son sourire. Elle ne savait pas trop comment répondre à cette gamine. Sortir les feuilles qu’elle avait préparé ? Son ardoise ? Mais visiblement Corinne n’attendait pas davantage d’elle et se précipita dans le couloir du bus dès qu’il y eut un espace.
– Tu viens ? fit-elle avec un sourire de plus en plus grand et la main tendue. On va se faire plein d’amis !
Bizarrement Augustine en doutait mais elle n’avait pas le cœur à décevoir l’espoir de cette petite fillette aux nattes blondes et aux taches de rousseur. Elle se saisit de son sac et de la main et suivit Corinne à l’extérieur.
Il était certain que la colonie se trouvait à un très bel endroit. Ce qui était moins le cas pour l’infirmerie. Franchement, qui pouvait bien la placer dans la plus petite pièce dans un bâtiment à part ? Si c’était pour les décourager d’y aller, c’était réussi.
– Donc on doit surtout y aller pour nous faire peser, c’est ça ? continuait à papoter Corinne. Pour qu’à la fin ils puissent comparer et dire si ça a servi à quelque chose ?
Augustine hocha la tête. Elle ne comprenait pas pourquoi la gamine avait choisi de rester avec elle au lieu de se faire rapidement des amies de son âge…
– La prochaine, fit l’infirmière – ou du moins la personne qui tenait ce rôle.
Corinne lui serra la main et y alla d’un pas joyeux, fouillant dans son sac à la recherche de son carnet de santé et de ses papiers d’inscription. Augustine n’avait pas besoin de fouiller. Tout était là, à portée de main. Elle serra les papiers qu’elle avait préparé. Maintenant ils lui paraissaient tellement inutiles, tellement inintéressants…
– Prochaine, fut-elle appelée avant de pouvoir y réfléchir plus longtemps.
– Nom ?
L’infirmière n’avait même pas levé le regard mais Augustine lui tendit quand même son carnet de santé en indiquant bien l’endroit de son nom. Quelques secondes passèrent, puis l’adulte leva des sourcils froncés dans sa direction.
– Ton nom.
L’adolescente entendit déjà les autres pouffer derrière elle. Evidemment qu’ils allaient s’en donner à cœur joie. Elle cligna des yeux pour chasser les larmes qui affluaient malgré elle. Cela ne servait à rien, cela ne ferait qu’aggraver les choses. De toute façon, elle s’y était attendue, non ?
L’infirmière se saisit du carnet et Augustine soupira de soulagement. Elle avait eu peur qu’elle ne cède pas. Mais elle se contenta de lui indiquer la toise et de noter sa taille. Comme si elle allait grandir d’un seul coup en un mois.
– Pèse-toi.
Augustine grimpa sur la balance mais garda le regard tourner vers ses pieds. Hors de question de connaître la précision de la débâcle. Elle le savait.
– Faudra en prendre, jeune fille.
Elle hocha sagement la tête et récupéra son carnet de santé avant de s’éloigner sans demander son reste. Dans la porte, elle croisa le regard moqueur de l’adolescente du bus, déjà entourée du groupe hétéroclite.
– Faut manger plus, jeune fille, fit-elle en une imitation plutôt réussie. Enfin, dépêche-toi, y a la minus qui t’attend.
Augustine passa devant eux sans s’attarder. Les adolescents de ce genre, elle les connaissait. Malheureusement pour eux, ils pouvaient la provoquer comme ils voulaient, cela ne marcherait pas. Ne pas réagir était la meilleure chose à faire, le meilleur moyen de les embêter et surtout c’était ce qu’elle savait faire le mieux. Dehors, seule au milieu des différents groupuscules, l’attendait Corinne avec un sourire sincère. Ils n’avaient pas intérêt à s’en prendre à la gamine.
– Réponds-moi quand je te parle. Je m’appelle Monique Germain et je peux te faire renvoyer chez toi si tu me déplais.
End Notes:
Qu'est-ce que ça donne envie...
La chanson est bien évidemment de Pierre Perret.
Un commentaire ?
Chapitre 1 : Six heures dix by Carminny
Augustine recula précipitamment dans le couloir. Ce n’était pas possible. Cela n’avait pas le droit de l’être. Il n’y avait pas le corps mort d’une fille de son âge sur le sol du réfectoire. Il n’y avait pas eu de meurtre. Il n’y avait personne qui tuait les autres. Et surtout, elle ne l’avait pas vu. Non, elle ne voulait pas. Elle refusait. Elle avait beau savoir qu’il y avait d’autres meurtres dans le monde, elle ne voulait pas y croire. Personne n’y avait cru. Pourquoi ce serait vrai alors ?
Contrairement à la dernière fois, elle ne fut pas tentée d’aller voir le corps. Au contraire ! Elle avait envie de s’enfuir le plus loin possible de cet horrible endroit. Malheureusement ses jambes ne lui répondaient qu’avec grande peine. L’adolescente se dirigea vers la porte et son hêtre. Il la protégerait avec ses feuilles. En quelques mouvements, elle se percha sur la branche haute qui l’avait déjà supportée pendant quelques heures plus tôt de la nuit. Le soleil s’était levé mais la maison restait étrangement silencieuse. Augustine essaya de calmer les battements affolés de son cœur. Et si le meurtrier l’avait vu ? Si elle – c’était une voix de femme qu’elle avait entendue – savait qu’il y avait un témoin, elle la tuerait aussi.
Mais en même temps, elle ne pouvait pas rester cachée dans cet arbre. Elle serait immédiatement suspecte. Et puis Monique méritait malgré tout que sa mort ne reste pas mystérieuse. Elle devrait alerter la police. Ou au moins Natalie. Elle devait prévenir quelqu’un. Elle devait. Pourtant ses muscles ne lui répondaient plus. Elle était incapable de bouger ne serait-ce que le petit doigt, crispé sur la branche du hêtre. Et si les autres ne la croyaient pas ? S’ils pensaient qu’elle inventait cette histoire ? S’ils pensaient que c’était elle qui l’avait tuée ? S’ils la traitaient de menteuse ? Si Monique n’était pas morte en fin de compte ? Si elle ne s’était qu’endormie et que c’était un rêve ? C’était trop absurde, personne ne pourrait croire que la fille de quinze ans du directeur de la colonie était morte dans le réfectoire. Surtout pas tuer par quelqu’un. A la limite, une crise cardiaque, un accident, une maladie de longue haleine, un suicide… tout cela serait plus acceptable mais un meurtre ? Qui la croirait ? Pourquoi la croiraient-ils ?
Une partie de son esprit essayait de la raisonner. Il y avait un cadavre dans le réfectoire. Monique était morte, elle le savait sans même être allée vérifier. Si ça se trouvait, c’était parce qu’elle n’avait prévenu personne immédiatement qu’elle mourrait ! Cette pensée l’arracha à sa paralysie. Peut-être que ce n’était pas encore trop tard. Peut-être qu’elle pouvait encore sauver Monique à défaut d’avoir pu sauver sa mère. Elle se laissa glisser de la branche et atterrit souplement dans l’herbe humide par l’arrivée du jour. Elle n’aurait pas dû partir. Peut-être que maintenant elle arrivait trop tard.
Traverser la cour lui semblait beaucoup plus long qu’un quart d’heures plus tôt. Et si Monique était morte par sa faute ? Et si la meurtrière y était encore ? Et si personne ne la croyait ? Comment ferait-elle venir l’infirmière de la colonie avec une histoire pareille ? C’était trop incroyable.
En proie à ses doutes, Augustine se glissa dans le réfectoire seulement éclairé par le rayon de soleil qui passait dans le hall puis par la porte entrouverte. Si elle avait vu Monique tomber, elle devait se trouver juste à côté de cette flaque lumineuse. Ses pas l’y précipitèrent aussi rapidement qu’ils l’en avaient éloigné auparavant. Elle devait être en vie. Pour l’amour du ciel, il fallait que ce ne soit pas trop tard.
Elle jeta un coup d’œil mais le réfectoire était vide. Le meurtrier était parti. Il n’y avait plus que Monique et elle. Et ce couteau à viande qui lui traversait la gorge. Augustine déglutit. Au moins, c’était sûr, Monique n’avait eu aucune chance de survivre. Quelle horreur quand même.
Elle devait donner l’alerte maintenant qu’elle en était certaine. C’était son devoir. Elle ne pouvait quand même pas rester ici avec un cadavre. Personne ne pourrait croire qu’elle l’avait trouvé, c’était bien connu. Lâcher Monique du regard. Se tourner vers la porte. Sortir. Finalement ce n’était pas si difficile de placer un pied devant l’autre. Qui devait-elle prévenir ? La réponse était évidente, c’était Natalie qui était responsable d’elles. C’était elle qu’elle devait chercher.
Le dortoir des filles entre douze et seize ans était encore plongé dans l’obscurité de la nuit. Pourtant il était déjà six heures dix d’après sa montre. Un matin normal, le dortoir tout entier était plongé dans le bazar indescriptible d’une vingtaine d’adolescentes en train de se préparer pour la journée. Aussi énervant qu’elle le trouvait d’habitude, il aurait été rassurant aujourd’hui. Mais ce n’était pas une matinée ordinaire. Un jour ordinaire, Monique ne se faisait pas tuer.
Augustine laissa glisser son regard dans la pièce. Quasiment toutes ses camarades dormaient encore à poings fermés. Seuls cinq lits étaient vides. Le sien, celui de Monique évidemment, celui d’Amandine, encore plus insomniaque qu’elle-même, celui de Fabienne qui se croyait discrète en allant rejoindre Serge, et puis celui de Mireille. C’était bien la seule pour laquelle c’était inhabituel.
Le réveil de Natalie était éteint, ce qui expliquait le retard. Augustine hésita une seconde quant à simplement le déclencher puis secoua l’épaule de l’animatrice. Sans aucun succès. Comment faisait-elle pour dormir aussi profondément ? Elle la secouait un peu plus fort sans lui tirer davantage qu’un grognement mécontent. Tant pis, l’adolescente se saisit du réveil et tira sur le stylet d’activation. Immédiatement, il n’était pas très précis visiblement, le tintement insupportable se mit en route.
– C’est bon, c’est bon. Allez, debout, les gamines !
Natalie se redressa avec une énergie qu’elle était loin d’avoir une minute plus tôt. Elle tendit la main en direction de sa table de nuit pour éteindre le réveil et Augustine le lui tendit.
– Quoi ? fit l’animatrice surprise. Qu’est-ce qu’il y a ?
Elle lui prit le réveil et l’éteignit. Augustine savait exactement ce qu’elle pensait d’elle à ce moment. La même chose que toujours. Il y avait de la pitié dans ses yeux parce que Natalie était quelqu’un de gentil et un peu d’agacement parce qu’elle la dérangeait dans le bon déroulement de son petit matin. Elle lui désigna le lit de Monique du doigt.
– Ah non, Augustine, il est trop tôt pour ce jeu-là, protesta l’animatrice tandis qu’autour d’elles les autres filles cherchaient leurs habits, brosses et autres serviettes. Allez, dis-moi ce qui ne va pas, on gagnera du temps. Déjà qu’on est en retard…
L’adolescente ne se laissa pas perturber. Elle ne les connaissait que trop, toutes ces personnes qui pensaient que c’était un choix volontaire, une lubie ou un caprice. Avec davantage d’insistance, elle indiqua le lit de Monique, heureusement juste en face de celui de Natalie, puis se passa un doigt sur la gorge. Le geste était quand même facile à comprendre.
– Tu veux tuer Monique ? tenta Natalie d’une voix incrédule. Ecoute, je sais qu’elle peut être difficile mais ce n’est pas une…
Augustine secoua vivement la tête. Quelle idée atroce ! Mais en même temps, Natalie n’avait pas tort. Monique n’était pas quelqu’un d’agréable à vivre. Elle essaya de montrer la direction du réfectoire, mais devant l’incompréhension de la jeune adulte, elle lui fit simplement signe de la suivre. Malgré quelques protestations, elles descendirent jusqu’au réfectoire et elle désigna la porte. Elle n’avait aucune envie de revoir le cadavre mais Natalie n’avait pas l’air de la croire suffisamment pour vérifier seule.
– Qu’est-ce qu’on fait ici ? demanda l’animatrice alors qu’Augustine la précéda en prenant le soin d’allumer la lumière.
