Summary: Recueil de textes courts et de drabbles issus des nuits classiques dédiées à l’écriture sur le forum HPF

Crédits : Image par Settergren de Pixabay
Categories: Humour,
Aventure,
Nuits HPF Characters: Aucun
Avertissement: Aucun
Langue: Français
Genre Narratif: Aucun
Challenges: Series: Aucun
Chapters: 13
Completed: Oui
Word count: 3437
Read: 24581
Published: 16/08/2020
Updated: 11/11/2020
Story Notes:
Les textes sont, dans le meilleur des cas, simplement corrigés orthographiquement, grammaticalement et parfois, je modifie des mots suite à des erreurs de sens. En ce qui concernent les drabbles, en raison des contraintes du site (refus de publication pour cause de mots insuffisants), des mots ou parties de phrase ont parfois été rajoutés.
1. Chapitre 1 - Consécration by ninipraline
2. Chapitre 2 - Fermer les rideaux by ninipraline
3. Chapitre 3 - Jardinage rituel by ninipraline
4. Chapitre 4 - Lady Ly by ninipraline
5. Chapitre 5 - Refus de cueillette by ninipraline
6. Chapitre 6 - Folle solitude by ninipraline
7. Chapitre 7 - Punition by ninipraline
8. Chapitre 8 - Mauvaise surprise by ninipraline
9. Chapitre 9 - S'en revenir by ninipraline
10. Chapitre 10 - Présentation by ninipraline
11. Chapitre 11 - Amour express by ninipraline
12. Chapitre 12 - Un problème d'ombres by ninipraline
13. Chapitre 13 - Cendron et la forêt qui craque by ninipraline
Chapitre 1 - Consécration by ninipraline
Author's Notes:
Thèmes de vingt heures du 6 juin 2020, combo entre le mot "collectionneur" & l'image représentant le cadran d’une rose des vents sur un fond de paysage montagneux (Image personnelle alice Jeanne)
Ils y étaient. Des années à collectionner cartes de navigations, témoignages et carnets de bords. Des années à préparer ce voyage... et aujourd’hui la consécration. Ils y étaient arrivés. Maximilian n’arrivait pas à en croire ses yeux. Des jours passés sur l’océan, des jours et des nuits plongés dans le bleu, ciel et eau confondus, des semaines de tempêtes, des mois de disettes à la fin de ce trop long voyage et ils y étaient enfin arrivés. Exalté, Maximilian exultait alors que son navire tombait dans le précipice sans fond. Ils avaient trouvé le bord. La terre était bien plate.
Chapitre 2 - Fermer les rideaux by ninipraline
Author's Notes:
Thèmes de vingt-et-une heures de la nuit du 6 juin 2020, combo entre le mot : diapason & l'image un tas de lettres de Scrabble© en bois avec trois lettres retournées formant le mot “OUT” (Image sweetlouise sur Pixabay)
« Dehors ! »
Un seul mot et c’était la fin. Carmichaël redressa doucement la poignée de la porte : ne pas troubler davantage la séance. En silence, sur ses semelles de crêpes, il s’éloigna dans le couloir, éclairé par les lumières vertes des panneaux indiquant la sortie de secours. Pas d’autres lumières. La pénombre masquait sa déroute. Il avait échoué. Des années de préparation, des années de travail, un instrument soigneusement accordé et en quelques minutes, tout était terminé. Le projet venait de prendre fin, avant d’avoir commencé. Une fausse note. Une seule. Qui aurait cru cela ? Une chute pouvait fausser un diapason.
Chapitre 3 - Jardinage rituel by ninipraline
Author's Notes:
Thèmes de vingt-et-une heures de la nuit du 25 juillet 2020, le combo entre le mot “faiblesse” et l’image de la mante religieuse (Ticket d'or de Serlu (image lui appartenant))
Jésus San Cristobal lissait la terre fraîche sur le trou qu’il venait de reboucher. Il considéra le rectangle de terre meuble cerné d’un côté par les carrés de choux-fleurs et de brocolis, les rangées de poireaux et d’oignons hâtifs et de l’autre par les haies de framboisiers.
