Noël jusqu'au cou by hazalhia
Summary:
Mon image
Illustration et montage réalisés par mes soins


Molly Morris, serveuse dans un café du centre ville de Chicago et aspirante artiste, se voit offrir de travailler pour la compagnie Hudson pendant les fêtes.
Elle qui n'aime pas Noël se retrouve à participer à la campagne publicitaire de la plus grosse compagnie de jouets de la région.
Participation (hors concours) au concours Cupidon sous la neige

Categories: Romance, Contemporain Characters: Aucun
Avertissement: Aucun
Langue: Français
Genre Narratif: Nouvelle
Challenges:
Series: Cupidon sous la neige
Chapters: 2 Completed: Non Word count: 6133 Read: 5159 Published: 02/12/2019 Updated: 19/12/2019
Story Notes:
Participation (hors concours) au concours Cupidon sous la neige

1. Chapitre 1 by hazalhia

2. Chapitre 2 by hazalhia

Chapitre 1 by hazalhia
Author's Notes:
Embarquement immédiat pour une histoire de Noël, préparez vos chocolats à la cannelle, accrochez-vous à vos plaids, l'aventure guimauvesque commence!
Une nouvelle journée chargée battait son plein dans un petit café niché au cœur de la ville de Chicago. L’habituel vent glacé et les températures hivernales rabattaient les badauds à l’intérieur des magasins, et quel meilleur endroit pour s’accorder une pause pendant le shopping de Noël qu’un café diffusant ses effluves d’épices de boissons chaudes.

— Bienvenue au Jerry’s café, un nid de douceur pour vous régaler et vous réchauffer, que désirez-vous commander? récita Molly en s’efforçant de prendre une voix enjouée.

Le mois de décembre était sur le point de commencer et avec lui la période des courses de Noël. Les gens bravaient le froid et se massaient dans les avenues de la ville décorée pour l’occasion. Le Jerry’s café, sur l’une des avenues les plus fréquentées, était devenu un arrêt presque incontournable pour se réchauffer les doigts de pieds et le bout du nez après avoir fait chauffer la carte bleu.

Molly servi son thé au lait d’amande-supplément crème-avec une pincée de cannelle-pas trop chaud à la femme en face d’elle qui la remercia vaguement d’un geste de la main et repartit jusqu’à la sortie en faisant claquer ses bottes à talons. Un spécimen dont la serveuse avait l’habitude et qui ne lui fit pousser qu’un soupir de lassitude, faisant par la même occasion sonner le grelot qui pendait au bout de son bonnet.

Pour surfer sur l’engouement que provoquait la période de Noël, le propriétaire avait décidé qu'à partir du milieu du mois de novembre, en plus de la vitrine peinte, du sapin décoré au milieu de la salle et des chants de Noël dans les hauts parleurs, les employés seraient habillés en conséquences. En lutin plus précisément.
Un ensemble complet avec chapeau pointu, collants rayés et robe rouge et vert qui rebutait Molly au plus haut point. Elle redoutait l’idée d’avoir à l’enfiler le matin, en grande partie à cause de ses grelots insupportable,s mais aussi parce qu’il réveillait des traumatismes d’enfance.
Traumatisme était peut-être un mot un peu fort, mais clairement cela lui rappelait une période sur laquelle elle aurait aimé faire une croix définitive. En plus, songeait-elle tous les matins devant le miroir, entre le bonnet de lutin et sa frange, elle avait l’impression de revenir à l’époque de ses 14 ans. Chose dont elle se serait bien passé.

La journée continua de défiler avec son lot de clients d'une amabilité variable. Puis il fallu affronter l’extérieur, le vent, le froid, le trajet dans le métro. Et seulement après cela Molly retrouva son appartement et s’écroula sans retenue dans son lit.

— Tu rentres tard ce soir ? lança une voix depuis la cuisine. C’était Norah, colocataire et amie de longue date de Molly.

Comme réponse elle ne reçut qu’un vague grognement, étouffé par les oreillers dans lesquels Molly s'était enfouie.

— Tu disais ? répéta la jeune femme, se tenant cette fois appuyée dans l’encadrement de la porte de la chambre.

— J’étais de fermeture, articula Molly en soulevant l’oreiller qui lui recouvrait le visage. Elle souffla une mèche de cheveux qui lui tombait sur le nez avant de continuer. Hannah s’est tordu une cheville en glissant sur une plaque de verglas, on doit la remplacer jusqu’à ce qu’elle revienne de son congé.

