Un prince charmant pour Noël by MinnieMey
Summary:

Vanessa, inconditionnelle de Noël et apprentie-journaliste, est envoyée pour couvrir un bal organisé par la famille Johnson. C’est enfin sa chance pour démontrer qu’elle est une vraie journaliste. Et en tant que professionnelle, elle n’est pas prête à succomber aux charmes de Thomas Johnson. Écoutera-t-elle plutôt son cœur que sa raison ?

Participation au concours d’Hazalhia « CUPIDON SOUS LA NEIGE »



Toute ressemblance avec vos téléfilms préférés de Noël n’est pas qu’une pure coïncidence…


Categories: Concours, Romance, Projets/Activités HPF, H/F Characters: Aucun
Avertissement: Aucun
Langue: Français
Genre Narratif: Aucun
Challenges:
Series: Cupidon sous la neige
Chapters: 9 Completed: Oui Word count: 34492 Read: 57850 Published: 29/11/2019 Updated: 26/01/2020

1. Le 1er décembre, le plus beau jour de l’année by MinnieMey

2. Le prince charmant existe vraiment by MinnieMey

3. Mais qui est Vanessa Bale ? by MinnieMey

4. L'interview de monsieur Johnson by MinnieMey

5. Les muffins de Noël by MinnieMey

6. La perfidie d'une seule femme by MinnieMey

7. Le piège by MinnieMey

8. La vérité mise au grand jour ! by MinnieMey

9. La magie de Noël by MinnieMey

Le 1er décembre, le plus beau jour de l’année by MinnieMey
Author's Notes:
J'ai mis un rating -12 car cela parle un peu d'alcool. Pas de scènes de violence, ni de scènes explicites.
Vanessa Bale ouvrit grand les yeux dès qu’elle entendit son alarme sonner. D’habitude, elle prolongeait l’heure de son réveil le plus tardivement possible mais ce matin était un jour très spécial : c’était le 1er décembre, le jour à partir duquel les festivités de Noël allaient commencer. Depuis sa plus tendre enfance, elle avait toujours adoré la période des fêtes de fin d’année. Elle avait sûrement attrapé le virus à cause de ses grand-parents et de ses parents qui étaient eux-mêmes des grands passionnés de cette fête. Chaque année, les Bale avaient pour habitude de décorer leurs maisons, de vivre au rythme des chansons de Noël et de cuisiner des biscuits en forme de bonhomme de neige. Et bien sûr, ils fêtaient comme il se devait les 24 et 25 décembre.

Malheureusement, cela faisait trois ans maintenant que Vanessa n’avait pu aller chez ses parents lors de cette période. Sa chef, la grande Jane Matthews, rédactrice en chef de Fashion Love, ne l’avait jamais laissée prendre de vacances en fin d’année. Quelqu’un devait faire la permanence au journal et Vanessa, étant la dernière arrivée, avait toujours été chargée de cette mission ingrate.

Néanmoins, Vanessa ne se laissait jamais gagner par la déprime. Puisqu’elle ne pouvait pas fêter Noël avec sa famille, elle f aisait le nécessaire pour décorer son propre appartement pour qu’il ressemble à un lieu joyeux, festif et coloré. Elle ne restait également pas seule le soir du réveillon car ses meilleurs amis Emma et Howard Harrington l'invitaient toujours pour dîner avec leurs parents.

Vanessa inspira profondément. Il était 5 heures du matin et elle avait beaucoup de travail devant elle. Elle rejeta sa couverture, se leva, fit quelques mouvements de gymnastique pour détendre ses muscles et se dirigea vers sa salle de bain. Après une rapide préparation, elle s’habilla d’un jogging confortable. Puis, elle entra dans son salon. Grizzly, son petit chihuahua, vint immédiatement se frotter contre ses jambes. Ce n’était pas encore l’heure pour lui de manger, ni de sortir faire ses besoins, donc, elle le caressa quelques instants puis le délaissa.

La veille, elle avait sorti les nombreuses boîtes en carton sur lesquelles l'inscription “Décorations de Noël” était notée aux feutres et elles trônaient désormais dans son salon. Elle les ouvrit un par un. D’un œil averti, elle se lança dans la décoration de tout l’appartement en accrochant guirlandes, boules scintillantes de toutes les couleurs, figurines, étoiles... Elle sortit la belle couronne de Noël qu’elle avait fabriqué quelques jours auparavant et la posa sur sa porte d’entrée. Elle accrocha également une branche de gui, entre son salon et sa cuisine.

Elle termina la décoration de son appartement par le sapin, son moment préféré. Elle l’avait acheté la veille et il semblait un peu trop grand pour la taille de son salon mais c’était celui qu’elle avait voulu acheter dès qu’elle était entrée dans le parc à sapins. Elle chercha la boîte spécialement dédiée aux décorations du sapin et plaça des boules, des guirlandes, des petits anges et d’autres figurines… Elle s’appliqua dans la disposition de tous ces accessoires, chaque chose ayant une place prédéfinie. Au bout de trente minutes, elle contempla le résultat avec ravissement : son sapin était magnifique. Elle prit une photo et l’envoya à sa mère via son téléphone.

Il était maintenant sept heures. Elle décida de sortir Grizzly afin qu’il puisse faire ses besoins. Il avait neigé la veille et les maisons et les immeubles aux alentours étaient recouverts d’un épais manteau blanc. Vu qu’il était encore tôt, la neige était presque immaculée et Vanessa apprécia la sensation sous ses bottes quand elle marcha dessus. Son chien fut beaucoup moins ravi. Son tour ne dura pas les trente minutes habituels mais dix minutes seulement.

“Bonjour Vanessa !” lança un homme d’une quarantaine d’années, qui promenait aussi son chien, un beagle.
“Bonjour Monsieur Turner” s’écria-t-elle à son tour.

Grizzly n’aimait pas trop les autres chiens et Vanessa décida de retourner rapidement chez elle avant que le beagle de son voisin ne saute sur son minuscule chihuahua. Quand elle entra dans l’immeuble, elle secoua ses bottes ainsi que les pattes de Grizzly afin de retirer la neige fondue et ouvrit la porte de son appartement. Elle eut un grand sourire en appréciant à nouveau son travail de ce matin, puis, prit tranquillement son petit-déjeuner. Pour elle, le 1er décembre était un jour aussi important que le 24.

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Vanessa travaillait depuis trois ans dans le magazine le plus populaire de Londres, Fashion Love. Inscrire “J’ai travaillé dans Fashion Love” dans son CV lui ouvrait quasiment toutes les portes des autres journaux et magazines. Vu que son début de carrière professionnelle était décisif, Vanessa avait accepté de n’être qu’une simple apprentie. Pourtant, elle savait qu’elle avait l’étoffe d’une journaliste, qu’elle pouvait rédiger des articles et couvrir des évènements importants mais pour l’instant, elle était simplement cantonnée à assister la journaliste la plus appréciée du magazine, Mary Olivers. Cette dernière possédait l’encart le plus lu par les femmes de moins de quarante ans, celui des ragots des célébrités. Tout le monde adorait ses petites anecdotes politiquement « incorrectes » sur les stars et personnalités politiques.

Vanessa ne savait pas d’où Mary tenait toutes ses informations, ni si ces dernières étaient vraies. Mais son encart était très populaire et très demandé. Elle aurait pu aimer son métier si sa chef ne la traitait pas que comme une moins-que-rien. Mary profitait de son statut de journaliste-star pour demander à Vanessa de faire des tâches sans aucun intérêt : prendre ses rendez-vous chez la manucure, lui faire son café - attention, café noir avec un sucre -, porter ses affaires lorsque sa chef était en rendez-vous, lui servir de chauffeur quand elle lui demandait, lui masser les épaules, lui nettoyer son bureau… bref, tout ceci n’avait rien à voir avec du journalisme et elle en avait plus qu’assez.

Deux ans auparavant, elle avait osé dire à Mary qu’elle aimerait faire des choses un peu plus intéressantes. Mais cette dernière en avait fait toute une scène. Vanessa avait la chance d’être son apprentie et beaucoup de personnes rêvaient d’être à sa place. Quelle ingrate ! Ensuite, sa chef lui avait pourri la vie en lui demandant d’effectuer des tâches encore plus farfelues et indignes qu’auparavant. Vanessa s’en était mordue les doigts, et désormais, ne disait plus rien. Elle savait qu’elle devait durer encore deux ans pour justifier d’une expérience “correcte” chez Fashion Love avant de pouvoir travailler dans un autre magazine. Elle patientait donc. Il y avait juste des jours plus difficiles que d’autres.

En ce premier jour de décembre, elle savait qu’elle allait passer une journée aussi insipide et peu stimulante que la veille mais c’était le mois de Noël, celui de sa fête préférée. Rien ne pouvait venir entacher sa journée !

Le bureau du magazine n’avait pas encore été décoré aux couleurs de Noël, mais Vanessa s’y attellerait pendant la pause de midi pendant que ses collègues seraient partis déjeuner. Ils connaissaient tous sa passion pour cette période de l’année et la laissait décorer le bureau à sa guise car cela lui faisait plaisir.

Elle était à peine sortie de l’ascenseur qu’Howard, qui s’occupait de la rubrique sportive du magazine, accourait déjà vers elle d’un air affolé.

“Vanessa ! Ouf, tu es enfin arrivée !” s’écria-t-il, l’air soucieux.
“Que se passe-t-il ?” lui demanda-t-elle, brusquement inquiète.
“Jane te demande depuis dix minutes, il faut que tu la voies immédiatement !”
“Jane, la rédactrice en chef ?”
“Qui veux-tu que ce soit d’autre ?” lança Howard en levant les yeux au ciel.

En trois ans, c’était la première fois que Jane Matthews la demandait dans son bureau. Vanessa ne savait même pas si la rédactrice en chef savait qui elle était “physiquement”. Elle suivit Howard en allongeant le pas, tout en recoiffant ses cheveux qui avaient été plaqué par son bonnet en laine. Au passage, elle déposa en vrac son manteau, ses gants et son écharpe sur son bureau et continua à marcher derrière son ami. Ils arrivèrent enfin devant le bureau de Jane Matthews. Elle réajusta sa jupe, lança un dernier regard à Howard qui l’encouragea avec un croisement de doigts et frappa à la porte du bureau.

“Entrez !” entendit-elle à travers la porte.

Vanessa prit une grande inspiration, puis, entra dans le bureau. Elle referma la porte derrière elle et avança d’un air hésitant vers la rédactrice en chef qui était penchée sur son ordinateur. Jane Matthews était une femme d’une cinquantaine d’années qui aimait porter des tailleurs colorés moulants, mettant en avant ses formes généreuses. Ses cheveux, blond platine, étaient courts et bouclés et ses lèvres rouge carmin. Elle portait des lunettes qui étaient toujours assorties à la couleur de sa tenue. Aujourd’hui, elle portait une tenue vert sapin.

“Bonjour, Jane !” lança Vanessa d’une voix qui se voulait confiante, pourtant, elle tremblait intérieurement.

Jane Matthews détestait qu’on l’appelle Madame, Madame Matthews ou encore Rédactrice en chef. C’était seulement “Jane” pour tout le monde.

La femme releva la tête et la détailla de la tête aux pieds en plissant les yeux, comme si elle n’avait jamais vu la personne qui se trouvait devant elle. Elle jeta un air dégoûté sur les cheveux négligés de la jeune femme. En voyant son regard, Vanessa tenta de rajuster les quelques mèches qui lui tombaient sur le visage.

“Vanessa Bale, c’est ça ?” lui demanda-t-elle, d’un air irrité.
“Oui, c’est bien ça. Que puis-je pour vous, Jane ?” l’interrogea précipitamment Vanessa.
“J’ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer !”

Le cœur de Vanessa se serra. Avait-elle commis une erreur ? Mary en avait-elle marre d’elle ? Elle réfléchit frénétiquement à tout ce qu’elle avait pu dire ou faire pendant ces derniers jours mais elle ne trouva rien.

“Mary nous a appelé ce matin, elle s’est cassée le pied !” s’écria la rédactrice en chef d’un air agacé.

Vanessa fut immédiatement soulagée. Elle n’allait pas être renvoyée. Elle détestait tellement Mary qu’elle n’eut même pas une once de pitié pour elle.

“Malheureusement, cela tombe vraiment mal !” continua Jane d’un air désolé. “Mary était sur un gros dossier et aucun journaliste ne peut la remplacer car ils sont tous occupés avec les fêtes de fin d’année qui arrivent.”

Vanessa se mit brusquement à espérer. Serait-ce la chance qui tournait enfin à son avantage ? Elle regarda Jane avec attente.

“Ce soir, Mary devait assister au grand bal de présentation des prétendantes au manoir des Johnson et avec un pied cassé, cela lui est impossible d’y aller ! Howard m’a soutenue que vous étiez l’apprentie de Mary depuis trois ans et que vous seriez à même de la remplacer pour couvrir cet événement. Est-ce bien le cas ?”

C’était enfin l’opportunité de sa vie. Vanessa savait que sa réponse serait décisive. Elle ne savait rien de ce fameux bal mais elle devait lui démontrer qu’elle était capable de prendre la place de Mary. Jane la regarda avec insistance. Vanessa nota dans un coin de sa tête qu’elle devrait remercier Howard quand elle sortirait du bureau.

“Oui, bien sûr !” lança-t-elle, d’une voix qui se voulait assurée.

Jane l’observa encore intensément en la jaugeant, puis se détendit enfin.

“Alors, voici le carton d’invitation !” dit la rédactrice en chef sans chercher à en savoir plus. “Et faites un tour chez Topshop pour acheter votre robe de soirée et vos chaussures ! Il est hors de question qu’une représentante de Fashion Love ressemble à un sac à patates ! Et... faites aussi quelque chose avec vos cheveux !”

Jane poussa une enveloppe qui contenait le fameux carton ainsi que de l’argent pour acheter de quoi s’habiller et se coiffer.

“Je veux absolument que le prochain numéro sorte avec un article de deux pages sur le bal. Il devra être sur mon bureau lundi prochain !” lança Jane qui ne laissait aucune place à l’objection.

Vanessa compta mentalement le nombre de jours qu’elle lui octroyait : quatre. C’était juste mais elle était sûre d’être capable d’écrire cet article, elle acquiesça et sortit du bureau. Howard qui était assis à son bureau releva la tête. Avec un grand sourire, Vanessa s’avança vers lui et lui raconta ce qui était arrivé dans le bureau de Jane. Il explosa de joie. Elle le remercia en lui faisant un bisou sur la joue. Il devint rouge pivoine. Mais elle ne s’attarda pas, elle devait faire des emplettes pour le bal de ce soir.

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Vanessa n’avait pas l’habitude de faire du shopping. Elle n’était pas une de ses “fashionistas” qui ne s’habillaient qu’avec des vêtements de grande marque. Vanessa privilégiait le confort et la qualité de ses habits. Quand elle arriva dans Picadilly Ciricus, elle fut ravie de voir que la fameuse place la plus connue de la capitale londonienne était déjà décorée aux couleurs de Noël, avec ses guirlandes et ses étoiles dorées sur ses lampadaires. Les boutiques avaient également revêtu leur décoration de fête. Elle marcha pendant une dizaine de mètres et huma dans l’air une odeur de vin chaud. Elle n’avait pas le temps de s’arrêter devant le stand mais se promit d’y repasser plus tard. Elle arriva enfin devant la boutique de sept étages de Topshop. Elle était peu habituée à choisir des vêtements, encore moins une robe de soirée pour un bal et elle se sentit soudain intimidée.

Quand elle arriva dans le rayon des robes de soirée, elle alla directement voir une vendeuse car elle ne voulait pas perdre de temps.

“Bonjour !” lança-t-elle à la femme d’une quarantaine d’années qui rangeait des robes dans un rayon. “Je cherche une robe pour un bal ce soir !”.

La femme resta pensive quelques instants avant de lui répondre.

“Avez-vous une idée de la robe que vous souhaitez ? Une robe longue ? Une robe courte ? Une robe cocktail ? Une robe sirène ? Une robe à taille empire ? Et vous avez une préférence pour la couleur ?”

Devant toutes ces questions, le visage de Vanessa s’assombrit de plus en plus.

“Hum… plutôt de couleur bleu ciel, s’il vous plaît. Et pour le type de robe, vraiment, je n’en sais rien. Pouvez-vous me montrer des modèles ? Et je choisirai celle que je préfèrerai !” répondit-elle simplement.

La vendeuse lui lança un regard dubitatif, à la limite du mépris mais se détourna enfin de Vanessa pour aller trouver une robe qui pourrait lui convenir. Finalement, après une heure d’essayage qui testa les limites de la patience de la jeune femme et de la vendeuse, elle se décida pour une robe longue et fluide de couleur bleu ciel, dotée d’un décolleté qui mettrait en valeur sa petite poitrine. Elle était simple mais Vanessa n’aimait pas les frou-frous, ni les robes trop grandiloquentes. Pour une journaliste, cela suffisait amplement. Elle acheta ensuite des chaussures et rentra à son bureau.

Sa matinée était maintenant passée et il était temps qu’elle décore le bureau de Fashion Love. Tout fut fini au bout d’une heure. Vanessa était réellement une experte dans les décos de Noël. Ses collègues revinrent de leur déjeuner et la félicitèrent pour son travail. Elle rougit en entendant leurs nombreux compliments.

Elle passa ensuite tout l’après-midi à se renseigner sur le bal auquel elle allait assister ainsi que sur la famille Johnson. Elle avait bien sûr entendu parler de celle-ci : c’était la famille la plus riche de toute la Grande-Bretagne. Un homme, nommé Thomas Johnson, était à la tête de cette immense fortune. Pourtant, il ne semblait pas avoir de vie publique car elle ne trouva aucune photo de lui et très peu d’articles le concernant. Il semblait extrêmement discret.

Tout ce qu’elle sut, c’était que Thomas Johnson n’avait plus de parents et gérait depuis un an la fortune familiale. Il était épaulé de son oncle George Johnson, le frère de sa mère. En plus d’être riche, l’héritier des Johnson venait de la haute noblesse britannique. Il venait d’avoir 30 ans et selon son oncle, il était enfin temps qu’il trouve une épouse. Il avait donc organisé un grand bal pour que toutes les jeunes filles de bonne famille de 20 à 30 ans viennent se présenter devant l’héritier. Quand il disait de “bonne famille”, cela signifiait des jeunes filles de la haute société anglaise. Des personnes comme Vanessa, née de parents ouvriers, n’avaient pas leur place dans ce milieu.

Elle se sentait privilégiée d’aller à cet évènement bien qu’elle trouvait les méthodes des Johnson ancestrales. Qui, de nos jours, avait besoin d’un bal pour trouver la femme de sa vie ? Thomas Johnson devait être aussi moche qu’un ver de terre pour que son oncle l’aide à trouver une épouse.

Au bout de plusieurs heures de recherches peu fructueuses, Vanessa éteignit son ordinateur et décida d’aller chez le coiffeur. Ce dernier insista également pour la maquiller ce qu’elle accepta malgré elle.

Elle rentra ensuite chez elle pour mettre sa robe. Quand elle se regarda sur son miroir à pied ce soir-là, elle avait l’impression d’être déguisée mais elle trouva qu’elle avait quand même fière allure. Elle sortit une minaudière en cuir, y fourra un bloc-notes et un stylo, ainsi que son carton d’invitation et commanda une voiture qui l’emmenerait jusqu’au Manoir des Johnson.

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Le chauffeur mit une heure avant d’arriver à destination. La voiture arriva devant un grand portail noir en fer forgé et après avoir montré le carton d’invitation de Vanessa au gardien, le chauffeur put avancer dans la grande allée qui menait vers le manoir. Il faisait déjà nuit et Vanessa ne put voir à quoi ressemblait le domaine des Johnson mais la voiture mettait tellement de temps avant d’arriver jusqu’à sa destination qu’elle se douta de sa taille. Au bout d’une dizaine de minutes, la voiture s’arrêta enfin et un homme qui portait une veste rouge en queue de pie lui ouvrit la porte. Elle descendit, remercia le serviteur et leva la tête vers la grande demeure. Elle en eut presque mal au cou tellement le bâtiment était gigantesque. La demeure ressemblait plus à un château qu’à un manoir avec ses tours de chaque côté et ses murs en vieilles pierres.

La neige avait été dégagée pour laisser place à un grand tapis rouge qui menait vers l’entrée. Vanessa frissonna. Elle ne portait qu’une simple veste n’ayant pas de manteau adéquate à porter sur sa robe. Elle avança rapidement bien que l’exercice lui fût légèrement difficile n’ayant pas pour habitude de porter des talons hauts. Cependant, elle arriva sans trébucher jusqu’à la porte qui s’ouvrit dès qu’elle mit un pied sur le haut des marches. Elle arriva dans un grand hall d’entrée. L’intérieur était aussi majestueux que l’extérieur avec son lustre d’une taille impressionnante en plein milieu de la pièce et ses nombreux tableaux accrochés aux murs représentant des personnages historiques ou peut-être des membres de la famille Johnson. Deux escaliers partaient de chaque côté pour atteindre un étage supérieur.

Une personne habillée de la même veste en queue de pie que l’homme de l’extérieur lui proposa de prendre sa veste, ce qu’elle accepta immédiatement. Malgré ses manches courtes, elle n’avait plus froid car il faisait chaud dans le château. Elle ne sut pourquoi mais elle fut prise d’une soudaine envie pressante. Etait-ce le stress ou le froid ? En tout cas, elle devait absolument aller aux toilettes. Elle demanda où elles se trouvaient à l’homme qui lui avait pris sa veste. Elle se dirigea vers le lieu indiqué et put enfin se soulager.

En se lavant les mains, elle vérifia son maquillage, sa coiffure et sa tenue. Tout semblait en place. Elle inspira profondément, puis, sortit pour aller dans la salle de bal. Malheureusement, quand elle arriva dans le hall d’entrée, elle ne trouva plus personne pour la guider. Où devait-elle aller ? Au hasard, elle se dirigea en direction d’une grande porte. Elle l’ouvrit. La pièce ressemblait à un grand salon. Un feu de cheminée crépitait devant un canapé et des fauteuils à l’allure victorienne. La pièce était également décorée d’autres tableaux et d’une bibliothèque gigantesque contenant certainement de vieux livres vu l’aspect de leur couverture. Sa curiosité était piquée et Vanessa s’avança vers l’un des ouvrages mais elle se rappela le but de sa visite et s’arrêta avant de toucher un livre. Elle allait ressortir quand elle capta un mouvement. Elle leva la tête et vit qu’une personne était assise et lisait. Enfin, quelqu’un qui pourrait peut-être l’aider à trouver son chemin !

Elle s’avança vers lui et put détailler un peu mieux l’homme : il était brun aux cheveux mi-longs, le profil de son visage semblait parfait. Il devait avoir une trentaine d’année.

“Euh… excusez-moi !” lança-t-elle quand elle fut assez proche de l’homme.

Il releva la tête vers elle et plongea ses yeux gris dans ceux de Vanessa. Subjuguée par son regard, elle ne put dire un mot supplémentaire.
Le prince charmant existe vraiment by MinnieMey

“Oui ?” demanda l’homme.

Il se leva. L’homme était grand. Il portait un costume de soirée et Vanessa se douta qu’il devait être l’un des invités. Son visage semblait sans imperfections : il avait le front haut, ses sourcils étaient parfaitement arqués sur des yeux légèrement en amande d’une couleur grise insondable, son nez était fin et ses lèvres d’une taille parfaite, c’est-à-dire ni trop fines, ni trop pulpeuses. Ses cheveux étaient mi-longs et légèrement coiffés en arrière. Il la regardait d’un air interrogateur. Le cœur de Vanessa manqua plusieurs battements. Elle se sentit soudain gênée et ne put s’empêcher d’ajuster une mèche de cheveux qui tombait sur ses yeux.

“Hum… excusez-moi, je me suis perdue !” répondit-elle finalement, les joues rougissantes. “Savez-vous où se trouve la salle de bal ?”
“Bien sûr, quand vous êtes dans le hall d’entrée, c’est la grande porte sur votre droite” lui indiqua l’homme, avec un sourire.

Vanessa fut encore plus troublée par ce sourire. Elle lança un “merci” dans un souffle et s’enfuit du salon en refermant la porte derrière elle. Son cœur palpitait toujours dans sa poitrine. Que lui arrivait-il ? Elle tenta de retrouver ses esprits. Elle était venue à ce bal pour le travail, sa rédactrice en chef comptait sur elle et c’était enfin sa chance de prouver qu’elle était une vraie journaliste, elle devait la saisir. Elle prit une grande inspiration et se força à se calmer.

Elle prit la direction de la salle de bal. Comme par hasard, un homme qui portait une veste en queue de pie attendait devant ladite salle. Où était-il alors qu’elle cherchait son chemin quelques instants auparavant ? Ce dernier hocha la tête à son attention et lui ouvrit les deux portes. Elle arriva dans une magnifique salle de bal qui lui rappelait étrangement les histoires des princesses Disney que sa mère lui lisait quand elle était enfant. Elle eut l’impression d’apparaître dans l’un de ses fameux contes de fées : les murs étaient dorés, il devait y avoir au moins une dizaine de lustres en cristal, il n’y avait pas de tapisseries, juste de gigantesques miroirs qui rendaient la salle encore plus grande. Au milieu de la pièce, un gigantesque escalier avec un tapis rouge montait jusqu’à un balcon et un étage supérieur.

Vanessa examina les gens qui étaient autour d’elle. Il y avait beaucoup de jeunes femmes, toutes plus belles les unes que les autres, qui s’étaient habillées le plus soigneusement possible afin de pouvoir plaire au maître des lieux. Il y avait aussi des hommes, certainement des pères de famille accompagnant leur fille, ils discutaient avec leur femme. Elle remarqua également quelques jeunes hommes, sûrement des frères.

“Alors, c’est comme cela que se déroule une soirée dans la haute société !” se dit Vanessa en observant toutes ces personnes.