Elle se dirigea droit vers le corps et le désigna derrière la table auprès de laquelle l’altercation avait eu lieu une trentaine de minutes plus tôt. Quelle idée étrange que de se dire qu’en quelques secondes tout avait changé et que Monique était morte aussi rapidement que cela.
– Qu’est-ce qu’il y a enfin ? s’agaça Natalie en la suivant.
Augustine s’arrêta net. Il n’y avait plus de cadavre.
End Notes:
Des idées ? ^^ Un petit commentaire, svp ?
Rétrospective 2 : Jeux by Carminny
Author's Notes:
Coucou ! Voici enfin la suite !
Et pour le prix d'un, je vous mets la suite directement ;)
Augustine poussa Corinne derrière un buisson et s’y accroupit aussi dans l’espoir que la petite fille puisse reprendre son souffle avant qu’elles étaient découvertes. Elle ne comprenait pas pourquoi la gamine s’entêtait à vouloir la suivre, faire équipe avec elle ou même lui parler. Enfin bon, elle n’avait rien contre, elle était gentille Corinne, mais c’était étonnant.
Un mouvement sur sa droite attira son attention. Non, c’était un dossard rouge, elles n’avaient rien à craindre de lui. Par contre, elles pourraient l’attraper… Elle jeta un coup d’œil à Corinne qui lui rendit son regard, déterminée malgré sa main appuyée contre son point de côté. Elle l’avait un peu trop malmenée à coup de sprints entre les cachettes. Le regard d’Augustine glissa vers la poule – hum vers Sylvie – qui se croyait discrète pour les prendre à revers. Un nouveau sprint pourrait bien mal se terminer pour sa petite coéquipière et la voir partir dans la prison des poules nécessiterait d’aller la délivrer et donc d’attirer l’attention. Elle leva le regard, la branche de l’arbre était suffisamment basse pour y accéder mais il y avait certainement une règle disant qu’il ne fallait pas quitter le sol durant une partie de poules-renards-vipères.
Elle désigna le garçon de l’équipe des renards à Corinne en espérant qu’elle comprenne ce qu’elle attendait d’elle et n’attendit pas plus longtemps pour se précipiter à la rencontre de Sylvie. Comme elle l’avait espéré, l’effet de surprise jouait en sa faveur et l’adolescente en face marqua un temps d’arrêt avant de se mettre à sa poursuite, laissant à Corinne tout le temps nécessaire de courir vers Jean-Pierre et clamer une alliance temporaire. Il ne lui restait plus qu’à mener Sylvie vers le garçon et…
– Touché ! s’écria Jean-Pierre.
– Fin de l’alliance, s’exclama Corinne une seconde avant que la main d’Augustine ne touche le dossard du garçon.
– C’est de la triche, ronchonna-t-il. On avait fait une trêve…
Les deux vipères échangèrent un regard victorieux en raccompagnant les deux prisonniers au centre du terrain de jeu. En passant Corinne tapa nonchalamment dans la main tendue de Louise, prisonnière, et elles pressèrent le pas pour échapper aux poules en quête de vengeance.
– C’est fini, les enfants ! déclara Grégoire après avoir sifflé pour attirer l’attention. Je peux déjà vous dire que les vipères ont gagné !
Vu les regards noirs qu’elle récoltait, les autres équipes savaient qui leur avait causé cette défaite. Elle avait encore attiré l’attention sans le vouloir. Monique n’allait pas se priver de les moquer lors du repas pour se venger. Elle s’était vantée de maîtriser le jeu à la perfection et de ne pas pouvoir perdre. Elle menait l’équipe des renards…
Enfin, pour le moment, les deux filles furent chargées de ramener les plots et les dossards utilisés dans la cabane de jardinier. Au regard espiègle que Corinne lui lançait, elle devait également avoir remarqué cette échéance bienvenue. Et elles allaient prendre tout leur temps. D’autant plus que Grégoire ne leur avait seulement vaguement indiqué la direction.
– Tu sais où on va en fait ? s’enquit Corinne en sautillant à côté d’elle.
Augustine haussa les épaules. Il y avait plusieurs abris derrière le vieil bâtiment. L’un d’entre eux serait le bon. Elles se retrouvèrent donc devant, les bras chargés.
– Celle-ci ! tenta de deviner Corinne en en désignant une au hasard.
L’aînée esquissa un sourire en tirant sur le verrou. Elle ne croyait pas en ce genre de coup de chance. D’habitude c’était plutôt la loi de Murphy qui décidait que c’était le dernier de tous les essais qui était le bon. Mais bon, elle n’allait pas gâcher l’enthousiasme d’une gamine encore naïve.
Ses yeux mirent un instant à s’adapter à l’obscurité de la remise puis son sourire s’élargit. Elles s’étaient vraiment bien trompées. Les skis et les luges n’étaient vraiment pas utiles en cette saison. Pourquoi n’avait-elle pas été fermée à clé par contre ? Enfin, si ça se trouvait aucune ne l’était jamais. N’empêche que chez elle son père fermait leur minuscule cabane de jardin, où même la tondeuse ne rentrait qu’à grande peine, à clé à chaque fois. Et elle avait tendance à croire que si les choses n’étaient pas fermées correctement, il y avait une bonne raison à cela.
– Oh, dommage, regretta bruyamment Corinne puis s’éloigna en sautillant. Je vais tenter celle-là alors !
Vraiment elle n’y comprenait rien aux comportements de la petite fille. Autant les autres autour d’elles, elle voyait un peu ce qui les motivait et pourquoi ils réagissaient comme ils le faisaient. Mais Corinne… non, elle ne comprenait pas comme elle passait des larmes au rire et l’inverse en moins de deux secondes. Pourquoi elle tenait tant à être son amie alors qu’elle peinait à lire ses réponses quand elle essayait ? Non, c’était incompréhensible. Personne ne voulait être avec elle normalement. En même temps, personne ne voulait être contre elle aussi visiblement que Monique et sa bande non plus normalement. Rien n’était normal en colonie de vacances, fallait faire avec.
Les affaires rangées, les deux filles se rendirent dans le réfectoire, une grande pièce au rez-de-chaussée, adjacent aux cuisines, pour déjeuner. Comme toujours, il y avait un plat simple et facilement faisable en grande quantité : des pâtes au beurre. Si Augustine n’avait pas été habituée aux compétences de cuisiniers inexistantes chez elle, elle n’aurait pas pu en avaler trois fois par semaines. Corinne s’en plaignait suffisamment pour qu’elle avait compris que ce n’était pas ordinaire. Enfin, tout le monde se plaignait toujours des repas servis. A part quand ils pouvaient partager des ragots.
– Et puis là, tu ne t’imagines jamais qui j’ai vu avec Mireille…
– Qui ? Dis-le-moi, enfin ! Ce n’était pas Jérôme ?
– Tu parles, la seule à ne rien voir entre eux c’est Monique !
– Elle sera furieuse quand elle l’apprendra. Mais ne me fait pas mijoter plus longtemps, qui est-ce que tu as vu avec Mireille ?
– C’était Serge !
– Eh ben. J’ai du mal à y croire. Je le croyais toujours sous le charme de Fabienne ?
– Ah ça, je n’en sais rien…
Augustine tira rapidement Corinne plus loin des vipères de commérages nommées Sylvie et Martine. Aucune envie qu’elles ne les voient et changent de sujet… Et de toute façon, elles ne comprenaient jamais rien de ce qu’elles entendaient dire. Evidemment que Serge faisait semblant de s’intéresser à Mireille qui n’avait de yeux que pour Jérôme pour éviter les soupçons de Hugo, le grand frère protecteur de Fabienne, qui l’avait juste déjà menacé plusieurs fois de lui casser le nez. Et Mireille y trouvait son compte pour ne pas attirer les foudres de Monique, chose que personne ne voulait, à cause de Jérôme. Par contre, il était tout aussi évident que Monique n’avait rien à faire de Jérôme et que si elle entretenait une liaison avec lui, c’était pour couvrir le jeune homme qui venait parfois du village pour la retrouver. Rien de bien compliqué et certainement rien d’intéressant de toute manière. Qu’ils fassent tous ce qu’ils voulaient.
– Regarde qui vient de passer, fit mine de s’étonner Sylvie en balançant un coup de coude à son amie. Mais c’est les deux ratées !
– Les deux exclus, la muette et son acolyte idiote !
Augustine leva les yeux au ciel et entraîna Corinne plus loin. Cela ne servait à rien d’y répondre et encore moins d’y prêter la moindre attention. Si elles n’avaient rien de mieux à faire, c’était leur problème pas le sien.
– Un jour, vous regretterez ! cria la petite fille en se débattant un peu. Vous verrez bien !
End Notes:
Un commentaire ? Une suspicion ?
Chapitre 2 : Quatorze heures un by Carminny
– Bon, Augustine, c’était bien sympa mais tu voulais me montrer quoi au juste ? s’agaça l’animatrice.
Augustine resta abasourdie. Le corps avait disparu. Elle l’avait vu, elle l’avait vérifié. Et maintenant il n’était plus là. En plus, elle n’avait même pas pris son ardoise pour expliquer tout ça à Natalie. Frénétiquement, elle passait en revue l’endroit où Monique avait été tuée. Il devait y avoir un indice. Une grande flaque de sang au moins. Ciel, il devait y avoir du sang sur le sol. Une blessure au cou laissait forcément des traces. Pourtant elle ne voyait rien du tout. Ses yeux s’embuèrent tout seul.
– Qu’est-ce que tu as encore inventé ? soupira Natalie en se détournant. Tu m’as suffisamment mis en retard pour aujourd’hui. Faut qu’on se dépêche pour être à l’heure au petit-déjeuner.
L’adolescente se força à cligner des yeux et à respirer doucement pour que l’autre ne remarque rien. Comment cela se faisait ? Pourquoi le corps avait-il disparu ? S’était-elle imaginée des choses ? Ne pouvait-elle pas faire confiance à ce qu’elle avait vu de ses propres yeux ? Elle avait vérifié ! Personne ne la croirait et ils avaient bien raison. Mais pourquoi le corps n’y était plus ? Pourquoi il pouvait y avoir des crimes et personne ne les remarquait ? C’était injuste ! Monique n’aurait pas dû mourir et certainement pas sans que personne ne le sache. Sa mère aurait dû être vengée. Comment pourraient-elles reposer en paix alors que leurs meurtriers étaient impunis ? Tout le monde détournait le regard parce qu’ils ne la croyaient pas. Pourquoi ils ne la croyaient jamais ?!
– Allez, viens maintenant !
Le ton de l’animatrice était sans appel mais les jambes d’Augustine refusaient de bouger. Il devait y avoir une tache de sang. C’était obligé ! Elle secoua la tête pour chasser celles qui dansaient devant ses yeux. C’était que des illusions, elle le savait. Elle déraillait. Si ça se trouvait, elle n’avait rien vu du tout, elle s’était trompée, imaginée des choses sans fondement, rêvée. Ce serait tellement mieux si personne ne mourait assassiné. Les adultes avaient raison, elle fabulait, on ne pouvait pas lui faire confiance, elle inventait tout ça pour se rendre intéressante. Il n’y avait pas d’autre explication. Rien n’était vrai.
– Vous n’auriez pas vu Monique ? questionna Sylvie en levant les yeux des bouts de bois qui constituaient son œuvre d’art. Elle voulait me prêter sa ficelle dorée.
Les oreilles d’Augustine se dressèrent immédiatement. Même si elle ne s’était qu’imaginée que Monique se soit faite tuer sous ses yeux, elle ne l’avait pas vu de la journée et cela paraissait étrange. De toute façon, tout était étrange depuis que Natalie l’avait abandonnée dans le réfectoire. Comme si un voile s’était placé entre elle et le reste du monde. Leurs voix lui parvenaient étouffés et les couleurs étaient ternes. Elle fixa la planche qu’elle frottait pour le rendre lisse depuis le début de l’atelier. Encore toute rugueuse, son travail n’avait jusque-là servi à rien. Rien ne servait à quelque chose.
– Pas au petit-déjeuner, répondit Martine pourtant collée à Sylvie depuis le premier jour de la colonie. Elle l’a peut-être pris avec son père ?