Il considéra longuement son travail, acquiesça en silence, pour lui-même, avant de reposer la pelle contre l’un des tuteurs des arbustes déjà couverts de fruits roses. C’était un bon endroit. Il pourrait dès demain y planter les semis de laitue et de batavia. C’était un bon emplacement. Il sortit un immense carré de flanelle de sa poche, un antique mouchoir à carreau qu’il tenait de son grand-père et auquel il tenait particulièrement, vu le peu de qualité des mouchoirs actuels, et essuya son large front.
Quelque chose en lui, lui reprochait son manque de curiosité, sa nature trop conciliante, le traitait même de lâche. Qu’avait-il fait pour mériter de tel reproche de la part de sa conscience ? Il n’avait fait que son travail et avait obéi à sa patronne. Il avait eu de la chance à son âge, sans formation de trouver cet emploi d’homme à tout faire dans cette pension de famille. Il avait le travail, le logement et les repas compris.
Et puis, elle était charmante mademoiselle Angéline, bien qu’un peu trop prompte à aimer et à casser avec ses conquêtes. Mais ce n’était pas ses affaires, il ne l’intéressait pas Mademoiselle Angéline et il ne s’intéressait pas à elle. Et c’était heureux car il n’était pas homme à mélanger les affaires et le cœur.
Tout ce qu’il avait à faire, après chaque rupture, c’était creuser des trous d’un mètre sur deux, sur un mètre cinquante de profondeurs, le soir et de venir le lendemain pour finir de les reboucher, la pauvre demoiselle se fatiguant vite lors des travaux de jardinage. Qu’est-ce qu’il pouvait bien avoir sous les quelques centimètres de terre qu’il avait recouverts de bons mètres cubes de terre ? Il s’en moquait.
C’était une vieille demoiselle, elle avait ses petits rituels de vieille demoiselle, comme brûler les affaires de ceux qu’elle quittait et enterrer il ne savait quoi dans le potager, l’un des plus beaux du quartier et même de la ville. Et puis, après les ruptures, il y avait toujours un peu plus d’argent dans la caisse de la pension, des repas plus copieux, le fameux pâté en croûte maison de Mademoiselle Angéline et surtout des petites primes de la main à la main.
Non, vraiment, il ne méritait pas tant de reproches de la part de sa conscience.
Chapitre 4 - Lady Ly by ninipraline
Author's Notes:
Thèmes de vingt deux heures de la nuit du 25 juillet 2020, l’image des deux mains manucurées (Touching Hands sur splishire)
Lady Ly souleva légèrement sa voilette du bout de ses ongles parfaitement manucurés. Sa petite main, joliment potelée accompagna le tulle noir, surbrodé au fil de soie d’un noir assorti de délicates fleurs de sakura, tandis qu’il s’abaissait sur son visage à l’ovale aussi parfait que la couleur porcelaine de son teint.
Décidément ce garçon était une des pires choses qui ne soit jamais arrivé à ce jardin. Elle soupira, songea aux heures passées à aller d’un cabinet de placement à l’autre pour trouver un ouvrier capable d’entretenir les abords de la maison de thé, sans aucun résultat. Lyonis dormait sous le banc devant la maison lorsqu’elle était rentrée du théâtre. Elle l’avait réveillé, lui avait demandé de partir, s’était ravisée en voyant son air pitoyable, lui avait offert un bol de riz au thé et lui avait permis de dormir dans une des chambres réservées aux employés jusqu’au lendemain.
C’est là, qu’Edora l’avait trouvé et lui avait demandé de choisir entre ramasser les feuilles mortes en paiement de son premier repas de la journée ou de prendre un vigoureux coup de pied dans les fesses pour lui apprendre à profiter de la bienveillance des honnêtes gens et l’aider à déguerpir plus vite de la maison de thé. Il avait accepté le marché et, en engloutissant soupe et poisson, avait proposé de s’occuper de garder propre l’espace cultivé en échange du logement et du mangé jusqu’à ce qu’elles trouvent un employé plus qualifié. Lady Ly était faible, elle avait accepté.
