Summary: Alexandre Cotelet, jeune diplômé en médecine, est arrogant et superficiel. Mais lorsque « tonton magot », celui qui a financé ses études, lui demande de le remplacer dans son cabinet tout un été, il est contraint de dire oui.
Voilà donc le trentenaire de retour dans la vie natale qu’il avait fui dès qu’il avait pu, Droche : ses 10 000 habitants, sa base militaire, ses secrets.
Lorsque ses consultations deviennent de plus en plus étranges, il fait la rencontre d’un vétérinaire et d’une journaliste locale qui répertorient les bizarreries de cette ville, d’abord pour s’amuser mais très vite pour enquêter. Venez découvrir les bizarreries de Droche à travers plusieurs petites histoires...Loufoques :-p
Categories: Humour,
Aventure,
Fantastique,
Contemporain Characters: Aucun
Avertissement: Aucun
Langue: Français
Genre Narratif: Roman
Challenges: Series: Aucun
Chapters: 10
Completed: Non
Word count: 20275
Read: 45775
Published: 19/09/2019
Updated: 02/01/2022
Story Notes:
Cela faisait longtemps que je n'avais pas écrit et ces derniers jours, c'est revenu! (3615 my life :-p) et je viens de commencer une nouvelle aventure à Droche, alors, je me suis dit que c'était le moment de poster les premiers chapitres ici. Je pense sincèrement que c'est le fait d'avoir posté mes histoires sur le site qui m'a donné l'envie d'écrire à nouveau! Merci du coup!
J'espère avoir réussi ici des histoires légères, avec des jeux de mots absurdes et des situations ubuesques qui font passer un bon moment.
1. La vie est belle by Laportequigrince
2. Le centre médical by Laportequigrince
3. Un tracteur nommé Christine (partie 1) by Laportequigrince
4. Un tracteur nommé Christine (partie 2/3) by Laportequigrince
5. Un tracteur nommé Christine (partie 3/3) by Laportequigrince
6. Le medecin super star by Laportequigrince
7. Papi fait de la résistance (1/4) by Laportequigrince
8. Papi fait de la résistance (2) by Laportequigrince
9. Papi fait de la résistance (3) by Laportequigrince
10. Papi fait de la résistance (4) by Laportequigrince
La vie est belle by Laportequigrince
— Yes Gauthier, mon poto, cette fois c’est fini ! hurla Alexandre tout en entrechoquant sa coupe de champagne à celle de son ami.
Assis sur la banquette en velours rouge d’une boite de nuit huppée, Alexandre, Brice et Gauthier avaient décidé de célébrer l’obtention, l’après-midi même, du diplôme qui clôturait de nombreuses années d’études et qui faisait officiellement d’eux des médecins.
Ne dérogeant pas à leurs habitudes, ils ne se refusaient aucun excès et pourquoi se le refuser alors qu’ils en avaient maintenant les moyens ? Le père de Brice, directeur d’une clinique privée dans le sud de la France, venait de leur annoncer qu’il leur offrait un poste et les attendait d’ici trois semaines. En plus d’être jeunes et beaux, ils se voyaient bientôt plus riches qu’ils ne l’étaient déjà.
Sans prévenir ses amis, Gauthier, blondinet au sourire ravageur, se leva de son siège et s’avança vers le groupe de jeunes filles qu’il avait repérées, munit d’une nouvelle bouteille de champagne. Après quelques minutes de discussion, il fit un clin d’œil à ses camarades qui s’approchèrent à leur tour. C’était leur signal, le clin d’œil qui signalait de bonnes cibles, c’est à dire des jeunes filles peu farouches ou très sensibles aux signes extérieurs de richesse. Du pain bénit pour eux en somme.
Alexandre Cotelet, 30 ans, était le plus âgé des trois mais aussi le moins bien né. C’était grâce à son oncle, alias tonton Magot, qu’il avait pu financer ses études longues et laborieuses. Beau brun ténébreux à l’allure de surfeur, il était à l’aise en toute circonstance, sûr de lui mais surtout très arrogant. Il partageait d’ailleurs ce dernier trait de caractère avec ses deux amis et c’est même grâce à celui-ci qu’ils s’étaient rapprochés dès la première année d’études: eux trois face à la médiocrité des autres.
Alex appréciait aussi beaucoup les femmes. De préférence pas trop habillées et pas trop bavardes non plus. Il les aimait tellement qu’il en faisait une grande consommation. D’ailleurs ce soir là, il avait jeté son dévolu sur une belle blonde moulée dans une robe noire pailletée.
Mais cette jeune fille respire la classe, se dit Alex en s’approchant.
— Je m’appelle Candice, se présenta la jeune femme en tortillant ses cheveux autour de son index.
Si tu savais ce que j’en ai rien à foutre de ton prénom, pensa le jeune homme.
— Candice, c’est mignon, lui susurra t-il dans le creux de l’oreille tout en profitant de l’occasion pour passer son bras autour de sa taille.
— Et tu fais quoi dans la vie ? demanda la jeune fille sans le repousser.
— Médecin, répondit-il pas peu fier de lui.
Le regard Candice s’illumina alors d’un éclat qu’Alexandre connaissait bien car il le voyait souvent lorsqu’il annonçait sa profession : c’était le Saint Graal pour ce type de fille. Il en était conscient et en jouait car après tout, au delà de la plastique, le reste lui importait peu et il savait très bien ce qu’il voulait de sa proie. Il ajoutait alors toujours la même chose :
— Oui. J’aime venir en aide aux autres.
Comme à chaque fois, la jeune femme sourit et se blottit un peu plus dans ses bras.
Je suis trop fort…Et un peu crevard quand même, ironisa-t-il intérieurement.
— On va chez toi ? proposa-t-il enfin à la jeune femme.
Elle, acquiesça timidement puis il l’entraina dehors.
— Mon lapin ? T’es mignon quand tu dors, mon lapin…Debout.
Alexandre ouvrit les yeux avec la gorge sèche et une main manucurée lui caressant la joue. Il mit quelques secondes à réaliser que les vêtements jetés à terre un peu partout étaient les siens mais quand ce fut fait, il se redressa énergiquement dans le lit.