– Je pense qu’elle doit aider avec les minus, avança Jérôme d’un ton léger.
– Si ça se trouve, c’est la muette qui l’a étranglé, rigola Pierre. Natalie a dit qu’elle a complètement perdu la boule ce matin.
Augustine fit comme si elle n’avait rien entendu quand les regards des autres se braquèrent sur elle. Lisser la planche, c’était tout ce qui comptait. Ensuite elle pouvait y ajouter des crochets et des décorations pour en faire une petite penderie. Pas complètement inutile. Qu’ils croient ce qu’ils voulaient. Ce n’était pas comme si cela changeait de la normale. Evidemment qu’ils en profitaient. Ils ne pouvaient pas laisser passer une telle occasion. Qui aurait pu ?
– Eh, la muette ! Martine agita une main dans sa direction. Tu as fait quoi de Monique ?
L’ignorer. Continuer de l’ignorer. Si elle ne réagissait pas, ils allaient vite se détourner et s’en prendre à Amandine avec son air de zombie ou à Fabienne et Serge qui étaient la cible de tous les sous-entendus pervers ou encore Antoine et ses lunettes d’intello. Les adolescents étaient horribles entre eux. Si seulement elle avait encore pu se bercer dans l’espoir que cela s’améliorait avec l’âge…
– Eh ho ! s’agaça la blonde qui essayait de lui parler.
Augustine la regarda, lasse. Ils n’en avaient pas marre ? Elle reposa son papier à grains, se leva et s’éloigna de la table de travaux manuels. Tout simplement. Sans se retourner quand Grégoire, l’animateur, lui criait de rester. Cela ne servirait à rien puisqu’elle n’était pas fiable. Monique allait certainement revenir d’une de ses sorties en vélo mystérieuses avec un grand sourire moqueur et cette lueur froide dans les yeux. Elle avait tout imaginé.
Vérifiant d’un coup d’œil que personne ne l’observe, elle se hissa sur son hêtre préféré. Contrairement à Monique, elle ne manquerait à personne. Elle aurait la paix pour un bon moment.
Comme elle s’y attendait, personne ne la cherchait. En revanche, les cris pour Monique Germain se multiplièrent après le déjeuner. Si ça se trouvait, elle avait quand même été tuée. Ou du moins enlevée. De toute façon, si personne ne la croyait, si elle-même doutait de ce qu’elle avait vu, il n’y avait pas trente-six alternatives. Il fallait vérifier.
En partant de la supposition qu’elle avait réellement vu le cadavre ce matin, quelqu’un et plus vraisemblablement le meurtrier avait dû le cacher pendant qu’elle était allée réveiller Natalie. De combien de temps avait-il disposé ? Une vingtaine de minutes grand maximum. Cinq heures cinquante-deux, voilà l’heure fatidique qui s’était gravée dans sa mémoire. Aux environs de six heures – un peu plus –, elle avait vu le corps. Puis vers six heures vingt ou vingt-cinq, il n’y était plus. Conclusion un : celui qui avait déplacé le corps n’était pas dans le dortoir des filles à ce moment-là puisqu’il n’y avait qu’un seul escalier. Conclusion deux : il avait dû rester à proximité et donc il savait qu’il avait été vu. Enfin si meurtrier y avait. Conclusion trois : le corps n’avait toujours pas été retrouvé.
Il pouvait être n’importe où cela dit. Alors certes, la colonie de vacances était entourée d’une clôture et la grille fermée à clé pendant la nuit, mais le meurtrier pouvait très bien en posséder un double, voire l’originale. Après, ils étaient un peu perdus dans les Vosges avec le prochain village à plus de trente minutes de voiture et il était bien plus probable que le meurtrier soit quelqu’un de la colonie. Pensée très rassurante au fait. Il n’aurait donc pas pu cacher le cadavre très loin avant d’être à l’heure pour le petit-déjeuner... Au hasard, elle choisirait la remise des skis et luges. Personne ne devrait l’ouvrir avant un bon moment et le cadenas était si vieux qu’il s’effritait tout seul. Oui, si elle avait un cadavre à cacher et qu’elle ne pouvait pas l’enterrer dans la forêt, elle le mettrait entre les skis. Au contraire, elle ne le mettrait certainement pas dans la remise des outils de jardinage – que Monique fréquentait un peu trop pour être innocente.
– Aaaah ! crièrent deux voix à l’unisson un peu plus loin.
Il était probable qu’ils venaient de retrouver Monique. Ou une araignée, difficile à dire. Il était quatorze heures un.
Rétrospective 3 : Sortie en vélo by Carminny
Author's Notes:
Bonjour, bonjour !
Grâce à Sifoell, vous avez droit à un nouveau chapitre (et la fin de l'histoire un jour ^^). Merci
– Dépêchez-vous ! cria Grégoire, l’animateur, en enfourchant son vélo. On n’a pas toute la journée.
Augustine fixait son vélo avec méfiance. Avec ses deux roues alignées et son léger cadre, il ne lui inspirait pas confiance. Tout cela semblait bien instable. Oh, elle savait qu’on pouvait se déplacer dessus mais elle n’avait jamais eu l’occasion d’essayer. Finalement, maintenant qu’elle devait le faire, elle ne le sentait pas du tout. Ça avait l’air vraiment pas pratique.
– Hé, la muette, l’interpella Monique Germain. On attend plus que toi, alors bouge-toi.
Ne pas montrer que ses paroles la blessaient. Se conformer au groupe. Ne pas montrer qu’elle n’avait jamais fait de vélo. Ce ne serait qu’un motif de moquerie de plus. Et c’était ridicule d’avoir peur d’essayer. Tous les autres avaient l’air tout à fait à l’aise sur leurs bicyclettes. Monique en faisait pour le plaisir plusieurs fois par semaine. Même Corinne à ses côtés donnait l’impression d’en faire depuis toujours. Il n’y avait que les trois tout petit qui ne participaient pas à cette sortie et qui restaient à la colonie avec Marie-Joëlle. Ils avaient de la chance.
– Moi, j’y vais, déclara Monique. Grégoire, tu n’as qu’à rester avec les minables.
– Monique, on avait déjà fait les groupes ! protesta Natalie. Tu es censée rester avec moi pour m’aider avec les moins expérimentés.
Augustine se sentait un peu visée. Mais évidemment elle n’était pas la seule à ne pas pouvoir suivre le rythme de Monique et de ses amis. Par contre, elle était bien la seule à ne pas avoir enfourché son vélo. Inspirer, expirer. Elle pouvait le faire. L’adolescente passa la jambe droite devant la selle et se hissa dessus. Le vélo tangua dangereusement.
– C’est la première fois que tu en fais ? lui demanda Corinne sur le ton de la confidence.
Augustine hocha la tête tout en faisant des tests avec les deux freins sur le guidon pour trouver lequel correspondait à quelle roue. Si elle avait bien suivi, pédaler et prendre de la vitesse devrait suffire à lui faire garder l’équilibre.
– Bon, bah, mon groupe, on y va, fit Natalie d’un ton soulagé. Monique, passe devant et suis le groupe de Grégoire à une allure raisonnable.
Le groupe démarra et commença par suivre la petite route en direction du village. De plus en plus rassurée, Augustine se risqua à jeter un coup d’œil autour d’elle. Elle était en fin du peloton et pouvait donc se concentrer entièrement sur son équilibre et son vélo. Ce n’était pas si facile que ça en avait l’air quand on voyait Monique ou Grégoire filer à toute allure pour faire de petites courses pour le camp.
– Pourquoi tu n’en as jamais fait ? l’interrogea Corinne.
C’était une bonne question en fait. Après tout, son père faisait tout en vélo puisqu’il n’avait pas de voiture. Mais elle, elle n’était jamais montée sur une bicyclette de sa vie. Elle allait à l’école à pied puis en car. C’était étonnant qu’elle ne fût jamais tentée par ce type de déplacement qu’elle voyait tout de même au quotidien, mais même là elle avait encore le sentiment de faire quelque chose réservée aux autres. Elle voulut hausser les épaules, c’était compliqué en tenant le guidon. C’était gênant quand même d’avoir les mains prises comme ça. Non, franchement, le vélo, elle ne trouvait pas ça super pour le moment.
– Moi, je trouve que c’est génial pour se déplacer vite, lui exposa la petite fille sans attendre de réponse. Tout le monde va en vélo chez moi. Mais je suppose que c’est différent selon les endroits. En tout cas, je suis trop contente qu’on fasse une promenade en vélo tous ensemble. Ça change des interminables randonnées !
Augustine avait un peu de mal à comprendre l’enthousiasme de sa nouvelle amie. Que ce soit une petite promenade en fin d’après-midi ou une sortie de toute la journée, ils faisaient toujours la même histoire : ils partaient en plusieurs grands groupes et ils revenaient par deux ou par trois parce qu’ils s’étaient perdus ou avançaient à des vitesses différentes. Indéniablement le groupe se dissolvait et ceux de la fin ne pouvaient jamais en profiter réellement puisqu’ils étaient juste en train d’essayer de rattraper ceux de devant. Pourquoi serait-ce différent en vélo qu’à pied ?
L’air frais de la forêt lui soufflait dans le visage et Augustine ne pouvait pas s’empêcher de trouver cela très agréable. Le vélo n’était pas si terrible que ça.
– Tu aimes finalement ? Tu sais, on dirait même plus que c’est la première fois que tu en fais ! s’exclama joyeusement Corinne.
Elle avait dû afficher un sourire trop ostensible… Mais il était vrai qu’elle commençait à apprécier la promenade. Concentrée sur l’activité et sur son équilibre encore instable, elle n’avait plus du tout pensé à toutes ces autres choses qui parasitaient d’habitude son esprit. Oublié le regard des autres, partis les soucis du quotidien, éloignés les regrets des souvenirs. C’était apaisant de rouler ainsi, le nez au vent et la tête centrée sur la tâche. Elle hocha la tête en essayant de retenir toutes les pensées qui refluaient vers elle. Maintenant qu’elle en avait prise conscience, la paix pouvait-elle encore être présente ? Elle l’espérait en appuyant sur les pédales pour accélérer et laisser les désagréments derrière elle.
Le chemin tourna et la fin du groupe se retrouva au beau milieu de la colonie de vacances. Augustine en fut déçue. Juste au moment où elle avait commencé à apprécier le vélo… non, elle n’appréciait pas le vélo, elle appréciait le fait que cela lui occupe l’esprit. Tous ses doutes revenaient d’un seul coup. Elle souffla, heureuse que cela se soit mieux déroulée que ce qu’elle avait craint. Elle s’était imaginée les pires scénarios où elle tombait juste devant la roue de quelqu’un, où elle se prenait un arbre, ou où tout le monde se moquait d’elle. Rien de cela ne s’était passé et elle s’en réjouissait. Par contre, elle avait mal aux jambes... Peut-être bien qu’elle referait du vélo plus tard. Mais pour le moment, l’expérience lui suffisait.
– Mais où est-ce que Monique est encore passée ? s’énerva Natalie quelque part derrière elle. Elle était censée m’aider pas s’échapper pour s’amuser ! Il y en a marre à la fin !
– Je comprends, fit Marie-Joëlle en brandissant sa louche. Un jour, je finirais par la mettre dans un pâté… Allez, Corinne, Augustine, Antoine, venez m’aider à couper les légumes.
Comme toujours, c’était eux qui se retrouvaient de corvée cuisine, mais Augustine et Corinne ne pensaient pas à s’en plaindre. Couper les légumes permettait d’en chiper sans se faire remarquer par les groupes d’enfants populaires qui les dédaignaient. Cela leur permettait de leur échapper tout court d’ailleurs. Un peu comme le vélo au fond. Oui, c’était décidé, elle voulait refaire du vélo et elle en demanderait un à son père à son retour. Il était grand temps qu’elle puisse se déplacer plus librement. Le vélo, c’était la paix et la liberté.
End Notes:
Un commentaire ?
Chapitre 3 : Seize heures cinquante-huit by Carminny
Author's Notes:
Bonne lecture !