Elle ne reconnut personne. En effet, Vanessa ne faisait pas partie de ce milieu. Pourtant, quelques visages de jeunes femmes ou de jeunes hommes lui étaient familiers. Elle avait étudié à l’université d’Oxford et elle savait que beaucoup d’enfants riches y étudiaient également. Elle marcha parmi les invités en les détaillant du regard prenant mentalement des notes. Elle sortirait son carnet lorsque l’héritier des Johnson serait présent. Ce dernier ne semblait pas être encore arrivé. Elle ressentait une certaine attente de la part des invités. Ils jetaient tous des coups d’œil vers le grand escalier. Elle en déduit qu’il allait apparaître de ce côté de la salle. Elle regarda autour d’elle afin de trouver une place stratégique avant de s’y diriger.

Pendant qu’elle attendait, elle remarqua l’un de ses anciens amis d’Oxford, James Lane qui discutait avec un groupe d’hommes. Elle ne fut pas surprise de le voir à ce bal car James, même s’il n’en avait pas l’air au premier abord, faisait partie de la noblesse britannique. Elle lui fit un signe de la main. Il vint immédiatement la voir avec un grand sourire.

“Comment vas-tu, Vanessa ?” lui demanda-t-il. “Que fais-tu là ? Je ne pensais pas te voir ici ce soir !”

Oui, car elle n’était pas censée venir à ce genre de soirée, pensa-t-elle.

“J’écris un article pour Fashion Love !” répondit-elle.
“Oui, c’est vrai que tu travailles avec Howard dans ce magazine. Comment va-t-il ?” l’interrogea-t-il.
“Il va bien !”
“Et… Emma ?”
“Elle va bien aussi.”

James et Emma étaient sortis ensemble lorsqu’ils étaient étudiants à Oxford mais leur relation s’était mal terminée. Howard avait été le meilleur ami de James à l’époque mais étant le frère jumeau d’Emma, il avait dû prendre le parti de sa sœur et avait mis fin à son amitié avec son ami d’enfance. Cela avait été une période difficile pour eux. Vanessa n’en avait jamais voulu à James mais vu qu’Emma était sa meilleure amie, elle ne voyait désormais que très rarement son ami.

“Mais, toi, que fais-tu là ?” demanda-t-elle d’un air curieux. “Je croyais que cette soirée n’était réservée qu’aux demoiselles de 20 à 30 ans !”
“Oui, principalement” répondit-il avec un sourire. “Mais les soirées de ce type sont assez rares et les familles de la haute société britannique en profitent pour se retrouver, discuter, présenter leurs enfants, négocier des partenariats professionnels, amicaux ou même encore, matrimoniaux. Personne ne voudrait rater une telle occasion !”

Vanessa en profita pour sortir son bloc-notes et commença à prendre des notes.

“Je ne suis pas très familière avec les familles qui sont présentes. Cela ne te dérange pas de me donner quelques informations ? Bien sûr, je ne veux pas que tu me les présentes officiellement. Mais cela m’aiderait pour mon article si tu m’indiquais celles qui comptent, celles à suivre… Et surtout, pour revenir à notre sujet principal, qui sont les prétendantes de Thomas Johnson ? Qui va-t-il choisir ?”

James éclata de rire.

“Cela fait un an qu’on ne s’est pas vu et tu ne me poses que des questions sur cette soirée. Je ne sais pas si je dois être vexé ou impressionné par ton professionnalisme…” s’écria-t-il.
“Je suis vraiment désolée, James !” s’excusa Vanessa en se rendant compte de son indélicatesse. “Vraiment, je ne suis pas une bonne amie. Mais… c’est un article important pour moi ! Depuis des années, je ne fais que servir du café, et si j’arrive à écrire un très bon article sur ce bal, je serai enfin journaliste !”

Elle resta pensive quelques instants, puis, inspira profondément et rangea son carnet dans son sac.

“Ce n’est pas grave si tu ne peux pas m’aider, James ! Je n’ai pas le droit de te demander tout ça !” dit-elle d’une voix triste.

James réfléchit quelques instants.

“D’accord.” dit-il finalement avec un sourire. “Je veux bien t’aider !”
“Tu es trop gentil, James, merci !”

Et son ami lui expliqua tout ce qu’il y avait à savoir sur la noblesse britannique, en quoi elle consistait, qui comptait, qui montait, qui était déchu et qui ne fallait-il pas côtoyer… Il lui apprit que la favorite des prétendantes était une certaine Annabelle Merrytown. Cette dernière n’avait pas étudié à Oxford mais à la Sorbonne à Paris. En plus d’être une très belle femme, sa famille était également l’une des plus riches de Grande-Bretagne. Son père avait fait fortune dans les médias. La jeune femme côtoyait les Johnson depuis quelque temps déjà. D’ailleurs, James était surpris qu’une telle cérémonie ait été organisé. Pour lui, Annabelle était déjà fiancée à Thomas Johnson. Vanessa fut très surprise d’entendre cette information.

“Ce bal ne serait donc qu’une mascarade ?” lui demanda-t-elle d’un air avide.
“Très certainement !”
“Qui pourrait confirmer cette information ?”
“Je pense que nous le verrons pendant la soirée ! Si Thomas danse avec Annabelle plus qu’avec les autres, c’est qu’elle sera sa prétendante.”
“Alors, c’est comme ça qu’il choisira ?”
“Oui, il dansera au moins une fois avec toutes celles qu’il trouve dignes d’intérêt et s’il s’attarde sur une seule personne, c’est qu’il aura choisi. Mais je pense qu’il dansera avec toutes les prétendantes afin de ne pas froisser leurs pères.”
“Oh ! Mais cela fera beaucoup de danse !”
“En effet ! Je crois qu’il y a une dizaine de prétendantes !”
“Eh bien ! J’ai hâte de voir tout ce crêpage de chignon !” s’exclama Vanessa en riant.
“Moi aussi ! Je t’avoue, c’est une des raisons pour laquelle j’ai insisté auprès de mes parents pour venir ! Ce sera assez jouissif !”
“Surtout si ce fameux Thomas Johnson ne ressemble qu’à un phacochère !”
“Un phacochère ? Mais quelle idée ?”

Mais James ne put poser plus de questions à son amie car les gens autour d’eux s’étaient tus. Vanessa leva la tête vers le balcon du premier étage et découvrit un homme âgé aux cheveux blancs qui faisait face à la foule. Avec l’aide d’un micro, il parla devant toute l’assemblée.

“Bonsoir à tous ! Je suis heureux de vous accueillir dans la maison de mes ancêtres !” dit-il d’une voix grave.

James lui souffla que cet homme était George Johnson, l’oncle de Thomas Johnson.

“Je vous remercie infiniment pour votre présence.” continua-t-il. “Je vous présente officiellement mon neveu, Thomas Johnson, qui a pris la tête du groupe Johnson il y a un an.”

Il leva son bras sur le côté gauche et un homme brun arriva à ses côtés. Les invités applaudirent l’arrivée de l’héritier. Vanessa eut un pressentiment. Il ressemblait fortement à l’homme qu’elle avait rencontré dans le salon mais elle avait du mal en croire ses yeux. Alors, silencieusement, elle se rapprocha du grand escalier. Ce n’était pas une mince affaire car les invités s’étaient déjà attroupés autour de l’escalier afin d’assister à la descente des marches de l’héritier. Pourtant, elle réussit à se frayer un chemin, sa petite taille l’aidant.

Elle arriva à quelques mètres du grand escalier et put mieux le regarder. En effet, l’homme qui descendait d’une démarche assurée était bien celui qu’elle avait rencontré. Son cœur se serra. Thomas Johnson ne ressemblait pas à un ver de terre, ni à un phacochère. L’héritier était extrêmement beau. Elle se demanda même comment un homme tel que lui pouvait exister.

Thomas Johnson arriva enfin au rez-de-chaussée et les regarda tour à tour. Cela devait être étrange de voir toutes ces têtes tournées vers lui dans l’attente d’un mouvement de sa part. Mais l’homme ne semblait pas intimidé. Il hocha la tête vers les personnes qu’il connaissait, fit même quelques faibles sourires. Il commença à marcher en observant chaque visage. Les jeunes femmes, certainement les prétendantes, lui firent la révérence à chaque fois qu’il arrivait à leur niveau.

“Il se prend pour le roi d’Angleterre !” ne put s’empêcher Vanessa d’ironiser dans sa tête.

Elle remarqua qu’elle se trouvait juste derrière Annabelle Merrytown, la fameuse favorite ! Elle détailla de dos la noble jeune femme et se dit qu’elle était très élégante dans sa robe de bal rose pâle. Elle était blonde cendrée et avait tiré ses cheveux dans un chignon élaboré.

Quand Thomas Johnson arriva juste au niveau d’Annabelle, celle-ci lui fit une révérence. Vanessa put mieux observer l’homme et fut surprise de voir qu’il l’avait également remarquée puisqu’il la regardait du même regard interrogateur qu’il lui avait lancé une heure plus tôt. Quand Annabelle se releva, ils perdirent leur contact visuel et Thomas hocha la tête vers l’héritière des Merrytown. Et sans un mot, il lui proposa son bras qu’elle prit immédiatement. Vanessa capta le regard plein de sous-entendus qu’elle lança discrètement à une jeune fille qui se tenait à sa droite. Elle lui ressemblait tellement que Vanessa se douta qu’elle était sa sœur, bien qu’elle n’eût pas la même couleur de cheveux. Puis, le couple se dirigea au milieu de la salle et se mit en position de danse. L’orchestre commença à jouer une valse. Vanessa remarqua toutes les têtes que faisaient les autres prétendantes : elles boudaient, étaient furieuses ou indignées.

Pendant que Thomas Johnson et Annabelle valsaient, Vanessa décida de se retirer vers le fond de la salle afin de prendre un peu l’air. Malgré elle, elle avait été époustouflée par l’entrée de l’héritier et elle se détesta pour cela car ce bal, cette soirée, ce faste, c’était tout ce qu’elle détestait le plus. Où était l'authenticité ou la spontanéité ? Qui trouvait la femme de sa vie dans ce genre de conditions ? Elle avait tout simplement l’impression d’assister à une soirée archaïque, d’un autre temps.

De toute façon, comme le lui avait dit James, les dés étaient pipés. Annabelle Merrytown allait devenir la future Madame Johnson. Alors pourquoi se donner ainsi en spectacle ? Vraiment, elle ne comprenait rien au monde de ces gens riches et elle allait devoir discuter un peu plus avec James si elle voulait écrire un article digne de ce nom.

Même si elle était là pour le travail, elle décida de boire une coupe de champagne afin de remettre ses idées en place. Elle se rendait bien compte qu’elle avait été séduite par Thomas Johnson et elle devait vite oublier son petit coup de cœur. Ils n’étaient pas du même monde tous les deux. Leur histoire était clairement impossible.

Elle trouva James en train de discuter avec un ami qu’elle connaissait de l’université et en profita pour les rejoindre. Leurs conversations la détendirent et elle éclata plusieurs fois de rire. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas passé du temps avec ses anciens amis d’Oxford et elle se rendit compte que ces moments lui avaient manqué. Certes, elle avait toujours ses meilleurs amis Emma et Howard, mais ce n’était plus la même chose. Elle se promit d’organiser une soirée avec tous ses amis et tant pis si la fratrie Harrington n’était pas d’accord.

Vanessa jetait de temps en temps des coups d’œil vers Thomas Johnson et remarqua qu’il avait changé de partenaire. Après Annabelle Merrytown, il dansa avec sa sœur. Puis, elle dut demander l’aide de James car elle ne connaissait pas toutes les femmes avec qui l’héritier valsait : Emma Mellow, Lisa Baldwin, Aliyah Trent, Anastasia Smith… Toutes des femmes faisant partie de la haute société. Elle fut étonnée qu’il danse avec une femme qui n’était pas très belle avec son nez crochu et ses yeux un peu trop proéminents mais comme le lui avait dit son ami, Thomas Johnson se devait de danser avec toutes les prétendantes, afin de ne pas froisser leurs familles.

Le roi de la soirée fit enfin une pause pour aller discuter avec un groupe d’hommes.

Vanessa continua à converser avec ses amis tout en sirotant une seconde coupe de champagne. Ce n’était pas très sérieux mais personne n’était là pour la réprimander. Et puis, elle était une adulte, elle savait ce qu’elle faisait.

“Bonsoir James !” dit une voix grave derrière eux.

Ils se retournèrent et Vanessa découvrit avec stupeur que l’homme qui avait parlé était le maître des lieux, Thomas Johnson. Il était accompagné d’un homme qui ressemblait trait pour trait à James mais leurs yeux n’étaient pas de la même couleur. Il devait être son père. Elle resta bouche bée pendant quelques instants en voyant James prendre l’héritier des Johnson dans ses bras. Son ami semblait avoir oublié de lui communiquer une information importante : il connaissait personnellement le fameux Thomas Johnson et pas qu’un peu vu l’accolade qu’ils étaient en train de se donner !

“Comment vas-tu ?” demanda Thomas Johnson.
“Bien !” lui répondit James.
“Tu me présentes à ton amie ?” sollicita-t-il en faisant un geste de la tête vers Vanessa.

Celle-ci resta interloquée. Thomas Johnson voulait lui être présenté ?

“Oui, bien sûr !” lança James avec un sourire. “Je te présente Vanessa Bale, une de mes anciennes camarades d'Oxford !”
“Enchanté mademoiselle !” dit Thomas en prenant la main de Vanessa. Il la lui baisa.

Vanessa rougit immédiatement. Jamais personne ne lui avait baisé la main.

“Euh… enchantée !” réussit-elle à dire.
“Voudriez-vous m’accorder cette danse, s’il vous plaît ?” lui demanda-t-il avec un sourire.

Elle eut l’impression que tous les invités s’étaient tus dans la salle car elle n’entendit plus un seul son. En effet, les personnes les plus proches d’eux les observaient. Certaines personnes chuchotaient à l’oreille de leur voisin, d’autres relevaient la tête pour mieux la regarder. Elle mit du temps avant de lui répondre, choquée par sa demande.

“Je… je ne sais pas danser !” dit-elle avec honnêteté.
“Ne vous inquiétez pas, je vous guiderai !”

Ils se regardèrent dans les yeux et Vanessa comprit immédiatement à travers son regard qu’en effet, il allait la guider et qu’il ne la laisserait pas se ridiculiser devant une centaine de personnes. Elle sentit le regard appuyé de James, il essayait de lui dire quelque chose. Elle se sentit brusquement vaciller, comme si une main l’avait poussée dans le dos, elle faillit trébucher mais put se retenir à temps et avança d’un pas comme si elle acceptait son invitation.

“D’accord !” s’écria-t-elle rapidement afin de donner le change.

Thomas Johnson lui sourit franchement et lui proposa son bras qu’elle prit tout en tremblant de la tête aux pieds. Ils avancèrent sur la piste de danse sous les regards curieux des invités. Ils se demandaient tous qui était cette jeune fille. George Johnson se frotta le menton avec curiosité. Annabelle regarda Vanessa avec une telle haine qu’elle en cassa son éventail. Elle chuchota quelques mots à son garde du corps qui était posté juste derrière elle. James sourit en voyant son amie valser dans les bras de son parrain.

Vanessa suivait les pas de son partenaire. Thomas était un très bon danseur et il la guidait avec dextérité. Heureusement, dans sa jeunesse, elle avait souvent vu ses grands-parents valser lors des bals de village. Son grand-père lui avait même appris les bases. Mais, c’était il y a longtemps. Pourtant, elle fut surprise de ne pas trébucher, ni marcher sur les pieds de son partenaire. Elle regardait juste les yeux de Thomas et son corps se mouvait sans aucune difficulté.

Elle ne comprenait pas vraiment ce qu’elle ressentait. Était-ce de la surprise ? De la délectation ? De la peur ? De l’intimidation ? De l’excitation ? Les deux coupes de champagne qu’elle avaient bu avait certainement décuplé ses sensations. En tout cas, elle se détendit et finalement, au bout de quelques minutes, apprécia ce moment hors du temps.

Thomas ne disait rien. Il était simplement concentré sur elle, son regard, ses pas. Finalement, la musique s’acheva. Il lui fit un grand sourire.

“Voulez-vous boire un verre ?” lui demanda-t-il.
“Oui.” répondit-elle, essoufflée.

Il lui proposa à nouveau son bras qu’elle prit et ils se dirigèrent vers le buffet. C’est là que Vanessa reprit enfin conscience. Devant tous les regards qui se posèrent sur elle, elle se sentit de plus en plus mal à l’aise car ces regards n’étaient plus surpris ou étonnés mais plutôt antipathiques, voire glaciaux. La tension semblait être monté d’un cran, elle en devenait presque insupportable. Au bout de quelques instants, Vanessa ne put plus supporter toutes ces œillades inamicales.

“Je dois me rendre aux toilettes !” dit-elle subitement.
“Je vous accompagne !” s’écria Thomas.
“Comment ?” s’exclama-t-elle, légèrement outrée.

Thomas rougit soudain. Vanessa fut touchée, c’était la première fois que la carapace de l’homme se fissurait un peu.

“Non, je veux dire… je vais vous montrer le chemin… tout à l’heure, vous vous êtes perdue et…” tenta-t-il d’expliquer.
“Ne vous inquiétez pas ! Je me débrouillerai !”

Et sans lui laisser le temps de parler, elle se détourna de lui et se dirigea vers la sortie de la salle de bal en espérant qu’il ne la suive pas. Il était déjà dur de devoir subir tous ces regards. S’il la suivait, ce serait pire. Que se passait-il ? Pourquoi était-elle aussi chamboulée ?

Finalement, elle n’alla pas aux toilettes mais quitta plutôt le manoir. Elle s’enfuit en prenant le chemin de la sortie.

Mais qui est Vanessa Bale ? by MinnieMey

Vanessa avait commandé une voiture sur le chemin du retour. Comme une idiote, elle était partie sans sa veste et trop fière, n’avait pas voulu revenir sur ses pas. Elle faillit finir congelée sur place avant que la voiture n’arrive. De plus, elle ne se sentait pas très fière d’avoir fui le bal de cette manière. Elle avait été là pour le travail, elle aurait dû rester jusqu’au bout afin de savoir comment la soirée allait se terminer. Mais Thomas Johnson lui avait fait perdre ses esprits et elle n’avait su réagir autrement. Elle décida d’envoyer un message à James dès le lendemain afin d’en savoir plus : sur l’héritier des Johnson, sa relation avec lui, la fin de la soirée… Ce n’était pas très fair-play envers son ami, en même temps, elle était sûre désormais que c’était lui qui l’avait poussée dans les bras de l’homme aux cheveux bruns. Ce n’était qu’un bon retour des choses.

Quand elle rentra chez elle, même la vue de ses décorations dans son appartement ne lui apporta pas la paix escomptée. Elle alla se coucher sans un regard vers le beau sapin qui clignotait dans son salon.

Le lendemain matin, elle eut du mal à se lever. Premièrement, elle était épuisée de la veille, deuxièmement, elle se sentait encore honteuse de son attitude et se demanda comment elle allait pouvoir affronter Jane Matthews qui lui demanderait certainement des comptes.

Elle décida d’envoyer un texto à James en lui proposant un rendez-vous pour discuter de la soirée de la veille. Elle espérait que son ami allait accepter sa proposition.

oOoOo



Pendant ce temps, au manoir des Johnson, Thomas prenait son petit-déjeuner en lisant The Guardian. Seul un petit article parlait de la soirée du bal mais il décida de ne pas le lire et referma le journal en le repliant devant lui. Il détestait déjà ce genre de mondanités et avait accepté avec beaucoup de réticence ce bal, il n’allait quand même pas lire cet article, écrit certainement sans intelligence et sans recul.

George buvait son café en silence à ses côtés. Thomas sentait que son oncle avait envie de lui dire quelque chose mais il semblait attendre le bon moment. Il décida de mettre les pieds dans le plat, il détestait les non-dits et les faux-semblants.

“Vous allez bien, mon oncle ?” lui demanda-t-il.
“Oui, très bien, Thomas. Pourquoi cette question ?” l’interrogea George d’un air interrogateur mais Thomas n’était pas dupe. Il connaissait son oncle sur le bout des doigts.
“Vous êtes très pensif pour une fois !”
“Cela m’arrive de réfléchir de temps en temps, Thomas !” ironisa-t-il d’un air légèrement vexé mais il avait compris le sous-entendu. “Je repense à la soirée d’hier.”
“Etait-elle à la hauteur de vos attentes ?” demanda Thomas.
“C’est plutôt à moi de vous demander cela ! J’ai organisé cette soirée pour vous ! Pas pour moi !”
“Et comme si j’avais eu le choix !” répliqua l’homme aux cheveux noirs d’un air lasse.

George regarda longuement son neveu. Il l’adorait mais de temps en temps, il trouvait qu’il prenait les choses trop à la légère.

“Cette soirée était très importante pour vous !” s’écria-t-il. “Vous deviez être présenté officiellement !”
“A 30 ans, c’est totalement risible !”
“Et la faute à qui ? Qui n’a jamais voulu s’introduire dans la haute société alors que vos parents et moi-même l'exigions depuis longtemps !”
“Et vous avez tous eu ce que vous vouliez ! S’il n’y avait pas eu ce satané testament, je serai bien resté tranquille dans mon manoir ! Oh, Mère doit certainement célébrer votre victoire dans sa tombe !”
“Ne dites pas cela, Thomas !” dit George, d’une voix tendue. “Ce n’est pas une façon de traiter votre mère. Elle a tout fait pour que vous jouissiez de votre liberté jusqu’au bout ! Mais elle se devait d’assurer l’avenir des Johnson !”

Thomas inspira profondément. Il avait eu des centaines de fois cette discussion avec son oncle. Il était vain d’en discuter à nouveau.

“Alors, qu’avez-vous pensé de cette soirée ? Et ne me retournez pas la question, mon oncle !” répliqua Thomas en voyant George tenté d’objecter.
“Cette soirée a été riche en rebondissements !” dit enfin son oncle, après quelques instants de réflexion. “Les Merrytown avaient l’air ravis que vous ayez dansé votre première danse avec Annabelle. Et vous avez bien tenu votre rôle ! Bien mieux que je ne l’aurais pensé !”
“Ce n’est pas parce que je ne vais jamais à ce genre de soirée que je ne sais pas me tenir en société !”
“Vous avez dansé avec toutes vos prétendantes.” continua George en ignorant la dernière remarque de son neveu. “Vous avez même redansé avec Annabelle Merrytown. J’ai cru à un moment que votre coeur l’avait enfin choisie !”

Thomas observa son oncle d’un air railleur. Ce n’était pas qu’il n’appréciait pas Annabelle, elle était très belle, cultivée et bien née. Il y avait juste quelque chose qui le dérangeait chez cette fille… Il ne la trouvait pas très sincère. Mais il décida de ne pas faire part de ses doutes à son oncle.

“Et ensuite, de façon surprenante, vous avez dansé avec cette jeune femme !” s’exclama George d’un air plus passionné. “Dites-moi, qui est-elle ? Je ne l’ai jamais vue ! De quelle famille vient-elle ?”

Thomas soupira. Il repensa à la jeune femme. Vanessa Bale comme l’avait présentée son cousin. Il devait absolument appeler ce dernier pour avoir plus d’informations car, malheureusement, elle avait disparu de la soirée après leur danse. Il l’avait cherchée partout du regard mais ne l’avait pas trouvée. Il l’avait même cherchée dans les toilettes -enfin, il avait demandé à l’un de ses serviteurs d’y aller à sa place. Si une femme l’avait trouvé dans les toilettes des femmes, il n’aurait pas eu juste un petit article dans The Guardian, il en aurait fait la Une !-. Il avait été désespéré et avait mis fin à la soirée abruptement, prétextant qu’il devait se reposer.

Pourquoi cette femme l’avait-il autant intrigué ? Quand il l’avait vue dans le petit salon, il avait apprécié sa simplicité et sa curiosité. Il avait bien remarqué qu’elle louchait sur les livres de sa bibliothèque. Et de plus près, quand il l’avait reconnu derrière Annabelle, il avait été séduit par son regard surpris, comme si elle se demandait ce qu’elle faisait là, et son charme inattendu. Elle n’était peut-être pas la plus belle femme qu’il avait rencontrée hier, mais c’était celle qui l’avait le plus intéressé. Cela se voyait qu’elle ne venait pas d’une noble famille. Elle n’avait aucun maintien et ne connaissait aucun des usages officiels. Mais il n’en avait que faire ! De plus, le testament de ses parents ne spécifiait pas qu’il devait se marier avec une jeune femme de la haute société anglaise. C’était son oncle qui en avait décidé ainsi, prétextant qu’ils ne pouvaient pas inviter toutes les femmes de la ville à son bal.

“Alors ?” demanda George d’un ton pressant.
“Je ne sais pas mon oncle. Je sais juste qu’elle s’appelle Vanessa Bale mais je ne sais pas qui elle est ! D’ailleurs, veuillez m’excuser mais je souhaite appeler mon cousin !”

Thomas se leva et prit congé de son oncle. Ce dernier le regarda faire sans rien dire. Il resta pensif pendant quelques instants. Thomas pouvait bien aimer la fille qu’il voulait, la seule chose, c’était de s’assurer que ses relations avec les familles qu’il avait invité n’en pâtissent pas. George soupira de lassitude, c’était encore à lui de s’occuper de cette partie-là, son neveu n’avait aucun sens des responsabilités pour ce genre de choses.

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Quand Vanessa arriva dans les bureaux de Fashion Love ce matin-là, Howard lui sauta dessus et l’entraîna directement dans la salle de pause. Pendant qu’elle se servait une tasse de café, il la bombarda de questions.