L’acquiescement muet d’Edora l’avait quelque peu rassuré sur son choix. Elles avaient de toutes les façons besoin de quelqu’un rapidement et les maisons de placement manquaient cruellement de mains d’œuvre, tous étaient occupés sur les grands chantiers du port et des arsenaux. Pourquoi notre époque avait-elle tant besoin de bateaux de croisière et de quai d’embarquement ? Elle l’ignorait.
Lady Ly jeta un dernier regard sur les allées, les rocailles et les mares savamment disposées pour créer une harmonie propice à la paix. L’espace était propre, aucune feuille morte, aucune herbe ou branche sur les sols ou dépassant des boules des buis et des arbres. Elle écarquilla ses yeux et leva ses iris vert pâle vers le ciel, dans un muette résignation. Cela ferait l’affaire.
L’élégante se dirigea vers la porte coulissante qui séparait le jardin et la maison de thé de la ruelle et posa devant celle-ci le panneau annonçant leur ouverture au public. Elle jeta un regard à la ruelle encore calme à cette heure du jour, salua quelques voisins restaurateurs et commerçants qui comme elle ouvrait leur boutique. Une nouvelle journée s’annonçait. La prospérité passerait peut-être dans la rue aujourd’hui.
Chapitre 5 - Refus de cueillette by ninipraline
Author's Notes:
Thèmes de vingt trois heures de la nuit du 25 juillet 2020, la photographie du paysage de campagne normande (Photo personnelle d' @AliceJeanne)
Frangipane courait pieds nus sur l’herbe grasse et fraîche du haut de la falaise. Elle sentait sous la peau encore tendre de ses plantes de pieds la caresse soyeuse des végétaux avec parfois la rugosité d’un futur arbuste ou d’une plante grasse. Elle s’arrêta nette au bord du précipice, regarda les prairies et les bosquets, desquels elle était, pour quelques minutes, maîtresse, les surplombait de sa hauteur et de Sa Majesté. Dans quelques heures, l’institutrice sonnerait de son sifflet strident, il faudrait se diriger vers le parking, rejoindre le bus et rentrer dans leur bonne vieille ville de Cassin où l’attendraient les exigences strictes de ses parents et les brimades de ses camarades. Son regard tomba sur une longue tige couverte de clochettes jaunes qui passait entre ses orteils. Elle songea un moment à la cueillir pour cet herbier qu’elle devait commencer depuis le début de l’année et tout aussitôt se dit que les fragiles fleurettes n’avaient rien fait pour mériter de finir ainsi. Tant pis, elle irait une fois de plus en retenue pour ne rien avoir rapporté, privée de sortie pour ne pas avoir fait ses devoirs et rejetée pour avoir fait baisser la moyenne de la classe.
Chapitre 6 - Folle solitude by ninipraline
Author's Notes:
Thèmes de minuit heures de la nuit du 25 juillet 2020, avec quelques sorties de route (ou de papier), le combo entre le mot “comparse” et le cliché d’une paire de lunettes sur le sable d’une plage (levent_karaoglu sur pixabay)
Je regardais les lunettes posées sur le sable. Celles-ci me fixaient de leurs reflets aveugles. Je les détaillais méfiant, pourquoi me scrutaient-elles ainsi ? Avais-je les yeux louches et la gueule de travers pour attiser autant leur curiosité ?
Seul le bruit des vagues et de l’écume qui moussait sur le sable se faisait entendre. Pas un oiseau, pas un estivant, j’étais seul avec ces montures d’écailles qui cerclaient deux verres teintés et morts. J’y voyais le sable et mon visage qui me dévisageait. Je crois que je ne supportais pas la solitude finalement. Le confinement aura au moins servi à me faire découvrir mon besoin de rencontrer des gens, à moi qui trouvait justement qu’on était beaucoup trop en contact les uns avec les autres.