La police arriva à quinze heures vingt-trois, soit quatre-vingt-deux minutes après que Serge et Mireille aient découvert le corps de Monique en cherchant un endroit tranquille, et cinq cent soixante et onze minutes après le meurtre. Franchement, songea Augustine, c’était une cachette pitoyable que le meurtrier avait choisie. Elle-même était restée perchée sur sa branche du hêtre à observer les personnes s’agiter, les proches de Monique pleurer ou crier, les animateurs rassembler les groupes, la voiture de police arriver en fanfare comme s’ils ne s’étaient pas perdus en route.
Elle ne savait pas pourquoi elle ne s’était pas jointe aux autres mais après tout personne ne la cherchait et pourtant Natalie aurait dû se rappeler de son existence après la découverte du cadavre. Il y avait bien sûr la possibilité qu’elle l’ait réellement oubliée. Ou alors, elle ne voulait pas qu’elle puisse raconter aux policiers ce qu’elle avait vu, et ce n’était uniquement logique si elle était complice du meurtrier. On n’était jamais assez méfiant. Mais cela ne la dérangeait même pas.
Assise sur sa branche, Augustine avait l’impression d’assister à une histoire qui ne la concernait pas. C’était fou ce que les policiers et autres personnes étaient confiantes pour parler de choses confidentielles. Ils ne pensaient même pas qu’il pouvait y avoir quelqu’un dans le hêtre.
– Le corps a été déplacé, analysa le médecin légiste appelé sur les lieux. A première vue, je dirais que la jeune fille a été poignardée dans le cou tout simplement.
Et bien, elle aurait pu en dire autant.
– Vous estimez à quand l’heure du décès ?
– Je ne peux pas me prononcer avec précision mais je pense que ça remonte à ce matin.
Là aussi, elle aurait pu répondre avec davantage de précision. Et ce n’était pas du tout parce qu’elle avait vu ce qui c’était passé. Augustine gonfla les joues par dépit. Cela aurait été classe de leur crier l’horaire en sautant de l’arbre. Mais elle avait encore oublié son ardoise et ce serait très compliqué d’expliquer sa présence dans l’arbre alors que personne ne la cherchait.
– Des empruntes ? Une idée d’où le meurtre a pu être commis ? s’enquit le chef présent chez les autres policiers. Non ? Dans ce cas, interrogez tout le monde. Surtout l’animatrice responsable et le père de la fille. Quoique, je m’en occupe moi-même.
Elle aurait aimé assister à ces entretiens aussi… Mais alors elle serait aussi à découvert pour le meurtrier qui ne pouvait plus ignorer les rumeurs qui couraient sur sa folie du matin. Elle devait rester sur ses gardes et découvrir qui était coupable par ses propres moyens. Donc surtout à travers ses souvenirs de Monique.
Monique ne l’aimait pas dès le premier jour. Peut-être qu’elle ne l’aimait pas pas, et que c’était juste qu’elle l’avait jugée comme le membre le plus à-même de ne pas riposter aux moqueries. C’était comme ça que ça marchait entre enfants… Son regret était juste de ne pas avoir pu protéger Corinne des autres. Enfin bon, au moins personne ne pouvait suspecter la gamine.
Est-ce qu’il y avait quelque chose de louche qui entourait Monique et ses fréquentations ? Certainement sinon elle ne se serait pas faite tuer mais Augustine n’était pas capable de dire directement ce qui la dérangeait. De loin, elle menait une vie tout à fait ordinaire : elle participait aux activités de la colonie, elle gloussait avec ses amies, elle voyait son petit-ami, elle se moquait des plus faibles, elle cachait des choses à son père, elle riait, criait, ordonnait... Non, il n’y rien à tirer de ces souvenirs tels quels. Il lui fallait un autre angle d’approche que ce que faisait Monique.
Les motifs par exemple. Bien sûr, il pouvait s’agir de quelqu’un extérieur à la colonie mais le fait que le cadavre soit resté toute la journée ici rendait cette hypothèse de moins en moins crédible. Sauf s’il s’agissait d’une ruse pour faire accuser quelqu’un d’autre. Si ça se trouvait c’était pour cela que Natalie n’avait rien dit à la police : elle la suspectait elle et voulait la couvrir ! Heureusement qu’Augustine savait qu’elle ne l’avait pas tuée sinon elle penserait certainement la même chose.
Les motifs donc. Qui pouvait avoir une raison de tuer Monique ? Déjà la première catégorie qui la concernait : toutes les personnes dont elle se moquait et qu’elle rabaissait par simple plaisir. C’était le cas, d’elle-même – mais elle s’excluait quand même parce qu’elle savait qu’elle était dans le hall au moment du meurtre même si ce n’était pas un alibi –, d’Amandine, de Fabienne, de Serge et d’Antoine chez les grands. Les gamins de moins de douze ans étaient plutôt hors cause. Ils auraient du mal à planter le couteau dans la gorge avec l’angle qu’elle avait vu. Même Benjamin, le plus grand d’entre eux, n’y arriverait pas.
Ensuite, il y avait le motif classique de la jalousie. Là, le groupe d’amis de Monique pouvait être suspect, enfin si on pouvait parler d’amis… Martine, Mireille, Sylvie, Jérôme, Pierre et Maximilien. L’évolution de leurs relations amicales ou amoureuses étaient bien trop compliquées pour qu’elle les comprenne mais elle était certaine qu’il y avait du potentiel de drame. Et elle suspectait qu’il y en avait eu, vu comment ils s’étaient disputés la veille. Pourquoi n’avait-elle pas écouté ?
Le motif de l’argent paraissait plutôt improbable. Monique n’avait que quinze ans… C’était quand même improbable qu’elle ait de quoi motiver un héritier, ou qu’elle fasse du chantage à quelqu’un. Chantage… Menace ! Ça lui rappelait quelque chose… Le jeune homme du village, non ? Il lui voulait de l’argent mais ça n’avait pas de logique. En quoi la tuer arrangeait-il ses affaires ? Il y avait une histoire d’argent que Monique n’avait pas encore…
D’ailleurs est-ce qu’il y avait une mère dans la famille Germain ? Elle était mal placée pour trouver cela étrange qu’il n’y en ait pas, mais quand même. Le père dirigeait la colonie de vacances et la fille y passait les siennes et, durant les deux semaines, elle n’avait vu aucune femme venue pour voir les deux. Y compris le dimanche de visites de famille auquel son père n’avait pas pu venir et où elle avait donc eu le temps d’observer toutes les rencontres plus ou moins heureuses.
Mais ça pouvait peut-être expliquer les régulières balades en vélo que Monique entreprenait toute seule. Elle n’avait jamais emmené quelqu’un, pas même Maximilien après qu’ils s’étaient embrassés la semaine précédente. Est-ce qu’elle rencontrait quelqu’un durant ces balades ? Où est-ce qu’elle réussissait à aller jusqu’au village ? Il était quand même loin…
Coupant court ses réflexions avant qu’elle ait pu se lancer dans des calculs de distance, trois policiers revinrent du réfectoire pour s’adosser à leur voiture et sortir les étuis à cigarette.
– On n’en tire rien de ces gosses, se plaignit le petit enveloppé.
– Ecoute, au moins maintenant on sait qu’il y a une jeune de plus qui a disparu.
C’était probablement d’elle qu’ils parlaient. Au moins, quelqu’un avait bien dû se rappeler d’elle. Sauf s’ils avaient vérifié les listes d’inscription comme ça devrait se faire. Enfin, elle devait bien se montrer un jour ou l’autre. Même s’ils n’avaient pas l’air très futé, ils finiraient par la trouver. Et par la suspecter si ce n’était pas déjà le cas.
– Une folle de ce que disent les autres, précisa le dernier.
Ça faisait plaisir à entendre… Mais six cents soixante-six minutes après la mort de la victime, c’était un trop joli moment pour leur raconter la vérité. Et il était certain qu’ils pourraient faire beaucoup mieux avec ses informations qu’elle-même. Non, elle n’y croyait pas. C’était plutôt qu’elle allait avoir besoin de ce qu’ils lui diraient. Elle n’avait aucune confiance en eux. Si ça se trouvait, ils allaient conclure à un accident !
– Vous croyez que c’est un meurtrier en série fou et que la petite est aussi déjà morte, fit celui de gauche.
– J’espère que non, même si elle est introuvable depuis ce matin.
Augustine inspira un grand coup puis se laissa glisser de la branche, se contorsionna et atterrit derrière les trois policiers. Il était grand temps de faire avancer l’enquête.
End Notes:
Une hypothèse du coupable ?
Rétrospective 4 : Pluie by Carminny
Author's Notes:
Coucou ! Un nouveau chapitre pour vous !
La pluie tombait doucement à travers les feuilles des arbres et battait le sol avec régularité. Les nuages gris touchaient les cimes. Est-ce qu’il y avait du brouillard ou se trouvaient-ils simplement dans le nuage de pluie ? Difficile à dire surtout que la plupart des personnes dormaient encore ou étaient du moins bien au sec sous leurs couvertures. Augustine était bien seule à l’extérieur mais cela ne la dérangeait pas plus que les gouttes qui la trempaient depuis le début de l’averse.
Elle avait l’impression que le ciel pleurait à sa place. Une grande fille ne pleure pas, lui avait suffisamment répété son père pour qu’elle en soit convaincue. Pourtant là, les larmes lui montaient aux yeux sans que rien de ce qu’elle pouvait faire ne les en empêche. Peut-être que ce n’était pas grave de pleurer si personne ne nous voyait. Le ciel n’était-il pas beaucoup plus âgé, beaucoup plus sage qu’elle ? Pourtant il pleurait comme si son chagrin était le sien. Finis les beaux jours de l’été où le soleil caressait les feuilles de ses doux rayons chaleureux, finis les rires amicaux où elle se sentait enfin comme toute autre fille, finis les paroles incessantes de Corinne qui parlait pour elles-deux.
Le ciel pleurait et son cœur était vide. Elle aurait dû le savoir que s’attacher à quelqu’un dans une colonie de vacances était futile, qu’une telle amitié ne pouvait que se briser. Elle ne faisait qu’apporter du malheur à son entourage, du malheur et des soucis. Les autres avaient raison, elle était inutile, énervante, idiote.
Avec un soupir, Augustine se laissa tomber en arrière et verrouilla ses jambes au dernier moment, se retrouvant ainsi la tête en bas, pendue à la branche humide. Sa jupe lui chatouillait le nez et elle la coinça entre ses genoux mais elle retombait rapidement. Son père n’apprécierait pas de la voir ainsi dévêtit. Tant pis, il n’était pas là, il n’avait pas eu le temps de venir à la visite des parents alors elle n’avait pas le temps de retenir sa jupe. Elle était injuste, elle le savait. Son père était occupé, il devait surveiller sa propre colonie de vacances avec les petits. Elle aurait préféré l’aider que de se retrouver ici… Au moins avec son père, il n’y aurait personne pour se moquer d’elle. Les petits avaient parfois des paroles blessantes mais ils ne le faisaient pas par méchanceté. Pas comme d’autres…
Corinne lui manquait déjà. Elle n’était que partie depuis deux jours pourtant et elles ne s’étaient connues qu’une dizaine – ou une quinzaine ? Elle avait perdu le compte au bout d’un moment – de jours. Elle ne l’avait pas réellement considéré comme une amie mais en fin de compte c’était ce qui s’en rapprochait le plus. Sa première amie… Probablement sa dernière aussi. Personne ne voulait être amie avec une fille comme elle. A part Corinne visiblement. Et dire qu’elle ne savait même pas bien lire et qu’elles communiquaient uniquement par dessin et par signes. Oui, elle en était sûre. Corinne avait été son amie.
Seulement maintenant elle était à nouveau seule. Est-on davantage seul lorsqu’on vient de perdre quelqu’un avec qui on passait du temps que lorsqu’on n’a jamais connu une telle présence ? Augustine aurait tendance à dire oui. Elle n’avait jamais l’impression que quelque chose lui manquait jusqu’à maintenant. Ce n’était que depuis que Corinne n’était plus là – elle ne lui avait même pas dit au revoir ! – qu’elle avait ce vide dans le cœur et dans l’esprit. Cela passerait avec le temps, elle le savait. Pas complètement et pas rapidement. Quoiqu’elles n’étaient amies qu’à peine deux semaines. Elle ne pouvait pas comparer le sentiment de solitude qui l’étreignait maintenant à la douleur qui l’avait habitée après la mort de sa mère. Non, ce n’était pas pareil. Pourquoi y repensait-elle maintenant ? C’était égal. C’était du passé et rien ne pouvait lui ramener sa mère. Rien.