Et merde, elle s’est réveillée avant moi.
À ses côtés, la jeune femme avec qui il avait passé la nuit le regardait en souriant. Elle l’embrassa sans qu’il ait le temps de réagir puis sortit du lit pour se rendre dans une autre pièce. Alex en profita alors pour rassembler ses affaires et commençait à s’habiller. Il était en colère après lui, jamais il ne s’était réveillé après une proie. En général, il arrivait toujours à s’éclipser avant que celle-ci ne s’en aperçoive. D’autant plus que maintenant qu’il avait eu ce qu’il voulait, elle n’avait plus aucun intérêt à ses yeux.
— Tu prends quoi pour le petit dèj ? lui demanda la jeune fille au loin.
Comment s’appelle-t-elle déjà ?
— Ben là tout de suite, la porte, répondit l’intéressé en repérant la sortie, allez c’était sympa, salut ! conclut-il en s’engouffrant dans la cage d’escalier.
— Quoi ? Espèce de sale fils de p..
La jeune femme n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’il avait déjà dévalé toutes les marches le séparant du bas de l’immeuble.
Malgré l’heure matinale, il faisait déjà doux. Alex fouilla dans les poches de sa veste et y trouva sa paire de lunettes de soleil qu’il mit aussitôt et ses clés de voiture.
Une chance qu’elles ne soient pas tombées chez elle, se dit-il en regardant sa conquête sur son balcon lui faire des signes peu amicaux.
Il lui fit un geste de la main aussi, puis de l’autre actionna le bip d’ouverture centralisée de sa voiture et s’engouffra à l’intérieur.
Une fois à son appartement, il alluma la télévision, par habitude, se prépara un café, car avec tout cela, il n’avait pas déjeuné, et démarra son ordinateur afin de vérifier ce que ses amis avaient publiés sur les réseaux sociaux.
Gauthier et Brice semblaient ne pas avoir été en reste puisque de nombreuses photos d’eux, torses nus et entourés de jeunes filles, le tout sous fond d’alcool, avaient envahis leurs pages.
— Ah, ça c’est mes potes ! ria Alexandre.
Le jeune homme déchanta bien vite car parmi les mails de félicitations reçus de la part de sa famille, figurait un message de son oncle, « tonton magot ». Lui-même médecin, il s’était tout de suite proposé pour financer les études de son neveu et ce, sans conditions particulières. L’homme, qui approchait de la retraite, ne s’était jamais marié, n’avait pas d’enfants et par conséquent possédait des moyens financiers importants. Malgré cela, Alex le connaissait peu. En vérité, il n’avait aucun souvenir de lui. Ses parents lui avaient alors dépeint quelqu’un de bizarre, d’excentrique mais qui prenait son travail à cœur.
Voilà maintenant quelques années, « tonton magot » avait décidé de se rapprocher de ses racines et avait intégré un cabinet médical dans la ville où lui et sa sœur, la mère d’Alex, avaient grandis. La même ville où Alex avait passé son enfance et fuit le plus vite possible.
Avec une certaine appréhension, il cliqua sur le message électronique dont l’objet était tout simplement « enfin ! ». Le jeune homme parcouru rapidement les quelques lignes écrites par son oncle, puis, incrédule, le relu une seconde fois dans la foulé.
— What the fuck ! laissa-t-il échapper, putain, mais c’est quoi ces conneries ? Il rêve éveillé lui ! s’exclama t-il enfin dans un éclat de rire.
Les yeux rivés sur son écran d’ordinateur, il ne pouvait s’empêcher de lire encore et encore le message de son oncle avec un mélange d’angoisse, d’incrédulité mais surtout, de dérision:
« Alexandre, mon cher neveu,
C'est avec une grande émotion que je te félicite pour l'obtention de ton diplôme… enfin, il était temps… »
— Au moins, les nouvelles vont vite dans la famille ! relativisa le jeune homme.
« C'est une véritable fierté pour moi d'avoir contribué durant de nombreuses années à ta réussite.
Maintenant que tu as ton diplôme de médecine générale, je t'attends avec impatience dans mon cabinet afin que tu puisses me remplacer, j’ai déjà tout arrangé.
Grâce à toi, je vais enfin pouvoir m'accorder quelques vacances d'été digne de ce nom et je t'en remercie d'avance. Je t’attends donc dès la semaine prochaine afin de t’expliquer en détail le fonctionnement du cabinet.
Mes amitiés à tes parents.
À lundi prochain.
Ton oncle Henry »
Lorsqu'il avait quitté sa petite ville natale pour étudier dans le sud de la France aux frais de son riche oncle, Alexandre s’était bien douté qu'il devrait lui renvoyer la pareille. Cependant, il ne s'attendait pas à le faire au lendemain de sa remise de diplôme. À vrai dire, il avait déjà tout planifié avec ses deux compères. Il allait passer quelque temps à Biarritz pour taquiner les vagues et draguer les belles naïades, en général pas insensibles à ses charmes, avant d’intégrer la clinique privée du père de Brice.
Le jeune homme savait pertinemment que la plupart des gens le trouvaient arrogant et vaniteux. Mais n'en déplaise à ses détracteurs, de son point de vue, il avait tout : la beauté, l'intelligence et si tout se passait bien, l'argent.
Il avait fini très bien placé dans le classement de sa promotion et dans son esprit, il n'aurait qu'à claquer des doigts pour obtenir tout ce qu’il voulait et dans plusieurs années se ranger pour peut-être même fonder une famille.
Pendant son internat, il n'avait côtoyé que des gens comme lui, avec un égo qui ne passait pas le cadre des portes d’un hôpital. Alors, remplacer son oncle dans sa petite ville natale n'avait jamais fait partie de ses options.
Payer ma dette, ok, mais faut pas déconner non plus ! pensa t-il avant d’aller faire une sieste après tant d’émotions.
À son réveil, il avait les idées plus claires, hors de question qu’il ne cède à ce chantage honteux et il décida tout bonnement d’ignorer le mail de tonton Magot, au pire, il prétendrait n’avoir rien reçu. Cette résolution prise, il rejoint ses amis et passa une nouvelle soirée mouvementée et arrosée.