“Alors, ce bal ? C’était comment ? Et ce Thomas Johnson ? Il ressemble à quoi ? Au fait, tu as répondu à ma soeur ? Car elle n’a pas arrêté de me harceler hier ! Elle veut un compte-rendu complet de la soirée !” dit Howard qui lui laissa à peine le temps de parler.
“Oui, oui, j’ai répondu à Emma ce matin ! Je lui ferai un résumé de vive voix, trop compliqué par écrit !” répondit Vanessa. “Sinon, cela s’est bien passé ! Heureusement, James était là !”

Howard s’assombrit au nom de son ancien meilleur ami.

“Et comment il allait ?” demanda-t-il d’une voix maussade.
“Il allait bien !” s’écria-t-elle en ne faisant pas attention à sa petite mine. “Il m’a aidé à me familiariser à ce milieu. J’ai découvert beaucoup de choses ! J’ai bien sûr trouvé que la famille Johnson en faisait trop : il y avait des serveurs partout, la salle de bal ressemblait à celle de la Reine d’Angleterre et l’héritier est arrivé comme une star…”
“Alors, il ressemble à quoi, ce Thomas Johnson ?”

Vanessa ne put répondre à Howard. Elle avait envie de lui dire qu’elle l’avait trouvé beau, qu’il lui plaisait mais elle se sentait bête de lui dire cela. Thomas Johnson était le sujet de son article, ce n’était pas un homme dont elle devait tomber amoureuse.

“Il est pas mal.” dit-elle simplement.

Howard plissa des yeux. Il sentait que Vanessa ne lui disait pas tout.

“Bon, j’ai un article à écrire.” s’exclama-t-elle soudain. “Tu sais que je n’ai que quatre jours pour rédiger un deux-pages ! Je ne dois pas perdre de temps ! En plus, la soirée est encore fraîche dans ma tête, je dois mettre au propre mes notes !”

Howard hocha la tête et la laissa partir sans poser de questions. Il y avait quelque chose qui n’allait pas. Vanessa ne réagissait pas comme à son habitude. Son visage s’assombrit encore plus.

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Vanessa rencontra James pour déjeuner deux jours après le bal. Celui-ci avait accepté de la revoir rapidement ce qui l’avait beaucoup étonné.

“Comment vas-tu Vanessa ?” lui demanda-t-il après qu’il se soit assis sur sa chaise.

Elle avait décidé d’aller dans un petit salon de thé qu’elle affectionnait beaucoup : le Chamallow. C’était un café qui proposait les meilleurs chocolats chauds de toute la ville. De plus, la gérante aimait autant Noël que Vanessa et avait décoré son salon de thé comme il se devait. De la musique de Noël passait également et Vanessa ne put s’empêcher de fredonner quand elle entendit “Oh ! Vive le vent, vive le vent, vive le vent d’hiver !”.

Quant à James, il ne se sentait pas vraiment à sa place dans ce lieu. Mais il connaissait la passion de son amie pour Noël et ne dit rien. Néanmoins, les musiques de Noël n’étaient pas sa tasse de thé et il savait qu’il aurait du mal à supporter une heure de ces chants.

“Tout va bien, James. Et toi ?”
“Très bien, merci ! Tu es bien rentrée de la soirée du bal ?”
“Oui, ça a été. J’ai juste oublié ma veste au manoir.” dit-elle d’un air gêné.
“Tu veux que je demande à Thomas de te l’envoyer ?” Il avait posé cette question, un sourire sur les lèvres.
“Oh, non, ça ira… je veux dire, je n’en ai pas besoin ! C’est une vieille veste !” répondit-elle de plus en plus embarrassée.

James éclata de rire. Vanessa rougit.

“Mais pourquoi tu ris, James ?”
“Pour rien ! Enfin… si… c’est ta tête ! Je vois que mon cousin t’a tapé dans l’oeil !”
“Ton cousin ? Mais pas du tout !” s’écria-t-elle, elle n’avait plus les joues roses, mais écarlates.
“Oh, pourtant, tu avais l’air si gênée que je lui demande de te renvoyer ta veste… tu aurais vu ta tête !”

Vanessa ne sut plus où se mettre.

“Je ne suis pas du tout intéressée par ton cousin !” s’exclama-t-elle en mentant effrontément. “D’ailleurs, tu ne m’avais pas dit que c’était ton cousin ?”
“Désolé, je n’y ai pas pensé !”
“Du coup, tu le connais bien, non ?”
“Oui, plutôt bien, même s’il est un peu plus vieux que moi ! Que veux-tu savoir ? Car c’est pour ça que tu m’as fait venir, n’est-ce pas ?”

Vanessa se sentit à nouveau gênée.

“Je suis encore désolée James…”
“Ne t’inquiète pas ! Cela ne me dérange pas ! Je t’avoue, j’ai été content de te revoir il y a deux jours ! Et puis, j’ai comme l’impression que mon cousin n’est pas indifférent à ton charme…”
“Ne dis pas n’importe quoi !” dit Vanessa, mais son coeur avait déjà raté un battement en entendant ces mots.
“Il m’a appelé hier pour me demander plein d’informations sur toi !” dit James d’un air ravi.
“Comment ?”
“Hé oui ! Honnêtement, je pense que tu devrais le recontacter, cela lui ferait certainement plaisir !”
“Quoi ? Moi, contacter Thomas Johnson ! Il n’en est pas question !”
“Mais pourquoi ?”

Vanessa n’avait pas envie d’avoir cette discussion avec James.

“Parle-moi de cette fin de soirée !” lui demanda-t-elle en changeant de sujet.

Il l’observa quelques instants, puis décida de lui répondre. Ils parlèrent encore pendant une heure dégustant les sandwichs qu’ils avaient commandés. Le sujet tomba ensuite sur Howard et Emma.

“Comment vont-ils ?” demanda James d’un air incertain.
“Ils vont bien. Howard travaille avec moi à Fashion Love, il s’occupe de la rubrique sportive et cela fonctionne bien pour lui. Et Emma travaille dans une boutique de décoration. Elle s’y plait bien !”
“A-t-elle… un petit ami ?”

Vanessa resta silencieuse quelques instants.

“Non, elle est seule. Et toi, tu as une petite amie ?”
“Non, pas en ce moment…”

Vanessa voyait bien que James souffrait de leur séparation. Pourtant, leur rupture datait d’il y a trois ans maintenant. Elle prit une décision.

“Je vais organiser une soirée !” dit-elle brusquement. “Je t’inviterai toi, des anciens d’Oxford, et bien sûr Howard et Emma.”
“Ils ne voudront jamais venir !” se plaignit-il.
“Pas si c’est une réunion d’anciens élèves ! Ne t’inquiète pas !”

Elle lui fit un grand sourire, l’humeur de James monta d’un cran.

“Bon, tu es sûr qu’avec mon parrain, tu ne veux pas que je…” commença-t-il.
“Non, ça va ! Et tu en as déjà trop fait !”

Elle lui lança un regard perçant, il rougit. C’était bien lui qui l’avait bousculé pour la pousser dans les bras de Thomas Johnson.

oOoOo



Vanessa resta concentrée sur son article. Il ne fallait pas qu’elle rende un travail à moitié mal fait, l’article devait être parfait. Elle avait longuement réfléchi au ton qu’elle voulait prendre et après mûres réflexions, décida de prendre un ton légèrement sarcastique. C’était un pari osé mais Fashion Love ne faisait pas dans le politiquement correct. Elle devait démontrer à Jane qu’elle était capable de devenir une journaliste à part entière de ce magazine.

Il était déprimant de travailler le premier week-end de décembre. Elle aurait préféré se promener dans les marchés de Noël à boire un vin chaud et à manger des biscuits à la cannelle. Mais elle ne pouvait pas s’octroyer un moment de pause.

Néanmoins, vers 18h, elle n’en pouvait plus de son article. Elle avait bien avancé et elle pensait qu’elle pourrait largement finir dans les temps. Elle décida alors d’envoyer un message à Emma. Cela faisait un moment qu’elle n’avait pas vu sa meilleure amie. De plus, cette dernière l’avait harcelée de questions et vu qu’elle n’avait pas répondu à son dernier message de la veille, elle devait certainement lui en vouloir.

Pourtant, quand Vanessa proposa à son amie de venir passer la voir chez elle, Emma accepta immédiatement. Deux heures plus tard, la jeune femme rousse sonna à la porte de Vanessa. Elle se jeta à son cou dès qu’elle la vit.

“Oh, sympa ta déco !” lança Emma en regardant les décorations de l’appartement. “Ton sapin est magnifique !”
“Merci Emma !”

Emma retira son manteau, son écharpe, son manteau et ses bottes et vint s’installer sur le canapé. Elle avait apporté des plats à emporter du chinois du coin.

“Bon, tu as des tonnes de choses à me raconter ! Je veux tout savoir !” s’exclama Emma en acceptant l’assiette de riz que lui tendait son amie.

Vanessa sourit. A Howard, elle n’avait raconté que les grandes lignes mais elle savait qu’elle ne pourrait pas passer au travers des filets de sa soeur et que celle-ci lui demanderait les moindres détails. Quand enfin, elle termina de raconter sa soirée et comment elle s’était terminée, elle releva la tête vers Emma avec attente.

“Wow !” fit-elle simplement.
“Quoi ?”

Vanessa s’alarma. Emma n’était jamais aussi peu loquace.

“Il semblerait que ma petite Vanessa soit tombée amoureuse du prince charmant !” dit son amie, d’un air entendu.
“Quoi ? Mais pas du tout ! Moi, amoureuse ? Et de quel prince charmant parles-tu ?”

Mais Vanessa sentit une goutte de sueur couler sur sa tempe.

“Ce Thomas Johnson ! Il a l’air sorti d’un vrai conte de fées ! Il est beau, il a l’air intelligent et de surcroît, il est extrêmement riche !”

Vanessa renifla avec ironie.

“Peut-être, mais il faut pas exagérer non plus !”
“Arrête, Vanessa ! Tu n’as pas arrêté de l'encenser ! Tu parles de lui avec une telle ferveur !”
“N’importe quoi ! Il ne m’intéresse pas !”

Emma haussa un sourcil et sourit.

“Tu es tellement de mauvaise foi !”
“Mais Emma ! Tu te rends compte de ce que tu dis ! Moi être amoureuse de Thomas Johnson… Mais… je… ne peux PAS tomber amoureuse de lui… c’est Thomas Johnson !”
“Et pourquoi ?”
“Parce qu’on n’est pas du même milieu ! Tu aurais dû voir la façon dont ses invités me regardaient après qu’on ait dansé ensemble ! S’ils avaient pu, ils auraient allumé un feu en plein milieu de la pièce et m’auraient jeté dedans ! Je n’ai pas pu supporter leurs regards haineux !”
“Mais tu t’en fiches de ça !”
“Tu n’étais pas là ! C’était horrible !”

Emma soupira mais reprit la parole.

“Et lui, qu’en pense-t-il ?” demanda-t-elle.
“Comment ça, ce qu’il en pense ? Comment veux-tu que je le sache ?”
“Mais James... “ elle fit une pause en prononçant le prénom de son ancien petit ami. “Il t’a dit qu’il recherchait des informations sur toi ?”
“Oui, mais c’est sûrement par curiosité, c’est tout !”

Sa meilleure amie la regarda d’un air qui en disait bien plus long que son silence.

oOoOo



Quand Vanessa sortit de son appartement le lundi matin, elle fut surprise de voir une berline noire garée à côté de chez elle. Elle n’y fit pas attention et décida de marcher comme elle avait l’habitude de le faire chaque matin pour aller aux bureaux de son magazine. Pourtant, quand elle avança d’une centaine de mètres, un regard sur la route lui confirma que la voiture la suivait. Vanessa hésita à aller frapper à la vitre de la fameuse voiture ou à continuer son chemin. Elle n’aimait pas qu’on la suive ainsi. Elle continua à marcher sans tenir compte de la berline. Cependant, quand elle tourna à droite, la voiture accéléra et se gara juste devant elle. La vitre arrière se baissa.

Vanessa fut surprise de voir Annabelle Merrytown lui souriant à pleines dents.

“Vanessa Bale, c’est bien ça ?” lui demanda la jeune femme.
“Euh oui…”
“Cela vous dit que je vous amène jusqu’à Fashion Love ?” l’interrogea-t-elle.

Vanessa ne lui demanda pas comment elle savait qui elle était, où elle habitait et où elle travaillait. Les personnes riches comme les Merrytown devaient certainement avoir leur réseau d’information. James ne lui avait-il pas dit que cette famille travaillait dans les médias ? Elle hésita. Devait-elle accepter son invitation ? En même temps, elle était curieuse de savoir de quoi voulait discuter Annabelle.

“Je ne vais pas vous manger !” dit cette dernière avec un sourire.
“Alors, d’accord !” répondit Vanessa en acceptant la proposition.

Le chauffeur sortit immédiatement de la berline et lui ouvrit une des portes de la banquette arrière. Vanessa s’assit dans la voiture luxueuse. L’intérieur sentait le cuir et le neuf. Elle ne se sentit pas à sa place brusquement. Elle mit sa ceinture et la voiture démarra. Elle leva les yeux vers Annabelle et lui lança un rapide sourire. Celle-ci avait continué à la regarder pendant tout ce temps, avec un grand sourire sur les lèvres.

“Comment me connaissez-vous ?” demanda Vanessa, voulant aller droit au but.
“J’ai fait mes propres recherches.” répondit Annabelle en la regardant de ses yeux perçants.
“Pourquoi ?”
“Car je m’intéresse à vous ! J’ai été surprise de vous voir au bal du manoir des Johnson ! Je ne vous avais jamais vu !”

Annabelle avait dit ces mots avec un air enjôleur. Bien sûr, elle savait pertinemment que Vanessa ne faisait pas partie de “leur” monde. Mais elle ne releva pas le sarcasme de ses paroles. Elle sentait qu'Annabelle Merrytown n’était pas une femme avec qui il fallait se frotter.

“En effet, je n’étais pas là pour le bal en tant que prétendante mais pour couvrir l’évènement pour le compte de Fashion Love.”
“C’est bien ce qui me semblait.” dit-elle d’un air satisfait.

Vanessa aima de moins en moins la jeune femme.

“Savez-vous que les Merrytown et les Johnson ont une histoire commune ?” reprit Annabelle d’un air innocent.
“Non, pas vraiment !”
“Hé bien, nous nous connaissons depuis des générations, et il se peut que nous ayons des ancêtres communs mais assez éloignés. Mais quand je parle d’histoire commune, ce n’est pas de cela que je souhaite parler. Nous avons les mêmes valeurs, la même éthique et la même façon de voir les choses ! Nous sommes fiers de ce que nous sommes, de ce que nous représentons dans la haute société ! Vous voyez, nous faisons partie d’une certaine… élite !”

Vanessa se renfrogna encore plus. Elle détestait écouter ce genre de paroles mais elle laissa Annabelle parler pressentant les conclusions de son discours.

“Nous ne nous mélangeons pas avec… “les autres”... nous aimons rester entre nous et nous préférons que cela reste ainsi. Thomas Johnson est à la tête d’une très grande fortune. Et le commun des mortels ne sait pas ce que c’est que de gérer une telle fortune. En avez-vous une idée, mademoiselle Bale ?”

Vanessa ne prit même pas la peine de lui répondre. Elle lui lança juste un regard noir.

“Non, vous ne savez pas, forcément !” sourit Annabelle Merrytown d’un air entendu. “Vanessa Bale, je vais être directe avec vous. Thomas Johnson a besoin d’une femme qui puisse l’épauler autant dans sa vie personnelle que professionnelle. Il ne peut pas se mêler avec une personne… commune…”

Annabelle la dévisagea d’un air plein de sous-entendus. Vanessa comprit qu’elle était la personne commune dont elle faisait référence. Elle la détesta encore plus.

“C’est pourquoi je souhaiterais que vous ne vous approchiez pas de Thomas Johnson.”

Annabelle avait dit ses mots d’un air calme, toujours avec ce sourire sur ses lèvres.

“Je préfère que les choses soient claires entre nous, si vous voyez ce que je veux dire.” termina-t-elle.

Elle regarda Vanessa d’un air intense. Mais cette fois, elle ne souriait plus. Vanessa éclata de rire brusquement, ce qui la choqua.

“Non, mais vous vous prenez pour qui ?” s’exclama-t-elle en se tournant carrément vers elle. “Nous ne nous connaissons pas et vous venez me dire qui je ne dois pas fréquenter ! Comment osez-vous ?”

Annabelle Merrytown bouillonnait intérieurement. Elle avait envie de défigurer cette parvenue.

“Je fais ce que je veux !” dit simplement Vanessa. “Et si j’ai envie de sortir avec Thomas Johnson, eh bien, je sortirai avec lui, peu importe ce que vous en pensez ! Maintenant, laissez-moi ici, je vais terminer le chemin à pied !”

La voiture s’arrêta immédiatement. Elle défit sa ceinture et s’apprêtait à sortir lorsque Annabelle lui retint le bras d’une poigne ferme.

“Vous ne vous rendez pas compte de ce que vous venez de faire !”

Vanessa lui lança un regard de mépris, secoua son bras pour qu’elle la lâche et lui ferma la porte au nez.

L'interview de monsieur Johnson by MinnieMey

Vanessa arriva dans les bureaux de Fashion Love furieuse. Comment Annabelle Merrytown avait osé lui parler ainsi ? Comment pouvait-elle penser une seule seconde qu’elle se laisserait intimider par cette femme ?

Elle arriva à son bureau et balança son manteau d’un air rageur.

“Il y a quelque chose qui ne va pas ?” lui demanda Howard dont son bureau était à quelques mètres du sien.
“Non, ça va, Howard,” répondit-elle d’un air évasif.
“Tu as pu finir ton article ?” l’interrogea-t-il, sentant qu’elle ne voulait pas lui en dire plus.
“Oui, ça y est ! Dans combien de temps est la réunion ?”
“Dans une demi-heure !”
“Parfait !”

Vanessa sortit son article et le relut, corrigeant les dernières fautes et changeant certaines tournures. Elle était plutôt fière d’elle et espéra que Jane l’apprécie.

Pour la première fois de sa vie, Vanessa fut invitée à la réunion des journalistes du lundi matin. Dans cette réunion, les employés devaient remettre leur article et discuter des prochains sujets qui devaient sortir pour le numéro d’après. Elle s’installa à côté de Howard et attendit l’arrivée de la rédactrice en chef avec impatience.

Cette dernière arriva enfin. Elle portait un tailleur jupe de couleur bleu saphir ce qui faisait ressortir la couleur blond platine de ses cheveux. Chacun des journalistes lui remit son papier. Elle lut brièvement les titres et les donna à son assistante, à sa droite.

“Nous devons maintenant parler des sujets du prochain numéro !” s’écria Jane. “Vanessa ?”

Vanessa sursauta, étonnée qu’elle soit aussi vite interpellée.

“Oui ?” lança-t-elle avec attente.
“J’ai eu un appel fort intéressant ce matin : Thomas Johnson souhaite être interviewé par vous !”
“Comment ?”

Vanessa la regarda d’un air effaré.

“Oui, j’ai été moi-même surprise de la demande. Thomas Johnson n’a jamais accepté de se faire interviewer par un seul journal ! Et ce matin, son secrétaire personnel nous a appelé pour demander si nous étions intéressé pour écrire un article sur lui ! Nous avons bien sûr accepté mais il avait une seule condition : que vous soyez celle qui le questionnera !”

Tous les journalistes, dont Howard, avaient les yeux rivés sur Vanessa. Ils se demandaient tous comment l’apprentie-journaliste avait réussi un tel tour de force. Elle rougit subitement.

“Euh… je suis très étonnée…” dit-elle d’une voix peu assurée. “Quand aura lieu l’interview ?”
“Cet après-midi ?”
“Comment ? Mais je n’ai… pas beaucoup de temps pour me préparer !” s’écria-t-elle, blanchissant à vue d’oeil.
“Posez-lui les questions que toutes ces dames se posent, c’est-à-dire : les raisons de son célibat malgré son âge avancé, son introduction tardive dans la noblesse britannique, sa vie mystérieuse, son choix de fiancée… bref tout ces trucs que les femmes adorent savoir !”

Vanessa resta interdite pendant quelques instants.

“De toute façon, vous n’avez pas le choix !” lui assena Jane d’une voix ferme. “Il vous a expressément demandé. Donc, vous ferez le nécessaire pour que cette interview se passe bien et vous nous écrirez un article digne de Fashion Love ! Vous devrez vous rendre dans le manoir des Johnson à 14h, soyez-y à l’heure !”

Vanessa avait la mine défaite, elle avait à peine quelques heures pour préparer son interview. De plus, elle appréhendait de le voir à nouveau. Comment cela allait-il se passer ? Elle était encore chamboulée de sa rencontre avec Annabelle et de ses menaces. Elle resta silencieuse pendant toute la réunion, n’écoutant plus Jane et les interventions de ses collègues. A ses côtés, Howard lui jetait des regards en coin. Quelque chose n’allait pas chez Vanessa et il était temps qu’il tire cela au clair. Il allait devoir contacter sa soeur pour en savoir un peu plus.

oOoOo



Thomas attendait patiemment devant son bureau dans son manoir. Il était satisfait de lui. Son filleul lui avait appris des choses très intéressantes sur Vanessa Bale : la jeune femme avait 24 ans, elle avait étudié à Oxford avec James, avait des parents ouvriers mais il semblait qu’elle avait été une excellente élève pendant toute sa scolarité. Depuis trois ans, elle vivait à Londres et travaillait chez Fashion Love en tant qu’apprentie-journaliste. Elle était venue au bal pour pouvoir écrire un article à ce sujet dans son magazine.

Sur ce dernier point, il grimaça. Il détestait les magazines tels que Fashion Love qui ne parlaient que de futilités : comment tenir sa maison, comment faire un bon repas pour dix invités, comment séduire un homme… Et surtout, il publiait des ragots mensongers sur des célébrités. Alors pourquoi avait-il accepté de faire cette interview ?

Tout simplement parce que c’était la seule excuse qu’il avait trouvé pour pouvoir la revoir. Depuis qu’il l’avait rencontrée, il était obsédé par elle. Il voulait la revoir, absolument, pour confirmer sa première impression ou au contraire, pour l’anéantir à jamais. Il ne pourrait jamais passer à autre chose tant qu’il n’était pas allé jusqu’au bout de sa démarche.

Pour cet article qu’elle allait écrire, il lui ferait signer un contrat pour qu’elle ne divulgue aucune information compromettante à son encontre. Il avait refusé qu’un photographe du magazine accompagne la jeune femme parce qu’il était hors de question que quelqu’un puisse le prendre en photo. Il avait d’ailleurs interdit toutes photos pendant son bal. Aussi, il avait envie de la voir seul. Il demanderait également à relire l’article afin de vérifier ce qu’elle aurait écrit et puis, cela lui donnerait une autre occasion de la revoir s’il lui plaisait. Si ce n’était pas le cas, il pourrait toujours lui envoyer ses commentaires par mail.

Thomas s’enfonça dans son grand fauteuil et sourit. Il était satisfait de son plan. Maintenant, il ne manquait plus que la jeune femme.

oOoOo



Vanessa était bien plus stressée dans la voiture qui l’emmenait jusqu’au manoir des Johnson que le soir du bal. Elle avait préparé une liste de questions vite fait. Elle avait même demandé l’avis d'Emma en urgence qui l’avait aidé un peu. Elle n’était pas du tout habituée à ce genre d’exercice et elle aurait préféré être secondée par un autre journaliste mais cela aurait montré un signe de faiblesse auprès de sa rédactrice en chef.

Elle n’avait pourtant pas envie de rencontrer Thomas Johnson seule. Elle ne s’était pas bien comportée au bal en le fuyant comme elle l’avait fait et elle avait peur qu’il la questionne à ce sujet. Que lui dirait-elle ? Qu’elle était malade certainement. C’était peu plausible mais il ne fallait surtout pas que l’homme pense qu’elle avait été perturbée par l’attention qu’il lui avait portée. Il fallait qu’elle reste neutre et professionnelle. Elle ne pouvait se permettre aucun écart.

La voiture arriva enfin devant le grand portail noir en fer forgé. Le parc du manoir n’avait pas été impressionnant de nuit mais il faisait désormais plein jour et Vanessa découvrit enfin à quoi il ressemblait en réalité. Elle en eut le souffle coupé. Il semblait y avoir des hectares de forêt sous la neige. Au bout de cinq minutes, la forêt s’arrêta pour laisser place à une plaine enneigée qui entourait le manoir, non, le château des Johnson. La demeure était encore plus gigantesque de jour.

Le stress de Vanessa monta encore d’un cran. Ce n’était pas bon. Elle n’allait tout de même pas faire une attaque de panique alors qu’elle n’était même pas encore arrivée.

Quand la voiture s’arrêta enfin, elle sortit son miroir de poche de son sac et vérifia sa coiffure et son maquillage. Quand elle était venue dans les bureaux du magazine, elle s’était habillée comme tous les jours. Mais elle avait été forcée de changer de tenue. L’assistante de Jane avait sorti quelques vêtements de la collection personnelle de sa chef car il était hors de question qu’elle aille interviewer ce cher Thomas Johnson en jean et en pull. Vanessa avait choisi la tenue la plus sobre qu’elle avait trouvée, une veste et une jupe noire avec une chemise blanche. Elle avait l’impression d’aller à un enterrement mais il était hors de question de porter un des tailleurs colorés de sa rédactrice en chef.

Le sol était totalement dégagé de neige comme pour sa première visite. Elle marcha vers l’entrée du manoir et soudain, Vanessa fut surprise par quelque chose qu’elle n’avait pas remarqué la première fois qu’elle était venue. Elle ne vit aucune décoration de Noël à l’extérieur du château. D’ailleurs, elle n’avait vu aucun sapin à l’intérieur. Tout le monde fêtait Noël, c’était une fête très répandue. Pourquoi la demeure des Johnson avait-elle échappé à l’ambiance festive de toute la ville ? Elle chassa vite ces pensées lorsqu’un majordome habillé tout en noir la salua.