Celle de Corinne avait l’air si heureuse de retrouver sa fille et si en colère quand elle avait compris pourquoi Corinne voulait rentrer en avance. Elle l’avait abandonnée, voilà ce qu’avait fait Corinne. Voilà pourquoi elle n’avait pas été assez courageuse pour lui faire ses adieux et voilà pourquoi Augustine n’en avait rien su jusqu’à ce qu’elle voie la voiture grise emmener la petite fille loin de la colonie de vacances. Corinne l’avait abandonnée aux moqueries des autres, à leurs langues de vipère, à leurs méchancetés. Elle avait beau n’avoir été qu’une gamine de sept ans, elle avait été de son côté et Augustine n’avait ni son courage ni son tempérament pour affronter les autres. Ça s’était empiré depuis le départ de Corinne. Comme si tout ce qu’elle prenait lui retombait dessus maintenant.
Elle n’aurait pas dû permettre à Corinne de devenir son amie. C’était sa faute. Elle n’avait pas pu sauver sa mère et elle n’avait pas pu protéger son amie des moqueries des autres. Au moins Corinne était encore bien vivante. Qu’est-ce qui se passerait si elle lâchait ses jambes maintenant ? Elle évalua la hauteur avec un intérêt mitigé. Si elle tendait les bras, il restait à peine trente centimètres à combler avant d’atterrir sur le tapis d’herbes molles. Aucun intérêt à part se mouiller davantage. Et en fait, elle n’avait pas la moindre envie de tomber. Ceux qui se tuaient n’aillaient pas au paradis. Elle n’avait pas passé autant de temps à l’église pour tout gâcher comme ça.
Mais franchement Dieu pouvait faire un peu plus attention à ses fidèles et punir un peu plus ceux qui leur causaient du tort. Rien de grave mais Monique mériterait bien des poux par exemple. Ça donnerait au moins une impression de justice…
Il ne se sentait quand même pas délaissé juste parce qu’elle n’avait pas eu la possibilité de prier autant que chez elle. Il devait bien comprendre qu’elle ne s’exposerait pas à davantage de moqueries sans être sûre d’une protection. Elle avait encore bien trop en tête le premier repas où elle avait sagement plié les mains comme son père l’attendait d’elle et où tout le monde avait rigolé. Autant elle trouvait ça exagérer de passer des heures à genoux comme avait tendance à le faire son père, autant elle ne comprenait pas pourquoi les autres n’en faisait rien. Enfin, c’était leur problème s’ils voulaient finir en enfer. Au moins ils ne pourraient plus se moquer d’elle.
Augustine jeta un coup d’œil à sa montre. Six heures vingt. Même avec ce temps de pluie, c’était l’heure du petit-déjeuner. Et c’était reparti pas une journée. L’avantage que Corinne était partie, c’était qu’elle n’avait plus mauvaise conscience quand les autres la traitaient de bizarre et de muette. Elle n’entrainait plus personne dans les moqueries. C’était libérant d’un certain point de vue. C’était déprimant de tous les autres. Elle hésita puis prit de l’élan pour atterrir sur ses pieds un peu plus loin. Au moins les cours de gymnastique avaient servi à quelque chose. Peut-être que son père répondrait au téléphone si elle l’appelait ? Mais qu’est-ce qu’elle pouvait bien lui dire ? C’était au-dessus de ses forces et elle ne connaissait pas le numéro de toute façon.
Il n’y avait pas d’autre possibilité. Soit il répondait à sa lettre – peu probable qu’il la lise en réalité – soit elle patienterait jusqu’à la fin de l’été. Pourvu qu’il continue à pleuvoir.
End Notes:
Un commentaire ? Une supposition pourquoi les rétrospectives existent ?
Chapitre 4 : dix-sept heures treize by Carminny
Les policiers la regardaient avec des têtes stupéfaites. Augustine étira ses lèvres en un petit sourire et leur fit un signe de main pour les saluer. Ce qu’elle n’avait pas remarqué depuis sa branche, c’était qu’ils étaient grands. Ils étaient vraiment grands, même pour des adultes. Elle avait treize ans et elle était petite. Pourquoi devaient-ils en plus prendre leur air intimidant ? Elle voyait bien que de toute manière, il n’y avait aucune chance pour qu’ils ne fassent pas ce qu’ils voulaient avec elle. Elle essaya de se rendre le plus innocent possible. Evidemment qu’elle était suspecte, elle en avait bien conscience.
Le policier le plus âgé se racla la gorge. Ce n’était pas le chef qui était certainement encore en train de parler avec Monsieur Germain. Tant pis ou peut-être tant mieux, elle n’en savait rien en réalité. Pourquoi n’avait-elle jamais son ardoise dans les moments les plus embarrassants ?
– Qui es-tu ? demanda le policier qu’elle avait en face d’elle.
Augustine recula un peu pour voir les deux autres aussi et s’adossa même contre son arbre. Elle leur offrit un sourire un peu gêné dont elle avait compris qu’il rassurait les gens et mima le fait d’écrire. Le plus jeune des policiers fronça les sourcils, ça tombait bien les siens étaient sombres et épais, ça lui donnait du style. Le plus âgé se frotta la barbe, ce qui l’était beaucoup moins. Augustine réitéra son geste. Le policier contre la voiture parut comprendre.
– C’est toi, Augustine Pinson ? La fille muette qui a disparu ce matin ?
L’adolescente acquiesça en s’efforçant de ne pas lever les yeux au ciel face à cette description. Elle était bien plus que cela, même si en l’occurrence c’était ce que les autres enfants et les encadrants de la colonie devaient savoir. Cela montrait bien à quel point ils s’étaient intéressés à elle avant de la classer comme cible de leurs moqueries. Enfin, c’était eux qui ne savaient pas ce qu’ils rataient. Elle les avait bien observés et aucun d’eux n’était complètement innocent – à part Louise et Jean-Pierre et la majeure partie des petits qui se chamaillaient juste entre eux.
Bref, ces policiers n’étaient certainement pas des lanternes mais il fallait bien qu’elle leur donne un coup de main si elle voulait qu’au moins un meurtrier soit puni. Elle refit le geste d’écrire et tendit le doigt vers le bloc-notes du plus jeune policier.
– Tu veux mon bloc-notes ? s’étonna celui-ci.
– Il faut bien qu’on l’interroge aussi, fit le plus âgé en haussant les épaules. Gustaf nous a dit d’interroger tous les gamins. Et si elle ne peut vraiment pas parler, qu’elle écrive puisqu’elle ne semble pas y être opposée.
– Tu crois qu’elle simule pour ne pas se trahir ? Dans ce cas, on ne peut pas lui laisser un bloc-notes officiel avec tous nos indices…
Augustine leva les yeux au ciel puis partit d’un pas décidé vers le dortoir. S’ils étaient trop bêtes pour lui donner une feuille, alors elle chercherait son ardoise. Comme ça plus de soucis. Le policier d’âge moyen – un grand blond musclé – lui barra le chemin.
– Tu crois aller où comme ça ?
Augustine lui dessina une ardoise dans l’air, écrit dessus puis la lui tendit. Et c’est qu’il ouvrait les mains pour la prendre ! Pas étonnant qu’ils aient été si longs à venir et qu’ils n’avaient rien tiré de ses camarades non plus.
– Bon, Christian, donne-lui ton bloc-notes et ton crayon. Je n’ai pas envie qu’elle s’enfuie.
Le jeune policier rouspéta encore un peu pour la forme mais céda finalement le matériel d’écriture à contrecœur. Cela le paraissait rassurer quand Augustine ne fit pas mine de vouloir regarder toutes les informations qui devaient se trouver sur les pages précédentes mais commença par écrire son nom en haut de la page.
« Je n’avais pas disparu. J’étais juste assise sur cet arbre. Personne ne m’a cherchée. »
Les policiers échangèrent un regard dont elle ne devinait pas le sens entier mais cela lui était bien égal maintenant. Il fallait qu’elle leur dise ce qu’elle savait – sinon c’était de la rétention d’informations – et qu’elle leur en extirpe le maximum. Elle en était déjà fatiguée d’avance. Sans attendre une réponse ou une autre question, elle rajouta une phrase.
« J’ai assisté au meurtre ce matin, alors je vais vous faire un témoignage précis. »
– Avec plaisir, fit le plus âgé. Tu veux t’asseoir ou prendre la voiture comme table ?
Il sonnait réellement inquiet pour elle et c’était étonnamment agréable. Depuis quand personne ne l’avait plus sollicité de se mettre davantage à l’aise ? Des semaines, des mois voire des années ? Elle ne s’en souvenait pas. Elle se rapprocha de la voiture et commença à écrire.
Augustine observait attentivement les expressions des trois policiers qui lui faisaient face. Ils lisaient son rapport qu’elle avait pris soin de formuler aussi précisément que possible. Son regard glissa sur leurs fronts plissés – si elle avait bien compris leurs marmonnements, elle n’écrivait pas assez lisiblement à leur goût – et se posa sur sa montre.
Dix-sept heures treize. Si elle avait été chez elle, au collège, elle serait en train de ranger ses affaires dans son sac en traînant exprès un petit peu pour éviter la cohue dans les couloirs. Alphonse, le conducteur du bus, l’attendait toujours. Il le lui avait promis un des premiers jours de sixième où elle avait été retardée par un professeur qui ne voulait pas comprendre qu’elle ne pouvait pas parler ou plutôt qu’elle n’allait pas dans une école spécialisée. Alphonse était parti et était revenu juste pour elle avec sa voiture privée quand il avait remarqué son erreur parce que personne ne devait être oublié à son avis.
Il lui manquait. Elle avait envie de rentrer. A la maison au moins il n’y avait pas de moqueries ouvertes. Il y avait toutes ses cachettes préférées, il y avait les adultes qui s’intéressaient à elle et il y avait les autres qui restaient indifférents – c’était la majorité mais Augustine était tout aussi indifférent de leur sort alors c’était de bonne guerre. Il y avait ses arbres et sa forêt. Il y avait sa maison et l’église juste à côté. Il y avait le cimetière où parfois elle réussissait à murmurer quelques mots à sa mère. Il y avait son père, son parrain avec son chien, Alphonse et madame Guillaume qui lui offrait toujours un petit pain au chocolat quand elle passait devant la boulangerie. Oui, ils lui manquaient tous.
– Bon, fit le policier le plus âgé. Je pense que tu n’as pas pu inventer tout ça. Pas avec tous les détails qui concordent à ce qu’ont dit les autres. On va apporter ça au chef et puis on verra.
Augustine haussa les épaules. Elle se désigna puis le dortoir. Elle allait faire sa petite enquête maintenant qu’elle n’était plus suspecte. Parce qu’avec tous les inconvénients de cette colonie de vacances, il y avait en ce moment un avantage majeure : elle pouvait aider à arrêter un meurtrier, c’était plus qu’elle n’avait eu le droit chez elle. Visiblement les policiers n’étaient pas tout à fait convaincus mais aucun d’entre eux ne fit de geste pour l’arrêter quand elle se retourna à nouveau en direction du bâtiment principal.
– Je pense qu’elle va nous être utile, la petite, eut-elle encore le temps d’entendre.
End Notes:
Un commentaire ? Une nouvelle supposition ?
Rétrospective 5 : Menace by Carminny
Author's Notes:
Bonne lecture !
– Tu n’as croisé personne en venant ? faisait la voix de Monique à quelques mètres d’Augustine.
La fille de pasteur s’était pour une fois réfugiée dans les noisetiers derrière les abris servant de débarras pour le matériel de jeu et de jardinage. En réalité, elle s’était écorchée les mains et genoux en tombant de vélo lors de la dernière sortie et n’avait pas envie de s’arracher les croutes en grimpant dans le hêtre. Les noisetiers étaient une alternative convenable. Sauf apparemment quand Monique décidait de rencontrer quelqu’un qu’elle n’était pas censée voir.