On apprend tous les jours.
Aujourd’hui, je découvrais, effaré, qu’un prothèse visuelle pouvait me servir d’autre, de façon tout à fait convenable. Et pendant que cette idée se formait dans ma tête, une autre se dessinait : il était grand temps de prendre rendez-vous chez un spécialiste de l’intérieur du crâne. Ma santé mentale se détériorait visiblement.
Une mouette ricana.
Où était-elle, tout cet après-midi, où j’avais subi contraint forcé le silence de cette fichue plage ?
Chapitre 7 - Punition by ninipraline
Author's Notes:
Thèmes de 20 heures de la nuit du 8 août 2020, sur la citation ; "Le soleil brille pour tout le monde" — Expression française
Dedans, soleil entre les lames des stores, le mur en pull marin noir et or, Lorelei ouvre la porte. Dehors, nuit sans lune, lumière rasante des lanternes, le paillasson, hérissé de poils plastiques verts, assorti au gazon synthétique, Lorelei ferme la porte.
Lignes de soleil sur les murs, Lorelei ouvre les stores : obscurité totale. Lumières rasantes éteintes, les lanternes ne détectent aucune présence.
Lorelei laisse retomber les stores. Les barreaux jaunes sont de retour. La jeune femme se laisse tomber lourdement sur le sofa, naissance de constellations de poussières. La punition divine était effroyablement sévère : plus de soleil pour elle.
Chapitre 8 - Mauvaise surprise by ninipraline
Author's Notes:
Thèmes de 22 heures de la nuit du 8 août 2020, sur la photographie présentant des fruits et des marguerites
L’odeur âcre des marguerites remplissait l’air autour de leur table de pique-nique. Elle avait même remplacé celle du bitume chaud et de l’essence. Le bruit des voitures, passant sur l’autoroute, leur parvenait encore, malgré le talus antibruit.
Nanette contemplait sans y croire l’étrange repas que leur avait prévu leur comparse.
Pourquoi ne s’était-elle pas méfiée de Nunami ?
Elle ne connaissait que trop les lubies alimentaires de leur amie. Des crudités, quelques fruits et des biscuits si pâles qu’elle hésitait à les croire cuits.
Dans quelle mésaventure elle s’était encore engagée ?
Chapitre 9 - S'en revenir by ninipraline
Author's Notes:
Thèmes de 23 heures de la nuit du 8 août 2020, sur le mot les galets
Les galets blancs marquaient les limites d’un chemin de sable écru admirablement assorti au vert tendre du gazon. Tout était parfaitement bien entretenu, aucune herbe ne poussait dans le sable du chemin et aucune tige ne dépassait de la pelouse soigneusement rasée. C’était là, le seul signe de présence humaine, car le petit sentier, qui reliait le portail et la porte d’entrée, semblait ne pas servir. Cunégonde regardait cet ensemble si mignon et si mort avec une certaine appréhension. Elle n’était plus venue dans la maison familiale depuis les vacances de ces quinze ans et retrouver sa terrible et rigide grand-mère ne l’emplissait pas de la joie qu’elle aurait dû ressentir. Elle se baissa et saisit la poignée de sa valise puis reprit son chemin le long de la façade de la maison. Elle arriva enfin au coin de celle-ci. Là, un autre chemin de terre, cabossé et livré aux herbes folles longeait le côté de la clôture. Elle s’y engagea sans hésiter, tirant avec difficulté la valise dont les roulettes se chargeaient de toute la végétation qui voulait bien les suivre. Cunégonde arriva enfin devant une porte au grillage éventrée, elle se glissa dans le trou, sans s’embarrasser d’ouvrir la porte. Elle ne savait même pas si celle-ci s’ouvrait. Elle déboucha sur un bosquet du jardin, un coin sauvage où des pieds avaient creusé, pendant des années, un autre chemin qui menait lui aussi à la maison, mais délaissait la porte principale pour celle plus intime de la cuisine. Celle-ci était entrouverte et laissait échapper des volutes épaisses de fumées blanches.