“Bonjour, je suis Vanessa Bale, de Fashion Love.” dit-elle à l’attention de l’homme.
“Bonjour, mademoiselle, monsieur Johnson vous attend dans son bureau. Suivez-moi.” répondit-il poliment.

Elle emboîta le pas du majordome qui monta les grands escaliers à la gauche du hall d’entrée. Quand il arriva au premier étage, il prit le premier couloir qui était à sa gauche et marcha pendant cinq minutes. Finalement, ils arrivèrent devant une porte. L’homme toqua sur la porte et l’ouvrit sans attendre de réponse.

“Monsieur, mademoiselle Bale est là !” dit-il.
“Faites la entrer !” répondit l’homme à la voix grave qu’elle reconnut comme étant celle de Thomas Johnson. Son coeur battit plus fort dans sa poitrine et elle voulut s’enfuir en courant mais quand le majordome ouvrit plus grand la porte pour la faire entrer, elle ne put plus reculer.

Elle fit quelques pas. Son hôte était assis devant son bureau et se leva dès qu’il la vit. Son visage s’était illuminé et il lui sourit. Il commença à avancer vers elle. Comme hypnotisée, elle avança également vers lui. Elle leva la main, ce dernier la prit et la baisa à nouveau ce qui la fit rougir.

“Bonjour, mademoiselle Bale !” s’exclama-t-il d’un air amical.
“Bonjour, monsieur Johnson” dit-elle d’une voix tremblante.
“Veuillez vous installer sur ce fauteuil en face de moi.”

Elle s’assit sur le beau fauteuil noir qu’il lui proposa et sortit son bloc-notes et sa plume. Thomas Johnson s’était installé en face d’elle. Il y eut un lourd silence, Vanessa ne sachant pas par quoi commencer. Finalement, il prit la parole.

“Comment avez-vous trouvé le bal ?” lui demanda-t-il.
“Oh… très divertissant.” répondit-elle.
“Je ne vous ai pas vu partir de la soirée. J’espère que vous ne vous sentiez pas mal ?”
“Non, ne vous inquiétez pas,” dit-elle en rougissant. “Je devais rentrer chez moi.”
“Dommage, j’aurais aimé passer un peu plus de temps avec vous.”

Vanessa se sentait de plus en plus mal à l’aise. Thomas Johnson la regardait intensément de ses yeux gris. Elle les évita car à chaque fois, son coeur palpitait plus fort dans sa poitrine quand ses yeux tombaient sur les siens.

“Vous avez demandé à être interviewé par Fashion Love,” se reprit-elle, changeant de sujet. Elle était une professionnelle, oui ou non ? “Vous faites un grand honneur à notre magazine, vous qui êtes si discret sur votre vie privée. Je vous en remercie infiniment !”
“Mais je vous en prie, c’était la moindre des choses !”
“Comment ça ?”
“Comme vous êtes partie un peu vite, vous n’aviez pas eu le temps de me poser toutes vos questions !” dit-il comme si c’était l’évidence même.

Vanessa resta coi. Elle faillit éclater de rire par l’absurdité de ce qu’il disait. Mais en réalité, elle était effectivement venue au bal pour écrire un article sur lui et la soirée. Cela n’était pas absurde.

“Oui, en effet ! Beaucoup de nos lectrices se posent des questions sur vous ! Pourriez-vous vous présenter en quelques mots, s’il vous plaît ?”
“Avant toute chose, vous est-il possible de signer ce contrat, s’il vous plaît ?” lui demanda-t-il en avançant une feuille de papier qui était posée devant lui. “Je suis très discret sur ma vie privée et j’aimerais que cela reste ainsi. J’aimerais également avoir un droit de lecture sur votre article dès que vous l’aurez terminé !”
“Oh…”

Vanessa ne s’était pas attendue à cela. Elle prit le document dans ses mains et le lut attentivement.

“Je vois que je ne peux pas vous poser de questions sur votre vie sentimentale, pourtant, c’est ce que souhaitent connaître nos lectrices…”
“Non, je ne dirai rien sur ma vie amoureuse.”
“Et sur le choix de votre fiancée après le bal ?”
“Non plus !”
“Hum…”
“Je n’accepterai pas d’interview si vous ne signez pas ce papier.” dit-il d’une voix ferme.

Malheureusement, Vanessa n’avait pas le choix. Elle devait repartir avec des informations sur cet homme, peu importait si elles étaient croustillantes ou pas. Elle signa le document.

Thomas Johnson lui fit un grand sourire.

oOoOo



Thomas raconta sa vie à Vanessa, enfin ce qu’il avait envie de rendre publique. Il avait fait une partie de ses études à Oxford puis était parti aux Etats-Unis, à Harvard. Il avait ensuite fait le tour du monde pendant quelques années. Puis, il y avait eu la perte de ses parents deux ans auparavant qui l’avait ramené vers la réalité de son statut. Il avait dû rentrer pour travailler dans l’empire des Johnson. Son oncle avait enfin organisé ce bal pour qu’il trouve une femme. Il parla de son entreprise et de ce qu’il comptait faire dans les cinq prochaines années. De sa vie privée, il ne dit rien puisque Vanessa ne lui posa aucune question y faisant référence, étant liée par le contrat. Elle fut intéressée par ses futurs projets comme la construction d’un complexe hospitalier dans l’un des quartiers les plus défavorisés de la ville.

“Mais comment des personnes qui n’ont pas les moyens pourront se faire soigner dans votre hôpital ?” lui demanda-t-elle tout en prenant des notes dans son carnet.
“Nous avons étudié quel était le prix maximum que pouvait payer la population locale et nous pratiquerons des prix raisonnables.” répondit-il.
“Mais ne pensez-vous pas qu’à force, la qualité des soins s’en trouve affectée, à force de tirer les prix ?”
“Nous ne ferons pas de compromis sur la qualité. Bien sûr, c’est un hôpital où nous ne ferons pas, voire très peu de bénéfice, ce n’est pas notre objectif et nous appellerons aussi à la générosité de nos concitoyens.”

Vanessa le regarda avec un air dubitatif.

“Monsieur Johnson, vous êtes vous déjà promenés dans le quartier dans lequel vous comptez construire le complexe hospitalier ?” demanda-t-elle.
“Hum… je n’y suis jamais allé personnellement si c’est cela que vous me demandez.”
“Pensez-vous que créer un gigantesque hôpital est la réponse pour aider ces gens ?”
“Nous avons bien étudié cet investissement et mes conseillers et moi-même sommes persuadés que c’est ce dont ce quartier a besoin ! J’ai appris que les petits hôpitaux étaient surchargés et qu’ils n’avaient plus les moyens de s’occuper de tous les patients ! Ce nouvel hôpital les soutiendra, de plus, cela permettra à des personnes en situation précaire d’accéder à des soins qu’ils n’ont normalement pas accès !”

Vanessa ne dit plus rien. Cet homme était très sûr de son projet et ne semblait pas vouloir le remettre en question. Pourtant, elle avait plutôt l’impression que la construction de cet hôpital n’était qu’un coup marketing pour le groupe Johnson et certainement un moyen de faire baisser drastiquement ses impôts. En somme, l’entreprise Johnson profitait largement de cet investissement. Ce n’était pas juste un geste de pure générosité.

Ils parlèrent ensuite des autres projets immobiliers que l’entreprise comptait lancer dans les prochaines années. Au bout d’une heure et demie d’interview, elle n’avait plus de questions à lui poser. Elle voulut terminer l’entretien mais Thomas l’arrêta.

“Souhaitez-vous prendre le thé avec moi, mademoiselle ?” demanda-t-il d’une voix qui se voulait charmante.

Vanessa hésita, elle n’avait pas envie de s’attarder avec lui. Surtout qu’elle sentait qu’il voulait lui poser quelques questions à son tour.

“Je dois retourner travailler. J’ai un article à écrire, comme vous le voyez !” fit-elle en montrant son carnet et en le rangeant dans son sac.
“Ne dites pas ça ! Vous avez bien un peu de temps à m’accorder ! Et si vous avez le moindre souci, je contacterai personnellement votre magazine !”
“Euh, non, ne faites pas ça !” dit-elle précipitamment.
“Alors, un thé ?”

L’homme n’avait pas l’habitude se voir refuser quoi que ce soit. Vanessa accepta avec réticence. Thomas lui sourit et appela son majordome pour qu’il prépare le salon d’hiver. Il se leva et enjoignit Vanessa de le suivre. Elle se sentait embarrassée mais ne put qu’acquiescer.

Ils marchèrent pendant une dizaine de minutes, traversant le grand couloir, prenant un escalier différent de celui qu’elle avait pris à l’aller. Puis, ils arrivèrent enfin dans un petit salon doté d'une grande verrière donnant sur le grand parc du domaine des Johnson. La neige était tombée toute la nuit dernière et avait laissé sur la nature environnante un manteau blanc parfaitement immaculé.

Thomas lui proposa de s’asseoir sur un grand fauteuil et il s’assit face à elle. Le majordome apporta le service à thé et les servit. Quand il partit, l’héritier des Johnson prit la parole. Il n’avait pas arrêté de dévorer des yeux Vanessa et cette dernière se sentait de plus en plus mal à l’aise. Elle n’avait sûrement pas autant rougi de toute sa vie.

“Alors, maintenant que vous m’avez posé toutes ces questions, parlez-moi un peu de vous !” lui demanda-t-il.
“Euh… que voulez-vous savoir ? Il n’y a pas grand-chose à dire…” répondit-elle.
“Pourquoi avez-vous choisi de devenir journaliste, par exemple ?”
“J’ai toujours aimé écrire.” dit-elle. “Et pendant mes études à Oxford, je tenais le journal de l’université. Au début, je n’écrivais que des articles, mais les deux dernières années, j’en suis devenue la rédactrice en chef et je me suis rendue compte que j’aimais vraiment ça ! Ecrire pour informer les gens, c’est très intéressant.”
“Pourtant, vous êtes dans un magazine et non dans un quotidien comme The Guardian. Pourquoi Fashion Love ?”
“Car on peut penser ce que l’on veut de ce magazine, il reste atypique. The Guardian reste très conventionnel alors que Fashion Love est totalement libre d'éditer ce qu’il veut. De plus, il n’a pas peur de dire les choses, il n’est pas politiquement correct, et parle aux femmes d’aujourd’hui. Sa ligne éditoriale a totalement changé depuis que Jane Matthews, la rédactrice en chef, est arrivée il y a dix ans !”
“Pour être honnête, je n’aime pas trop cette femme ! Je l’ai rencontré une ou deux fois, il y a très longtemps. Je n’ai jamais aimé son côté tête de fouine !”
“Oui, elle est assez tenace comme personne ! Mais elle est douée dans son domaine !”
“Et quelle est votre ambition ? Prendre la place de Jane Matthews et devenir rédactrice en chef vous-même ?”
“Oh non, en tout cas, si c’était le cas, pas avant bien longtemps ! J’ai encore beaucoup de choses à apprendre ! Mais oui, j’aimerais bien un jour tenir mon propre journal.”

Vanessa fit une pause avant de lui poser à son tour une question qui la turlupinait depuis qu’elle était arrivée.

“Monsieur Johnson, j’ai été assez étonnée de ne voir aucune décoration de Noël dans votre manoir. Est-ce parce que vous comptez les mettre plus tard ?” demanda-t-elle comme s’il était naturel de décorer sa maison pour les fêtes de fin d’année.

Le visage de Thomas s’assombrit.

“Je déteste cette période de l’année !” dit-il d’un air froid.
“Mais comment est-ce possible ? Je veux dire, on parle de la fête de Noël !” insista-t-elle, étonnée par sa réponse.
“Tout le monde n’est pas un adorateur de cette fête, comme vous, mademoiselle Bale !”

Sa réponse cinglante fit taire Vanessa. Elle sentit que le sujet était sensible et n’approfondit pas plus. Un silence gênant s’installa entre les deux personnes. Néanmoins, Thomas le rompit brusquement en posant également une question qu’il avait envie de poser depuis le début de leur entretien.

“Et vous avez un petit ami ?” lui demanda-t-il comme si de rien n’était.

Vanessa faillit s’étrangler avec son thé.

“Et pourquoi donc je répondrai à une question aussi indiscrète ?” répliqua-t-elle d’un air outré. “Vous n’avez pas voulu parler de votre vie privée, je ne vois pas pourquoi je vous parlerai de la mienne !”

Thomas sourit. Elle avait marqué un point.

“Alors, accepteriez-vous de dîner avec moi prochainement ?” l’interrogea-t-il, en ne perdant pas une seconde.
“Comment ? Euh… non… enfin, je veux dire… je ne suis pas sûre que ce soit raisonnable.”
“Comment ça ?”
“Nos relations doivent rester professionnelles !”
“Mais ce sera un dîner professionnel ! Vous pourrez, par exemple, me soumettre votre article ?”

Vanessa inspira profondément. Elle n’avait certainement pas envie de revoir cet homme. Certes, elle le trouvait charmant mais il était aussi nonchalant et prétentieux. De plus, elle n’aimait pas l’air qu’il prenait quand il lui posait des questions, comme si tout lui était dû.

“Je vous recontacterai quand je l’aurai terminé, dans quelques jours ! Mais je ne vous garantis pas un dîner ! Je suis très occupée !” dit-elle d’une voix ferme. “Je dois maintenant vous laisser !”

Elle se leva pour prendre congé. Thomas ne put rien faire pour la retenir et la laissa donc lui dire au revoir.

“A bientôt, monsieur Johnson ! Je vous informerai de l’avancée de l’article. Si j’ai d’autres questions, pourrais-je vous appeler ?”
“Oui, bien sûr, mademoiselle Bale ! A bientôt !”

Il se leva également et l’accompagna jusqu’à la sortie.

“Je vais vous raccompagner jusqu’à votre bureau !” dit-il.
“Non, ce n’est pas nécessaire. Appelez-moi juste une voiture !”
“Mais j’insiste !”
“J’imagine que vous devez être occupé, monsieur Johnson, et je ne vous voudrais abuser de votre précieux temps !”

Thomas éclata de rire. Vanessa rougit car elle le trouva encore plus beau quand il riait sincèrement.

“Etes-vous en train de me faire la leçon, mademoiselle Bale !”
“Euh non…” rougit-elle. “Je suis désolée mais honnêtement, je peux rentrer seule !”
“Alors, soit, juste une voiture !”

Vanessa quitta enfin le manoir des Johnson.

Les muffins de Noël by MinnieMey
Les jours qui suivirent furent compliqués pour Vanessa. Chaque matin, elle recevait un texto de Thomas lui demandant quand elle serait disponible pour qu’ils se voient et elle répondait toujours qu’elle n’avait pas le temps, qu’elle avait un travail, qu’elle ne pouvait pas le voir. Mais il était tenace et il continuait à lui envoyer des messages. Pour elle, cela ressemblait très fortement à du harcèlement et elle en avait plus qu’assez.

De ce fait, elle n’avait pas souhaité le rencontrer pour un dîner afin de lui remettre l’article qu’elle avait terminé de rédiger. Elle le lui envoya juste par mail le jeudi de cette même semaine et attendit sa réponse, qui, à sa grande surprise, n’arriva pas le lendemain. D’ailleurs, elle ne reçut aucun message de sa part de la journée. Avait-il compris qu’il fallait qu’il cesse de la harceler comme il le faisait ? Pourtant, tout au fond d’elle-même, elle était un peu déçue. Mais bien sûr, elle chassa rapidement cette pensée.

Ce n’était pas la seule personne qui la harcelait depuis le début de la semaine. Howard s’y était mis également. Ce dernier avait contacté Emma et sa soeur jumelle lui avait raconté la soirée du bal. Depuis, il ne lâchait plus Vanessa : il lui avait demandé comment s’était passé son interview. Vu qu’elle n’avait pas très envie de discuter de ces quelques heures passées avec l’héritier des Johnson, elle avait été très évasive mais Howard avait insisté. Et elle s’était encore plus refermée sur elle-même. Pourquoi sa vie l’intéressait-il autant désormais ? Et maintenant, il lui proposait de venir déjeuner avec lui quasiment tous les midis ce qu’il n’avait jamais fait auparavant. Son attitude était incompréhensible. Quand Vanessa en avait parlé à Emma alors qu’elle était venue la voir un midi dans sa boutique, cette dernière avait éclaté de rire.

“Tu es vraiment aveugle, Vanessa !” avait-elle juste répondu.

Elle n’en avait pas dit plus et Vanessa était restée seule avec ses questions.

Vanessa n’avait pas non plus entendu parler de Annabelle Merrytown. Celle-ci l’avait menacée mais pour l’instant, elle semblait n’avoir rien tenté. Vanessa était plutôt soulagée mais elle savait que cette femme ne lançait pas de menaces comme ça à la légère. Elle allait très certainement entendre parler d’elle prochainement.

Ce vendredi soir, elle avait prévu de ne pas sortir car elle comptait passer la soirée à cuisiner des muffins et des biscuits, qu’elle distribuerait le lendemain à des enfants dans des hôpitaux. Chaque année, à la période de Noël, elle prévoyait toujours du temps pour participer à des actions sociales. Quand elle était enfant, ses parents l’emmenaient toujours quand ils aidaient pour la soupe populaire ou la bourse aux vêtements. Peu à peu, elle avait compris le sens et le bien-fondé de ces actions. C’était aussi ça, l’esprit de Noël : donner un peu de son temps sans attendre quelque chose en retour. Les gens n’avaient généralement pas besoin de beaucoup pour rendre leur quotidien moins pénible : un sourire, une main tendue, une oreille ou un bon repas chaud suffisait parfois. L’année précédente, elle avait distribué la soupe populaire tous les soirs pendant tout le mois de décembre. L’année d’avant, elle avait donné des cours de soutien gratuits à des enfants issus de milieu défavorisé qui avaient besoin d’aide scolaire. L’année encore d’avant, elle avait participé à une collecte de nourriture dans tous les supermarchés de la ville.

Habillée de son tablier blanc, elle commença à sortir tous les ingrédients pour cuisiner ses muffins. Pour se mettre dans l’ambiance, elle avait mis comme musique de fond des chants de Noël et elle chantait à tue-tête “Let it snow!” quand on sonna à sa porte. Vanessa regarda l’heure. Il était 19h, elle n’avait invité personne. Qui pouvait bien venir la déranger ?

Elle alla ouvrir mais resta bouche bée pendant quelques instants avant de pouvoir parler. Thomas Johnson se tenait devant sa porte et lui souriait à pleines dents. Il tenait une grande enveloppe en kraft à la main. Vanessa se reprit finalement de sa surprise.

“Monsieur Johnson ! Mais que faites-vous là ? Et comment savez-vous où j’habite ?” demanda-t-elle rapidement.
“Bonsoir mademoiselle Bale, je suis désolé de vous déranger à cette heure-ci.” dit-il.

Mais Vanessa voyait bien qu’il n’était pas du tout désolé de la déranger.

“J’ai préféré venir vous voir directement pour vous remettre mes commentaires sur votre article.” continua-t-il. Il lui montra l’enveloppe qu’il avait entre les mains en la secouant légèrement. “Puis-je entrer ?”
“Euh… maintenant ? Vous auriez pu m’envoyer cela par mail ! Vous n’aviez pas besoin de vous déplacer pour cela !”
“Mais non ! Je préférais vous voir directement pour discuter du contenu de l’article.”
“Hum… c’est que… maintenant… ce n’est pas forcément le bon moment…” répliqua Vanessa, embarrassée.
“Ah, vous n’êtes pas seule, c’est ça ? Je vous dérange ?” Thomas tenta de regarder derrière son épaule.
“Non, je suis seule… mais je dois…”

Vanessa inspira profondément. Elle n’avait pas très envie de discuter avec lui mais il ne partirait pas sans une bonne excuse de sa part. Elle ne connaissait pas beaucoup Thomas Johnson mais elle avait déjà compris que c’était une personne très têtue.

“Je dois absolument cuisiner des pâtisseries ce soir, je ne peux pas reporter ! Donc, je n’aurai pas de temps à vous consacrer pour l’article…” s’expliqua-t-elle, en prenant un air faussement désolé.
“Voulez-vous un peu d’aide ?” demanda-t-il brusquement. “Je ne sais pas cuisiner mais je suis sûr que je peux vous aider à quelque chose !”
“Oh, non, ce ne sera pas…”
“Si, si, j’insiste ! Avec mon aide, vous terminerez plus rapidement vos gâteaux et nous pourrons jeter un coup d’oeil sur l’article !”

Thomas la regardait toujours avec ce sourire. Elle était embarrassée, elle n’avait certainement pas envie qu’il rentre dans son appartement, de plus, s’il l’aidait pour ses pâtisseries, et qu’il restait ensuite pour l’article, cela signifierait plusieurs heures seule avec lui. Bien sûr, son ventre se tordit d’excitation à cette pensée mais elle n’avait pas très envie de l’écouter.

“S’il vous plaît !” la supplia-t-il. “J’ai fait tout ce chemin pour venir jusque chez vous, vous n’allez tout de même pas me renvoyer ?”

Et maintenant, il essayait de toucher sa corde sensible. L’homme était doué ! Elle capitula.

“Bon, d’accord ! J’espère vraiment que vous me serez utile !” lança Vanessa en le regardant de haut en bas. Elle était quasiment certaine qu’il n’avait jamais touché une casserole de sa vie.
“Vous ne le regretterez pas !” répondit Thomas en lui offrant un sourire encore plus grand.
“Entrez !” bredouilla-t-elle en rougissant, elle cacha sa gêne en se cachant derrière sa porte d’entrée.

Thomas entra dans son appartement et fut surpris par la décoration de Noël de Vanessa. Il resta estomaqué quelques instants en voyant le grand sapin qui trônait au fond du salon, proche des fenêtres. Il clignotait de couleurs différentes. Il avança de quelques pas et aperçut les guirlandes sur les murs, les boules, les figurines, même le gui ! Il se retourna vers Vanessa qui le regardait avec appréhension. Elle n’avait pas l’habitude de faire entrer un homme dans sa maison et elle savait que son chez-elle était particulièrement girly, surtout en cette période de Noël.

“Je vois que vous adorez Noël !” fit-il d’un air moitié-railleur, moitié-impressionné.
“Oui, j’adore cette fête ! Dommage que vous ne partagiez pas cette passion !” lança-t-elle.
“Et pourquoi donc ?”
“Car vous perdez beaucoup ! J’adore Noël ”
“Mais pourquoi ? Je n’ai jamais compris tout cet engouement pour cette fête commerciale !”
“Mais Noël, ce n’est pas du tout commercial ! Vous ne pensez qu’à tous ces cadeaux que les gens s’offrent !”
“Et aussi à l’industrie des marchés de Noël, des décorations, de la nourriture festive et j’en passe ! Ne me dites pas que vous êtes aussi naïve !”
“Je ne suis pas naïve !” s’écria-t-elle, vexée. “Noël, ce n’est pas que ça ! Si je n’avais pas les moyens de m’acheter des décorations, j’adorerais quand même Noël. Car ce qui m’intéresse, ce n’est pas tout ça, mais son esprit ! Cette fête apporte énormément de bonheur aux enfants mais pas que, aux adultes aussi ! Les gens sont plus positifs et joyeux ! C’est aussi un moment où nous pouvons donner sans restriction, sans honte ! Et même si parfois, ce n’est qu’un peu, et pas besoin d’offrir une montre hors de prix ou une robe luxueuse, un peu de soutien peut parfois rendre le sourire à des gens qui en ont besoin ! L’esprit de Noël, c’est redonner de l’espoir aux gens !”

Thomas avait écouté Vanessa sans dire un mot. Il se détourna d’elle finalement. Elle s’approcha de lui.

“Pourquoi n’aimez-vous pas Noël ? J’ai l’impression qu’il n’y a pas que le côté commercial que vous n’appréciez pas, n’est-ce pas ?” demanda-t-elle d’un air prudent.

Elle savait qu’elle rentrait dans la sphère privée de Thomas Johnson et ce dernier n’aimait pas qu’on lui pose des questions trop indiscrètes. En même temps, cette fois, elle n’avait pas signé de contrat lui interdisant de l’interroger sur des choses personnelles. Elle se mit face à lui et le regarda dans les yeux. Il semblait gêné.

“Je n’aime pas Noël parce que… c’est une fête qui a toujours été... décevante…” Il détourna à nouveau le visage. Et cette fois, Vanessa sentit qu’il n’en dirait pas plus. Elle décida de changer de sujet.

“Et si nous les faisions ces muffins !” dit-elle d’une voix plus réjouie. “Donnez-moi votre manteau, s’il vous plaît ! Et votre veste également car vous risquez de vous salir !”

Thomas se déshabilla et Vanessa prit ses vêtements pour les pendre sur son porte-manteau. Puis, elle sortit un grand tablier de son placard et le lui remit entre les mains.

“Il est hors de question que je porte ça !” lança-t-il d’un air dégoûté en regardant le tablier à fleurs.
“C’est soit vous portez ça, soit vous allez vous salir ! Cuisiner, ça n’a jamais été propre comme activité ! Enfin, si cela ne vous dérange pas de mettre de la farine ou du chocolat sur votre complet Chanel, c’est comme vous voulez !”

Vanessa le regarda intensément, elle voyait bien qu’il réfléchissait. Il n’avait certes pas envie de salir à jamais ses vêtements mais porter un tablier aussi immonde semblait au-dessus de ses forces. Elle tourna les talons et entra dans sa cuisine. Finalement, Thomas la suivit, habillé du tablier ridicule. Elle faillit éclater de rire quand elle le vit ainsi habillé mais elle ne devait pas lui montrer qu’il n’était pas à son avantage dedans, sinon, elle allait le vexer. L’homme avait sa fierté. Pourtant, elle le trouvait plus attendrissant dans son tablier à fleurs.

“Alors, dites-moi ce que je dois faire !” demanda-t-il avec un sourire.
“Veuillez mesurer la farine avec ce verre doseur, il m’en faut 150 grammes ! Ensuite, vous pourrez la mettre dans ce grand bol ! Puis, vous casserez trois oeufs !” lui répondit-elle.