— Et j’imagine que ce n’est pas Jerry qui se proposerait pour aider, ironisa Norah.

— Tu te rends compte, il faudrait qu’il soit là avant onze heures du matin, qu’il reste après quinze heures, et qu’en plus de ça il sorte de son bureau pour… travailler, au lieu de regarder la télé et faire semblant de classer des papiers. Beaucoup trop éprouvant.

Norah laissa échapper un petit rire. Depuis que Molly avait commencé à travailler Chez Jerry au printemps, elle lui racontait souvent des anecdotes sur le propriétaire qui avait donné son nom à la boutique. Un petit homme bedonnant qui se sentait supérieur à tout le monde depuis que son affaire était devenue florissante.
De ce que Molly lui en avait dit, il ne se montrait - tard le matin - que pour faire un peu de paperasse, se faire préparer des boissons à l’œil et râler sur ses employés pour qu’ils soient plus rapides. Un véritable délice au quotidien. À côté de cela, le chef de la caserne où elle travaillait en tant qu’ambulancière était un véritable ange.

— Aller, lève toi mamie, c’est moi qui nous nourrit ce soir.

À cette mention, Molly lança tourna la tête d’un œil intéressé vers sa meilleure amie. Elle se glissa dans un pantalon de jogging et suivi Norah jusque dans la cuisine où flottait la bonne odeur du dîner.
Molly considérait que ses chances de survie loin du nid familial auraient largement diminué si Norah n’avait pas été là pour veiller à ce qu’elle se nourrisse d’autre chose que de pizza et de plats chinois à emporter. Elle se considérait même un peu plus adulte maintenant qu’elle était capable d’apprécier les saveurs d'un potage ou d'un ragoût, et toutes ces autres choses que les adultes vraiment adultes étaient censés apprécier.
Du haut de ses 26 ans, Molly ne savait pas vraiment si sa transformation était achevée, mais elle appréciait servir de cobaye pour les expérimentations culinaire de Norah. Quand c’était à son tour de faire le dîner, le résultat était beaucoup plus mitigé.

Un bol de soupe en main, elles s’assirent devant la télévision, lovées sous une couverture moelleuse, une bougie au pain d'épice allumée sur la console. Molly devait l’avouer, il y avait tout de même quelques points positifs avec l’arrivée de mois de décembre.

— J’ai cru voir ce nouveau film de Noël sur le program….


Avant même d’avoir pu terminer sa phrase, Norah fut couper par un râle de consternation et vit Molly fondre sur elle lui arracher la télécommande des mains. L’allergie de Molly pour les fêtes et le gros bonhomme rouge et blanc semblait n’avoir aucun répit.

******


La journée du lendemain ne fut pas des plus tranquilles pour Molly. Elle la qualifia même d’exécrable.
Elle avait commencé par tomber, les fesses les premières dans une flaque d’eau à cause d’un idiot en skateboard qui avait débarqué d’on ne sait où sur le trottoir. Puis avait fait un trajet dans un métro bondé et en retard, et une enfin fois arrivée au Jerry’s elle avait découvert qu’elle serait toute la journée avec un collègue qu'elle appréciait peu.
Il s'agissait de Jacob, le neveu de Jerry qu'il avait embauché pour faire plaisir à sa sœur. Un étudiant sur le tard, qui redoublait sa seconde année d'université pour la troisième fois et qui semblait mettre autant de ferveur dans son travail au Jerry's que dans la réussite de ses études. Il était blond, pas très mince, ni très grand, mais Molly le trouvait surtout lent et redoutait les moments où il essayait de lui parler en tête-à-tête.
Elle le soupçonnait d'essayer de la draguer, mais sans avoir aucune idée des signaux de fuite qu'elle montrait à chaque fois.

D’habitude, ces jours là, il y avait Hannah qui rendait la situation un peu plus vivable. Avec qui elle échangeait des regards de soutiens, ou des grimaces idiotes pour se moquer de lui dans son dos. Mais Hannah n’était pas là, et en enfilant son costume de lutin dans le vestiaire, Molly commença à penser qu’elle aussi aimerait bien se tordre la cheville, ou même se casser une jambe.

— Jolie Molly, le rayon de soleil de cette ville par ce temps pluvieux, fredonna le jeune homme dès que Molly passa près de lui.