Augustine jeta un coup d’œil en direction du bâtiment principal et remarqua bien sûr Jérôme qui montait la garde dans un des abris. Il se pensait peut-être être discret ? Enfin, c’était un secret de polichinelle que ces deux-là ne sortaient uniquement ensemble pour couvrir le jeune homme qui se tenait devant Monique en ce moment même. Parfois elle se demander où Jérôme trouvait son compte dans cette histoire… Peut-être qu’il était réellement amoureux d’elle ? Parce qu’elle ne semblait avoir de yeux que pour l’invité.
– Non, personne, la rassura le jeune homme de sa voix douce. Je ne serais pas venu si ce n’était pas sûr.
Augustine entendit Monique acquiescer de la tête avant de se rapprocher en traînant les pieds comme elle seule pouvait le faire. Elle s’imaginait bien la fille du directeur de la colonie en train de poser un baiser sur la joue de l’inconnu. Elle avait le profil pour faire ce genre de chose en cachette. Les bruits semblaient correspondre. Quelle tristesse qu’elle ne pouvait pas la voir.
– Et tu m’as ramené ce qu’il faut ?
Si c’était possible, Augustine aurait cru que Monique sonnait presque inquiète. Mais elle devait se faire des illusions. Monique était une forte tête, imbue d’elle-même et pour qui les autres ne comptaient pas. Elle ne s’était certainement jamais intéressée à personne d’autre qu’à elle-même. Comment pourrait-elle donc être inquiète alors qu’elle était la reine incontestée de la colonie ? Un bruit de sachet fit froncer les sourcils à la petite adolescente. Ce n’était probablement pas des bonbons que Monique récupérait avec autant de précautions, si ?
Elle bougea aussi lentement que possible pour ne pas faire bruisser les branches des noisetiers en se redressant légèrement. Elle voulait savoir. Monique – identique à elle-même jusqu’à la moue dédaigneuse – prenait justement un sachet en papier Craft. Qu’est-ce qu’il pouvait bien y avoir dedans ? En soi, c’était tout à fait un sachet pour bonbons. Mais ça ne collait pas. Le jeune homme avait l’air détendu mais scrutait quand même le visage de l’adolescente, ses cheveux bruns étaient coiffés à la dernière mode et il portait même un jean. Augustine nota qu’il gardait sa main droite dans la poche comme s’il tenait quelque chose fermement. C’était étrange, non ? Surtout que Monique s’efforçait de tenir le sachet bien droit comme par peur de renverser quelque chose.
– C’est bon pour toi ? l’interrogea le jeune homme après que Monique ait inspecté le contenu.
– Oui, acquiesça l’adolescente. La prochaine fois à nouveau au village ?
Elle semblait très contente de son affaire. Le jeune homme fit un geste qu’Augustine aurait jugé immédiatement comme menaçant et un instant plus tard Monique se retrouva avec un couteau sous la gorge, prise dans le bras de celui que tout le monde prenait pour son amour secret.
– Tu n’oublieras pas l’argent, hein.
– Mais, Monique essayait de se libérer. Tu sais très bien que je n’ai pas encore l’argent. Je l’aurais une fois que j’aurais hérité de ma mère. A ce moment-là je vous payerai, c’est convenu !
– Alors dépêche-toi d’hériter, fit le jeune homme d’une voix sombre. Sinon c’est ton père qui payera pour toi.
– Ce n’est pas moi qui risque le plus, fit Monique effrontée alors qu’elle devait être morte de trouille vu son visage plus pâle que le linge.
– C’est ce que tu crois…
Augustine écarquilla les yeux, effrayée. C’était une vraie menace de mort qui se déroulait sous ses yeux. Surtout quand le jeune homme recula rapidement et qu’elle put admirer le fil rouge qui se déroulait doucement dans le décolleté de Monique. Il fallait prévenir quelqu’un, non ?
– Compris, fit Monique pourtant d’une voix blanche.
Le jeune homme la salua d’un signe de tête et partit en direction du portail, son couteau à nouveau rangé au fond de sa poche. Il ne semblait pas avoir peur de se faire arrêter ou de rencontrer quelqu’un en chemin.
Les bruits de pas dans son dos la firent se recroqueviller à nouveau. Elle n’avait aucunement envie de se retrouver impliquer dans les soucis des autres. Elle en avait suffisamment toute seule, merci bien. Même s’ils étaient en grande partie causer par les autres justement. Enfin bon, elle n’allait pas tendre le bâton pour se faire battre à cause d’une bêtise commise par Monique.
– Ça va ? s’inquiéta Jérôme qui s’était rapproché. Tu as pu récupérer la came ? C’est bon ? Qu’est-ce qu’il te voulait ?
Augustine fronça les sourcils. Elle avait bien entendu ? Monique achetait de la drogue et la faisait entrer dans une colonie de vacances avec plein d’enfants ? C’était plus que rocambolesque, personne n’allait croire ça ! Pourtant il fallait bien que quelqu’un en soit informé. Monsieur Germain peut-être ?
– Oui, oui, tout va bien, décréta Monique. On retourne chez les autres.
Les deux adolescents partirent en direction du bâtiment principal, parlant du fait de passer d’abord auprès d’un lavabo pour effacer le sang. Augustine souffla. Elle n’aurait pas aimé que Monique la découvre. Le mauvais quart d’heure qu’elle aurait passé aurait rendu la menace à Monique pour une banalité. Non, elle exagérait.
Jérôme lui fit un clin d’œil en tournant au coin de l’abri et lui fit chut avec le doigt. Comme si elle allait faire du bruit. Elle n’était pas suicidaire merci. Augustine hocha la tête en réponse puis se figea soudainement. Cela signifiait que Jérôme l’avait vu pendant tout ce temps et qu’il n’avait pas prévenu Monique ?! Qu’est-ce que ça impliquait ? Qu’il voulait voir chuter Monique et son trafic – s’il y en avait un – ou qu’il voulait la protéger d’une raison de moquerie de plus ?
Il lui avait fait signe de ne rien dire… Il était complice de Monique c’était sûr. Mais alors pourquoi ? Pourquoi la protégerait-il ? A moins qu’il ne voulait quelque chose d’elle en échange ? Mais quoi, elle n’avait rien d’intéressant pour un garçon de seize ans…
Alors que Monique s’éloigna un peu, il se retourna une dernière fois pour faire un grand sourire à Augustine. La première fois qu’elle le voyait sourire sincèrement. La première fois ? Ce sourire lui paraissait pourtant bien connu… Etrange.
End Notes:
Ca vous donne une nouvelle hypothèse ? XD
Chapitre 5 : Dix-sept heures trente-et-un by Carminny
Author's Notes:
Bonjour, bonjour !
Après une petite absence, voici un nouveau chapitre.
Bonne lecture !
Il n’y avait pas grand monde dans le dortoir quand Augustine y entra. Elle récupéra son ardoise et deux feutres et profita d’être penchée sur son tiroir pour scruter les adolescents présents. Sylvie et Martine discutaient étrangement calmement sur le lit de cette dernière. Peut-être était-ce une simple impression mais la brune avait les yeux rougis comme si elle avait pleuré. Son amie lançait des regards assassins en direction de la troisième jeune fille présente. Amandine, assise contre son lit, lisait tranquillement un livre comme si rien de ce qui se passait ne la concernait. Ce n’était pas tellement faux. Sauf que comme elle n’était pas au dortoir au moment où le cadavre avait été déplacée, elle était une suspecte plus qu’évidente. Enfin maintenant que les policiers avaient son témoignage.
– Elle a dit que c’était bien fait pour Monique, se remit à sangloter Martine.
Augustine fronça les sourcils avant de comprendre que cette plainte lui était adressée. Jamais Martine ne lui avait adressé la parole pour autre chose que pour l’insulter. Franchement ça ne lui avait pas manqué. Elle se redressa et se rapprocha des autres. Qu’est-ce qu’elle pouvait bien répondre à ça ? Le mieux, c’était de ne rien dire. C’était souvent la meilleure solution.
– Bah, c’est vrai, retorqua Amandine d’un ton désespéré. Elle n’était pas sympa. Au contraire, elle harcelait même les plus petits. Même si elle ne s’est que rarement prise à moi, ce n’est pas le cas pour les autres. Augustine par exemple en a fait les frais, vous n’y êtes pas étrangères non plus. Pensez à la petite Corinne que vous avez réussi à faire partir avec vos commentaires. Et après, répétez-moi que je devrais être triste. Bon débarras, je dis.
« Il ne faut pas dire de mal des morts. » inscrit la fille de pasteur sur son ardoise. Les préceptes de politesse avaient quelque chose de rassurant dans une situation aussi malaisante que celle-ci. Son vis-à-vis plissa les yeux pour déchiffrer sa réponse puis haussa les épaules.
– Qu’est-ce que ça peut bien changer ? Elle est morte, elle n’entend plus. Et qu’elle n’était pas une sainte, tout le monde le sait.
Les deux autres filles s’étaient remises à renifler dans leurs mouchoirs sales et Augustine supposa qu’elle pouvait tout aussi bien s’éclipser et les laisser à leurs occupations. Et alors qu’elle ne lui avait jamais accordé d’attention, Amandine se leva et la suivit jusqu’à la porte.
– Tu comptes enquêter ? lui demanda-t-elle à voix basse dans le couloir. Parce que moi, ce matin, j’étais à côté du portail, tu sais, là où il y a le trou dans la clôture et…
Augustine la regarda sceptique. Normalement les gens qui se trouvaient à proximité de ce genre d’endroit ne restait pas dans la colonie…
– Oui, bon, se reprit Amandine en se rendant compte de sa bourde. En tout cas, il y a le copain de Monique, tu sais celui du village qui lui refile la drogue, qui est entré. Forcément je me suis cachée et je l’ai suivi.
« Il est allé où ? » la pressa la jeune muette quand son vis-à-vis se tut pour faire durer le suspense. Une partie de son esprit peinait encore à croire que cette solitaire de seize ans l’avait choisie elle pour se confier. C’était certainement quelque chose que la police voudrait savoir et que la grande n’allait pas leur dire pour pas se rendre suspecte. Après tout, elle devait être dans les environs aussi.
– Aux abris avec le matériel de jeu, chuchota Amandine. Là où on a trouvé Monique !
Augustine hocha la tête, légèrement déçue. Pas au réfectoire alors.
– Et là, il a parlé avec Monique, continua la plus âgée sans se rendre compte de la réaction de la plus jeune. Je ne sais pas ce qui s’est passé ensuite par contre parce qu’ils m’ont vue et que le jeune homme m’a assommée avec une pierre. Regarde, j’ai une énorme bosse sur la tête !
La plus petite se mit sur la pointe de pied pour réussir à voir quelque chose dans la chevelure rousse et écarquilla les yeux encore davantage. Amandine avait vraiment une bosse et avait même encore des petits bouts d’écorce dans les cheveux comme si elle s’était couchée par terre. Il devenait quand même très louche, ce jeune homme du village.
– Du coup ce midi quand tout le monde a commencé à chercher Monique j’ai demandé à Antoine, tu sais celui avec les lunettes et l’air d’intello… Bah, je lui ai demandé qui était dans le dortoir des garçons ce matin avant le lever. Il se réveille toujours à cinq heures pour bouquiner. Par contre, il se rappelait plus bien, et m’a promis d’y réfléchir.
« Tu veux qu’on aille lui demander maintenant ? »
– Bah oui, faut qu’on trouve le coupable avant que la police ne pense que l’une de nous l’a tuée, tu ne penses pas ? Et peut-être que l’un d’eux à vu quelque chose. Mais ceux qui dormaient ne sont d’aucune utilité.
« Chez nous, il manquait Mireille aussi. Et Fabienne. »
– Comme toujours pour Fabienne, rigola l’ainée. Je suppose qu’on l’a vue toutes les deux avec Serge près du lac. Je ne sais pas où toi tu passes ton temps mais je ne pense pas que quelque chose échappe à tes yeux baladeurs.
Augustine rougit et baissa immédiatement le regard vers ses pieds. Son père détestait quand elle laissait traîner les yeux au lieu de le regarder quand il lui parlait. Mais Amandine lui donna un coup de coude amical.
– Allez, viens, la petite inspectrice.