Lorsqu’un taxi le déposa chez lui sur les coups de six heures le lendemain, le jeune homme eut le genre d’idées qui ne peuvent sembler bonnes qu’après plusieurs verres. Malgré l'heure matinale, il prit son téléphone et décida d’appeler son oncle pour décliner son offre mais surtout, lui expliquer le fond de sa pensé sur ses méthodes.
Alors qu'il s'attendait à avoir une tonalité, il y eut un bruit dans le combiné semblable à la réception d'un fax. Il regarda son écran pour s'assurer du numéro et c'était pourtant bien celui là. Il raccrocha et tenta un second appel avec le même résultat. Agacé, il posa son téléphone sur la table basse, alluma sa télévision sur une chaine d’information en continu et se figea, comme absorbé par l’écran. Quelques minutes passèrent ainsi puis il eut une seconde idée : ses parents habitaient la même ville, peut-être pourraient-ils lui communiquer son nouveau numéro. Sans même penser qu’il pourrait les réveiller, Alex coupa le son du téléviseur et composa le seul numéro de son répertoire qu’il pouvait faire les yeux fermés. Une nouvelle fois, un son étrange se fit entendre ce qui commença à l’inquiéter. Il avait bu certes, mais pas au point de ne plus pouvoir appeler ses parents. Tout en gardant le téléphone à l’oreille pour voir si ce bruit cessait à un moment, il se prépara un café pour remettre ses idées définitivement en place. Alors qu’il se servait une tasse, son œil fut attiré par la télévision en face de lui. Il se rassit sur son canapé, posa le téléphone près de lui et scruta l’écran avec attention :
Un jeune journaliste de la chaine d'informations se trouvait dans l'effervescence d'une foule et semblait faire un état des lieux aux présentateurs qui l'écoutaient religieusement. Alexandre chercha alors frénétiquement sa télécommande et remit le son qu’il avait coupé quelques minutes auparavant. Plus que le journaliste ou la foule, c'était surtout le panneau devant lequel tout ces gens s’agglutinaient qu’il avait repéré : Droche. Sa ville natale.
Prenant un air solennel, le jeune journaliste semblait tout de même savourer l'attention qu'on lui portait :
— Alors, Jean-Sylvain que pouvez-vous nous dire de plus sur cette étrange histoire ? demanda le présentateur.
— Et bien, pour l’heure, tout est encore confus, Hugues. Je me trouve à quelques mètres de Droche, ville côtière de dix milles habitants dont une grande partie travaille pour la base militaire, qui est, je le rappelle, la plus grande d'Europe en matière d'engin nucléaire. Il y a six heures de cela, le monde extérieur a totalement perdu le contact avec la ville. En d'autre terme, plus de connexion internet, de téléphone ou même d'ondes radios. Ce qui, vous vous en doutez, provoque un vent de panique au sein de la population environnante mais aussi des autorités. Certains témoins ont aussi rapporté avoir vu au loin les éclairages de la boite de nuit très populaire de Droche : le Qeep Going, se couper, mais impossible de vérifier ces dires puisque les forces militaires de la base ont eu l'ordre de bloquer toutes les voies d'accès à la ville. D’autres évoquent même maintenant l’éventualité d’une attaque terroriste sur la base.
— Que vous ont dit les militaires justement, est-ce une simple mesure de sécurité ? Peut-il s'agir d'une fuite nucléaire ?
— Ici, Hugues, le silence est de mise, personne n'a accepté de répondre à nos questions, d'où la gronde des personnes autour de moi qui ne savent pas ce qu'il se passe, ni pourquoi personne dans la ville ne semble être réveillé. Alors, attaque terroriste ou simple panne électrique ? Tous les scénarios semblent encore envisageables.
Le journaliste fut alors bousculé par plusieurs badauds agglutinés autour de lui et l'un d'eux en profita pour saisir le micro de ses mains :
— C'est inadmissible, j'étais en déplacement et je rentrais tôt ce matin quand les bidasses en folie m'ont empêché de rentrer chez moi. Impossible de téléphoner à ma femme pour savoir ce qu'il se passe là-bas. Personne ne nous tient au courant, c'est une honte. Ah, elle est belle la République ! hurla cet homme en costume face à la caméra.
Un peu paniqué, le jeune reporter lui sauta dessus, mais sans défaire sa coupe parfaite, et réussit à reprendre le control du micro. Après un temps de flottement, il reprit son exposé :
— Comme vous pouvez le constater, la tension monte, les esprits s'échauffent. Alors, devons-nous craindre le pire ? Sommes-nous actuellement tous en danger ? Je crains, Hugues, que nous devions tous attendre... Pour avoir des réponses.
— En effet, vous semblez au cœur de la tourmente, pour ne pas dire, de l’actualité, lança le présentateur en souriant. Merci Jean-Sylvain pour votre sang froid et n'hésitez pas à nous faire part de toute nouvelle information. Un peu de sport à présent avec un dernier record....
Alexandre éteignit la télévision, abasourdi par ce qu'il venait de voir. Était-ce vrai ou bien un canular ? Avait-il autant bu ?
— Allo ? Allo ? Il y a quelqu’un au bout du fil ? Ca vous amuse d’embêter les gens à cette heure ?
Le jeune homme cru d'abord devenir fou et eu la peur de sa vie. Puis il réalisa qu'il n'avait pas raccroché son téléphone et que cette voix ressemblait fortement à celle de son père. Il saisit son portable laissé sur la table.
— Papa ? C'est toi ? Mais qu'est-ce qu'il se passe chez vous ? s’inquiéta Alex.
Son père avait une voix encore endormie.
— Alexandre? C’est bien toi ? Mais de quoi parles-tu? Tu appelles en pleine nuit, tu as un problème ?
— En pleine nuit ? Il est… six heures trente du matin, réalisa t-il, embarrassé.
— Quoi ? Tu te trompes, mon réveil indique une heure du matin.
Un silence suivit ses mots, mais Alexandre reconnut au loin le bruit des volets roulants qui s'ouvraient.