— Arrête tes flatteries Jacob, les clients attendent

Molly alluma à pleine puissance la buse du percolateur pour chauffer un pichet de lait, et au passage couvrir la voix de son collègue. Le répit ne fut que de courte durée.

— Tu sais, pour ce soir j’ai des billets pour le match de…

— Tu ne crois pas que tu as des choses plus importantes à faire pour le moment, éluda Molly passablement agacée en lui montrant du menton la file de clients qui se serrait dans l’entrée.


Si seulement il mettait autant d’entrain à travailler qu’à parler songea la jeune femme. Elle tendit son café à un client et se mit à préparer la commande suivante.

— Je me suis brûlé le doigt, déclara-t-il en portant son pouce à sa bouche, comme pour justifier son inactivité.

— Pauvre petit, ironisa Molly sans aucune compassion.

— Un bisou magique ?

— Ne me donne pas envie de te renverser dessus cette eau bouillante, et de te brûler autre chose.

Un voile d’inquiétude passa dans le regard de Jacob. Il ne semblait pas savoir si Molly était capable ou non de mettre sa menace à exécution, mais dans le doute préféra s’abstenir de vérifier et retourna à son poste.
Du haut de son petit mètre soixante, et malgré son air juvénile sous ce costume de lutin, Molly Morris n’était pas prête à se laisser marcher sur les pieds.

Devant le comptoir était un arrivé un homme grand, aux cheveux châtains parfaitement coiffés, dont les larges épaules étaient soulignées par la coupe de son manteau. Il avait fait preuve d'un minimum de politesse en passant sa commande, ce que Molly avait apprécié et qui changeait de la plupart des hommes d'affaires snob qui venaient ici le matin. Cependant, il n'avait pas pour autant l'air particulièrement souriant, ce que Molly mis sur le compte de la matinée de travail qui l'attendait.
Personne n’était vraiment de bonne humeur en plein hiver à Chicago, pas même elle.

— Dis jolie Molly, tu n’aurais pas...

Molly s’apprêtait à tendre sa commande à l’homme à l’élégant manteau, un énorme gobelet de café au lait, quand elle sentit quelque chose la percuter. Le bras de Jacob, ou son dos peut-être. Un instant plus tard le lourd gobelet en carton lui échappait des mains. Il s’écrasa sur le comptoir, juste devant le client, éclaboussant tout ce qu’il pouvait au passage.

— Oh non, non, non ! Je suis désolée, s’écria Molly qui commença à se confondre en excuse.

Elle s’était attendu à ce qu’il crie, qu’il s’insurge contre ce manque de professionnalisme comme le faisaient la plupart des clients, voir même l’insulte comme le faisait d’autres. Mais il ne fit rien de tout cela. Il n’avait pas l’air ravi, certes,surtout que le bas de son pantalon et ses chaussures étaient humides de café, mais il ne se transforma pas en furie.

— Est-ce que vous pourriez refaire ma commande ? demanda-t-il simplement, toujours avec cet air un peu distant.

Molly s’empressa de s’exécuter pendant que Jacob avait eu l’initiative de se rendre utile et de nettoyer l’accident. Elle ajouta de nouvelles excuses en lui tendant un nouveau gobelet, en faisant bien attention cette fois.

Pour la suite de la journée, Molly s’assura de garder en permanence une distance de sécurité avec Jacob, ce qui n’était pas simple vu l’espace disponible derrière le comptoir. Ils parvinrent tout de même à finir la journée sans renverser une goutte par terre.

À vingt heures Molly pu enfin baisser la grille de la devanture et fermer la boutique. Jacob était parti depuis un moment. Il avait bien « amicalement » proposé de rester plus longtemps pour l’aider, mais Molly préférait encore faire la fermeture seule que de rester avec lui pendant les périodes creuses où elle n’avait pas de clients pour lui servir d’échappatoire.

Elle gagna le vestiaire en traînant des pieds, en pensant à l’heure de transport qui l’attendait encore pour rentrer chez elle. Et encore, si la correspondance était à l’heure.

— Oh non, pas ça! gémi Molly d’un air dépité.

Après sa chute de ce matin, elle avait suspendu ses vêtements à un cintre dans son casier, avec l’espoir qu’ils soient secs d’ici la fin de la journée. Visiblement, ils semblaient être d’un autre avis et étaient encore très humides. Avec le vent et le froid qui régnaient dehors, il aurait été totalement stupide de prendre le risque de les remettre pour rentrer. À moins de vouloir tomber vraiment malade. Et bien que Molly avait souhaité un instant se retrouver elle aussi avec une jambe inutilisable, elle avait trop besoin de ce travail.