Thomas resta interdit pendant quelques instants. Vanessa l’observa, les yeux plissés.

“Vous n’avez jamais cassé des oeufs, c’est ça, monsieur Johnson ?”
“Euh…”

Il était très embarrassé et commença à rougir.

“Je vous ai dit que je ne savais pas cuisiner…” dit-il d’un air penaud.

Vanessa le trouva encore plus charmant.

“Ne vous inquiétez pas, je vais vous apprendre !” s’écria-t-elle en lui souriant tout en lui lançant un clin d’oeil.

Il se détendit. Après qu’il ait mesuré la farine et qu’il l’ait mise dans un grand bol, Vanessa lui montra comment casser des oeufs en lui demandant d’en casser dans un petit bol avant de les rajouter dans le grand bol.

“Surtout, faites attention à ne pas laisser de coquille !”

Thomas appliqua les conseils de Vanessa consciencieusement. Puis, il fut de corvée de mélanger la pâte pendant que Vanessa préparait une pâte à biscuits. Vanessa jetait des coups d’oeil discrets vers son invité et sourit. Voir le grand héritier Johnson aussi concentré fit cogner son coeur un peu plus fort dans sa poitrine. Elle le trouvait décidément plus charmant, habillé de son tablier, une mèche de cheveux pendant sur un côté de son visage, les yeux plissés, le visage attentif. En cet instant, il n’avait plus rien de l’homme fier et prétentieux qu’il prétendait être.

Il capta son regard et releva le regard en plongeant ses yeux gris dans les siens. Par Merlin, qu’il est beau ! ne put-elle s’empêcher de penser. Elle se ressaisit.

“Maintenant que vous avez bien mélangé la pâte, nous allons pouvoir ajouter le chocolat fondu !” dit-elle rapidement. “Attention, c’est chaud !”

Vanessa approcha une petite casserole de chocolat noir fondu et la versa doucement dans le grand bol.

“Vous pouvez mélanger mais doucement, sinon, vous allez en mettre partout sur vous et le plan de travail !”
“D’accord !” dit-il simplement.

Il reprit son travail consciencieusement sans dire un mot supplémentaire. Vanessa entendit “Douce nuit” en musique de fond et ne put s’empêcher de chanter doucement.

“Vous avez une très jolie voix !” ne put s’empêcher de dire Thomas qui avait relevé la tête vers elle.
“Oh… merci !” dit-elle en rougissant. “J’adore les chansons de Noël !”
“C’est ce que j’avais compris !” rit-il.
“Oui, désolée ! C’est ma playlist spéciale Noël ! Vous voulez peut-être écouter autre chose ?”
“Non, pas du tout ! Cela me va ! Surtout si vous continuez à chanter !”
“Euh…”

Vanessa sentit son visage devenir rouge pivoine.

“Vous… avez fini de mélanger la pâte ?” demanda-t-elle en tentant d’effacer sa gêne.
“Oui, regardez ! Est-ce que cela vous convient ?”
“C’est parfait ! Nous allons maintenant la mettre dans des moules ! Laissez-moi faire !”

Elle répartit la pâte à muffins dans douze moules qu’elle avait beurré à l’avance. Thomas la regarda faire d’un air impressionné. De toute sa vie, il n’avait jamais vu une seule personne cuisiner, on lui avait toujours préparé ses plats et il n’était jamais entré une seule fois dans la cuisine de son manoir. Quand la pâte fut enfin répartie, Vanessa les mit dans son four déjà chaud et activa un minuteur.

“Dans vingt minutes, ce sera cuit ! Maintenant, faites la même chose, sauf que cette fois, au lieu de cuisiner des muffins au chocolat, on fera des muffins aux myrtilles !”

Ils continuèrent encore pendant deux heures. Pendant qu’ils cuisinaient, Vanessa avait débouché une bouteille de vin rouge et ils cuisinaient tout en sirotant leur vin. L’ambiance était de plus en plus détendue et ils partageaient des anecdotes de leur vie. Elle apprit qu’en effet, Thomas n’avait jamais cuisiné de sa vie auparavant, que sa mère avait été très stricte quand il était enfant et qu’il avait passé une partie de sa vie à se rebeller contre les contraintes de son statut. Il avait fait le tour du monde pendant trois ans et ne s’était pas rasé pendant toute cette période. Vanessa exigea une photo qu’il refusa de lui donner. Il y a deux ans, malheureusement, son destin d’héritier l’avait rattrapé. Ses parents étaient décédés d’un tragique accident et étant l’unique héritier, il avait dû revenir à la réalité de ses devoirs.

Vanessa lui raconta également son enfance heureuse. Elle adorait lire, écrire et surtout cuisiner. C’était une passion qu’elle partageait avec sa mère. Malheureusement, elle n’avait pas eu une vie aussi intense que Thomas. Après ses études, elle était juste montée dans la capitale et avait commencé à travailler. Elle aurait aimé faire le tour du monde comme lui mais elle n’en avait pas les moyens. Peut-être un jour, quand elle aurait assez d’argent, pourrait-elle réaliser ce rêve.

Finalement, ils réussirent à cuisiner une cinquantaine de muffins et commençaient désormais les biscuits au beurre. Thomas s’était amusé à créer des formes assez farfelues alors que Vanessa était restée dans le standard. Elle découpa des biscuits en forme d’étoile, de bonhomme de neige, de cerf ou de sapin. Elle jeta un oeil au-dessus de l’épaule de Thomas.

“C’est quoi cette forme ?” lui demanda-t-elle en voyant une forme longue.
“C’est un palmier !” répondit-il fier de lui.
“Un palmier ? Vraiment ? On dirait plutôt une forme de baguette de pain bizarrement recourbée sur elle-même !”
“Mais pas du tout ! Vous voyez, là, ce sont les grandes feuilles du palmier, et là, son tronc !”
“N’importe quoi ! Et c’est quoi cette autre forme ?” s’écria-t-elle en pointant sur un autre biscuit bizarre.
“C’est un coeur !” dit-il en rougissant.
“Un coeur, ça ? Mais ça ressemble à un rond. Regardez, c’est comme ça qu’on fait un coeur !”

Et avec son couteau, elle corrigea la forme ronde pour lui rendre une réelle forme de coeur.

“Et voilà !”
“Pff…!”

Elle éclata de rire.

“Découper un coeur ? Je ne vous savais pas aussi romantique, monsieur Johnson ! On fait des biscuits de Noël, pas des biscuits pour la Saint Valentin !”
“Ne vous moquez pas, mademoiselle Bale ! Je suis quelqu’un de très romantique ! Et appelez-moi Thomas !”

Vanessa continua à rire.

“Je demande à voir ! D’accord pour Thomas, mais seulement si vous m’appelez Vanessa !”

Thomas sourit.

“D’accord ! Et si vous aviez accepté ma proposition de dîner, vous auriez vu quel homme romantique je suis !”
“Oh, j’imagine que pour vous, être romantique, c’est réserver un restaurant entier pour vous seul où vous inviteriez votre belle et lui proposeriez les plats les plus raffinés ! Vous termineriez le repas par lui offrir mille roses rouges !”
“Et alors, ce n’est pas romantique, ça ?” s’écria-t-il d’un air légèrement vexé.
“Il y a dix-mille façons d’être romantique, Thomas ! Et toutes ne comportent pas forcément de l’argent ! Pour moi, ce serait de l’argent jeté par les fenêtres ! Je préfère largement une balade au clair de lune ou boire un chocolat chaud avec ma moitié au coin du feu ! C’est cent fois plus romantique !”

Thomas resta quelques instants dubitatif.

“C’est si romantique que ça de boire du chocolat chaud devant une cheminée ?”
“Si vous êtes avec la personne que vous aimez, bien sûr que c’est romantique !” s’exclama-t-elle d’une voix assurée. “Vous avez encore beaucoup de choses à apprendre de ce côté-là !”

Il ne s’en offusqua pas car il se rapprocha de Vanessa.

“Alors, apprenez-les moi !” dit-il avec ferveur.
“Qu… Comment ?”

Elle avait agrandi ses yeux. Qu’entendait-il par-là ? Thomas se rendit enfin compte de ce qu’il avait dit en voyant le visage de Vanessa et se rétracta.

“Excusez-moi !”

Il se détourna d’elle et finit de découper la pâte à biscuits.

Les biscuits désormais au four et leur tabliers enlevés, ils s’installèrent sur le canapé pour jeter un oeil sur l’article de Vanessa.

“Franchement, vous ne m’avez pas montré sous mon meilleur jour !” lui lança-t-il sur un ton railleur.
“Comment ça ?” demanda-t-elle d’un air innocent.

Il lut quelques passages de son article à voix haute : “Thomas Johnson, cet homme de premier abord séduisant avec son sourire charmeur, n’est en réalité qu’un chef d’entreprise avisé, consciencieux et soucieux de son image”, “Son projet d’hôpital dans un quartier défavorisé semble trop beau pour être vrai. Chaussé de ses Paul Smith, il n’a certainement jamais foulé les rues de Peckham et ne connaît pas la réalité de ce district”, “En creusant un peu, on se rend vite compte que le projet n’est en réalité qu’une transaction financière…”

“Honnêtement, quand j’ai lu votre article hier au petit-déjeuner, j’ai failli m’étouffer !” s’écria-t-il.

Vanessa se sentit subitement mal à l’aise. Était-elle allée trop loin ? Devant son embarras, Thomas éclata de rire. Elle le regarda surprise.

“Pourquoi rigolez-vous ?” l’interrogea-t-elle, incertaine.
“Je préfère cent fois lire un article tel que le vôtre que ceux qu’on nous propose dans The Guardian, qui sont toujours trop lisses et trop politiquement corrects ! J’avoue avoir tiqué quand vous avez dit que je n’étais soucieux que de mon image mais vous vous êtes rattrapée en disant également que j’étais séduisant ! Donc, cela me va !”

Il lui fit un clin d’oeil. Elle rougit.

Finalement, Thomas n’avait pas beaucoup de commentaires à faire sur son article. Il pinailla sur deux-trois choses mais en réalité, cela ne justifiait pas sa venue jusque chez elle. Néanmoins, Vanessa n’était plus offusquée. Elle avait apprécié qu’il cuisine avec elle car elle l’avait vu sous un nouveau jour.

“Qu’allez-vous faire de toutes ces pâtisseries ? Vous ferez une vente demain ?” demanda-t-il alors qu’il rangeait l’article dans l’enveloppe en kraft.
“Non, pas du tout !” s’écria-t-elle. “Je compte les distribuer à des enfants dans des hôpitaux du quartier.
“Vraiment ?”
“Oui, ce sont des enfants qui ont de graves maladies et qui restent continuellement à l’hôpital. Je vais les visiter dans leur chambre et leur donner un muffin et un paquet de biscuits ! J’ai crocheté ça aussi, ces derniers mois, en vue de cette visite !”

Vanessa attrapa une boîte en carton qui était posée à côté du canapé et l’ouvrit devant Thomas. Il y découvrit des amigurumi de forme et de taille différente : des lapins, des oiseaux, des tortues, des baleines… Thomas attrapa l’une des petites peluches et l’admira.

“C’est magnifique !” lança-t-il d’un ton appréciateur.
“Oh, ce n’est pas grand chose !” répondit-elle simplement. “J’en donnerai un à chaque enfant, avec les gâteaux. Cela risque d’être une longue journée !”
“Puis-je vous accompagner ?”
“Euh… vous voulez m’accompagner ?” l’interrogea-t-elle d’un air surpris.
“Oui, cela m’intéresse de rencontrer ces enfants. Et je vous avoue, maintenant que j’ai cuisiné ces pâtisseries, j’aimerais savoir si les personnes à qui vous allez les donner les aimeront ! Je n’ai jamais fait ça ! Et j’aimerais vraiment connaître un peu plus votre quotidien !”

Vanessa le regarda intensément. Quelques heures auparavant, elle aurait certainement refusé qu’il l’accompagne mais après la soirée qu’ils venaient de passer, son opinion sur l’homme avait changé. Ses yeux gris étaient sincères. De plus, son coeur criait qu’elle avait très envie de le revoir. Partager ce moment avec lui serait sûrement très instructif et l’aiderait certainement à mieux le connaître.

“D’accord” dit-elle finalement.

Thomas lui lança un large sourire qui fit encore plus palpiter le coeur de Vanessa.
La perfidie d'une seule femme by MinnieMey

“Quoi ?” s’écria Emma qui faillit s’étouffer avec son scone.

Etant donné que Vanessa avait été prise toute la semaine, les deux amies avaient décidé de manger ensemble un petit-déjeuner à l’appartement de Vanessa avant qu’Emma ne parte à son travail.

“Raconte-moi cette soirée romantique avec Thomas Johnson !” dit Emma avec attente.
“Ce n’était pas romantique !”
“Comment ça ? Pas romantique ? Vous avez cuisiné des pâtisseries ensemble toute la soirée et tu dis que ce n’était pas romantique ! J’imagine vos mains se liant en pétrissant la pâte à biscuits… C’est le summum du romantisme !”
“N’exagère pas quand même, Emma !” rit Vanessa. Son amie avait tendance à tout surenchérir.

Vanessa lui raconta le déroulement de la soirée. Emma l’écouta avidement, en buvant son café.

“Et il n’a pas essayé de t’embrasser ?”

Vanessa fut choquée par la question.

“Thomas est un vrai gentleman ! Il ne m’aurait jamais embrassé !”
“Ah oui ? A part ça, comment tu l’as trouvé ? Est-il toujours aussi mignon ?” demanda-t-elle les yeux pleins  de curiosité.
“Il était… plutôt cool !” répondit Vanessa en rougissant.
“Alors, tu ne le trouves plus aussi prétentieux que lors de l’interview ?”
“Il… était différent ! Lors de l’interview, j’avais l’impression qu’il ne voulait que m’impressionner avec son entreprise, sa maison et sa richesse. Mais hier, je l’ai senti beaucoup plus humble. A mon avis, il ne s’attendait pas à passer sa soirée à faire des muffins ! Et j’ai passé… un moment très agréable !”

Emma la regarda d’un air plein de sous-entendus.

“Quoi ?” s’exclama Vanessa en captant le regard de son amie.
“Mais rien !” s’écria Emma, l’air de rien. “Tu aurais dû le prendre en photo !”
“Une photo ?”
“Mais Thomas Johnson avec un tablier à fleurs ! C’est quelque chose à voir au moins une fois dans sa vie !”
“C’est vrai qu’il était très viril dans cette tenue !”

Elles éclatèrent de rire.

“Bon et maintenant ? Que comptes-tu faire ?” l’interrogea Emma après avoir englouti un nouveau scone.

Vanessa se demandait toujours comment son amie pouvait engloutir autant de nourriture sans prendre un seul gramme. Cela devait être dans les gênes Harrington car Howard avait la même constitution. Si Vanessa mangeait plus que nécessaire, elle savait qu’elle prendrait tout de suite un ou deux kilos. Elle faisait donc toujours attention.

“Pour l’instant, je ne ferai rien ! Il vient juste me chercher à 10h30 et ensuite, on ira ensemble distribuer les pâtisseries et les petits cadeaux que j’ai préparés.”
“Et c’est tout ?”

Vanessa inspira profondément. Elle n’avait pas vraiment réfléchi à tous les événements qui s’étaient déroulés depuis dix jours. Elle avait l’impression de vivre une autre vie que la sienne. Son premier article, le bal, la rencontre avec Thomas, l’interview, son deuxième article, la soirée de la veille et désormais la journée à venir. Bref, cela faisait un peu trop de choses pour elle en très peu de temps… De plus, c’était la période de Noël et elle ne pouvait pas en profiter comme elle le souhaitait en travaillant autant même si ce n’était pas pour lui déplaire. Elle n’était pas allée une seule fois au marché de Noël et n’avait pas bu un seul vin chaud, à son plus grand désespoir. Heureusement pour elle, elle avait acheté à l’avance les cadeaux qu’elle comptait offrir.

“Je ne veux pas me faire de film, Emma ! Ma vie est un peu trop chamboulée en ce moment. Donc, oui, ce sera tout… pour l’instant.”

oOoOo



A 10h30 précise, Thomas arriva dans sa berline noire. Il avait bien sûr un chauffeur qui conduisait pour lui. Lorsque la voiture s’arrêta au niveau de Vanessa, le chauffeur sortit de la voiture et vint prendre les cartons qu’elle portait dans ses bras pour les mettre dans le coffre. Thomas sortit également pour lui proposer de s’asseoir à ses côtés. Elle lui sourit et s’installa sur la banquette arrière.

“Vous allez bien, Vanessa ?” lui demanda Thomas après s’être installé à son tour.
“Oui très bien et vous ?”
“Très bien, merci !”
“Je vous remercie de m’emmener et de m’accompagner pendant ces visites. Honnêtement, vous risquez de vous ennuyer, ce sera assez monotone pour vous !”
“Mais pas du tout ! Bien au contraire ! Je n’ai jamais fait cela de ma vie !”

Thomas avait l’air ravi mais Vanessa n’était pas vraiment rassurée. Ce qu’allait voir Thomas n’était sûrement pas le genre de chose qu’il avait l’habitude de voir au quotidien, elle espérait qu’il ne serait pas choqué ou écoeuré.

oOoOo



Le chauffeur ainsi que les deux occupants de la berline ne virent pas la voiture noire qui les suivait. Annabelle Merrytown, assise sur la banquette arrière de sa propre voiture, était en train de se ronger un ongle. C’était une très mauvaise habitude qu’elle avait quand elle était stressée. Pourtant, ses mains étaient parfaitement manucurées. Mais cela ne l’empêchait pas de mordiller son faux ongle. Si elle avait pu, elle se le serait arraché sur place tellement elle bouillonnait de colère.

Comment cette moins-que-rien de Vanessa Bale se trouvait-elle à l’instant même dans la voiture de Thomas Johnson ? Depuis leur première rencontre, elle avait fait suivre la jeune femme. Elle savait que cette parvenue était retournée au manoir des Johnson, malgré ses menaces. Elle avait su aussi que l’héritier des Johnson avait passé la soirée de la veille chez cette femme. Quand elle l’avait appris, elle avait failli sauter sur la gorge du messager, son pauvre garde du corps, pour l’étriper. A la place, elle avait jeté par terre tous les objets fragiles de sa chambre. Elle s’était même coupé la main.

Elle regarda le pansement qu’elle avait sur le dos de sa main droite. Cette coupure lui permettait de ne pas oublier la honte et la haine qu’elle avait ressentie. Jamais ne l’avait-on traité ainsi et il était hors de question que cette situation continue.

Elle avait un plan dans la tête.

oOoOo



Vanessa et Thomas arrivèrent dans un premier hôpital. Ils furent accueillis par l’un des médecins qui les emmena à l’étage du service pédiatrique.

Ils avancèrent dans le couloir les bras chargés de cartons. Vanessa avait refusé que le chauffeur, prénommé Anthony, ne serve que de “porteur de carton” et en avait pris un sous son bras, ce qui avait obligé Thomas à faire de même. Ce dernier avait néanmoins demandé au chauffeur de porter le troisième carton.

Vanessa les avait également obligés à porter un bonnet rouge de Noël sur la tête. Thomas avait refusé en bloc au début mais devant l'insistance de la jeune femme, il avait été obligé de s’incliner. Même Anthony avait dû accepter les lubies de Vanessa. Pendant qu’ils marchaient, Thomas avait l’impression d’être ridicule, les gens se retournaient à leur passage et les dévisageaient. Et visiblement, cela faisait rire Vanessa puisqu’elle n’avait pas quitté son sourire qu’elle avait affiché dès qu’elle l’avait vu avec le bonnet. Il rumina dans son coin.

Ils arrivèrent enfin dans la section des malades de longues périodes. Thomas appréhendait un peu, c’était la première fois qu’il faisait ce genre de choses.

Ils entrèrent dans une première chambre. Ils y trouvèrent un enfant âgé de 8 ans qui jouait sur sa Game Boy. L’enfant était accompagné de sa mère qui était en train de lui éplucher une pomme. Elle se leva dès qu’elle les vit.

“Bonjour madame ! Je suis Vanessa et voici mes amis Thomas et Anthony. Nous faisons partie de l’Association “Pour un Sourire” et nous avons un petit quelque chose pour Adrian.”
“Bonjour !” dit la mère. “Dis bonjour Adrian !” lança-t-elle à son enfant qui n’avait pas levé la tête de sa console de jeux portable.

Elle sourit et s’approcha de son enfant en lui chuchotant quelques mots à l’oreille. Il releva enfin la tête de sa console portable et tourna une mine curieuse vers les personnes dans sa chambre. Adrian portait un bonnet en laine qui devait certainement protéger sa tête nue et Thomas remarqua que l’enfant n’avait pas de sourcil. Sa peau était très blanche et il avait des cernes sous les yeux. Il semblait malade, pourtant, ses yeux pétillaient quand il les regarda.

“Bonjour Adrian !” lança Vanessa en s’approcha du lit de l’enfant.
“Bonjour ! Vous m’avez apporté un cadeau ?” s’écria Adrian d’un air avide.
“Adrian !” le gronda sa mère.

Vanessa sourit. Elle s’assit sur une des chaises de la chambre et posa son carton à ses pieds. Thomas se posta derrière elle.

“A quoi tu joues ?” lui demanda-t-elle.
“A Super Mario !” répondit Adrian content de pouvoir parler de son jeu préféré.
“J’avais jamais vu une Nintendo Switch de cette couleur !”
“C’est le tout dernier modèle, la Nintendo Switch Lite !”
“Et qu’est-ce qu’elle a de mieux que les anciennes versions ?”
“Elle est plus performante, je peux jouer plus longtemps et les designs des jeux sont supers ! Et puis, je peux jouer en ligne avec mes copains !”

Thomas avait du mal à suivre la conversation. Il regarda la console de jeux avec beaucoup de curiosité.

“Est-ce que tu me peux me montrer comment on y joue ?” demanda-t-il soudain à l’enfant en pointant du doigt la console.
“Oui bien sûr ! Viens, je vais te montrer !” lança Adrian en proposant à l’homme de s’asseoir à côté de lui sur son lit.

Il s’assit à côté du garçon et prit la console entre ses mains. Adrian lui montra comment jouer à Super Mario. Thomas éclata de rire, il n’avait jamais touché à une console portable de sa vie. Il aima bouger ses doigts pour pousser les différents boutons et contrôler le personnage qui s’affichait sur l’écran. Il le fit sauter, courir, lancer des attaques… Il demanda des conseils à Adrian dès qu’il se trouvait coincé et l’enfant le guidait en se moquant de ses piètres prouesses.

“Haha tu es tombé ! T’es mort !” s’esclaffa le garçon.
“Je peux faire une autre partie ?” demanda Thomas, frustré d’avoir perdu aussi rapidement.
“Mais oui, regarde, t’appuies sur Continue.”

Vanessa les regarda les yeux ébahis. Le grand Thomas Johnson, coiffé d’un bonnet rouge de Noël, était en train de jouer sur une Nintendo Switch avec un garçon de 8 ans. La scène était surréaliste. Elle fut tentée de sortir son portable pour le prendre en photo comme le lui avait suggéré Emma afin d’immortaliser ce moment unique mais elle n’avait pas le coeur à lui faire ça, lui qui détestait qu’on le prenne en photo. Elle avait eu peur que Thomas se sente mal à l’aise mais au contraire, il était comme un poisson dans l’eau. Au bout d’une dizaine de minutes, elle se racla néanmoins la gorge. Ils avaient encore d’autre enfants à visiter et ils ne pouvaient pas s’éterniser ici. Thomas releva la tête et d’un seul regard, comprit. Il redonna la console portable à Adrian en le remerciant et se leva pour se reposter derrière Vanessa.

“Adrian, nous avons apporté quelque chose pour toi !” dit-elle avec un sourire.

Le garçon se releva dans son lit et les regarda de nouveau avec attente. Vanessa sortit un petit paquet contenant un amigurumi. Quant à Thomas, il sortit un paquet de pâtisserie avec un muffin et quelques biscuits. Adrian accepta les deux cadeaux avec joie. Il goûta immédiatement un biscuit et eut un air de plaisir sur le visage.

“C’est bon !” dit-il.

Quand il découvrit la pieuvre en amigurumi, il éclata de rire.

“Je suis plus un bébé !” lança-t-il mais il déposa quand même la petite peluche sous son oreiller. “Merci !”
“Mais je t’en prie ! Prends bien soin de toi Adrian ! Tu es un enfant vraiment courageux !” dit Vanessa.
“Merci encore pour le jeu !” dit à son tour Thomas.

Et ils quittèrent la chambre d’Adrian pour visiter un autre enfant.

oOoOo



Au bout de deux heures et demie, ils revinrent vers la voiture déchargés de leurs cartons. Ils avaient distribué tous les paquets qu’ils avaient prévu d’offrir dans cet hôpital. Vanessa avait préparé d’autres cartons pour les deux hôpitaux qu’ils comptaient visiter. Dès qu’ils sortirent, Thomas en profita pour retirer le bonnet rouge stupide qu’il avait sur la tête. Il savait qu’il devrait encore le porter mais il était hors de question qu’il porte ce couvre-chef à l’extérieur.

“Il va falloir que nous distribuions plus vite les cadeaux car nous n’avons plus beaucoup de temps. Le troisième hôpital ferme à 17h, donc, nous devons nous dépêcher,” fit Vanessa. “J’espère que vous n’avez pas trouvé ça trop long, Thomas !”
“Non, pas du tout, c’était très intéressant et cela m’a fait plaisir de voir tous ces enfants heureux ! Surtout qu’ils ont l’air d’avoir apprécié nos pâtisseries !”

Vanessa lui jeta un coup d’oeil, il était visiblement content. Elle avait aimé l’attitude de l’héritier des Johnson. Il avait mis de côté son arrogance pour parler avec les enfants sans aucune aversion. Il avait d’ailleurs été très populaire parmi les malades. Il tenait même à la main un dessin qu’une petite fille lui avait offert.