— Mais tu as raison. Mon réveil a dû se bloquer. C'est étrange, d’habitude nous nous réveillons toujours à la même heure, ta mère et moi...Mais tiens, encore félicitations pour ton diplôme, je suis si fier de toi. Pourquoi voulais-tu nous parler au fait ?
— Damned ! lâcha Alex, agacé.
— Qu'y a-t-il, fils ?
Certes, son allure nonchalante et son ambition dévorante irritaient plus d’un, mais il était indéniable qu’Alexandre Cotelet était un médecin consciencieux. Pendant son internat, il avait eu à faire à des patients dont les symptômes, comme la perte de notion du temps, présageaient une maladie plus grave. Aussi, la réaction de son père l’alerta immédiatement et il ne pouvait pas rester sans rien faire. Alors que quelques minutes plus tôt il aurait préféré se pendre plutôt que de prononcer ces mots, il annonça à son père la grande nouvelle :
— Henry m'a proposé de le remplacer cet été au cabinet, confessa-t-il avant de pousser un dernier soupir, et j'ai accepté. Je serai là lundi prochain.
— Fantastique, ta mère va être aux anges ! Nous allons te préparer la petite maison au fond du jardin.
— Ouais...Génial, bonne idée. Je vous laisse, prenez soin de vous, finit son fils en raccrochant.
Le jeune homme passa le reste de la journée à regretter ses mots mais maintenant, il était prit au piège et ne pouvait plus faire marche arrière. En apprenant la nouvelle, Brice éclata de rire à l’idée d’imaginer son ami dans une petite ville. Il lui fit promettre de le tenir régulièrement au courant de sa vie pendant que lui et Gauthier iraient prendre du bon temps au soleil.
Le père de Brice fut quant à lui moins moqueur et accepta de retarder son embauche de quelques semaines. C’était la plus grande crainte d’Alex et en même temps, s’il avait refusé de décaler sa venue, cela aurait été une bonne excuse pour ne pas retourner à Droche.
Allez, deux mois, c’est pas la mort, se convint-il en appuyant sur le bouton envoyer du mail qu’il avait rédigé pour son oncle.
Le reste de la semaine, à contre cœur, il avait regroupé les affaires nécessaires à son séjour et c’est ainsi qu’avec tristesse, il n’emmena pas son nouveau short de bain mais à la place, la paire de bottes que lui avait offert Gauthier et Brice pour le narguer.
Le centre médical by Laportequigrince
Alexandre tint promesse et arriva dans sa ville natale la semaine suivante. Entre temps, tout était redevenu normal. Le porte parole du gouvernement avait rassuré la population en expliquant qu’une fuite de gaz en provenance du centre de traitement d'algues vertes de la ville avait causé cet incident. Mise à part quelques associations écologistes, personne ne remit en question cette explication. D’ailleurs, dès le lendemain de l’affaire, chaque organe de presse du territoire recevait un dossier récapitulatif expliquant par A plus B que la fuite était la seule raison plausible et qu'il n'y avait pas lieu de polémiquer.
Le surlendemain, coup de théâtre, on apprenait que le secrétaire général du ministère de l'Environnement avait un compte offshore et qu'il avait fui à l’étranger. Énorme scandale, du jamais-vu, qui fit vite oublier la nuit étrange qu'avaient vécu les habitants de Droche, les Droliques. Plus personne n’en parlait.
— Il n'y a rien à dire. Rien d'étrange ne s'est passé ici.
Fut la seule phrase que George, le père d'Alexandre, prononça lorsque son fils tenta d'aborder le sujet. Pas mieux pour Yvonne, sa mère. Sujet clos.
Ils installèrent leur fils confortablement dans une maisonnette qu’ils avaient réhabilité au fond de leur jardin et ne voulurent rien entendre lorsqu’Alex les supplia de faire des tests médicaux.
De bonne heure le lendemain de son arrivée, Alexandre se rendit au cabinet de son oncle. A Droche s'il y avait bien un secteur d'activité qui ne connaissait pas la crise, c'était bien la santé. Et pour s'assurer que les praticiens ne désertent la petite ville, la municipalité avait fait construire un centre médical dernier cri qu'elle mettait à la disposition des professionnels moyennant un loyer modéré. Ce centre regroupait trois médecins, deux dentistes, un dermatologue et un psychiatre qui avaient une large clientèle, à ne plus savoir qu’en faire.
Alexandre s'arrêta un instant devant la façade vitrée de l'édifice où un homme en bleu de travail astiquait les vitres avec zèle. Le jeune médecin poussa un dernier soupir de désespoir.
Je suppose que cette ville doit être sympa... Pour une fin de carrière, pensa-t-il.
Il mit ses réticences de côté et marcha vers les portes automatiques vitrées qui s'ouvrirent sur son passage. Le laveur de carreaux, qui n'avait pas prêté attention à Alexandre, poussa un cri de panique lorsque les portes manquèrent de faire tomber son escabeau, et lui aussi par la même occasion. Il fixa alors le nouveau venu d'un air hagard et reprit très vite son travail, comme si de rien n’était. Alex l'avait également bien observé puis, tout en entrant dans le hall, il saisit son téléphone pour créer une alerte :
Ressortir mes cours sur la consanguinité, je sens que je vais en avoir besoin. OMG, écrit-il, un rictus moqueur aux lèvres.
Il rangea ensuite le téléphone dans la poche arrière de son jean tout en s'approchant du comptoir d'accueil. De l'autre côté se tenait une femme proche de la retraite qui lisait un magazine.
— Bonjour…commença Alexandre.
— C'est pourquoi ? le coupa-t-elle sans lever les yeux et faisant frémir son double menton à chaque mot prononcé.
— Je viens voir le docteur Cotelet...
— Il n'est pas là, repassez plus tard, dit-elle en tournant une page.
— Comment cela, il n'est pas là ?
— Il est en vacances, reprit-elle en levant les yeux cette fois-ci.
Elle portait une paire de lunettes vert foncé en forme papillon qui agrandissait beaucoup trop ses yeux.