Le sentiment de désespoir qui s'était emparé de Molly à la vue des vêtements mouillés venait aussi du fait que, si ces vêtements de ce matin étaient inutilisables, cela voulait dire que son costume de lutin était la seule chose qui lui restait à porter pour rentrer chez elle. La journée maudite continuait jusqu’au bout.

Molly essaya de recouvrir au mieux son costume avec son manteau, mais il n’était pas assez long pour couvrir le bas de la robe et les collants rayés comme des sucres d’orge. Elle soupira une dernière fois à l’idée de devoir traverser la ville dans cet accoutrement puis enfouit son visage dans une grosse écharpe, ne laissant dépasser que ses yeux noisette et quelques mèches brunes qui lui chatouillaient les joues. Avec un peu de chance, personne ne la reconnaîtrait.

Sur le chemin jusqu’à la station de métro, Molly contourna soigneusement les flaques et les plaques des verglas. Heureusement pour elle, il avait arrêté de neiger, ce qui rendait la tâche un peu plus aisée. Elle accéléra le pas pour accéder à la plateforme du métro aérien et attrapa de justesse son carrosse.

La jeune femme poussa un souffle en s'asseyant et frotta ses mains pour les réchauffer. Molly remarqua ensuite les regards qui se posaient sur elle, à chacun de ses mouvements. D'abord, ils tournaient la tête, attirés par le bruissement des grelots pour ensuite mieux dévisager son costume.
Molly admettait que croiser un lutin de Noël dans le métro de Chicago n'était pas commun, mais elle s'était attendu à arrêter d'être l'attraction de la soirée au bout de quelques minutes. C'était sans compter sur les nouveaux voyageurs qui montaient à chaque arrêt.
Molly finit par prendre son mal en patience en se concentrant sur ton téléphone, maudissant intérieurement Jerry et ses idées stupides, ce costume encore plus stupide et ces grelots infernaux.

Elle était en train de tapoter sur le clavier tactile quand elle vit l'écran changer sous ses yeux. Quelqu'un l'appelait.

— Allô? répondit Molly d'une voix mesurée pour essayer de ne pas attirer l'attention plus qu'elle ne le faisait déjà.

— Mademoiselle Morris, ici Sophie Davis. Vous avez travaillé avec notre agence au printemps dernier.

Molly mis quelques secondes avant de se souvenir de son interlocutrice, puis l'information fit tilt. Elle avait effectivement effectuer des contrats d'intérim pendant quelques mois pour l'agence de Madame Davis, avant qu'elle ne trouve ce travail au Jerry's.

Ses contacts avec Sophie Davis avaient surtout été téléphoniques, mais du peu qu'elle l'avait vu en personne elle avait le souvenir d'une femme à la compagnie très agréable, et bienveillante envers les employés de son agence.

— Je sais que vous travaillez toujours à mi-temps au Jerry's, mais je me demandais si vous seriez intéressé par un petit contrat. Tout à l'heure, j'ai reçu un appel d'un client, il recherche quelqu'un au pied levé pour faire de la figuration dans des spots publicitaires.

— Je suis flattée que vous pensiez à moi, mais je n'ai jamais fait ce genre de choses avant, déclara Molly confuse.

— Aucune expérience dans ce domaine de n’est requise. C'est un travail facile, le contact ne dure que deux semaines, le salaire est plus que correct, et tout ce que vous aurez à faire, c'est être présente sur les photos et suivre les instructions qu'on vous donnera sur place.

Présenté de cette manière, ce contrat semblait être une promenade de santé, et Molly devait avouer que l'offre était alléchante. Elle savait également que, aussi beau que pouvait paraître l'emballage qu'on lui présentait, il y avait quelque chose de louche. Elle n'avait pas travaillé pour l'agence de Madame Davis depuis des mois, si elle l'appelait, c'est qu'elle devait être à court de solution.

— Quel est le piège ? Demanda Molly.

— Le contrat commence demain après midi,

La voix de Sophie Davis était légèrement tendue en répondant à la question de Molly. Elle n'avait effectivement trouvé personne qui acceptait de commencer dans un délai aussi court. Molly Morris était sa dernière chance.
Chapitre 2 by hazalhia

Attablée au bar de la cuisine, Molly jouait distraitement avec la cuillère dans son bol de céréales.
Elle n'arrivait pas à décider de ce qu'elle devait penser de cette opportunité. Norah était déjà partie travailler hier soir quand elle était rentrée, et ce matin Molly attendait impatiemment qu'elle rentre pour lui demander conseil.