Ils arrivèrent enfin à la voiture mais furent surpris de voir le coffre de celle-ci ouverte. Ils se rendirent directement à l’arrière et ce qu’ils virent les horrifièrent : le coffre avait été forcé et tous les cartons des cadeaux avaient été ouverts et les petits paquets avaient été mis en miettes. Vanessa vérifia chaque carton pour découvrir les pâtisseries en bouillie et les amigurumi, certainement tailladés avec un couteau. Les cadeaux étaient irrécupérables.

Vanessa, les yeux en larmes, regarda Thomas. Celui-ci était tout aussi mortifié qu’elle mais elle sentit qu’il vibrait également de colère car il serrait les poings.

“Qui a pu agir de la sorte ?” lança-t-il d’une voix grondante.
“Je ne sais pas. Mais c’est horrible d’avoir fait ça,” dit Vanessa, d’une voix blanche.
“Si je le tenais, je le tuerais !” fit-il en donnant un coup sur le coin de la voiture.

Vanessa sursauta. Elle regarda autour d’elle pour voir s’il pouvait y avoir un suspect qui traînerait dans les parages mais elle ne vit aucune personne de louche. Sans vraiment y réfléchir, elle chercha instinctivement une berline noire. Elle ne pouvait pas s’empêcher de penser que c’était certainement l’oeuvre d’Annabelle Merrytown. Vanessa n’avait pas d’ennemi, en tout cas, pas d’ennemi déclaré avant de rencontrer Thomas. Et la noble l’avait ouvertement menacée quelques jours auparavant. Vanessa n’avait pas vraiment tenu compte de ses menaces, les prenant à la légère. Désormais, elle savait de quoi était capable Annabelle. Sa colère monta d’un cran.

“Nous allons devoir annuler la visite des autres hôpitaux. Je vais les appeler tout de suite.” dit Vanessa, d’un air triste, en sortant son portable.

Elle était dépitée. Thomas quant à lui fouillait dans les cartons pour voir si un seul cadeau était intact mais ils avaient tous été sauvagement détériorés.

oOoOo



Emma, Howard et Vanessa marchaient vers un bar dans le quartier de Soho. Vanessa, comme elle l’avait promis à James, avait organisé une soirée de retrouvailles avec ses anciens amis d’Oxford mais elle avait préféré le faire dans un lieu neutre plutôt que chez elle. Elle avait trouvé ses deux amis Harrington très réticents devant sa proposition mais elle leur avait assuré qu’il y aurait leurs amis de la fac. Dès qu’ils entrèrent dans le pub, ils furent en effet accueillis par deux de leurs anciens camarades qui s’étaient déjà commandés des bières.

Ils se saluèrent à renfort de cris. Quand d’autres amis arrivèrent à leur tour, ils les sifflèrent sans faire attention aux regards de mépris que les clients leur envoyèrent. Et quand finalement James fit son apparition, l'excitation fut à son comble. Seuls Emma et Howard ne participèrent pas à cette effusion de joie.

Ils s’échangèrent des banalités tout en commandant leur boisson et trinquèrent bruyamment.

Emma boudait dans son coin, Howard se sentait mal à l’aise mais ce dernier participait néanmoins à la conversation bien qu’il répondait à James d’une manière froide. Ce dernier, ne s’offusquant pas de la tiédeur de son ancien ami, avait l’air très heureux d’être là et avait lancé un regard de reconnaissance à Vanessa qui lui fit un grand sourire.

“Oh, arrête de faire cette tête !” lança Vanessa à son amie qui était assise juste à côté d’elle.
“Je ne sais même pas pourquoi je suis là !” s’écria Emma. “Je n’étais même pas dans la même fac que vous à Oxford !”
“Oui, mais tu traînais toujours avec nous ! Franchement, tu devrais faire un effort. Regarde Howard !”
“Oui, mais c’est pas Howard qui s’est fait humilier !”
“Oh, je t’en prie, Emma, c’était il y a plus de trois ans cette histoire. OK, tu ne peux pas pardonner à James mais au moins, parles un peu avec les autres ?”

Emma se renfrogna un peu plus plus mais n’en perdit pas le nord pour autant.

“Alors, cette journée avec Thomas Johnson ?” lui chuchota-t-elle d’un air malicieux.

Ce fut au tour de Vanessa de perdre sa bonne humeur. Emma se redressa sur son siège en voyant l’air inquiet de son amie.

“Cela s’est plutôt mal terminé !” dit Vanessa.
“Comment ça ?”
“Avec Thomas, ça s’est bien passé, il était content de faire la tournée des hôpitaux avec moi. Lorsque l’on a visité le premier hôpital, il s’est très bien comporté, bien mieux que je ne le pensais. Malheureusement, quand on est retourné à la voiture, tous les cadeaux qu’on comptait offrir par la suite ont été sabotés.”
“Quoi ?” s’écria Emma si fort qu’elle fit tourner la tête de leurs amis. “Désolée ! Reprenez votre conversation ! Comment et pourquoi ?” souffla-t-elle à l’oreille de Vanessa.

Vanessa lui raconta tout. Les menaces d’Annabelle Merrytown et ses soupçons.

“Bonté divine !” lança Emma, vibrant de colère. “Elle a osé détruire les cadeaux de dizaines d’enfants ! Elle a une pierre à la place du coeur ?”
“Je n’ai rien dit à Thomas car il était très mécontent, comme tu peux t’en douter ! Je crois qu’il aurait perdu son sang-froid si je lui avais donné mes soupçons. Je ne sais pas si c’est vraiment elle et je ne voulais pas l’accuser à tort car cela aurait pu causer un incident diplomatique… tu sais… entre personne de la haute société...”
“On s’en fiche de leur statut ! Tu aurais dû quand même lui dire ! Le problème, c’est qu’elle s’en sort sans problème et qu’elle risque de récidiver si tu ne fais rien ! Fais gaffe à toi, Vanessa !”
“Oui, je sais…”

Howard jetait des regards vers les deux amies et tentait d’écouter leur conversation mais il voyait bien qu’elles ne voulaient pas l’inclure. Il se sentit vexé d’être ainsi mis de coté.

oOoOo



Howard avait insisté pour raccompagner Vanessa chez elle. Cette dernière ne voulait pas mais Emma avait également penché du côté de son frère après ce que son amie venait de lui raconter. Elle n’était pas rassurée de voir Vanessa rentrer seule chez elle.

“Cela s’est plutôt bien passé, ce soir !” lança Howard d’un air innocent, pendant qu’ils marchaient sur le trottoir enneigé.
“Oui, plutôt ! C’était sympa d’organiser cette soirée ! Il faudrait que l’on fasse ça plus souvent !”
“Oui !”
“Tu as pu parler avec James ?”
“Oh, un peu ! Il fallait bien, non ?” maugréa Howard. “Il n’arrêtait pas de loucher sur Emma. Comme si elle allait retourner avec cette face de rat !”
“Franchement, c’est du passé. James regrette vraiment ce qui s’est passé !”
“Bah, il aurait dû y penser avant de faire ce qu’il a fait !”

Trois ans auparavant, alors qu’ils finissaient à peine leurs études, ils avaient organisé une soirée et James, certainement ivre, avait embrassé une autre fille alors qu’il sortait avec Emma depuis plusieurs mois. Cette dernière ne lui avait jamais pardonné et c’était également la raison pour laquelle Howard ne lui parlait plus. Cela avait jeté un froid dans leur amitié.

“Il paraît que tu étais avec Thomas Johnson, aujourd’hui, pour ta tournée des hôpitaux ?” s’écria Howard, d’un air que se voulait désinvolte.
“Oui mais ça s’est plutôt mal passé ! Parlons d’autres choses, je n’ai pas envie de t’embêter avec mes histoires !” dit Vanessa, ne voulant pas entrer dans les détails.
“Tu ne me déranges jamais, Vanessa ! Tu sais que tu peux tout me raconter !”

Howard s’était rapproché d’elle en marchant et leurs épaules se touchaient désormais. Vanessa n’y fit pas attention.

“Non, je ne veux pas te mêler à tout ça !” reprit-elle en lui souriant.

“Alors, tu as pu finir ton article sur les éliminatoires du Championnat de Rugby ?” demanda-t-elle en changeant de sujet.

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Après avoir ramené Vanessa chez elle, Howard marchait seul dans la rue. Il était pensif. Il était secrètement amoureux de Vanessa depuis plusieurs années. Plusieurs fois, il avait failli avouer ses sentiments à son amie mais il n’avait jamais franchi le pas. Et surtout, il n’était pas sûr que ses sentiments soient réciproques.

Il pensa à Thomas Johnson et à toute cette histoire. A cause de lui, Vanessa avait été au bal des prétendantes. Au début, il avait été heureux d’offrir cette opportunité à son amie. C’était lui qui avait recommandé Vanessa à renfort d’arguments à Jane, leur rédactrice en chef. Cependant, son idée s’était retournée contre lui. Désormais, son amie fréquentait ce Thomas Johnson. Il était en colère contre lui-même. Il les avait quasiment poussés dans les bras l’un de l’autre à cause de sa stupidité ! Bien sûr, il était heureux pour son amie d’un point de vue professionnel, elle avait les capacités de devenir journaliste. Mais si cela devait l’éloigner encore plus de Vanessa, il n’était pas d’accord.

Tout en ruminant ses mauvaises pensées, il ne fit pas attention à la berline noire qui s’arrêta à son niveau.

“Etes-vous Howard Harrington ?” demanda la voix féminine dans sa direction.

Il se retourna, surpris qu’on l’interpelle ainsi dans la rue. Une belle jeune femme aux cheveux blonds cendrés avait baissé la vitre de sa voiture de luxe et le regardait avec un grand sourire sur les lèvres.

Le piège by MinnieMey

Vanessa se réveilla déprimée en ce dimanche de Noël. Pourtant, ce n’était pas son habitude d’être d’une humeur aussi maussade pendant cette période.

Elle avait ressassé l’histoire des cadeaux détruits pendant une bonne partie de la nuit. Elle ne savait pas du tout comment dévoiler au grand jour la fourberie d’Annabelle Merrytown car elle devait avoir des preuves pour pouvoir la confondre. Malheureusement, la jeune femme n’avait laissé aucun indice. Vanessa repensa au regard triste que lui avait lancé Thomas en partant. Elle avait eu de la peine pour elle-même, pour lui et pour tous les enfants qui n’auraient pas de cadeaux. Thomas lui avait proposé de refaire des pâtisseries avec elle mais elle n’avait pas le temps de crocheter des amigurumi à nouveau. Elle était dégoûtée.

Elle se leva néanmoins de son lit pour se traîner jusqu’à sa cuisine. Quand elle se servit une tasse de café, son portable vibra. Elle avait reçu deux messages.

Elle ouvrit le premier message qui venait de sa mère lui demandant si elle allait pouvoir venir passer les fêtes de Noël avec eux. Vanessa soupira de lassitude. Il était fort à parier qu’elle ne pourrait pas prendre de jours de congé mais elle demanderait néanmoins à Jane. Cette dernière avait l’air de l’apprécier maintenant qu’elle avait interviewé Thomas. Elle serait peut-être plus indulgente envers elle.

Elle ouvrit le second texto qui venait de Thomas. Son coeur battit un peu plus fort dans sa poitrine et ses mains tremblèrent légèrement quand elle le lut

Chère Vanessa,
Je suis vraiment désolé pour l’incident d’hier. Je me sens un peu responsable de ce qui s’est passé car nous avions laissé ma voiture sans surveillance. Je vous assure qu’un tel incident ne se reproduira plus.
Il y a deux jours, vous m’aviez dit que je n’étais pas un homme romantique. J’aimerais vous prouver le contraire. Veuillez venir aujourd’hui à 18h à Hyde Park et attendez-moi devant The Arch d’Henry Moore. Habillez-vous chaudement !
Bien à vous,
Thomas


Vanessa réfléchit quelques instants. Etait-ce vraiment avisé de revoir Thomas ? Il y avait plusieurs raisons qui la freinaient : son statut, son milieu, Annabelle Merrytown… Mais au fond d’elle, elle avait très envie de le revoir. Plus elle apprenait à le connaître, plus elle l’appréciait. Au diable ses incertitudes. Elle répondit positivement à son message.

oOoOo



Comme promis, Vanessa attendit patiemment à l’heure prévue dans Hyde Park. Elle n’avait aucune idée de ce que Thomas avait prévu. Elle venait rarement dans ce parc, préférant St James’s Park à celui-ci. Quand elle était arrivée devant The Arch, comme demandé par Thomas, elle avait vu que le lac était complètement gelé et qu’il servait de patinoire. Un stand proposait des patins à glace. Elle détestait patiner et elle espérait que ce n’était pas ça, la surprise de Thomas. Elle avait pourtant un mauvais pressentiment.

En effet, ce dernier arriva enfin, un grand sourire sur les lèvres. Il portait sur une épaule une paire de patins à glace. Elle le regarda avancer vers lui, bouche bée.

“Vous avez prévu de me faire patiner ?” s’écria-t-elle en ne lui disant même pas bonjour.
“Vous avez deviné !” répondit-il d’un air ravi.
“Mais je ne sais pas patiner, je tombe tout le temps ! Je déteste ça !”
“Mais non, vous n’allez pas tomber ! Je vous aiderai ! Et vous allez adorer !”

Vanessa haussa les sourcils. Thomas avait encore tout faux ! Si être romantique, c’était de faire des activités qui lui plaisaient sans faire attention à ses propres préférences, il était loin du compte. Mais cette fois, elle garda ses pensées pour elle et l’accompagna avec raideur jusqu’au stand qui louait des patins. Elle donna sa pointure et se retrouva chaussée de patins blancs. Thomas avait également mis ses propres patins.

“Suivez-moi !” lui lança-t-il en avançant vers la patinoire.

Vanessa le regarda. Comment était-elle censée le suivre alors qu’elle allait certainement tomber si elle ne se tenait pas à quelque chose ? Elle le suivit en s'agrippant sur la rambarde qui menait jusqu’au lac gelé. Thomas se retourna enfin, il était déjà à plusieurs mètres devant elle et comprit ses difficultés. Il revint immédiatement vers elle.

“Tenez-moi la main !” lui dit-il en lui proposant sa main gantée.

Vanessa lui jeta un regard affolé, elle n’avait pas très envie de lui prendre la main, voulant se débrouiller seule mais elle risquait de tomber et elle ne pouvait décemment pas rester sur cette rambarde. Elle accepta finalement et posa sa main sur celle qu’il lui offrait.

“Doucement ! Voilà ! Avancez une jambe, puis l’autre !”

Elle faillit perdre l’équilibre mais il la maintenait maintenant de ses deux mains. Finalement, Vanessa put avancer. Elle n’était pas très à l’aise et se rattrapa plusieurs fois sur le bras de Thomas mais réussit à ne pas tomber. Thomas la lâchait de temps en temps quand elle prenait un peu plus d’assurance mais la retenait dès qu’elle vacillait.

Au bout d’une vingtaine de minutes, Vanessa était en sueur mais elle n’était pas encore tombée, un exploit ! Le soleil commençait à décliner et des lampadaires illuminèrent le lac gelé.

“Alors, vous trouvez ça comment ?” lui demanda Thomas, qui patinait gracieusement à côté d’elle.

Elle lui jeta un regard noir.

“Je déteste !” lança-t-elle en y mettant le plus de colère possible.
“Mais non ! Vous allez voir, au bout d’un moment, vous allez adorer !” dit-il confiant.

Il lui fit un grand sourire. Elle arrêta de lui en vouloir. Thomas avait l’air content de l’avoir amené ici. Elle essaya de se détendre bien que c’était assez difficile car elle perdait souvent son équilibre.

“Allez, venez !” lui proposa-t-il en levant sa main vers elle.

Elle la prit et s’avança avec lui au milieu du lac. Après quelques temps, elle se rendit compte qu’elle prenait du plaisir à glisser sur la glace et arrivait à avancer au même rythme que son partenaire. Quand il prit un peu plus de vitesse, elle voulut le suivre mais elle perdit l’équilibre et tomba lourdement sur les fesses.

Thomas accourut vers elle, la releva et la tint dans ses bras.

“Vous allez bien, Vanessa ?” demanda-t-il d’un air inquiet.
“Oui, ça va, j’aurais certainement un gros bleu sur les fesses mais bon, c’est pas grave ! Avec une crème anti-bleu, ça disparaitra !”
“Je suis désolé !”

Elle remarqua que son visage était proche du sien et elle se dégagea brusquement. Mais elle perdit à nouveau l’équilibre et cette fois, elle ne tomba pas seule, elle entraina aussi Thomas dans sa chute. Elle tomba sur lui en criant.

“Aie !” lança Thomas à moitié énervé. “C’est votre vengeance, Vanessa ? Vous vouliez me mettre de la crème sur les fesses aussi ?”
“Mais non pas du tout ! Qu’est-ce que vous dites ?”

Vanessa était toujours sur Thomas et tenta de se relever sans succès. Elle était rouge de honte. Finalement, Thomas éclata de rire, en restant allongé sur la glace, Vanessa toujours dans ses bras. Devant l’hilarité de son compagnon, elle ne put s’empêcher de rire aussi.

“Je suis vraiment désolée !” réussit-elle à dire en essayant de reprendre contenance.

Elle se poussa sur le côté et se leva tant bien que mal, c’est-à-dire sans grâce. Elle proposa ses deux mains à Thomas, qui était toujours en train de rire. Mais ce dernier, au lieu de se lever également, fit retomber Vanessa dans ses bras.

“Mais… ?” s’écria-t-elle dans un cri.

Thomas la serrait désormais dans ses bras. Vanessa resta interdite pendant quelques secondes, puis, se dégagea de lui en rougissant. Elle se releva à nouveau mais cette fois, ne lui proposa pas son aide et partit en le laissant se débrouiller seul. Pourquoi avait-il fait ça ? Bien sûr, un coin de sa tête avait espéré un rapprochement mais ils ne pouvaient pas être ensemble.

Pendant qu’elle retirait ses patins à glace, Thomas la rejoignit et s’assit à côté d’elle.

“Vous ai-je offensé, Vanessa ?” lui demanda-t-il doucement.
“Non, pas vraiment,” lui répondit-elle d’une voix faible.
“Alors, pourquoi êtes-vous partie aussi vite ?” l’interrogea-t-il avec attente.

Elle le regarda dans les yeux. Devait-elle lui dire la vérité ? C’était sûrement sa seule occasion pour mettre les choses au clair. Elle se décida bien que son ventre se tordait avec appréhension.

“Nous ne pouvons pas continuer comme cela, Thomas,” dit-elle. “Nous ne venons pas du même milieu. Certaines personnes de votre entourage réagiraient certainement très mal si je vous fréquentais. De plus, nous n’avons pas les mêmes aspirations…”
“Qu’en savez-vous de mes aspirations ?” s’exclama-t-il d’un air agacé. “Et je n’en ai que faire de ce que pensent les gens.”
“Honnêtement, je pense que c’est une très mauvaise idée… De plus, la destruction des cadeaux, c’était très clairement un avertissement d’une personne qui ne nous veut pas du bien !”

Thomas débordait de colère. Vanessa se tut.

“Vous savez ce que je pense ?” s’écria-t-il, d’un air agressif. “Vous avez peur d’admettre que vous avez une inclinaison pour moi et vous comprenez que ce serait trop compliqué pour vous, alors, vous fuyez devant la première difficulté !”

Vanessa se mordit la lèvre. Il avait raison. Pourtant, elle ne pouvait pas continuer ainsi.

“Je suis vraiment désolée, Thomas !” dit-elle simplement en se levant.

oOoOo



Vanessa fut encore plus déprimée les jours qui suivirent. Ses collègues n’osaient pas lui parler tellement tout son être émettait des ondes noires. Seul Howard tentait de l’approcher en lui demandant si elle allait bien. Elle ne répondait que par des grognements sans lever les yeux de son travail.

Suite à ses deux articles concluants, Jane lui avait proposé d’écrire sur les marchés de Noël ce qui aurait dû la mettre en joie. Vanessa n’était pourtant pas d’humeur et elle n’était pour l’instant pas allée à un seul marché de Noël depuis le début des festivités.

Un après-midi, Howard vint lui parler pendant qu’elle prenait une tasse de café dans la salle de pause.

“Vanessa, tu ne peux pas continuer comme ça ! Regarde-toi !” s’écria-t-il.

En effet, Vanessa portait un de ses pulls difformes sur un jean délavé. Ses cheveux semblaient tout emmêlés et elle avait de gros cernes sous les yeux.

“On dirait que tu ne dors plus ! Que t’arrive-t-il ?”
“Je suis insomniaque en ce moment et je n’arrive pas du tout à écrire cet article ! Je n’ai aucune inspiration alors que Noël est ma passion !” se plaignit-elle d’un air larmoyant.
“Il va falloir remédier à ça ! Allez, on va prendre notre après-midi !” s’écria-t-il d’un air plus joyeux.
“Comment ? Mais non ! Je dois travailler !”
“Tu regardes l’écran de ton ordinateur depuis des jours sans avoir écrit une seule ligne ! Qu’est-ce que ça va changer si tu prends ton après-midi ! En plus, je t’emmène dans l’un de tes endroits préférés ! Tu es obligée de venir !”

Vanessa l’observa d’un air dubitatif. Elle n’était pas d’humeur à sortir. Pourtant, l’air heureux de Howard finit par la convaincre.

“Comme tu dis, je ne perds rien à sortir ! En plus, j’ai grand besoin de me changer les idées !”

Howard sourit et l’enjoignit à prendre son manteau. Quand ils furent prêts, ils sortirent et prirent le premier taxi qui accepta de les prendre. Sans grande surprise, il l’emmena dans le marché de Noël préféré de Vanessa à Londres, celui de Southbank Centre. Elle aimait son côté authentique avec ses chalets qui ressemblaient fortement aux marchés de Noël allemands. Dans sa jeunesse, avec ses parents et ses grand-parents, elle était souvent allée au marché de Noël de Lübeck, l’un des plus beaux d’Europe.

Brusquement, alors qu’elle avait été totalement déprimée toute cette semaine, son coeur ne put s’empêcher de s’alléger.

“Merci Howard” dit-elle à son ami quand ils entrèrent dans le marché.
“Je savais que cela te ferait plaisir !” s’écria-t-il. “Allez, viens !”

Il lui proposa son bras. Elle le regarda en sourcillant. Mais finalement, elle décida de le prendre en souriant. Ils se promenèrent ainsi dans les allées du marché, commentant les décorations qu’avaient posées les commerçants, notant les meilleures, observant les objets proposés. Vanessa prit des notes mentalement et n’hésita pas à discuter avec les vendeurs, leur demandant leur avis sur le marché de Noël de cette année, ce qu’ils en pensaient, ce qui avaient changé par rapport à l’année précédente, ce qu’ils aimeraient voir améliorer.

Au début, ils étaient peu à marcher dans les allées mais au bout de deux heures, le marché fut bondé. En effet, c’était la sortie des bureaux et les londoniens passaient au marché pour faire leurs derniers achats de Noël ou pour juste s’imprégner de l’esprit de Noël en buvant un vin chaud ou en mangeant du pudding ou du pain d’épices.

“Santé !” dit-elle à Howard pendant qu’elle levait son verre de vin chaud.

Elle le goûta et apprécia les saveurs qui explosaient sur sa langue : un mélange de sucre, de cannelle, d’orange et d’alcool chaud.

“Mon premier vin chaud de l’année !” lança-t-elle d’un air ravi.

Howard lui fit un grand sourire.

“Je suis content que tu aies retrouvé ta bonne humeur !” dit-il.
“Merci de m’avoir amené ici, Howard ! C’est vraiment ce qu’il me fallait !”
“Mais de rien ! Tu sais que tu peux toujours compter sur moi, n’est-ce pas ?”
“Bien sûr ! Tu es mon meilleur ami !”

Howard perdit un peu de son sourire et inspira profondément.

“On se promène encore un peu ?” lui proposa-t-il.
“Oui, refaisons un tour !”

Vanessa le suivit et ils continuèrent à déambuler sans vraiment s’arrêter dans l’un des chalets. Finalement, ils arrivèrent devant une petite arche où un Père Noël proposait de faire des photos avec des enfants. Des dizaines d’enfants avec leurs parents attendaient patiemment leur tour.

“Viens, on va admirer la Grande Roue !” lança Howard.

Et comme sur une inspiration, ce dernier lui prit la main et la traîna derrière lui. Vanessa fut tout d’abord surprise que son ami lui prenne la main, elle se laissa faire pendant quelques instants mais reprit ses esprits lorsqu’elle entendit un cliquetis derrière elle. Elle le lâcha brusquement et se retourna mais il y avait trop de monde, elle ne savait pas d’où venait le bruit, et continua à suivre Howard qui l’attendait un peu plus loin. Il lui souriait toujours.

“Cela te dit de monter dans la Grande Roue ?” lui demanda-t-il.
“Non, pas vraiment ! Tu sais que j’ai le vertige !”
“Mais ce n’est pas risqué !”
“Je n’aime pas trop l’idée de monter à une dizaine de mètres de haut avec peu de protection !”
“Tu ne risques rien ! Il n’y a rien à craindre, allez, viens !”

Vanessa sentit son ventre se tordre, elle n’avait pas envie de suivre Howard et elle n’avait pas non plus l’habitude qu’il insiste ainsi. Mais il avait tellement l’air joyeux qu’elle ne put refuser. C’était rare de le voir aussi heureux.

“Deux tickets, s’il vous plaît !” demanda-t-il au vendeur dans le stand des tickets pour la Grande Roue.

Ils attendirent dans la file leur tour pour pouvoir monter dans les mini-cabines. Ils s’assirent enfin sur la banquette côte à côte qui bougeait un peu trop dangereusement selon Vanessa. Howard s’assit à côté d’elle et elle se sentit coincée. La banquette n’était pas très grande et surtout pas très confortable. Howard lui sourit et passa son bras gauche derrière le dos de Vanessa. Cette dernière tenta de se reculer le plus à gauche possible pour éviter d’être contre lui mais ce fut un exercice difficile car il n’y avait pas de place. Howard fit comme si de rien n’était.