Eh ben, en voilà une qui ne se laisse pas influencer par la mode au moins, songea Alex.
En voyant le jeune homme, elle changea immédiatement de comportement et lui sourit généreusement.
— Je suis son neveu. Je le remplace pendant son absence, mais je pensais qu'il attendrait mon arrivée pour partir. Ne serait-ce que pour m'accueillir et m’expliquer le fonctionnement des lieux.
La femme se leva alors de sa chaise, laissant Alex découvrir sa robe portefeuille fleurie, vert et orange. Elle posa ses mains de chaque côté du comptoir, donnant ainsi à son interlocuteur une vue imprenable sur un décolleté flétri dont il se serait bien passé.
I'm blind, I'm blind ! hurla intérieurement le jeune homme en détournant la tête.
— Et bien, soyez le bienvenu jeune homme, dit-elle d'une voix de velours.
— Bienfenu ! fit soudain une voix à l’entrée du centre.
C'était le laveur de carreaux qui le regardait fixement, presque la bave aux lèvres.
C'est une blague ou quoi ? Où sont les caméras ? ... Où sont les caméras ? se dit Alex en scrutant le plafond.
— Biennnffffeeeenuuuu, insista l'homme qui s’énervait de ne pas avoir de réponse.
— Merci, rétorqua timidement le jeune médecin.
S’en suivi un long silence gênant. Alex était trop estomaqué par la situation qu’il vivait pour enchainer sur une conversation normale.
— Vous devez être le neveu d’Henry ? demanda une voix au fond du hall.
Alexandre se retourna alors vers des portes battantes qui semblaient délimiter l’entrée aux différents cabinets.
L'homme qui venait d'intervenir avait les tempes grisonnantes et portait superbement le costume trois pièces. Avec une assurance naturelle, il tendit sa main et serra fermement celle du jeune homme.
— Je suis le docteur Daniel. Votre oncle m'a prévenu de votre arrivée. Je suis aussi le psychiatre de Monsieur Morvan, dit-il en désignant le laveur de carreaux.
— Psy ? Je croyais qu'il n'y avait que des vrais médecins ici... Enfin, vous voyez ce que je veux dire, taquina Alex par simple provocation.
— Oui bien sûr. Votre oncle m'avait prévenu à votre sujet...Enfin, vous voyez ce que je veux dire, rétorqua l’homme qui ne goutait pas à la plaisanterie.
Les deux hommes échangèrent un rire de politesse puis le docteur Daniel reprit la parole :
— Yann, as-tu fini de nettoyer les vitres ?
Le laveur ne répondit que par un grognement qui semblait vouloir dire non et se dirigea vers la porte de sortie.
— Triste histoire que la sienne, enchaîna le psychiatre, lui qui avait tant de potentiel. Bref, laissez-moi vous montrer le cabinet de votre oncle.
Il posa sa main sur l'épaule du jeune homme pour le diriger vers les portes battantes au fond du hall mais avant de les ouvrir, il se retourna vers l'accueil.
— Merci Madame Honnette, bonne journée.
La femme, qui était restée accouder au comptoir les yeux rivés sur les poches arrière d’Alex, se redressa, comme brusquement sortie de ses fantasmes sur le jeune homme. S’en rendant compte, ce dernier écarquilla les yeux et s’avança un peu plus des portes.
— De rien docteur Daniel. À bientôt Alexandre, pardon, docteur. N'hésitez pas à m'appeler en cas de besoin, ajouta-t-elle en mimant un combiné à son oreille.
Le jeune médecin eu pour elle un sourire figé et fut ensuite parcouru d'un frisson de dégout qu'il ne pu dissimuler au psychiatre qui pouffa de rire. Tout en ouvrant les portes les conduisant dans un long couloir, ce dernier voulu le rassurer.
— Ne faites pas attention à elle. C’est une personne dévouée et adorable mais elle se comporte de manière étrange ces derniers temps, je ne sais pas pourquoi.
— Oui j'ai pu le constater, on aurait dit qu’elle regardait un bout de viande… Et pour le laveur de vitres ?
— Comme je l'ai dit, une bien triste histoire.
Avant de poursuivre, le psychiatre leva les yeux au plafond comme s'il y voyait quelque chose. Machinalement, Alex fit de même, cherchant ce que l'homme avait vu, mais il eu beau regarder, il n’y avait rien.
— Il y a quinze ans de cela, Yann était un brillant élève ingénieur, commença le docteur Daniel, le regard toujours accroché au plafond. Promit à un grand avenir, il venait de décrocher un stage chez Biostat. C’est une grosse entreprise de la ville qui travaille sur la recherche de nouvelles énergies. Malheureusement, même s'il était studieux, il savait aussi faire la fête et un soir, on l'a retrouvé errant sur une route de campagne. Il délirait complètement à cause de substances qu'il avait ingurgitées durant la soirée. Elles étaient trop fortes pour lui et lui ont grillé une partie du cerveau. Il n’est jamais redevenu lui-même.
— Élève ingé...Je n'aurais pas deviné, le coupa Alex.
— Et pourtant. Depuis, je travaille avec lui pour qu'il retrouve un semblant de vie normale, mais c'est difficile, car il a conscience d'être...
— Un légume maintenant, le coupa une nouvelle fois le jeune homme.
— Je dirais diminué plutôt. J'espère que vous serez moins prompt à juger vos patients. Ici, on n’aime pas ça. Votre cabinet est ici, lui précisa le psychiatre en lui indiquant une porte sur leur droite. Je vous laisse.
— Ne vous inquiétez pas pour moi Docteur Daniel, je pense que ça va aller.
— Jacques, s’il vous plait.
— Ne vous inquiétez pas pour moi, Jacques, je saurais gérer la mamie incontinente ou le bricoleur du dimanche, répondit Alexandre en lui claquant presque la porte au nez.
C'est pas un psychiatre qui va me donner des conseils. Jacques Daniel… sérieux !