Elle n'eut pas à attendre très longtemps. De retour de la caserne de bonne heure après sa garde, Norah franchit la porte d’entrée de l’appartement et gagna la cuisine en passant une main dans sa cascade de cheveux bouclés, tout en mettant l’autre devant sa bouche pour étouffer un bâillement.

— Je ne crois pas t'avoir déjà vu aussi matinale pendant un jour de repos, fit-elle remarquer après avoir caressé Basilic le lapin qui mangeait tranquillement dans sa cage.

Norah attrapa des toasts fraîchement sortis du grille-pain et se versa une généreuse tasse de café avant de s’asseoir à côté de son amie.

— Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-elle à Molly en la regardant dans les yeux. Les deux filles se connaissaient depuis l'école primaire, depuis le temps elle savait deviner mieux que personne les humeurs de sa meilleure amie.


Molly poussa un long soupir et lui expliqua toute la situation. Après l'appel d'hier, Sophie Davis lui avait envoyé des informations complémentaires sur le contrat. C'était la compagnie Hudson qui recherchait quelqu'un à la dernière minute, et pour terminer leur grande campagne publicitaire de Noël.
Molly avait demandé à Sophie Davis d’avoir la nuit pour réfléchir et lui avait promis de lui donner une réponse avant huit heures ce matin. Et elle n’était pas plus décidée qu’ hier soir.

— Tu me connais Norah, j'ai déjà trop donné avec tous ces trucs idiots sur Noël. Je ne veux pas avoir à faire la promotion de ce genre de chose.

— Tu n'en fais pas la promotion, tu ...participes juste en te tenant en arrière-plan.

Molly haussa un sourcil, aucunement convaincue. Norah avala une nouvelle gorgée de café et tenta de reprendre son argumentation.

— Oui, c'est pour des pubs de Noël et alors ? Ça te changera du café, tu n'arrêtes pas de dire que tu aimerais partir au plus vite du Jerry's. Ça ne dure pas longtemps, et tu pourras mettre de l'argent de côté. Tu n'as rien à perdre Molly, sautes sur l’occasion.


Cette fois-ci, Molly jouait avec une mèche de ses cheveux bruns, comme elle le faisait toujours quand elle était nerveuse. Elle savait que Norah avait raison, le travail au Jerry's était censé être un plan provisoire qui s'éternisait de plus en plus.
Depuis la fin de ses études à la faculté des beaux-arts de l'Illinois, aucune de ses tentatives pour percer dans ce milieu n'avait vraiment abouti et Molly s'était retrouvée à enchaîner les petits boulots.
Elle n'avait pas perdu espoir de vivre de son art, et de devenir une illustratrice reconnue, mais elle avait dû se contenter jusqu'à présent de quelques petites commandes à droite et à gauche. Et elle devait l'avouer, travailler au Jerry's n'était pas l'idéal, mais cela avait un côté rassurant. On avait besoin d’elle là-bas.

— En plus, tu auras l'occasion de travailler pour la compagnie Hudson, tu ne peux pas refuser ça, reprit Norah avec une pointe d'excitation dans la voix.

— Moui, répondit Molly évasive en plongeant son regard dans son bol de céréales.

— Ne me dis pas que tu ne connais pas ?

— Je devrais ?

— C'est juste l'une des plus grosses compagnies du Midwest, et la plus célèbre société de Chicago. La rénovation de l'hôpital pour enfants, les distributions de cadeaux dans les foyers et les refuges pour les enfants des familles démunies, ça fait la une des journaux tous les ans, comment tu peux ignorer ça depuis le temps que tu vis ici ? lui révéla Norah surprise, et un peu dépitée.

— Oui, ça me dit vaguement quelque chose, affirma Molly pour qui la télé était presque plus un élément de décoration qu’un objet du quotidien.


Norah secoua la tête, un demi-sourire aux lèvres. Molly était égale à elle-même depuis qu'elle la connaissait, toujours dans son monde et n'accordant qu'une attention minime à ce que le commun des mortels considérait comme populaire.

— Quand dois-tu donner ta réponse ?

— À quelques minutes près, maintenant, répondit Molly en regardant son téléphone.