Les deux filles trouvèrent Antoine devant une fenêtre qui donnait sur le réfectoire, en train d’observer le remue-ménage des policiers en train de chercher la scène de crime que leur avait indiquer Augustine – ce que les deux autres ne pouvaient pas savoir. Il était bien caché entre quelques buissons mal taillés et se trouvait de l’autre côté par rapport à la cour avec le hêtre. Augustine n’aurait jamais pensé à venir ici et pourtant elle avait une grande expérience des cachettes.
– Ah Amandine, fit-il quand celle-ci lui donna une pichenette sur le crâne. J’ai vérifié. Ce matin il manquait Serge, Hugo, Maximilien et Jérôme.
La rousse approuva d’un hochement de tête et voulut répondre quelque chose mais un bruissement dans leurs dos les fit se retourner. Augustine leva les sourcils en reconnaissant le jeune homme du village. Maintenant qu’elle le voyait, elle se souvenait d’un seul coup des menaces exactes qu’il avait proféré à l’encontre de Monique. Les avait-il mis en exécution ? Tout semblait tendre dans cette direction.
– Oh, la fouineuse de ce matin, fit-il d’une voix trainante. Vous n’auriez pas vu un couteau quelque part dans les buissons ? J’ai perdu le mien ce matin.
Augustine plissa le front. Et il revenait le chercher alors qu’il y avait la police partout ? C’était un peu trop simple, là. En même temps, il n’avait pas l’air très futé non plus. Mais quand même… Il y avait quelque chose qui clochait.
– On tient le coupable ! s’exclama Amandine, victorieuse.
Le meurtrier avait une voix de fille ! Voilà ce qui clochait. Ce jeune homme à la voix grave ne pouvait pas être le meurtrier. Il pouvait avoir déplacé le corps ensuite mais il ne pouvait pas s’être disputée avec Monique dans le réfectoire. Mais est-ce qu’il l’avait fait comme le prétendait Amandine ? Possible… En tout cas, beaucoup plus crédible que si par exemple Mireille l’avait déplacée toute seule. Question de taille tout simplement.
Mais ça, Amandine et Antoine ne pouvaient pas le savoir. Pour eux c’était évident : le coupable était revenu sur la scène du crime pour récupérer son arme. D’ailleurs le couteau pouvait bien correspondre…
End Notes:
Alors une supposition ? (d'ailleurs il reste encore deux chapitres et l'épilogue)
Rétrospective 6 : Veillée by Carminny
– Au marché de Padi-Pado, je voudrais acheter des bananes et un pull, annonça Grégoire.
L’animateur affichait avec un large sourire confiant. Augustine trouvait son optimisme incroyable. Aucun des jeux précédents n’avaient réussi à capter l’attention du groupe très longtemps et il continuait à leur proposer des jeux à astuce. La valise à remplir, l’île déserte et compagnie, il allait bientôt avoir fait le tour.
– Au marché de Padi-Pado, je voudrais acheter des chatons et des pâtes, fit Serge d’une voix ennuyée.
– Au marché de Padi-Pado, je voudrais acheter du camembert et de la salade, récita Fabienne en cachant mieux sa lassitude.
– Au marché de Padi-Pado, je voudrais acheter du blé et des artichauts, s’agaça Monique.
– Au marché de Padi-Pado, je voudrais acheter une caméra et des betteraves, participa Maximilien avec un semblant d’enthousiasme.
« Au marché de Padi-Pado, je voudrais acheter des endives et des fleurs » inscrivit Augustine sur son ardoise avant de la montrer.
– Au marché de Padi-Pado, je voudrais acheter un bus et un train, fit Amandine blasée.
– Au marché de Padi-Pado, je voudrais acheter des saucisses et des épinards, asséna Martine. On ne peut pas faire autre chose, vous voyez bien qu’on connaît tous l’astuce.
Le regard d’Augustine se posa sur Grégoire qui rougissait et lançait des regards de demande d’aide à Natalie, assise en face de lui. Visiblement il n’en recevrait pas puisqu’il s’excusa.
– Comment ça se fait que vous connaissez tous ces jeux ?
– Tout simplement parce qu’aucun d’entre nous en est à sa première colo, expliqua Amandine. Monique et son groupe viennent ici même plus longtemps que tu es animateur. Et la grande majorité n’est pas venue de son plein gré mais parce que nos parents ne veulent pas nous avoir dans les pattes. Comme chaque année. Donc vos jeux, on les fait chaque année. Même Simone, qui est quand même la plus petite de ce groupe, a une demi-douzaine d’année d’expérience.
Il y eut un murmure d’approbation tout le long de la tirade de la rousse. Augustine savait exactement qu’elle avait
– Je suis pas la plus petite, protesta Simone. C’est Augustine !
– Je parlais en âge pas en taille, asséna Amandine, rappelant aux autres pourquoi elle était souvent seule pendant les temps libres.
– Oui mais quand même, ronchonna la benjamine.
Ce n’était pas très sympa mais c’était connu que les enfants voulaient grandir le plus vite possible. C’était donc normal que Simone ne voulait pas être la plus jeune. Et franchement cela ne la dérangeait pas plus que ça d’être petite. Mais elle aurait préféré rester ignorée parce qu’elle savait bien qu’une pique suivrait.
– La muette ne compte pas, Simone, tu le sais bien.
Voilà. Au moins c‘était fait.
– Sylvie, ce n’est pas gentil. Excuse-toi immédiatement chez Augustine.
– Désolée, marmonna l’adolescente vaguement en direction de la plus petite tout en lançant des regards lourds de sens à Martine.
– Bon, enchaîna Grégoire sans attendre de réponse de la part d’Augustine. Qu’est-ce que vous voulez faire si les jeux typiques de colo ne vous plaisent pas ?
Honnêtement, Augustine ne pensait pas que c’était une bonne idée de demander. De toute façon, ils choisiraient un jeu stupide qui ne se concentrerait que sur des rumeurs ou des querelles amoureuses. Ah moins évidemment que Grégoire et Natalie n’imposent un autre jeu classique des colonies de vacances. Ils n’avaient pas encore essayé de reconnaître une musique ou jouer aux radios ou encore à l’assassin et détective. Rien de tout cela n’améliorerait la soirée. Pourquoi les veillées étaient-elles obligatoires ? Elle aurait préféré grimper sur son arbre ou observer les autres de loin ou lire peut-être le livre qu’Amandine cachait sous son matelas.
– Et maintenant c’est enfin l’heure du jeu qu’on attendait tous..., commença Sylvie.
– Action ou vérité ! compléta Martine avec un grand sourire.
– Dans vos rêves, décida Grégoire. Ce jeu ne fait que poser des problèmes depuis toujours. Je pense qu’on devrait plutôt jouer aux mimes.
– C’est une excellente idée, les mimes, renchérit sa collègue avec un grand sourire tellement forcé qu’on pouvait deviner qu’elle n’était pas convaincue elle-même.
D’ailleurs, Augustine voyait bien que ses camarades étaient tout aussi enchantés qu’elle à cette idée. Non, pas tout autant. Franchement les mimes, elle les pratiquait depuis un peu plus de sept ans. Elle savait se faire comprendre la plupart du temps. Alors elle avait du mal à voir en quoi c’était un jeu, en quoi c’était drôle. Enfin, après il y avait aussi des gens qui pensaient que se moquer des autres était amusant. Les mimes, c’était quand même mieux.
– Les mimes, c’est nul, décréta Monique d’un ton ennuyé. On devrait au moins raconter des histoires de fantôme…
– Moi, je pense qu’on devrait quand même tenter un action ou vérité, fit Jérôme doucement. Grégoire, tu pourras intervenir si ce n’est pas correct.
– Ça pourrait marcher comme ça, non ? donna son assentiment Natalie.
Grégoire pris entre les deux feux faisait un peu pitié à Augustine. En même temps, elle s’inquiétait un peu des questions ou des actions qu’on allait lui imposer. Elle n’aimait pas être forcée. Il ne lui restait qu’à espérer que les autres l’oublient, ce qui était directement plus improbable quand Monique était dans la pièce. Martine et Sylvie jubilaient rien qu’à l’éventualité du jeu et ce n’était pas bon signe d’habitude.
– D’accord mais mon véto est non-négociable, plia l’animateur. Hors de question que nous ayons un deuxième départ en une semaine. Nous ne pouvons pas nous le permettre.
Augustine ne pouvait être que d’accord. En face d’elle, Jérôme affichait un air sombre. Il lui rappelait de plus en plus quelqu’un mais elle ne voyait pas qui. La condition de Grégoire ayant été acceptée, Monique envoya Mireille chercher une bouteille vide et le jeu commença par l’échange de rumeurs prévisibles.
– Est-ce que tu as déjà trompé Serge ? était la vérité que devait avouer Fabienne. Réponse évidemment oui. Pourquoi Augustine s’en étonnait-elle encore ? Et surtout pourquoi les autres avaient besoin de poser la question pour le savoir ?
– Nager nu dans le lac ! décida le conseil pour l’action de Pierre.
Au grand malheur d’Augustine, elle se vit désigner bien trop rapidement, cela n’augmentait pas ses chances de passer plusieurs fois elle le savait théoriquement. En plus, c’était Maximilien qui avait tourné la bouteille. Ce n’était pas le pire mais il faisait quand même parti du groupe d’amis de Monique donc elle se méfiait. Vu ce qu’ils avaient donné comme gage avec l’approbation de Grégoire, elle n’allait pas choisir action.
« Vérité », inscrivit-elle donc sur son ardoise.
Elle entendit distinctement le juron de Sylvie qui avait dû préparer une horreur et écouta les différentes propositions qui fusaient vers son tortionnaire. La plupart était simplement quelconque mais Augustine n’avait aucune envie de répondre à celle sur l’origine de son mutisme. Cela ne concernait personne. Apparemment aucun ne pouvait proposer de question personnalisée parce qu’ils ne la connaissaient pas assez. Tant mieux.
– Jusqu’à quand as-tu dormi avec ton doudou ? Quoi ?! se justifia Maximilien. Je ne vais quand même pas lui poser une question sur une relation amoureuse ! Son père est pasteur !
Au moins un qui en savait un tout petit peu sur elle. Les murmures qui s’élevèrent se turent et Augustine inscrivit un cinq sur son ardoise. Beaucoup avait changé quand elle avait cinq ans. Peut-être même trop. Mais elle ne les laisserait pas se rapprocher plus que ça de son passé. Ils n’y avaient pas de place pour de la curiosité.
End Notes:
Avez-vous trouvé la petite info qui aidera l'enquête ? ^^
Chapitre 6 : Dix-huit heures deux by Carminny
Author's Notes:
Et nous voilà pour le dernier chapitre de cette histoire. Bonne lecture !
Augustine n’avait aucune idée comment elle s’était embarquée dans cette histoire. Il n’était que dix-sept heures cinquante et Amandine la traînait devant les policiers pour témoigner contre le jeune homme du village dont elle ne connaissait même pas le nom. Mais ça ne pouvait pas être lui. Elle avait entendu une voix de fille dans le réfectoire et il ne serait pas revenu comme une fleur. Par contre, c’était plutôt intéressant qu’il avait été là le matin aussi. Peut-être qu’il avait vu quelque chose. Pourquoi avait-il été là en fait ?
Elle aurait aimé fait part de ses doutes à Amandine mais celle-ci semblait être convaincue de la culpabilité du jeune homme. Si ça se trouvait elle en savait beaucoup plus que ce qu’elle disait. Peut-être même que c’était elle la vraie coupable qui cherchait à faire accuser quelqu’un d’autre à sa place !
– Bon, fit Amandine en constatant qu’ils ne passeraient jamais à quatre dans la foule des policiers et autres adultes. Attendez-moi ici, je vais aller chercher quelqu’un.
Les trois autres restèrent planter dans les buissons. Antoine fixait le jeune homme comme s’il allait se jeter sur lui et s’enfuir. La fille de pasteur fronça les sourcils. Il y avait encore des trous. Beaucoup trop de trous. Et ce jeune homme ne pouvait pas être coupable. C’était incompatible avec ce qu’elle avait vu. Pas conséquent, il pouvait témoigner.
« Comment tu t’appelles ? » inscrit Augustine sur son ardoise avant de la placer devant les yeux du jeune homme.
– Thomas. Mais qu’est-ce qui se passe en fin de compte ?! Pourquoi cette fille me traite comme si j’étais un prisonnier ?