Il contempla ensuite le cabinet de son oncle avec attention. Cet endroit allait être son domaine pendant deux mois, il se devait d'être parfait. En face de lui se trouvait un bureau en bois massif et derrière, une cloison coulissante à la japonaise servait de séparation au côté qui faisait office de salle d'examen. La double porte menant à sa salle d'attente se trouvait sur sa droite. L’endroit était clair et la décoration épurée ce qui arrangeait le jeune homme qui s’était imaginé trouver un cabinet orné d’animaux empaillés. Ce cabinet était donc beaucoup mieux que ce qu’il avait imaginé, sans parler de la modernité des appareils et fournitures diverses dont il disposait.
— Il faut au moins cela pour que quelqu’un accepte d’exercer ici, grommela Alex.
Son tour du propriétaire terminé, il décrocha le téléphone posé sur le bureau.
— Madame Honnette, à quelle heure ouvre le centre pour les patients ?
— Dans dix minutes Al...Docteur Cotelet. Mais je ne pense pas que vous aurez du monde aujourd’hui.
— Pourquoi dites vous cela ? s’étonna le médecin.
— Vous savez, dans les petites villes, il faut un temps d’adaptation. Les gens ne vous connaissent pas mais ne vous inquiétez pas je vais les rassurer et les diriger vers vous.
— Je vous remercie madame Honnette, répondit Alex quelque peu contrarié par cette nouvelle.
— Je vous en prie appelez-moi Marie, indiqua l’agent d’accueil.
Alexandre marqua un temps d'arrêt puis reprit :
— Donc si je comprends bien le psychiatre s'appelle Jacques Daniel et vous Marie Honnette, c'est bien cela ?
— Oui tout à fait, pourquoi ?
— Non non, pour rien, dit-il avant de raccrocher, encore un peu plus agacé.
Putain, mais ils se foutent de ma gueule ici ou quoi ?
Un tracteur nommé Christine (partie 1) by Laportequigrince
Deux jours s'étaient écoulés depuis son arrivée et aucun patient n’avait encore passé sa porte. Alexandre avait eu le temps de faire un large inventaire du matériel à sa disposition et cette fois-ci, il en avait assez, hors de question de passer un troisième jour sans consulter. Il était bien décidé à faire bouger les choses ou à remballer ses affaires. Il prit alors le téléphone pour interroger encore une fois l’agent d’accueil au sujet de son planning de rendez-vous.
— Allo, Marie ?
— Oui Docteur Cotelet.
— Pourquoi n'y a-t-il personne dans ma salle d'attente ? Les patients de mon oncle sont-ils bien au courant que je le remplace ?
— Oui Docteur.
— Et bien ? Que se passe-t-il ? Marie, soyez honnê... Dites-moi la vérité.
Marie se racla la gorge comme embarrassée par la question.
— J’ai tout essayé mais les patients habituels préfèrent attendre que votre oncle revienne de vacances.
— Quoi ? Mais pourquoi m'a-t-il demandé de venir alors ? Je vais faire de la figuration pendant deux mois, c'est cela ?
— C'est calme à l'accueil, si vous le souhaitez vous pouvez venir me tenir comp...
— Je vais encore faire du rangement, je pense. Prévenez-moi si quelqu'un arrive, s'empressa-t-il de dire pour ne pas lui laisser le temps de finir sa phrase.
Quelques secondes à peine après avoir raccrocher son téléphone, celui-ci sonna à nouveau. Convaincu de l’insistance de son agent d’accueil, il décrocha un peu exaspéré :
— Marie, je ne viendrais pas...
— Docteur? demanda un voix masculine sur un ton officiel.
— Lui-même.
— Bien. Gendarmerie Nationale.
Alex n'avait jamais été à l'aise avec les forces de l'ordre, réminiscence d'une vie étudiante très, trop, agitée et arrosée.
— Euh...Oui, bonjour. Que puis-je pour vous ? demanda t-il d'une voix mielleuse.
— Voilà, nous sommes en intervention à la ferme des Vaillant et je crois que nous avons un nouveau cas, pouvez-vous venir sur les lieux? Cela nous évite d'attirer trop l'attention.
— Pardon, je ne me suis pas présenté correctement. Je suis Alexandre Cotelet, le neveu d'Henry. Je le remplace pour un temps.
— Oh euh...Ah...Bon...euh...Il ne m'avait pas prévenu...Je..., balbutia son interlocuteur, très gêné.
— Mais je peux venir...En toute discrétion, si vous le souhaitez, précisa Alex.
En temps normal, Alexandre aurait été plus que retissent à l'idée de se déplacer, mais il s'était tellement ennuyé ces derniers jours qu'il était presque euphorique à l'idée d'un peu d'action. Le gendarme au téléphone accepta son offre et lui donna le nom d’une ferme où Alex devait se rendre au plus vite. Il enleva alors sa blouse, prit ses clés de voiture et se précipita à l'accueil pour prévenir Marie.
— Je sors en consultation extérieure. Dites moi, vous connaissez la ferme des Vaillant ?
— Oui. Ce sont les plus gros producteurs de lait de la ville, pourquoi, il y a un problème là bas?
— Je ne peux rien vous dire pour le moment. Pouvez-vous me donner leurs coordonnées? C'est pour mon GPS.
— Votre ?
— GPS.
Alexandre devina dans ses yeux qu'elle n'avait aucune idée de ce dont il parlait.
— C’est un boitier qui est dans ma voiture, j'entre une adresse dedans et il m'indique le chemin à prendre.
— Ici, on a beaucoup de lieux dits, je ne pense pas que votre truc trouvera quoi que ce soit. Tenez, fini-t-elle en lui tendant une grande enveloppe.
— Qu'est-ce que c'est ?
Marie vida alors le contenu sur le comptoir avant d’ajouter :
— Cela s'appelle une carte routière jeune homme, on cherche soit même et on trouve soit même.
Puis, elle nota l'adresse de la ferme au dos de l'enveloppe et replaça le tout à l’intérieur.
— Mais je serais ravie de vous expliquez où se trouvent les différents hameaux et lieux-dits. On pourrait les souligner sur une autre carte, autour d'un ver...
— Faites donc cela pendant que je ne suis pas là, oui, bonne idée, la coupa-t-il, tout en prenant l'enveloppe de ses mains.