— Une chance que tu ne travailles pas aujourd’hui.

La jeune ambulancière défiait maintenant Molly du regard, fière d’avoir un argument de plus à faire peser dans son côté de la balance. Elle aimait Molly, mais savait également que son amie avait parfois besoin d’un bon coup de pied aux fesses pour se décider et avancer dans la vie. Et elle n’aurait aucune hésitation à être ce coup de pied, elle appellerait cette madame Davis elle-même s’il le fallait.

Et Molly le savait aussi.

La détermination de Norah était sans failles, que ce soit dans son travail ou dans sa vie privée. Et à cet instant, Molly voyait briller dans le regard de sa meilleure amie la même lueur que l’été de leurs 16 ans, quand Norah avait décrété que c’était le moment parfait pour un tatouage sans le consentement parental.
Le papillon qu’elle avait en haut de la cuisse était témoin de celle des deux qui avait remporté le débat.

— Ok, ok, je l’appelle, capitula finalement Molly en détournant les yeux au ciel. Je déteste quand tu fais ça, ajouta-t-elle en pointant un doigt accusateur.

Norah se contenta de lever un poing au ciel en faisant un tour sur elle-même sur le tabouret du bar.

Molly se saisit de son téléphone dans sa poche et composa le numéro fébrilement. À côté d'elle, Norah levait les pouces en signe de soutien.
Le téléphone ne sonna que quatre fois avant de répondre, mais ce temps lui parut plus long que jamais.

— Allô, Madame Davis ?

*****



Ravie de la réponse de Molly, la directrice de l'agence lui avait donné une adresse à laquelle se rentre l'après-midi même, juste après le déjeuner. Elle signerait le contrat là-bas, et commencerait à travailler dans la foulée.
Ce contrat n’était censé être qu’un à côté, pourtant Molly ne pouvait se décrocher de la boule qui lui nouait l’estomac. À présent elle se trouvait dans la rame de métro qui la menait au centre-ville, et elle se surprit même à arranger sa frange en regardant son reflet dans la vitre.

Pour l’occasion, elle avait fait un effort vestimentaire.Plus que d’habitude en tout cas. Sous son manteau en laine, elle avait enfilé un jean noir “qui moule ce qu’il faut, mais pas trop” comme elle aimait le dire et une blouse fluide pastel. Elle avait attaché ses cheveux en chignon au sommet de son crâne, seul moyen réellement efficace pour les discipliner, et avait même sorti l’eye-liner et le mascara.
Même si elle ne devait pas travailler longtemps pour la compagnie Hudson, Molly espérait tout de même faire bonne impression.

Une fois sortie du métro, Molly dut encore zigzaguer à travers une foule compacte dans les rues du quartier du Loop, le quartier d’affaires de Chicago.
Aujourd’hui, le vent glacial avait pris un peu de repos, et le soleil brillait derrière quelques nuages paresseux. En levant les yeux au ciel, on distinguait aisément la Willis Tower qui se découpait dans le ciel bleu, dominant le quartier de son imposante silhouette.
Dans les rues, les lampadaires et les façades s’étaient parés de guirlandes et de rubans qui s’illuminaient à la nuit tombée. Ici et là, des hauts-parleurs diffusaient aléatoirement des chants de Noël ou les dernières chansons à la mode.

Les bureaux de la compagnie Hudson, gérée par la famille éponyme, se trouvaient au cœur d’un vieux building en pierre beige devant lequel trônaient deux immenses sapins lourdement décorés.
Molly se laissa ouvrir la porte par un portier en costume, puis s’engouffra dans le bâtiment.

Quelques pas après être entrée, elle trouva un bureau d’accueil où une standardiste en tailleur parfaitement manucurée la redirigea vers un bureau dans un couloir adjacent, où quelqu’un pourrait la recevoir. Molly y avança à petits pas, impressionnée par le sérieux qui régnait dans ces lieux, même si les locaux avaient été décorés avec soin pour l’occasion.
De la part d’une entreprise de fabrication et de vente de jouets elle aurait imaginé quelque chose de plus, festif, chaleureux, amusant peut-être. Mais au final, jouets ou pas, Hudson restait une très grosse entreprise dont il fallait faire tourner à la perfection tous les rouages.