« Carlita ! Appela la jeune fille, je suis là. »
Un grand éclat de rire répondit à son appel et une grande femme aux formes rondes et généreuses apparues.
« Je le sais ma belle, les cartes m’avaient prévenu. Entre, je t’ai fait du poulet aux olives avec des vol-au-vent, c’est toujours ton plat préféré d’après ma boule de cristal.
La tension des derniers jours, la crainte de la réception que lui destinait sa grand-mère s’effacèrent. Les larmes aux yeux, elle enlaça la vieille bonne. Elle était de retour chez elle.
Chapitre 10 - Présentation by ninipraline
Author's Notes:
Thèmes de 2 heures de la nuit du 8 août 2020, sur le mot, Marguerite et la photo d’un champ sous l'orage (Brin Weins sur pixabay)
Le champ était entièrement blanc, mais en se rapprochant, on apercevait de moelleux et doux petits cœurs jaunes. Les marguerites avaient totalement recouvert la surface. Les pétales grands ouverts accueillaient soleil et abeilles dans la même hospitalité joyeuse.
Un éclair déchira l’acier des nuages. Léo éclata de rire. Bras écartés, il se mit à courir dans cette nature sans limite, ses cheveux rouille s’illuminaient au rythme des flashs qui précédaient le tonnerre.
Essoufflé, les poumons en feu, il lui semblait entendre l’écho de son rire et de sa course. Un coup d’œil sur son flanc lui fit découvrir une tignasse charbon agitée autant des soubresauts de la course que de son amusement devant le déchaînement du ciel.
Le jeune garçon finit par se laisser tomber dans l’épaisse végétation, son compagnon surprise, en fit de même. Entre deux éclairs, il n’y avait que le bruit saccadé des deux respirations, et celui, plus léger, de la brise qui soufflait sur la prairie.
Léo se tourna vers son voisin. Le visage fin et bronzé de celui-ci trahissait la vie en extérieur. Léo jeta un œil sur ses bras trop pâles et trop habitués aux manettes de jeux. Son voisin pivota vers lui. Et les prunelles mousses du rouquin se perdirent dans l’éclat doré de celles qui le détaillaient.
« Je m’appelle Lou, se présenta le ténébreux
— Moi, c’est Léo. »
Chapitre 11 - Amour express by ninipraline
Author's Notes:
Thème de minuit, de la nuit du 17 octobre 2020, sur le mot “Soumission” & l’image, “Always yours” au centre de perles de Cosiela Borta sur unsplash
“À jamais tienne”
Les trois mots s’étalaient en déliés savants sur la carte de Saint-Valentin.
Jamais des mots n’avaient été aussi bien choisis. Elle aurait pu écrire “Toujours tienne” mais ce toujours là, à l’époque où elle avait tracé ces mots, n’aurait été qu’un pâle “encore”. Et un “encore” de bien peu de jours. À peine de quoi faire un week-end.
Un week-end qui avait pris fin avant même le café du déjeuner. À quinze heures, tout était terminé. La première sonnerie de l’horloge s’était élevée. Week-end, amourette, bagages, tout était emballé.
Cheveux aux vents, l’insoumise était repartie. Toujours libre.
Chapitre 12 - Un problème d'ombres by ninipraline
Author's Notes:
Nuit du 31 octobre 2020, thème de 21 heures sur le mot « ombre »
Gonthier, raide comme la justice, faisait face à son dressing. Cintres et étagères ployaient sous l’excès de poids. Un soupir satisfait souleva sa poitrine avant de la laisser retomber. D’un geste rapide, il sortit de sa poche son agenda électronique et consulta le programme de sa journée. Chargé comme d’habitude, mais des rendez-vous moins cérémonieux que d’habitude. Il balaya une nouvelle fois les larges espaces de rangement, hésita un moment, paru se décider, tendit la main, se ravisa et se tourna vers un cintre recouvert d’une étoffe aérienne et sombre.