L’agent d’accueil, un peu vexé, acquiesça de la tête et se rassit à son comptoir tout en ne manquant pas une miette du déhancher d’Alexandre alors qu’il sortait.
Munit de la carte, il fallut tout de même au médecin une bonne demi-heure sur de petites routes de campagne avant de trouver la ferme en question. Lorsqu'il arriva sur place, une voiture de gendarmerie ainsi qu'un camion de pompier étaient déjà sur les lieux.
Et ben, on ne doit pas avoir la même définition du mot discrétion, nota t-il.
L'été était exceptionnellement beau et l'herbe des prés avait déjà commencé à jaunir. Cette grande étendue grillée qui l'entourait, mêlée à la poussière qui se soulevait de la route après le passage de son véhicule, rendaient l'atmosphère étouffante.
Il gara sa voiture à côté de ce qui semblait être une étable moderne où un petit groupe d'hommes en uniforme discutaient. Leur premier reflexe fut de le dévisager avec attention et méfiance. Il n'eut même pas le temps de poser le pied-à-terre qu'un gendarme se précipita frénétiquement vers lui et alors qu’il allait justifier sa présence, ce dernier lui serra la main vigoureusement.
— Vous devez être le neveu d'Henry ? Capitaine Enizan, nous nous sommes parlé au téléphone. Un grand merci de vous être déplacé.
Sans plus de présentation, l'homme à la carrure imposante demanda à Alex de le suivre immédiatement. Ils longèrent alors l'étable, apercevant au passage une femme en pleure entourée de deux pompiers, et traversèrent ensuite un pâturage. Au milieu de celui-ci se trouvaient déjà plusieurs gendarmes et pompiers agenouillés au pied d'un tracteur.
— Attention où vous mettez les pieds, le terrain est miné Doc, plaisanta le capitaine tout en pointant un énorme excrément.
Fin, très fin, pensa Alex avant d'éviter le pire à sa chaussure droite, un peu plus et je faisais une rencontre fatale, se dit-il en souriant.
— Fatal, dit le gendarme en regardant Alexandre d’un air grave.
— Euh... Excusez moi Capitaine, vous disiez ? demanda le jeune médecin, gêné d'avoir laissé son esprit divaguer de la sorte.
— Je vous disais que l'écrasement de Monsieur Vaillant par son tracteur lui a été fatal, annonça le gendarme en lui montrant un homme gisant sous les énormes roues de l'engin.
Alex se pencha par-dessus les épaules des gens déjà présents et aperçu le corps d’un homme, les yeux écarquillés et le visage déformé par la peur, comme il n’en avait jamais vu. On lui fit de la place pour qu’il puisse s’approcher. Il observa quelques instants le corps puis prit son pouls par acquit de conscience.
— Je confirme. Il est mort, lança-t-il d’un ton très professionnel.
Le capitaine Enizan brisa par un petit toussotement le silence d’incompréhension qui suivit cette annonce.
— Merci pour cet éclaircissement doc, ajouta t-il embarrassé.
Alex, accroupit près du mort, releva la tête vers l’assistance et ce n’est qu’à ce moment là que les regards interloqués, presque amusés, des hommes qui l’entouraient lui firent comprendre que sa phrase était superflue. Il se ridiculisait.
Le jeune médecin se remit alors debout, sans perdre son assurance naturelle, et laissa le groupe soulever le tracteur afin de libérer le corps.
— Je ne comprends pas. Pourquoi me faire venir s'il est déjà mort ? interrogea Alex.
— Et bien, il n'y a pas de légiste ici et le temps que celui de la ville la plus proche ne vienne, ce serait trop long vous comprenez. Alors on a un arrangement avec votre oncle, il accepte de s’en occuper. Henry sait être discret, vous voyez ce que je veux dire ? demanda Enizan en faisant un clin d’œil grossier.
— Pas du tout à vrai dire, répondit Alex, un peu effrayé par cette attitude.
Putain, j’espère qu’il ne va pas me demander de l’empailler…ou pire…Ne put s’empêcher de penser le jeune homme.
— Disons qu’Henry a l’esprit ouvert et n’a pas peur de sortir des sentiers battus. Par exemple, là j'aimerais que vous me disiez...
Le capitaine prit Alexandre par le bras pour l'entrainer à l'écart.
—…Que vous me disiez de quoi il est mort, reprit-il en chuchotant.
Hello Captain Obvious….Man vs Tracteur, maintenant tu sais qui gagne, pensa Alex.
— Il a dû faire une fausse manœuvre, tomber et se faire écraser par son tracteur. C'est triste, mais je pense que c'est l’explication la plus probable, commenta Alex tout en retenant un rictus.
— Oui bien sûr. Pourriez-vous tout de même examiner le corps? Voir s’il n’y a pas quelque chose qui sorte de l’ordinaire. Parce que voyez-vous...
Le capitaine hésita à poursuivre :
— J'ai un témoin qui dit avoir vu le tracteur se diriger vers Jean enfin, Monsieur Vaillant, sans qu'il n'essaye de l'esquiver, alors...
— Qu'il n'essaye d'esquiver... Son tracteur ? insista Alex qui ne comprenait pas où il voulait en venir.
— Oui, car le témoin, une personne très sérieuse, dit que le tracteur... Avançait tout seul, avoua le capitaine.
Alex prit un temps avant de répondre.
— Je vois…Et vous ne pensez pas que c’est plutôt le témoin que je devrais examiner parce que de toute évidence c’est lui qui a un souci.
Le visage du Capitaine Enizan resta figé. Il n’était pas du même avis.
— Si seulement votre oncle était là, il aurait comprit lui, bougonna t-il.
— D'accord, d’accord, vous pouvez amener le corps au centre, je le garderais le temps qu'un légiste vienne, céda Alex en s’éloignant.
Son interlocuteur sourit. Sa longue expérience ne l’avait encore une fois pas trahie, il savait que la référence à son oncle allait à coup sûr piquer au vif celui qu’il voyait déjà comme un jeune coq pouvant lui être très utile.
— Cela reste entre nous ! insista le Capitaine qui n'eut comme réponse que le bras levé du jeune homme.