Molly s’arrêta devant la porte décorée d’un sucre d’orge qu’on lui avait indiquée, et frappa deux coups. Une voix aiguë la somma d’entrer, et la jeune femme poussa prudemment, si ce n’est timidement, la porte. Une fois à l’intérieur, elle se trouva face à une femme blonde qu’elle estima à peu près de son âge, peut-être un peu plus. Grande, très mince visée sur des talons vertigineux et les cheveux si lisses que Molly doutait qu’un coup de vent puisse les faire bouger.
La femme la regarda en haussant un sourcil, puis en la dévisageant de haut en bas.
D’un coup, Molly se trouva gauche, inadaptée, dans ses vêtements qu’elle appréciait il y avait encore un quart d’heure.

— Et vous êtes ? demanda la femme qui s’était à présent assise à son bureau.

— Molly Morris. J’ai été engagée pour un remplacement, pour la campagne publicitaire, expliqua Molly en essayant de garder une voix assurée et calme, ce qui ne lui était pas aisé face à ce genre de personne.

— Oh ça, oui. Je vois qu’ils n’ont pas été très regardant…

Cette femme, dont Molly ne connaissait toujours pas l’identité, commençait à lui hérisser le poil. Depuis qu’elle était entrée dans cette pièce, cette greluche arrivait à lui faire sentir à la fois que sa présence même était insignifiante, tout en lui lançant des regards perçants lui faisant sentir qu’elle la jugeait. Un talent qu’elle avait dû mettre des années à perfectionner, mais qui faisait bouillir Molly de l’intérieur.

La femme ne semblait pas décidée à lui décrocher un mot de plus, ni à lui fournir des informations sur le travail qu’elle devait commencer. Le temps passait, et la jeune serveuse avait de plus en plus l’impression de perdre son temps ici et considérait sérieusement à tourner les talons.

Elle avait fini par accepter cette offre, en grande partie pour faire plaisir à Norah, mais de ce qu’elle avait compris, ils avaient plus besoin d’elle, qu’elle d’eux. Si c’était le seul accueil auquel elle aurait droit, elle préférait ne pas rester. Elle avait peut-être besoin d’argent, mais avait tout de même un minimum d’amour-propre. Même Jerry était moins pénible que cette blonde.

— Je pense que j’en ai assez vu, fini par déclarer Molly après de longues minutes d’attente sous le regard de madame escarpins.

Au moment où elle prenait la direction de la sortie, elle dut faire un pas en arrière pour éviter la porte qui venait de s’ouvrir. Surprise, elle fit même un petit bond en arrière.

— Qu’est-ce que vous faites Donna, ça fait plus de vingt minutes que j’attends que vous m’ameniez la nouvelle, déclara un homme visiblement contrarié.

— Oh vraiment, minauda l’intéressée en papillonnant des yeux. Je suis désolée, j'avais cru comprendre que tu nous rejoindrais ici. Je faisais connaissance avec Mary en t’attendant.

— Molly ! la reprit la jeune femme.


Faire connaissance mon œil.
Donna leva les yeux au ciel, comme si Molly venait de débiter une absurdité et replaça une mèche de ses cheveux, pourtant très bien coiffés.

— Je te l’ai déjà dit Donna, n’essaye pas de faire fuir les nouvelles recrues. Ça ne sert à rien, je n’embaucherais pas ta sœur, déclara à nouveau l’homme sans faire cas du numéro de charme de sa collègue. Nous avons eu déjà assez de mal à trouver quelqu’un en aussi peu de temps.

Cette dernière ne cacha pas une moue boudeuse et s'enfonça dans son siège. Était-ce vraiment à cause de ça que le recrutement avait traîné?

Même si Donna semblait mécontente de ne pas parvenir à ses fins, elle n’ajouta pas un mot. L’homme qui était entré dans la pièce devait donc avoir une certaine autorité dans ce service.
Il avait l’air d’être proche de la trentaine, ses cheveux châtains étaient parfaitement coiffés en arrière et sa barbe courte bien taillée. Molly se surprit également à penser que sa chemise claire le mettait particulièrement en valeur, surtout ses larges épaules.

Une seconde.

Elle avait déjà vu cet homme. Hier, au Jerry’s.

L’homme à l’élégant manteau sur qui elle avait renversé son café au lait. En réalisant cela, Molly ne put retenir un hoquet de surprise, et de crainte, qui rappela sa présence dans la pièce.

L’homme se détourna finalement de Donna pour venir vers Molly et lui tendit une main amicale. Molly la serra,troublée mais appréciant son professionnalisme.