Pendant les cinq minutes de tour, ils ne dirent rien contemplant juste le marché de Noël et la ville par la même occasion. Pourtant, Vanessa n’arrivait pas à se détendre. Elle ne regardait pas vers le bas, de peur d’avoir le vertige et elle entendait toujours ce bruit étrange de cliquetis. Etait-ce dans sa tête ? Car à chaque fois qu’elle essayait de regarder vers la foule, elle ne voyait personne qui pouvait faire un tel bruit.

Quand ils descendirent de la Grand Roue, Vanessa eut du mal à retrouver son équilibre et Howard lui proposa de boire à nouveau du vin chaud afin de lui redonner des couleurs. Elle accepta le verre avec gratitude. Mais l’alcool chaud était plus fort que l’alcool normal et petit à petit, elle devint moins sobre et suivait Howard juste par automatisme.

Ils continuèrent à marcher dans le marché quand Howard s’arrêta proche de l’arche.

“Oh !” fit-il en levant la tête.

Vanessa qui avait de plus en plus de mal à reprendre ses esprits leva également la tête une seconde plus tard. Elle remarqua une branche de gui au-dessus d’eux.

“Oh, une branche de gui ! Tu connais la tradition, Vanessa !” dit Howard d’un air taquin.
“Hein ? Du gui ?” s’écria-t-elle ne réagissant pas assez vite.

Effectivement, Howard était déjà sur elle et l'embrassa. Le baiser dura une seconde ou plus longtemps, elle ne le sut pas. Mais elle entendit encore ce cliquetis, ce qui lui fit reprendre ses esprits et repoussa Howard brutalement.

“Mais ça va pas, Howard ?” cria-t-elle.

Le baiser l’avait soudainement rendu plus lucide et elle regarda son ami d’un air furieux. Que lui arrivait-il ? Elle regarda également autour d’elle et la vit enfin, la source du cliquetis. Un homme la prenait en photo avec un appareil doté d’un zoom. Dès qu’il remarqua qu’elle l’avait vu, il s'éclipsa parmi la foule. Vanessa voulut courir après lui mais il était déjà trop tard, il avait disparu.

“Mais c’est quoi cette histoire ?” lança-t-elle.

Elle se retourna vers Howard. Ce dernier haussa juste les épaules et s’excusa de son attitude.

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Annabelle était ravie. Elle avait entre ses mains des preuves qui démontrerait à Thomas quel genre de fille était Vanessa Bale. Elle regarda les photos. La première qu’elle avait en main était une de Thomas et Vanessa à la patinoire couchés l’un sur l’autre. Elle avait eu envie de la déchirer en mille morceaux mais elle l’avait gardée quand même car elle faisait partie de son plan. Puis, elle jeta un oeil sur les autres clichés qui étaient bien plus intéressants : Howard qui tenait la main de Vanessa, le couple côte à côte sur la Grande Roue et ce baiser ! Cette photo était juste parfaite !

Howard avait joué son rôle à la perfection. Elle n’avait pas mis beaucoup de temps à le convaincre de l’aider dans son plan. L’idiot était amoureux de cette fille et avait compris que s’il n’agissait pas, il perdrait à jamais une chance de sortir avec elle. Que cette parvenue et ce miséreux restent ensemble dans leur petit monde ! Ils n’avaient pas leur place dans le sien et celui de Thomas.

La berline noire dans laquelle elle se trouvait s’arrêta devant la grande porte d’entrée du manoir des Johnson. Elle sortit et avança dans la direction de l’entrée.

“Je suis Annabelle Merrytown et j’ai rendez-vous avec George Johnson !” dit-elle d’une voix impérieuse au majordome.

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George regardait son neveu. Ce dernier n’avait rien dit pendant toute leur conversation. Il n’avait même pas sourcillé quand il avait vu les photos. Dès que George avait terminé de parler, Thomas s’était juste levé pour regarder par la fenêtre. Il reprit néanmoins la parole.

“Mademoiselle Merrytown a bien fait de venir me voir !” dit-il. “Heureusement que sa famille travaille dans les médias, sinon, nous n’aurions jamais eu accès à ses photos. Vous imaginez le scandale si elles avaient été publiées ! Vous, dans les bras de cette fille, et ensuite cette même fille en train d’embrasser un autre jeune homme ! Cela aurait été la fin de votre réputation !”

Thomas bouillonnait de colère intérieurement. Ce que disait son oncle faisait sens. Mais pourquoi ? Pourquoi Vanessa avait-elle fait ça ? Certes, elle avait dit qu’elle ne voulait pas continuer de le voir. Néanmoins, il ne pouvait pas croire qu’elle se soit jouée de lui comme le pensait son oncle.

“Cette fille n’en veut qu’à votre argent ! C’est évident ! Vous voyez comment elle se comporte ! Elle devrait avoir honte ! Vous faire croire des choses et ensuite bafouer votre fierté !” continua George d’un air vindicatif.
“Elle ne m’a rien fait croire, mon oncle !” répliqua Thomas d’un air dépité.
“Alors, que signifient ces photos ?” gronda son interlocuteur.

Thomas soupira. Et sans dire un mot supplémentaire, il sortit de son bureau en prenant avec lui l’enveloppe de photos.

La vérité mise au grand jour ! by MinnieMey

Après un jour de réflexion, Vanessa était certaine que le photographe n’avait pas été là par hasard. Cela devait être encore un coup de cette Annabelle Merrytown. Elle ne savait pas comment celle-ci avait réussi à réaliser ce tour de force mais elle l’avait fait et désormais, il y avait des photos d’elle et d’Howard circulant quelque part. Le soir-même, elle avait envoyé un message à Emma qui était venue directement chez elle pour connaître tous les détails. Malheureusement, elles n’étaient arrivées à aucune conclusion satisfaisante.

Elle regarda le plat qu’elle s’était préparé pour dîner avec dégoût. Tous ces événements lui avaient coupé l’appétit. Elle était en train de jeter sa nourriture quand elle entendit la sonnette de son appartement. Qui venait encore la déranger à cette heure tardive ?

Elle s’essuya les mains et vint ouvrir la porte d’entrée. Elle fut à moitié surprise de découvrir Thomas qui attendait patiemment.

“Puis-je entrer ?” demanda-t-il d’une voix sombre.

Vanessa eut un mauvais pressentiment mais elle accepta de le faire entrer et lui proposa de s’asseoir sur son canapé.

“Souhaitez-vous un café ou quelque chose d’autre à boire ?”
“Avez-vous du whisky ?” demanda-t-il.
“Oui, bien sûr…” répondit-elle d’une voix hésitante.

Toutefois, elle lui servit un verre de whisky et le lui apporta. Il le prit dans ses mains, le regarda quelques instants, et d’une seule traite, le but entièrement. Vanessa écarquilla les yeux.

“Mais vous allez vous rendre malade !” ne put-elle s’empêcher de s’écrier.
“Un autre, s’il vous plaît !” lança-t-il en posant son verre sur la table avec bruit.
“Quoi ? Mais non !”
“S’il vous plaît !” s’écria-t-il d’une voix qui n’acceptait aucune objection.

Vanessa s’exécuta rapidement. Thomas semblait de très mauvaise humeur. A son grand soulagement, il ne but pas le second verre aussi rapidement. Vanessa respira à nouveau.

“Qui est cet homme aux cheveux roux avec qui vous traînez ?” demanda-t-il abruptement.
“Un ami !” répondit-elle simplement, surprise par la question, tout en sachant qu’il voulait parler d’Howard.
“Un ami ?” s’enquit Thomas d’un air ironique. “Et vous avez l’habitude d’embrasser vos “amis” ?”
“Comment ? Mais pas du tout !”
“Ah bon ? Et ces photos, c’est quoi ?”

Thomas sortit une enveloppe de sa poche et balança son contenu sur la table basse. La main de Vanessa trembla quand elle en prit une entre ses doigts : elle reconnut la scène. Voilà donc quel était le plan d’Annabelle Merrytown !

“Ce n’est pas ce que vous croyez !” se justifia-t-elle, même si elle n’avait pas vraiment à se justifier. Pourtant, elle avait très envie qu’il la croit.
“Alors, que cela signifie-t-il ?” s’exclama-t-il d’une voix grondante.
“Howard est juste un ami ! Il m’a embrassé car on était sous le gui ! Mais il n’y a rien entre nous !”
“Vous étiez sous le gui ? C’est quoi cette histoire ?”
“Quand un couple est sous un gui, ils s’embrassent, c’est la tradition !”
“Je n’ai jamais entendu pareille ineptie ! Vous avez du gui sur la porte de votre cuisine !”
“Et si deux personnes se retrouvent dessous, ils s’embrassent !”
“Quelle tradition idiote et sans intérêt !”
“Je ne vous permets pas de dénigrer mes traditions !”
“Je dis ce que je veux ! Et cette tradition est complètement stupide ! Noël, c’est une tradition stupide ! Les gens qui la fêtent sont tous des idiots !”

Vanessa commençait à perdre patience.

“Qu’est-ce que ça peut vous faire ? J’ai embrassé Howard et alors ?” lança-t-elle d’un air de défi.

Thomas la regarda. Elle avait l’impression que ses yeux avaient changé de couleur car ils n’étaient plus gris mais noirs tellement sa colère était intense.

“Comment ça et alors ? Vous ne comprenez pas ?”
“Comprendre quoi Thomas ?”
“Mon… inclinaison pour vous !”
“N’importe quoi !”
“Ne vous moquez pas de moi !”

Cette fois, il s’était approché d’elle et avait agrippé son bras. Sa poigne était ferme et Vanessa ne réussit pas à se dégager. Son visage était tout près du sien.

“Vous vous moquez de moi ! Vous jouez avec mon coeur en acceptant mes invitations !”
“Non, ce n’est pas vrai !”
“Si, c’est vrai ! Et maintenant, vous niez ! Ne vous ai-je pas démontré à quel point vous m’intéressiez ?”

Vanessa ne sut plus quoi dire, elle tremblait juste et regardait désormais Thomas avec des yeux agrandis d’effroi. En effet, elle savait que Thomas s’intéressait à elle. Tout ce temps qu’il avait passé avec elle, les pâtisseries, l’hôpital, la patinoire… Mais elle ne pouvait pas être avec lui.

Le visage de Thomas s’approchait dangereusement du sien. Elle sentait son souffle alcoolisé sur son visage. Et subitement, il la força à l’embrasser. Elle poussa un léger gémissement. Elle ne réussit pas à se dégager, puis, doucement, accepta le baiser qu’il lui donnait de force. Au bout de quelques instants, néanmoins, elle reprit ses esprits et le repoussa violemment, il retomba lourdement sur le canapé. Elle tremblait encore plus.

De longues secondes passèrent avant que Thomas ne se relève lourdement. Quand il leva la tête, il la regarda d’un air glacial.

“C’est comme ça, alors !” dit-il simplement.

Et il sortit de l’appartement en claquant la porte. Vanessa éclata en sanglots.

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Vanessa s’était mise en arrêt maladie. Elle avait envoyé son article sur les marchés de Noël par mail et avait décidé de partir passer la fin de l’année chez ses parents. Cela faisait depuis trop longtemps qu’elle n’était pas venue chez eux pendant cette période et quand elle retrouva son père qui l’attendait à la sortie de la gare pour la chercher, elle se jeta dans ses bras.

Les Bale ne lui posèrent aucune question. Quand elle les avait appelés la veille pour leur dire qu’elle venait le lendemain chez eux, ils n’avaient rien dit, acceptant la nouvelle avec joie. Mais désormais, ils voyaient bien que leur fille n’allait pas bien. Vanessa était tout le temps d’humeur maussade, s’enfermait souvent dans sa chambre et ne riait plus comme elle avait l’habitude. Pourtant, c’était Noël, sa fête préférée. Même ses grands-parents qui vinrent lui rendre visite une après-midi ne purent dérider leur petite-fille. Ils se regardèrent tous sans comprendre.

Néanmoins, Madame Bale eut une idée. Elle envoya un message à la meilleure amie de sa fille, Emma en lui expliquant la situation. Son amie pourrait certainement lui redonner le sourire.

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Emma prenait son petit-déjeuner chez ses parents et elle relisait le mail qu’elle avait reçu de la mère de Vanessa. Son amie n’allait pas bien. Pourtant, elle ne savait comment l’aider. Même Vanessa ne lui avait pas dit pourquoi elle retournait chez ses parents aussi abruptement. Elle n’avait rien voulu lui dire malgré ses demandes insistantes.

Son frère, Howard, qui avait également passé la nuit chez ses parents arriva pour prendre son petit-déjeuner.

“Des mauvaises nouvelles ?” lui demanda-t-il en voyant la mine sombre de sa soeur.
“Oui, Vanessa ne va pas bien !” répondit-elle d’un air dépité.

Howard se sentit brusquement gêné.

“Ah bon… vraiment ?”
“Oui, elle est rentrée chez ses parents sans rien dire à personne et là, elle déprime complètement là-bas ! Je me demande vraiment ce qui s’est passé !”
“Ah…”

Le visage d’Howard s’assombrit encore plus. Emma remarqua son air embarrassé.

“Que se passe-t-il, Howard ?” demanda-t-elle brusquement, connaissant son jumeau par coeur. “Tu sais quelque chose ?”

Howard la regarda l’air désespéré. Mais Emma commençait à se mettre en colère et quand elle était dans cet état, il était impossible de ne pas lui dire la vérité. Finalement, il avoua.

“J’ai rencontré… une certaine… Annabelle Merrytown…”

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Emma ruminait dans la voiture qui l’emmenait au manoir des Johnson. Howard qui était assis à côté d’elle ne disait plus rien depuis plus d’une heure. Il se sentait vraiment mal. Il savait qu’il n’avait pas bien agi mais il aimait Vanessa. Il avait pensé faire cela pour son bien. Emma l’avait engueulé tellement fort que la maison en avait tremblé. Au comble de sa colère, elle lui avait même balancé tous les objets qui lui étaient tombés sous la main. Leur mère était arrivée à temps avant que la maison ne devienne un champ de bataille.

Mais Emma n’avait pas voulu s’excuser. Tout était la faute d’Howard. Si cet idiot n’avait pas cédé face à la demande de cette satanée Annabelle Merrytown, jamais Vanessa ne serait partie aussi déprimée.

Emma avait décidé d’aller voir immédiatement l’héritier des Johnson. Elle ne savait pas si elle pourrait rentrer dans sa demeure mais elle devait bien essayer quelque chose.

Quand la voiture s’arrêta devant le grand portail noir en fer forgé, elle expliqua le but de sa visite, en indiquant qu’elle venait parler d’un sujet urgent concernant Vanessa Bale à Thomas Johnson. Le gardien l’avait regardé d’un air dubitatif mais il avait néanmoins transmis le message au manoir.

Au bout de dix minutes, qui avaient mis à bout les nerfs de la jeune femme et également ceux d’Howard qui se tassait sur son siège à chaque fois que sa soeur le regardait rageusement, le portail s’ouvrit enfin et la voiture fit le trajet jusqu’à la porte d’entrée. Emma était tellement en colère qu’elle ne remarqua pas la beauté de la forêt, ni le grand parc du manoir, sous son manteau blanc scintillant.

Elle sortit de la voiture dès que celle-ci s’arrêta et se présenta au majordome, Howard sur ses talons. Les deux Harrington suivirent l’homme qui les emmena directement dans le bureau de Thomas Johnson. Emma, cette fois, eut tout le loisir de découvrir la richesse des Johnson mais elle était loin d’être en admiration. Elle avait plutôt du dégoût pour tous ces nantis. Elle avait d’ailleurs du mal à comprendre comment Vanessa pouvait s’intéresser à un homme tel que Thomas Johnson. Certes, il était riche et beau mais elle avait du mal à croire qu’il était aussi attachant que Vanessa le présentait. Elle allait enfin pouvoir se faire une opinion par elle-même. Et surtout, elle avait besoin de s’assurer que l’homme était sincère. Il était hors de question qu’elle ne laisse quelqu’un jouer avec le coeur de sa meilleure amie.

Ils arrivèrent enfin dans le bureau du maître des lieux. Ce dernier était assis derrière son bureau et se leva dès que les jumeaux entrèrent. Il les observa d’un oeil critique. Il avait bien sûr reconnu le jeune homme aux cheveux roux et ne put s’empêcher de lui lancer un regard haineux. Howard qui remarqua l’animosité de Thomas Johnson baissa la tête.

Ce qu’Emma n’avait en revanche pas prévu, c’était que Thomas n’était pas seul. En effet, son cousin, James, était assis en face de son bureau et s’était levé également de son siège pour leur faire face.

“Bonjour ! Je suis Thomas Johnson !” lança ce dernier en leur serrant la main. “Et vous devez être Emma et Howard Harrington, n’est-ce pas ?”

Les deux Harrington acquiescièrent. Thomas leur proposa de s’asseoir sur le canapé. Il invita James à s’asseoir également avec eux, sur l’un des deux fauteuils. Thomas prit l’autre.

“Je suis étonné par votre visite !” dit Thomas. “Et j’espère que cela ne vous dérange pas que mon cousin reste avec nous pendant notre discussion. Il est un grand ami de Vanessa Bale et je pense que son avis me sera précieux.”

Emma renifla avec ironie mais ne regarda pas pour autant James qui, lui, ne dit rien.

“Alors, pourquoi êtes-vous venus me voir ?” leur demanda-t-il.
“Nous sommes venus pour vous parler de notre amie, Vanessa,” dit Emma sans préambule. “J’ai appris quelque chose ce matin par… mon frère…”

Elle jeta un regard noir à Howard qui se ratatina sur le canapé. James haussa les sourcils. Emma pouvait être effroyable quand elle le voulait. Qu’avait donc fait Howard pour la mettre dans cet état ? La discussion l’intéressa encore plus.

“Vous avez reçu des photos, n’est-ce pas ? Montrant mon frère, Howard, embrassant Vanessa, est-ce bien le cas ?” demanda-t-elle à Thomas.

Celui-ci ne répondit pas immédiatement. Son cousin n’était bien sûr pas au courant de cette histoire, il ne lui en avait rien dit, et ses amis non plus vu l’expression de son visage.

“En effet, mais pas que ! J’ai aussi reçu des photos de Vanessa et de moi-même, à la patinoire, dans une position… certes.. inconvenante…”

Les trois anciens amis se regardèrent se demandant qu’elles étaient ces photos inconvenantes mais Emma se rappela qu’elle en voulait toujours à James et détourna le regard immédiatement.

“Le baiser de Howard, c’était une mise en scène !” lança Emma brusquement.

Thomas se redressa sur son siège et regarda la jeune femme avec des yeux agrandis.

“Comment ?” ne put-il que répliquer.
“Dis-lui, Howard !” lui intima Emma d’un oeil noir.

Howard avait les oreilles rouges mais se redressa néanmoins et raconta toute l’histoire.

“J’ai rencontré il y a une dizaine de jours Annabelle Merrytown,” dit-il. “Elle savait qui j’étais car elle m’a appelé par mon nom et m’a fait entrer dans sa voiture. C’est là qu’elle… m’a parlé de vous, Thomas, et de Vanessa. Elle m’a expliqué qu’elle ne pouvait pas accepter votre relation car vous n’étiez pas du même monde. Au début, j’ai réfuté tout ce qu’elle m’a demandé de faire. Et puis, petit à petit, elle a compris que j’étais… que j’avais… bref… que Vanessa me plaisait. Et… vraiment, je sais pas pourquoi… au bout de moment, je suis devenu jaloux de vous… Et… j’ai accepté ce qu’elle m’a demandé de faire !”.

Thomas avait regardé Howard sans rien dire. Il ne le montrait pas mais il bouillonnait de colère. Il n’en avait pas contre le pauvre ami de Vanessa mais contre cette perfide Merrytown qui avait monté toute cette histoire.

“J’ai forcé Vanessa à aller au marché de Noël, je savais qu’elle était déprimée, cela n’a pas été compliqué. Je l’ai fait boire et je l’ai forcé à m’embrasser. Enfin, forcer… c’est un grand mot ! Je l’ai juste embrassé ! Mais elle m’a repoussé immédiatement !”

Thomas regardait Howard maintenant avec des yeux noirs et ce dernier baissa la tête.

“Je savais qu’un photographe serait là pour prendre des photos. J’ai fait en sorte qu’il puisse nous photographier, Vanessa et moi. Voilà !”
“Et ce n’est pas tout !” renchérit Emma. “Cette Annabelle Merrytown est venue menacer Vanessa en lui demandant de ne plus vous fréquenter, ce qu’elle a refusé de faire. Et je suis quasiment sûre que c’est elle qui a détruit les pâtisseries et les cadeaux que vous comptiez offrir aux enfants de l’hôpital !”

A ces derniers mots, Thomas se leva d’un bond, hors de lui. Il appela immédiatement son secrétaire pour qu’il contacte Annabelle Merrytown. Thomas devait mettre cette histoire au clair.

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Annabelle s’était mise sur son 31. Elle venait de recevoir un appel du secrétaire de Thomas Johnson lui demandant de venir dans son manoir. C’était sa chance. Après tout ce temps, après tous ses efforts, elle allait enfin pouvoir être en tête à tête avec l’héritier des Johnson.

Toutes ces années passées à le regarder en silence, à attendre son moment. Au bal, elle avait été tellement ravie d’avoir été choisie pour la première danse et l’homme avait redansé avec elle. Ces chances de devenir la prochaine Madame Johnson étaient assurées. Mais cette parvenue de Bale l’avait coiffée au poteau. Elle avait dansé avec lui et ensuite, elle avait passé du temps avec l’homme qu’elle désirait. Elle n’avait pas pu laisser passer l’affront. Désormais, Vanessa Bale était sortie de sa vie et elle allait enfin pouvoir profiter de sa victoire.

Elle suivit d’un pas conquérant le majordome qui l’emmenait dans le bureau de Thomas Johnson. Elle regarda le manoir avec envie. Bientôt, ce manoir serait le sien ! Elle frétillait déjà de joie à l’idée de le redécorer à sa façon. Ses amies seraient tellement jalouses !

Elle arriva enfin à destination. Avant d’entrer, elle vérifia rapidement sa tenue. Thomas vint l’accueillir immédiatement avec un air neutre.

“Bonjour monsieur Johnson !” lança-t-elle de son air le plus charmeur. Elle leva la main vers lui.
“Bonjour mademoiselle Merrytown !” répondit-il poliment. Il prit la main de la demoiselle et la baisa. “S’il vous plaît, veuillez vous asseoir sur le canapé !”
“Mais avec plaisir !”

Elle se retourna pour aller vers le canapé quand elle s’arrêta net. Elle vit Howard Harrington, sa soeur Emma et James Lane qui la regardaient avec différentes expressions : Howard d’un air penaud, Emma d’un regard noir et James d’un air curieux.

Elle releva la tête vers Thomas.

“Mais que… ?”

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Annabelle pleurait. Elle suppliait Thomas de la pardonner. Mais ce dernier ne lui jeta même pas un dernier regard. Il avait eu les confessions qu’il voulait. Il n’en avait plus rien à faire de la jeune femme. Déjà, il s’était gardé de ne pas l’étrangler car il n’était pas un meurtrier et il se devait de garder de bonnes relations avec les Merrytown.

L’attitude d’Annabelle était impardonnable. Jamais il n’avait pensé qu’elle était capable d’une telle perfidie. Et tout cela, non parce qu’elle l’aimait mais parce qu’elle n’en avait qu’après son nom, sa richesse, sa popularité. Elle était aussi exécrable que tous ces nobles qui lui léchaient les bottes à chaque fois qu’il les rencontrait. Il les méprisait tellement !

Il appela son majordome qui fit venir son oncle dans son bureau.

George Johnson arriva chez son neveu sans savoir de quoi il allait lui parler. Quand il vit la scène qui était face à lui, celle des Harrington avec James assis tranquillement sur le canapé, d’Annabelle qui s’était écroulée sur le sol et pleurait à chaudes larmes et de Thomas qui se tenait devant la fenêtre, le dos raide, il se dit immédiatement que quelque chose de grave s’était déroulé

“Mademoiselle Merrytown, veuillez reprendre contenance et expliquez ce que vous avez fait à mon oncle, s’il vous plaît !” lui intima Thomas d’une voix grondante.

Sa voix était sans appel. Annabelle se releva et fit face à l’oncle de Thomas. Elle essuya ses larmes et confessa tout ce qu’elle avait fait.

George Johnson resta coi pendant quelques minutes le temps d’intégrer toutes les informations que lui avait transmises l’héritière des Merrytown.

“Je pense qu’il est temps que vous rentriez chez vous, mademoiselle !” lança l’oncle d’une voix glaciale.
“Je suis vraiment désolée, monsieur !” le supplia-t-elle, en se remettant à pleurer.

Mais l’oncle de Thomas ne la regardait plus. Elle s’enfuit alors du manoir des Johnson.

“Que comptez-vous faire, mon cher neveu ?” lui demanda George en s’approchant de lui.

Les trois jeunes gens haussèrent la tête et écoutèrent attentivement leur conversation. Thomas se retourna vers son oncle.

“Vous savez très bien ce que je vais faire, mon oncle !” s’écria ce dernier d’une voix ferme. “M’en empêcherez-vous ?”

George l’observa pendant quelques instants, puis, sourit enfin.

“Vous savez que je ne pourrai jamais rien vous empêcher de faire ! Si cela est votre décision !”

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Emma, Howard et James se retrouvèrent seuls dans le bureau de Thomas, comme si on les avait oublié. Ils s’observèrent se jaugeant du regard. James prit finalement la parole sachant que c’était à lui de le faire.