Gonthier se dirigea d’un pas décidé vers le grand miroir de la chambre. Son costume de tweed vert mousse, assorti à une chemise vert d’eau et une cravate en soie émeraude allait parfaitement avec l’ombre vaporeuse et dansante qu’il s’était choisie. Il prit un tube de colle à postiche dans un des tiroirs et se mit en devoir de coller l’essentielle silhouette noire à ses chaussures. Il ne se souvenait plus quand il avait perdu la sienne, ni même pourquoi, mais les interminables rangées de boutiques des centres commerciaux qu’il arpentait, lui avaient permis de se faire une magnifique collection.
La sonnerie du téléphone interrompit le cours de ses pensées.
« Chef ? Demanda la voix suraiguë de la secrétaire du centre de surveillance. Est-ce que vous allez bientôt arriver ? Nous avons encore des excentriques à l’accueil. Ils insistent pour voir un responsable. On leur aurait volé leur ombre. »
Chapitre 13 - Cendron et la forêt qui craque by ninipraline
Author's Notes:
Nuit du 31 octobre 2020, thème d’une heure sur l’image d’une route, qui tourne dans la forêt
Les chaussures étaient lourdes. Une boue collante adhérait aux semelles. Cendron cherchait les parties les plus hautes et les moins détrempés pour poser ses pieds. Mais la route n’était plus que flaque et gadoue.
Dans le crépuscule, les longs troncs qui cernaient le chemin paraissaient bleus. Autour de lui, tout semblait inconnu et étrange. La nuit avait effacé et déformé les repères connus. Un clapotement suivi de craquements brisèrent le silence.
Ce n’était pas les premiers. Le cœur battant, Cendron écoutait. Mais il n’y avait plus que le bruit des gouttes de plus sur les feuilles. Le regard du jeune garçon balaya la route qui se transformait peu à peu en rivière et les sous-bois qui n’étaient plus que marais.
Pourquoi la pluie ne tintait-elle pas sur ces surfaces liquides ?
Cendron frissonna et resserra sur lui son ciré en caoutchouc vert. Ce n’est pas la matière froide qui allait le réchauffer mais il fit comme si, et cela suffit à calmer un instant les tremblements. Il reprit sa difficile et périlleuse marche.
Alors que ses pieds pataugeaient dans les flaques et la boue, il s’étonna encore du silence de ses pas dans la nuit. Le bruissement des feuilles sous la pluie occupait toute la forêt. Le bruissement des feuilles sous la pluie et le craquement suivi ou précédé de clapotement qui montait des sous-bois.
Cendron fouillait les pieds des arbres. Le crépuscule n’avait pas encore obscurci les lieux. Et les formes bleu pétrole sur fond indigo étaient encore bien visibles. Il n’y avait personne dans la forêt. Il était seul. Et pourtant, même sans les branches qui craquent, il sentait une présence.
Calmement, il continuait à avancer, posant prudemment ses pieds et les retirant de la gadoue encore plus précautionneusement. Ce n’était pas le moment de tomber. Cela ne lui ferait pas gagner de temps. Et pire, cela ne le ferait que paniquer davantage.
Un grognement doux s’éleva. Cendron se dit que c’était le vent. Il continua d’avancer. Le grognement ne semblait pas agressif. Si les animaux parlaient, le garçon se serait dit que c’était un vieil animal qui se donnait du courage. Un mouvement attira son attention, il se tourna.
Deux pupille dorée brillaient entre deux arbres. Elles semblaient flotter au dessus du sol tant la silhouette se mariait avec les arbres et les quelques fougères qui se trouvaient là. Pourtant la silhouette était haute, très haute… et terriblement mince, maigreur accentuée par l’absence de bras.
Un arbre, se réprimanda Cendron, un arbre avec quelques papiers gras jetés par quelques promeneurs indélicats. Il tourna le dos à l’apparition mensongère et reprit son chemin sans plus prêter attention aux grondements et aux gouttes d’eau qui s’étaient tus, là-haut, sur les feuillages.
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