Elle espérait qu’il ne remarque pas ses coups d’oeils furtifs. Après l’avoir reconnu, elle ne pouvait s’en empêcher.
Molly se demandait si lui l’avait reconnu, mais cela ne semblait pas être le cas. Après tout, aujourd’hui, elle portait des vêtements normaux, et non cet horrible costume de lutin. La jeune serveuse espérait bien que la situation continuerait dans ce sens, car ce n’était pas la meilleure des manières de rencontrer son futur patron.

L’inconnu se présenta enfin. Il s’appelait Luke, et était le directeur artistique pour cette campagne. Molly se présenta à son tour, et lui emboîta le pas quand il lui demanda de le suivre. Ils longèrent un couloir couvert d’un épais tapis au sol avant de prendre l’ascenseur.

— Donna peut être parfois un peu… extrême, mais peu importe ce qu’elle vous a dit, ne l’écoutez pas. Je suis certain que vous conviendrez très bien, indiqua Luke pendant qu’ils marchaient dans un nouveau couloir.

Extrême, c’était le moins que l’on puisse dire, songea Molly. Donna lui avait mis les nerfs en pelote, aussi elle n’arriva pas à retenir ce qui sortit de sa bouche.

— De toute façon, ce n’est pas comme si vous aviez le choix, souffla-t-elle juste assez fort pour que Luke l’entende.

Les yeux sombres de Luke se posèrent sur elle.

— De m’embaucher, ajouta-t-elle en remarquant son regard. J’ai cru comprendre que j’étais la seule que vous aviez trouvée pour commencer à temps.


— C’est vrai, admit Luke. Mais je maintiens ce que j’ai dit, j’ai toute confiance en Sophie et son agence. Je ferais juste en sorte de me tenir à distance si vous avez un café dans les mains, ajouta-t-il avec un sourire en coin.

Molly déglutit, mortifiée.

Alors il l’avait reconnu lui aussi en fin de compte. Elle sentit ses joues chauffer et rougir, et regarda droit devant elle, droite comme un piquet pour éviter le croiser le regard de son à présent nouveau patron.

Heureusement pour elle, ils venaient d’arriver à destination. Molly n’avait pas prêter attention au chemin qu’ils avaient emprunté, mais ils avaient monté plusieurs étages en ascenseur. Peut-être cinq ou six, elle n’avait pas vraiment compter sur le coup.
Luke la confia à une autre femme qui semblait les attendre. Blonde elle aussi, mais elle avait l’air plus sympathique, ou au moins plus professionnelle, que Donna. Elle signa son contrat avant que la femme, Sam, ne la prenne en charge pour lui faire faire le tour des lieux.

Sam se chargea donc de lui montrer les endroits à connaître : les vestiaires, la salle de pause, les zones de maquillage et de coiffure - où il fallait être à l’heure - et enfin les plateaux de shooting photo - où il fallait être en avance.
Elle lui expliqua également un peu plus en détail ce qu’on attendait d’elle. Pour chaque shooting elle se verrait attribuer un costume, un plateau, et une fois sur place, il lui faudrait suivre les instructions du photographe. Le plus gros du travail serait fait par les mannequins principaux, des hommes et des femmes très beaux, et d’adorables enfants aux joues roses, mais il y avait toujours besoin de personnes en arrière-plan, surtout qu’ils étaient apparemment en équipe restreinte.
Les prises de vues avaient déjà commencées une semaine plus tôt, mais le départ imprévu de celle que Molly devait remplacer avait retardé le planning, semant par la même occasion un petit vent de panique.

Molly se fit la réflexion qu’il était tard pour commencer la campagne alors que Noël était dans vingt jours, mais elle n’osa pas faire de commentaire. Elle n’avait pas vraiment de notion de marketing, peut-être était-ce une stratégie particulière.

— Un cintre à ton nom t’attend dans les vestiaires avec ton costume, lui annonça Sam. Soit prête dans dix minutes pour te faire coiffer.

Molly hocha la tête, remercia la femme pour son temps, et prit la direction des vestiaires féminins. Elle jeta un coup d’oeil circulaire dans la grande pièce dont les murs étaient flanqués de bancs, lui rappelant les vestiaires de sport au lycée, l’odeur en moins.

Accroché à une patère, Molly découvrit son costume : un lutin de Noël.

Cette histoire est archivée sur http://www.le-heron.com/fr/viewstory.php?sid=1937