“Emma,” dit-il en regardant son ancienne petite amie. Celle-ci releva la tête en lui lançant un regard de défi. “Je voudrais m’excuser pour ce que je t’ai fait il y a trois ans ! Je n’aurais jamais dû faire ça et je le regrette amèrement depuis ! Pourras-tu me pardonner un jour ?”
“Je ne sais pas, James !” répondit-elle au bout de quelque temps.
“Je comprends,” dit James d’un air maussade. “N’hésite pas à me contacter si un jour, tu veux bien me reparler ! Je suis prêt à tout faire pour que tu me pardonnes !”

Ses yeux étaient sincères mais Emma se détourna à nouveau. Howard qui avait regardé toute la scène décida de se lever.

“C’était un plaisir de te revoir, James !” lança ce dernier en lui offrant sa main pour qu’il la serre.

James sourit enfin. Il serra la main de son meilleur ami avec soulagement. Peut-être qu’un jour réussira-t-il à se faire totalement pardonner ? Cela prendra du temps, certes, mais il avait déjà fait un grand pas en avant.

La magie de Noël by MinnieMey

Vanessa se leva avec réticence en ce matin de 24 décembre, son jour préféré. Pourtant, elle n’arrivait plus à se réjouir. A quoi bon fêter Noël quand le coeur n’y était plus ?

Ses parents avaient tenté de lui remonter le moral sans grand succès. Toute la semaine, elle les avait aidés dans la préparation du repas du réveillon de Noël et du lendemain : elle avait préparé des chocolats, aidé sa mère dans la confection de la bûche, avait choisi le chapon avec son père et ce matin, elle devait l’aider à le cuire. Cela prendrait plusieurs heures.

Elle était également allée plusieurs fois chez ses grands-parents et avait aidé sa grand-mère à tricoter des bonnets et des écharpes qu’ils offriraient cet après-midi lors d’une fête organisée par la ville pour les personnes qui n’avaient pas les moyens de fêter Noël.

Malgré l’ambiance de fête dans la maison et dans toute la ville, Vanessa n’arrivait pas être heureuse. Quand Thomas l’avait quitté, elle avait pleuré pendant des heures car elle s’était finalement rendue compte de ses sentiments à son encontre. Mais elle savait aussi que leur histoire était impossible. Il était trop riche, avait trop de responsabilités, n’était pas du même milieu qu’elle. Annabelle Merrytown avait eu raison. Elle ne pouvait pas être à ses côtés.

Cela lui avait été douloureux de renoncer à lui. Thomas paraissait un homme hautain et prétentieux aimant ses privilèges. Pourtant, il n’avait pas hésité à cuisiner avec elle alors qu’il ne savait pas du tout cuisiner, il l’avait accompagnée à l’hôpital sans aucune arrière-pensée, il avait fait des efforts pour trouver une activité qui pourrait lui plaire, même si elle détestait le patinage. Il était maladroit, honnête, sincère et foncièrement gentil.

Elle n’avait pas supporté qu’il croit qu’elle se jouait de lui, de ses sentiments, qu’elle aimait Howard, qu’elle se moquait de lui. Il ne l’avait pas cru et pourtant, quand il avait tenté de l’embrasser, elle l’avait repoussée.

En réalité, elle était totalement perdue. Elle ne savait pas ce qu’elle voulait. Sa raison lui dictait de ne pas s’engager dans cette relation car elle risquait de souffrir, ils étaient bien trop différents. Mais au fond d’elle, son coeur et son corps voulaient Thomas.

Elle avait pensé que rester quelques jours chez ses parents, loin de Londres, de lui et de ses amis, lui permettrait d’y voir plus clair mais elle n’avait toujours pas trouvé de réponses à ses questions. Car si vraiment elle devait renoncer à lui, la décision en était d’autant plus douloureuse.

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Alors que les Bale s’apprêtaient à partir pour aller à la fête de Noël de la ville, la sonnette de la porte d’entrée résonna. Madame Bale alla ouvrir alors que Vanessa terminait de se préparer. Sur l’insistance de sa mère, elle portait un pull rouge et blanc représentant un cerf sous la neige tricoté par sa grand-mère. Vanessa n’était pas d’humeur à la fête mais elle n’avait pas eu la force de protester. Elle avait donc accepté de porter ce pull qu’elle avait pourtant adoré les années précédentes.

“Vanessa, ma chérie ! Veux-tu descendre, s’il te plaît ?” lança sa mère du rez-de-chaussée.
“Oui, j’arrive, maman !” répondit-elle en se regardant une dernière fois dans son miroir.

Elle avait des cernes sous les yeux et sa peau était trop blanche, comme si elle était malade. Elle haussa les épaules et descendit en attrapant son sac à main et son caban.

Quand elle marcha dans le couloir, elle entendit le rire de ses parents. Étonnée, elle entra dans le salon. Elle resta stupéfaite en regardant la scène qui s’offrait à elle.

Thomas Johnson était assis sur le fauteuil habituel de son père, ses parents étaient sur le canapé et lui servait le thé. Elle eut du mal à intégrer ce que ses yeux voyaient car l’héritier des Johnson, habillé d’un costume chic et certainement hors de prix, semblait déplacé dans un salon où il y avait un gigantesque sapin décoré qui clignotait derrière lui, des décorations de Noël sur tous les murs et des grosses chaussettes de Noël pendant sur la cheminée. Grizzly, le chihuhua de Vanessa, était posé sur les genoux de Thomas et ce dernier le caressait nonchalamment tout en sirotant sa tasse de thé.

“Que… que faites-vous là ?” demanda finalement Vanessa, reprenant contenance.
“Je suis venu vous voir !” répondit-il en lui souriant.

Vanessa plissa les yeux. Pourquoi lui souriait-il ainsi comme si leur dernière rencontre avait été effacé de sa mémoire ?

“Nous… n’avons pas le temps !” lança Vanessa. “Nous devons aller à une fête organisée par la ville !”
“Mais Vanessa, cela peut attendre !” dit sa mère, indignée par l’attitude de sa fille.
“Non, nous allons être en retard !” s’écria-t-elle, d’une voix ferme.
“Puis-je venir avec vous ?” demanda Thomas vers ses parents.
“Non !” lança Vanessa.
“Mais bien sûr !” dit son père en même temps.

Thomas lui lança un regard ironique en haussant les sourcils et se leva en même temps que ses parents, tout en prenant Grizzly dans ses bras. Il le posa délicatement sur le sol. Vanessa ne dit rien. Et pendant tout le trajet qui les emmenèrent jusqu’à la salle des fêtes, elle resta silencieuse. Thomas, qui était monté à l’avant, discutait courtoisement avec son père, du temps qu’il faisait à Londres, de son travail, de son émerveillement pour la petite ville de campagne dans laquelle il se trouvait aujourd’hui. Madame Bale, qui était assise à l’arrière, lançait des regards plein de sous-entendus à sa fille. Mais celle-ci ne disait toujours rien, broyant du noir.

Ils arrivèrent devant la salle des fêtes et trouvèrent une place pour se garer. Les Bale, aidé de Thomas, sortirent les affaires qu’ils avaient apporté pour la fête : une partie des écharpes et bonnets tricotés par la famille ainsi que trois gâteaux. Ils déposèrent les cadeaux sous le grand sapin et les gâteaux sur le buffet. Ensuite, ils retrouvèrent les grands-parents de Vanessa qui étaient déjà présents. Ils s’embrassèrent et Monsieur Bale présenta Thomas. Vanessa fut encore plus embarrassée. Comment le présenter ? Bien sûr, comme un ami, mais elle voyait bien que ses parents et ses grands-parents étaient charmés par la politesse et la cordialité de l’homme et qu’ils soupçonnaient qu’il était un peu plus qu’un ami pour leur fille ou petite-fille.

Ils écoutèrent silencieusement le discours du maire, puis, se dirigèrent vers le buffet pour se restaurer. Madame Bale ordonna à sa fille de s’occuper de son invité. D’un air bougon, Vanessa entraîna Thomas jusqu’au bar et lui proposa un verre de vin chaud. Il fronça le nez.

“Qu’est-ce que du vin chaud ?” lui demanda-t-il en plissant les yeux.
“Un vin rouge que l’on cuit avec de l’orange, du sucre et de la cannelle,” lui répondit-elle d’un air froid.
“Comment gâcher du bon vin… !”

Il eut l’air encore plus dégoûté.

“Nous n’avons que ça à vous proposer !” s’écria-t-elle. “Désolée de ne pouvoir vous proposer qu’une boisson “commune” !”

Thomas se tut et accepta néanmoins le verre que lui tendit Vanessa. Il le renifla avec méfiance et but une gorgée pour goûter. Il fit la grimace. La jeune femme le regarda en haussant les sourcils.

“Je peux ne pas aimer, non ?” lança-t-il d’un air légèrement revêche.
“Oui, tout le monde n’aime pas le vin chaud,” avoua-t-elle.
“Cela me rassure !”

Néanmoins, il continua à siroter le vin sans se plaindre. Ils s’étaient mis dans un coin de la salle et un lourd silence s’installa entre eux. Pour Vanessa, ce n’était pas à elle de parler. Elle attendait que Thomas fasse le premier pas mais il semblait ne pas vouloir rompre leur silence. Au bout d’un moment, elle n’en put plus.

“Pourquoi êtes-vous venu jusqu’ici ?” lui demanda-t-elle d’une voix légèrement agacée.

Elle se tourna vers lui et le regarda dans les yeux. Il l’observait également et soupira. Il détourna finalement son regard.

“Car il fallait absolument que je vous revois !” répondit-il, d’un air gêné.
“Et ?” insista-t-elle.
“Et… je voudrais m’excuser pour mon attitude de la dernière fois. Je n’aurais pas dû vous embrasser comme je l’ai fait. C’était inapproprié mais j’ai agi sous le coup de la colère. Je voudrais également m’excuser pour… ne pas vous avoir fait confiance, pour avoir pensé que vous vous jouiez de moi et qu’après être sortie avec moi, vous êtes sorti avec votre ami Howard. Emma et Howard Harrington m’ont tout raconté !”
“Comment ça, ils vous ont tout raconté ?”

Thomas lui narra leur visite, ce qu’il avait appris, les manigances d’Annabelle Merrytown ainsi que les aveux de cette dernière. A mesure qu’il racontait son récit, le coeur de Vanessa s’allégea.

“Veuillez accepter mes sincères excuses, Vanessa !” termina-t-il finalement.

Il la regarda à nouveau et cette fois, ses yeux l’imploraient de le pardonner. Vanessa se sentit soudain plus détendue et ne réussit pas à lui en vouloir plus longtemps.

“Je vous pardonne, Thomas !” dit-elle. “Ce n’est pas de votre faute mais entièrement celle d’Annabelle Merrytown, elle a tout fait pour que nous ne soyons pas ensemble !”
“Et elle a quasiment réussi !” s’écria-t-il.
“Hum… mais nous ne sommes pas ensemble, Thomas ! Je veux dire, je vous l’ai déjà dit, nous ne pouvons pas être ensemble !”
“Parce que nous ne venons pas du même monde, c’est ça ?” la railla-t-il.

Vanessa évita son regard insistant.

“Oui,” souffla-t-elle.
“Foutaises !” lança-t-il. “Avouez que je vous plais, Vanessa !”
“Et si vous me plaisiez, qu’est-ce que cela changerait ?” s’écria-t-elle avec véhémence.
“Cela changerait tout ! Regardez-moi, Vanessa !”

Il la força à le regarder dans les yeux en la tournant vers lui.

“Dites-moi dans les yeux que je ne vous plais pas et je vous laisserai tranquille à tout jamais ! Mais s’il y a une chance pour que vous m’aimiez, je ferai tout pour que nous soyons ensemble car, moi, je n’ai pas peur de vous avouer mes sentiments ! Je vous aime, Vanessa, depuis le premier jour où je vous ai rencontré !”

Vanessa ne détourna pas son regard. Son coeur palpitait de plus en plus fort, il lui criait de lui dire la vérité, d’écouter ses propres sentiments, de ne pas le fuir. Mais elle avait peur. Pas de tous ces gens qui la regarderaient avec mépris ou avec haine. Elle se fichait de ces personnes-là. Ils n’étaient que des excuses. Il avait raison, elle avait juste peur de ses propres sentiments. Jamais elle n’avait rencontré un homme tel que Thomas Johnson. Jamais elle n’avait aimé comme elle l’aimait lui.

Elle s’apprêta à dire quelque chose mais sa grand-mère saisit cette occasion pour venir les voir et leur parler. Thomas et Vanessa s’éloignèrent l’un de l’autre.

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Les Bale invitèrent Thomas à partager le repas du réveillon de Noël avec eux. Vanessa se sentit embarrassée.

“Maman, je suis sûre que Thomas a autre chose à faire que de passer le réveillon de Noël avec nous !” lança-t-elle dans la voiture.
“Cela ne me dérange pas !” s’écria Thomas, guilleret.

Vanessa le regarda en haussant les sourcils, il lui sourit. N’était-ce pas ce même homme qui disait détester Noël ?

“Je suis venu comme ça et je n’ai rien prévu pour ce soir !” continua-t-il.
“Cela signifie que vous n’avez pas d’endroit où dormir ?” s’exclama Madame Bale.
“Non, pas encore, je comptais demander à mon secrétaire de me réserver une chambre quelque part mais je vous avoue, j’ai oublié de le contacter !”
“Il est hors de question que vous payiez une nuit d’hôtel ! Vous allez dormir chez nous ! Nous vous préparerons la chambre d’amis !” s’écria la mère de Vanessa.
“Et vous n’arriverez jamais à trouver une chambre d’hôtel à cette heure-ci !” renchérit cette fois le père de Vanessa.

Leur fille était horrifiée. Le richissime Thomas Johnson qui vivait dans un château de 50 pièces allait dormir dans la maison de ses parents qui faisaient à peine 120 m².

“Et je vous prêterai un pyjama !” continua son père d’un air joyeux.

Vanessa faillit faire une crise cardiaque tellement l’idée de Thomas portant le pyjama de son père lui était absurde. Ce dernier souriait comme si de rien n’était. En la voyant le dévisager, il lui fit un clin d’oeil. Il semblait s’amuser de la situation. Elle fut tentée de rire aussi, plus de tension qu’autre chose, mais l’ignora.

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“Vous reprendrez bien un peu de chapon, Thomas ?” lui proposa la grand-mère de Vanessa.
“Oui, merci ! Il est délicieux !” répondit ce dernier.

Vanessa était assise en face de Thomas qui mangeait avec appétit tout ce que la famille Bale lui proposait. Elle l’observait du coin de l’oeil et guettait tous ses gestes. Ce dernier était poli, respectueux, riait des blagues lancées par son grand-père et écoutait avec attention les anecdotes que lui racontait son père.

Au bout de quelque temps, la discussion tourna autour de Vanessa, au plus grand désespoir de cette dernière. Thomas, quant à lui, devint encore plus attentif et écouta avidement la mère de la jeune femme. Vanessa leva les yeux au ciel quand sa mère parla du jour où elle avait mouillé sa robe après avoir vu le Père Noël.

“Maman !” s’écria-t-elle. “Ne raconte pas cette histoire à Thomas ! C’est gênant !”
“Mais je veux l’entendre !” s’exclama-t-il en ignorant le regard noir qu’elle lui lança.
“Oh, eh bien, Vanessa adorait le Père Noël quand elle était petite. Je vais vous montrer sa première photo avec lui !” continua sa mère sans écouter sa fille.
“Non, maman, pas de photos !” s’écria à nouveau Vanessa.
“Mais moi, je veux les voir ces photos !” rit Thomas.
“Dixit celui qui déteste qu’on le prenne en photo !” lui lança-t-elle d’un air ironique. “Quand me montrerez-vous une photo de vous avec une barbe de trois ans ?
“Jamais de la vie !”
“J’aurais vraiment dû vous prendre en photo avec ce tablier à fleurs !” marmonna-t-elle.

Sa mère arriva avec le fameux album et l’ouvrit devant une Vanessa de deux ans, qu’on reconnaissait à cause de sa touffe de cheveux châtains, qui posait devant l’objectif un grand sourire sur les lèvres à côté du Père Noël. Elle tourna les pages et montra d’autres photos de Vanessa chaque fois plus âgée qui posait à nouveau avec le Père Noël.

“Voilà ! C’est après cette photo ! Tu devais avoir six ans, ma chérie !” continua sa mère.

Vanessa se renfrogna, elle n’avait pas envie que sa mère évoque le passage le plus honteux de sa vie.

“Chaque année, Vanessa attendait avec impatience de voir le Père Noël. Cette année-là, elle avait compté chaque jour qui passait. Le jour J, elle était tellement surexcitée qu’elle en oublia d’aller aux toilettes et commença à avoir envie d’aller faire pipi pendant qu’elle attendait son tour dans la file. Malheureusement, ce jour-là, il y avait du monde qui voulait prendre une photo avec le Père Noël et Vanessa ne voulait pas laisser sa place. Bien sûr, elle ne m’a rien dit. Elle souffrait en silence. Elle a attendu, jusqu’à ce qu’elle puisse faire la fameuse photo. Mais nous n’avons pas eu le temps d’arriver jusqu’aux toilettes, elle avait déjà fait pipi dans sa culotte. Elle a ensuite pleuré jusqu’à ce que nous rentrions à la maison ! Pauvre bichette !” lança sa mère d’un air attendri, elle leva sa main vers la joue de sa fille qui la dégagea en grognant.
“Je te hais, maman !” répliqua cette dernière.
“Et vous êtes quand même retournée faire une photo avec le Père Noël l’année d’après ?” demanda Thomas, d’un air hilare.
“Oh oui, et cette fois, Vanessa avait prévu le coup !” répondit sa mère.

Thomas éclata de rire.

“Honnêtement, si cela m’était arrivé, jamais je n’aurais refait de photo avec le Père Noël ! Cela m’aurait traumatisé !” s’exclama-t-il après avoir repris ses esprits.
“Mais pas notre Vanessa, elle aime bien trop Noël pour ça !”

Vanessa leva à nouveau les yeux au ciel.

“Et vous, Thomas ?” demanda cette dernière soudain. “Quel traumatisme avez-vous eu dans votre enfance pour détester Noël à ce point ?”

La question jeta un froid parmi les convives. La famille Bale n’était pas au courant de l’aversion de Thomas pour cette fête. Soudain, Vanessa se sentit un peu bête d’avoir posé cette question indiscrète devant ses parents et ses grands-parents. Ces derniers restèrent silencieux. Thomas se sentit mal à l’aise et lui lança un regard mécontent.

“Euh… Je…” tenta-t-il de dire.
“Oubliez ma question !” s’écria-t-elle soudain. “Maman, je crois qu’il est l’heure de sortir le pudding !”
“Hum, oui, ma chérie !”

Madame Bale se leva et commença à débarrasser la table.

oOoOo



“Joyeux Noël !” lança le père de Vanessa d’un air ravi.

Il était enfin minuit et les Bale se levèrent tous pour s’embrasser. Thomas resta assis sur sa chaise ne sachant que faire. Vanessa lâcha sa mère et s’approcha de lui.

“Joyeux Noël, Thomas !” lui dit-elle avec un sourire.

Sans qu’il ne réponde quoi que ce soit, elle l’embrassa sur les deux joues.

“C’est pour vous !” s’écria-t-elle en lui donnant un cadeau qu’elle avait caché dans son dos.
“Mais pourquoi ? Je n’ai rien pour vous !” répondit-il, d’un air gêné. “Je ne peux pas accepter !”

Pourtant, il regardait le cadeau dans ses mains, les yeux étincelants.

“Vous pouvez l’ouvrir !” continua Vanessa. “Je suis désolée, ce n’est pas grand chose. Je ne savais pas que vous alliez venir, donc, j’ai fait au mieux…”
“Ne vous excusez pas !”

Thomas ouvrit le paquet et découvrit une écharpe en laine bleue.

“C’est vous qui l’avez tricotée ?” demanda-t-il, les yeux pétillants.
“Oui ! Et je suis vraiment désolée car il a beaucoup d’imperfections mais bon… comme je vous ai dit, j’ai fait au mieux…”
“Elle est magnifique !”

Il déplia l’écharpe et la mit autour de son cou. Il lui fit un grand sourire.

“Je vous remercie, Vanessa !”

Ils étaient très proches l’un de l’autre et Vanessa crut qu’à un moment, il allait l’embrasser mais sa mère attrapa Thomas par le bras pour lui donner son propre cadeau.

oOoOo




Vanessa et Thomas étaient assis sur le canapé du salon devant le feu de cheminée. Ils buvaient un dernier chocolat chaud avant d’aller se coucher.

Les grands-parents de Vanessa étaient rentrés chez eux et monsieur et madame Bale étaient déjà dans leur chambre. La mère de Vanessa avait préparé la chambre des invités pour Thomas et y avait déposé un t-shirt et un bas de pyjama sur le lit. Thomas avait regardé les vêtements d’un air dubitatif mais n’avait rien dit. Il n’avait pas eu le courage de redescendre dans le salon dans cette tenue et était arrivé habillé de sa chemise et de son pantalon de costume. Vanessa n’avait fait aucune remarque.

“Alors, dites-moi la vérité ! Pourquoi n’aimez-vous pas Noël, Thomas ?” lui demanda-t-elle. Elle s’était changée en pyjama et s’était enveloppée sous un plaid.

Thomas, assis à côté d’elle, resta pensif quelques instants en plongeant ses yeux dans le feu de la cheminée.

“Je n’ai jamais fêté Noël avec mes parents,” dit-il enfin. “Vous savez que je viens d’une famille stricte. Ma mère m’a élevé en respectant les traditions des Johnson. Noël était pour elle une fête des gens “communs”. A la maternelle, on fêtait toujours Noël chaque année et nous créions un cadeau que nous devions ensuite offrir à nos parents. Cela pouvait être une simple couronne en papier, un collier en perle ou encore une assiette peinte par nos soins. Quand j’étais petit, je m’appliquais toujours à faire ces cadeaux. Mais à chaque fois que j’en ramenais un, ma mère ne prenait même pas la peine de l’ouvrir et le jetait à la poubelle en me disant que cette fête n’était pas digne des Johnson, que c’était juste une fête commerciale, que nous ne nous abaisserions jamais à la fêter. Au bout de quelques années, je n’offrais plus les cadeaux que je faisais pour mes parents. Je les jetais dès que je sortais de l’école. Petit à petit, j’ai commencé à dénigrer mes amis quand ils parlaient de Noël, répétant juste les mots de mes parents. Puis, j’ai moi-même commencé à détester cette fête.”

Thomas s’arrêta de parler et prit une grande inspiration.

“Voilà pourquoi j’ai toujours détesté Noël. Ma révélation n’a rien d’exceptionnelle. J’étais juste un enfant déçu. Mais je dois vous avouer que depuis que je vous connais, mon regard sur cette fête a changé. Vous m’avez appris ce qu’était le vrai esprit de Noël : aider les autres et passer du temps en famille. Je suis juste triste de ne le découvrir que maintenant. J’aurais tellement aimé fêter Noël avec mes parents comme vous le faites avec les vôtres.”

Vanessa le regarda. Il avait l’air triste. Elle se rapprocha un peu de lui.

“Il n’est pas trop tard, vous savez ! Certes, vous ne fêterez jamais Noël avec vos parents mais il n’est pas trop tard pour vous. Ce qui est important, c’est que vous ayez compris la valeur de cette fête et que vous l'inculquiez plus tard à votre propre famille.” le rassura-t-elle.
“Merci Vanessa !” lui dit-il en lui souriant.

Il lui jeta un coup d’oeil.

“Vous ne m’avez toujours pas répondu !” s’écria-t-il soudain. “Vanessa, donnez-moi votre réponse, s’il vous plaît ! J’ai besoin de savoir !”

Ses yeux gris étaient plongés dans les yeux marron de la jeune femme. Vanessa ne pouvait plus détacher son regard du sien. Elle entendait son coeur battre très fort dans sa poitrine. Elle avait l’impression que ses oreilles bourdonnaient. Son ventre se tordait dans tous les sens. Elle avait la gorge sèche et se râcla la gorge quand elle prit sa décision.

“Vous me plaisez, Thomas !” dit-elle enfin. “Vous m’avez plu dès que j’ai posé mes yeux sur vous ! Vous avez bien sûr des côtés que je déteste. Vous êtes prétentieux, n’avez aucune honte à utiliser votre argent et vous donnez l’impression que tout vous est dû.”

Thomas sourit à ces mots.

“Mais à force de vous côtoyer, j’ai appris à vous connaître,” continua-t-elle. “Vous n’êtes pas aussi prétentieux que vous voulez bien le faire croire. Je me suis rendue compte que vous étiez quelqu’un de simple et que vous pouviez vous contentez de peu. Quand vous riez, sincèrement, votre visage s’illumine ! Vous avez fait des efforts pour moi, vous avez fait des choses que vous n’auriez jamais fait et vous vous en êtes sorti royalement ! Vous avez une certaine naïveté qui me fait totalement craquer ! Oui, vous me plaisez, Thomas et je n’ai plus peur de le dire !”

Elle le regarda ensuite avec appréhension.

Ce dernier lui fit le sourire le plus éclatant qu’elle n’ait jamais vu. Son coeur palpita encore plus fort dans sa poitrine. Sans attendre son consentement, Thomas s’approcha d’elle et l’embrassa avec passion. Vanessa accepta son baiser et oublia toutes ses peurs et ses incertitudes.

Vanessa n’avait jamais rêvé de rencontrer son prince charmant pour Noël.

Mais il s’avère que parfois, il faut juste se laisser porter par ses propres intuitions. Ecouter et suivre son coeur, c’est ça aussi l’esprit de Noël.

*FIN*

 

End Notes:

Bonjour à tous !
Vous venez de lire le tout dernier chapitre de cette histoire. J'espère qu'elle vous a plu ^^!
Moi, en tout cas, j'ai pris énormément de plaisir à l'écrire. C'était ma toute première originale et je suis plutôt contente du résultat :).
Je remercie Hazalhia de nous avoir proposé ce thème !
MinnieMey

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