« Tu vas me répondre à quelques petites questions. » Augustine lui adressa un sourire. Soudainement elle se sentait très sûre d’elle. Comme si l’idée qui germait dans un coin de la tête lui donnait des ailes. Elle ne doutait pas que ce Thomas allait pouvoir lui donner des informations. Elle ne doutait même pas qu’il le ferait. Etrange que cette confiance en soi. « Pourquoi étais-tu là ce matin ? »
– Je… je devais apporter des œufs frais à Marie-Joëlle, bafoua le jeune homme.
La cadette pencha la tête pour le regarder. Ce n’était pas la vérité et tout le monde le savait. Ils avaient vraiment d’autres choses à faire…
– Bon, d’accord, capitula l’homme. Je devais apporter de la marchandise à Monique et vérifier qu’elle tiendrait parole pour l’argent. Elle n’est pas venue mais m’a envoyé Maximilien à la place. Il était en retard et j’ai dû me dépêcher pour pas croiser le facteur en chemin.
« Maximilien est arrivé à quelle heure ? »
– Euh, cinq heures cinquante je dirais.
Et deux suspects de moins, deux ! A moins bien sûr qu’ils soient de mèche et qu’il s’agissait d’un grand complot. Ce n’était quand même pas très plausible. Qui est-ce qui restait sur la liste ? Serge, Hugo et Fabienne. Amandine et Antoine. Mireille et Jérôme. Non, une voix de fille. Elle l’avait entendue. Donc Amandine ou Mireille. La première avait avoué ne pas avoir d’alibi. Et la seconde ?
« Tu as vu quelqu’un d’autre ? » demanda-t-elle par acquis de conscience.
– Bah, il y avait le même couple que toujours près du lac. Aucune idée qui s’est, mais ils sont sacrément amoureux pour des ados.
« Qu’est-ce que tu veux dire par là ? »
– Ils étaient en train de s’embrasser, moi j’ai cherché un peu autour du point de rendez-vous en attendant Monique, du coup j’ai tout vu, et…
– Tu as maté Fabienne, tu veux dire, l’interrompit Antoine en remontant nerveusement ses lunettes. Ce n’est pas bien.
Augustine lui fit signe de continuer sans prêter d’attention au garçon. Thomas haussa les épaules.
– Bah, ils se sont faits engueulés par un mec plus âgé. Je suppose que c’est le frère de la fille. Rassure-toi, j’allais pas mater. Je tiens à la vie.
Mais pourquoi eux aussi, il pouvait les disculper ? Bon, Fabienne, Serge et Hugo n’avaient jamais été des suspects très plausibles – c’était bien connu ce qu’ils faisaient chaque nuit. Mais que Thomas puisse répondre était inquiétant. Peut-être qu’il cherchait à se construire un alibi ? Et la voix qui ne correspondait pas ? Il pourrait être complice de Mireille par exemple.
En gros, il lui fallait d’autres témoignages. Pourquoi la police ne lui avait rien dit ? D’accord, question stupide. C’était évident qu’ils la tenaient encore pour suspecte aussi. A raison cela dit. Elle aurait très bien pu tout inventer.
« Autre chose à déclarer ? » écrivit-elle en espérant que cela en restait là.
– Maintenant que je t’ai tout dit, tu ne me balances pas à la police à cause de tu-sais-quoi ?
Augustine hésita un instant. Elle n’avait rien à y gagner en réalité mais en même temps ce n’était pas louable de vendre de la drogue à des mineurs. Ce n’était pas bien du tout en réalité. Enfin, la police et plus tard Dieu s’en chargeraient très bien. Elle secoua la tête puis partit tout simplement en direction des tables extérieurs d’où provenait un bruit digne d’un groupe d’enfants. Elle voulait parler à tous les absents des dortoirs. C’était le seul moyen d’être certain.
Une main la retint timidement.
– Merci.
Qu’il était bête. Il allait se dénoncer lui-même à la police dans quelques minutes, c’était la seule raison pour laquelle elle ne se donnait pas la peine de le faire. Ce n’était certainement pas par gentillesse ou par miséricorde. Un vendeur de drogue n’en méritait pas autant. Elle lui fit un léger sourire qui lui permettait de partir rapidement et se dégagea. Franchement, elle ne comprenait pas pourquoi les gens voulaient se prendre les mains, se toucher l’épaule et autres contacts. C’était juste bizarre de se coller aux gens. Surtout aux inconnus.
Augustine frotta son bras pour se débarrasser de la sensation de la main de Thomas et se dirigea d’un pas rapide vers les tables. Aucun temps à perdre, Amandine ne voudrait jamais la laisser partir. Un coup d’œil vers le réfectoire lui apprit cependant que l’adolescente menait des discussions vaines pour convaincre les policiers.
– Augustine ! Tu es là ! Je m’inquiétais pour toi !
Natalie se précipita sur elle dès qu’elle la vit. Augustine supporta l’embrassade en essayant de cacher son mal-être. Elle avait comme un doute sur le sujet mais bon. Les mensonges des adultes pour camoufler leurs fautes, elle connaissait. C’était stupide mais c’était habituel donc réconfortant. Un peu du moins. Dès que Natalie l’eut lâchée et que l’attention des autres enfants l’eut quittée – ce qui arrivait au bout de deux longues minutes durant lesquelles elle devait sourire timidement, le moyen le plus efficace pour passer inaperçue –, elle s’assit à côté de Hugo.
C’était le plus âgé de tous les participants à la colonie de vacances et Augustine suspectait que ses parents l’avaient obligé à venir pour surveiller sa petite sœur. Il donnait toujours l’impression de s’ennuyer, ce qui était certainement le cas puisque même les « grands » participaient aux jeux de cours de récré comme le chat perché ou le poule-renard-vipère.
« Tu as vraiment engueulé Fabienne et Serge ce matin ? »
Hugo devait la prendre pour une folle – enfin encore plus que d’ordinaire. Tant pis. Au moins elle n’avait pas de réputation à perdre. Elle espérait juste qu’il lui réponde. Et effectivement il se contenta de hausser les épaules.
– Oui, c’est ce que mes parents m’ont chargé de faire.
« Merci ». Augustine ne perdait pas de temps à lui expliquer un pourquoi qu’il n’aurait pas compris et déguerpit le plus rapidement possible en direction de Mireille. Elle fit un grand sourire innocent à l’adolescente et aussi à Jérôme qui était assis à côté d’elle. Cela ne l’arrangeait pas en réalité mais il n’y avait rien à y faire.
« Vous étiez où ce matin ? »
– Ça ne te regarde pas, retorqua Mireille sans même la regarder.
– Tu te prends pour la police maintenant ? l’agressa Jérôme, sa tristesse trahie par sa voix d’adolescent en pleine mue. Ça te ressemble bien d’espionner les gens, sale petite muette.
– Sois pas si méchant, fit Mireille. Excuse-le, il est vraiment tourneboulé par ce qui est arrivé à Monique.
Ça, Augustine voulait bien le croire. Le fait que Mireille lui présente des excuses un peu moins. Elle leva les mains en signe de rédemption et partit tout aussi rapidement qu’elle était venue.
Sa montre indiquait dix-huit heures deux, exactement sept cent trente minutes après le meurtre de Monique Germain, et elle connaissait l’identité du meurtrier.
End Notes:
Alors alors, c'est qui ?
Epilogue : Cinq heures cinquante-deux by Carminny
Author's Notes:
Et voici le tout dernier chapitre de l'histoire, je suis tristesse.
Bonne lecture !
Augustine observait le lever de soleil à travers le feuillage du hêtre sur lequel elle s’était perchée. Ça l’étonnait un peu qu’elle ait pu s’en aller de cette manière sans que personne ne l’en empêche. Au fond, elle aurait aimé que quelqu’un la retienne, qu’un de ses camarades de colonie lui demande comment elle avait su, qu’un policier l’accuse de raconter des sornettes. Elle aurait pu dire qu’elle savait plein de choses sur tout le monde et qu’elle n’inventait jamais les meurtres qu’elle voyait. Mais personne ne s’était intéressé à elle. Comme toujours. Tant pis pour eux.
Sa montre argentée indiquait cinq heures quarante-sept. Le ciel se colorait doucement en orange mais ce jour-là il n’y avait pas de nuages qui pourraient prendre une teinte rose. Dans à peine quelques heures, la colonie de vacances serait vidée de tout enfant, de tout adolescent qui pourrait rigoler, crier, colporter des rumeurs ou s’amuser. Si elle pouvait, elle resterait perchée sur son hêtre toute la journée, et celle du lendemain, et toutes celles qui la séparaient de la fin des vacances scolaires. Ce n’était pas qu’elle ne voulait pas quitter la colonie de vacances en réalité. C’était juste plus simple.
Avec un soupir, Augustine s’adossa au tronc pour mieux s’installer. Le soleil ne tarderait pas à apparaître entièrement au-dessus de la montagne mais il ne pouvait réveiller personne dans le dortoir des filles. Personne n’avait voulu dormir dans la pièce où se trouvait le lit vide de Monique, comme personne n’avait envie de manger dans le réfectoire. Elle ne comprenait pas le problème. Il n’y avait pas de trace visible ou de fantôme. Mais au fond ça lui était égal. C’était le problème des autres, pas le sien.
Cinq heures quarante-neuf. Elle ne savait pas ce qu’elle attendait. Elle ne savait plus pourquoi elle était restée dans son arbre. Peut-être avait-elle peur que si elle en descendait et traversait la cour à la même heure que la veille, elle reverrait Jérôme poignarder Monique ? C’était absurde. L’un était au poste de police, l’autre morte. Ils ne rejoueraient jamais la scène qui s’était déroulée sous ses yeux. Tout comme elle ne reverrait plus jamais sa mère. Sauf dans ses cauchemars parfois évidemment. Est-ce que Monique s’y joindrait elle aussi ? Elle avait comme un doute. L’adolescente n’était pas vraiment extraordinaire ou même particulièrement mémorable. La seule chose qui la rendait différente était qu’elle avait été tuée.
Qu’est-ce qu’elle pourrait bien dire à son père pour justifier son retour prématuré ? Il n’allait jamais croire la vérité. C’était tout simplement incroyable. Peut-être que les policiers ou les animateurs leur donneraient une lettre pour expliquer. Au moins personne ne pourrait l’accuser de mentir. Personne ne pourrait lui répéter qu’elle s’imaginait des choses ou qu’elle avait juste fait un mauvais rêve. Enfin, plus personne ne le faisait chez elle d’ailleurs. Ce n’était plus qu’un événement passé dans la mémoire du village. Sans importance pour n’importe qui d’autre.
Qu’est-ce qui avait de l’importance de toute façon ? Jérôme avait tué Monique juste pour venger les moqueries dont avait été victime Corinne. Augustine avait du mal à comprendre alors même qu’elle savait à quel point les moqueries avaient affecté la petite fille. Mais ce n’était pas une raison pour poignarder quelqu’un… Ah moins qu’il ait eu d’autres motifs qu’il n’avait pas encore avoué. Dire qu’il s’était trahi de façon aussi bête parce qu’il ne pensait pas que quelqu’un remarquerait son absence au dortoir et surtout que quelqu’un puisse l’entendre parler à Monique. C’était un crime d’adolescent, mal préparé, résolu rapidement et le seul vrai obstacle était la voix de fille qui était en fait sa voix aigue car encore en pleine mue. C’était bête, c’était simpliste, c’était décevant.
Augustine regarda sa montre. Cinq heures cinquante-et-un. Peut-être que le jour apporterait des nouvelles expériences comme l’avait fait la veille. Parce qu’une chose était certaine. Elle avait adoré jouer les détectives improvisés avec Amandine dans la soirée. Peut-être bien qu’elle recommencerait si l’occasion se présentait. Non, pas peut-être. Elle avait envie de continuer. Elle avait envie d’arrêter des meurtriers et surtout de les trouver avant. C’était fascinant et un jour, elle retrouverait le meurtrier de sa mère.
Une branche craqua. Deux faits ne permettaient plus aucun doute : il était cinq heures cinquante-deux et Augustine Pinson deviendrait inspectrice.
Attention: Tous les personnages et situations reconnaissables sont la propriété de leur auteurs respectifs. Les auteurs reconnaissent qu'ils ne touchent aucun droit sur leur travail en publiant sur le site.