— Ouais, je ne suis pas un fucking légiste non plus, maugréa Alex en retournant vers sa voiture.
Un tracteur qui roule tout seul, c'est ça ouais... Putain de campagne, se dit-il en ouvrant sa portière.
Alors qu’il ouvrait la porte de sa voiture pour s’y engouffrer au plus vite, une voix l'interpella. C'était un homme brun d'une cinquantaine d'années, quasiment chauve sur le dessus du crâne, mais qui avait pourtant formé une queue-de-cheval basse avec le reste de ses cheveux mi-longs et bouclés. Il portait un jean fatigué, une chemisette rouge à carreaux et tenait à la main une sacoche en cuir identique à celle des médecins.
— Excusez-moi... Bonjour, vous devez être le remplaçant, dit-il en trottinant jusqu'à Alex.
Aïe aïe aïe, je refuse de dire au revoir à mes cheveux, bonjour, se moqua intérieur le médecin.
Le jeune homme tourna alors la tête dans la direction opposée pour camoufler son exaspération puis se retourna vers l'homme à l'allure excentrique avec un air plus adéquat.
— Tout à fait, Monsieur. À qui ais-je l’honneur ? répondit-il poliment.
— Ah oui bien sûr pardon, je me présente, François De Jourdan, mais vous pouvez m'appeler Fdj.
— Euh... Non merci, rétorqua son interlocuteur avec étonnement.
— Je suis le vétérinaire de la ville. J'étais avec Jean enfin, Monsieur Vaillant, au moment où... Le drame s'est produit. Avez-vous vu le corps ? Vous en pensez quoi ? pressa t-il le médecin.
— C'est vous qui l'avez vu se faire écraser alors ? Quel terrible accident.
— Accident. Vous en êtes sûr? insista le vétérinaire.
— Le capitaine m'a effectivement prévenu que vous aviez un avis différent.
— Un avis ? Ce n'est pas un avis, c'est ce que j'ai vu. J'étais dans l'étable à soigner une de ses vaches quand j'ai entendu des cris. C'étaient Jean et sa femme qui se disputaient sur le pas de leur maison, en face, expliqua l’homme en pointant la maison. Puis, Jean a traversé le champ pour me rejoindre et là, le tracteur lui a foncé dessus, c'était fou.
La façon dont le vétérinaire peignait la scène et son enthousiasme firent presque sourire Alexandre, mais il fallait qu'il garde son sang-froid :
— Fou, oui? À ce sujet, j'aurais peut être quelqu'un à vous conseiller. Vous connaissez le docteur Daniel ?
— Jacques Daniel, le psychiatre ?
— Je vois que vous le connaissez déjà. Vous êtes son patient peut être? Si ce n’est pas le cas, je ne peux que vous le conseiller vivement car les tracteurs qui avancent tout seul pour écraser leur propriétaire, ça n’existe pas. Désolé.
Alexandre acheva sa phrase ainsi et entra dans sa voiture sans plus de formalité. Il en avait assez de ces gens qu’il trouvait de plus en plus étranges et avait, en cette seule après midi, utilisé toute la diplomatie dont il pouvait faire preuve. Il laissa donc le vétérinaire sur le bas-côté, abasourdit et surtout outré par le manque de politesse dont son interlocuteur avait fait preuve.
Un tracteur nommé Christine (partie 2/3) by Laportequigrince
Alex regagna rapidement son cabinet pour préparer la pièce où il réaliserait l’examen du corps qu’on aller lui porter. Les choses, ensuite, s'étaient vite enchainées. Dans les deux heures qui avaient suivi, on lui avait apporté le corps. « Pour le mettre au frais » comme lui avaient dit les pompiers. Il l'avait ausculté avec attention, mais rien ne lui avait sauté aux yeux.
D'ailleurs, il allait recouvrir le corps lorsque le capitaine Enizan entra dans la pièce sans prévenir :
— Mais, vous ne l'avez pas ouvert ? dit il, surprit.
— J'ai fait une prise de sang, nous verrons bien s'il a été drogué. Donc c'est officiel, vous enquêtez sur un meurtre ?
— Sa femme et lui... Ça n'allait pas fort. En plus, il venait d'hériter d'une tante éloignée, une grosse somme, révéla le capitaine d'un regard entendu.
— Vous croyez qu'elle a trafiqué le tracteur pour qu'il écrase son mari ? C'est possible ça ?
— Je n'en sais rien. C'est pour cela que j'ai fait appel aux experts de la base militaire. Ils nous donnent un coup de main de temps en temps. Tenez-moi au courant pour les tests, finit-il par dire tout en sortant de la pièce.
Après cette visite éclair, plus personne ne passa la porte de son cabinet, les habitants de Droche, les Droliques, ne l’avaient pas encore adoptés. Alors, plutôt que de rester attendre des gens qui ne viendraient pas, il décida de regagner la petite maison que ses parents lui prêtaient au fond de leur jardin.
Très confortable, quoi qu'un peu vieillotte à son goût, la maisonnette était pourvue d'un grand salon cuisine, d'une salle de bains et d'une mezzanine qui faisait office de chambre, le tout habillé de meubles rustiques.
Alex posa ses affaires sur la table de la cuisine et s'assit au salon, dans un canapé fleuri à ressorts qui avait fait la fierté de ses parents dans les années soixante-dix. Il prit ensuite son ordinateur et consulta ses mails. Dans sa boite se trouvait un message de Brice qui venait prendre de ses nouvelles. Alex savait très bien que son aventure dans les champs ne le laisserait pas indifférent alors il lui raconta sa journée en détail dans un mail intitulé : les mystères de Droche.
Il venait d’envoyer le message lorsque son téléphone sonna. C’était le capitaine. Il avait la voix fébrile et semblait nerveux. Un peu sur la réserve, ce dernier demanda à Alexandre de le rejoindre dans un endroit appelé le Paravent. Persuadé d'avoir un nouveau cadavre sur les bras, le jeune médecin se précipita donc au centre ville. Celui-ci n'était pas différent des autres bourgs de France : une mairie, une place avec des commerces et une église. Cependant, juste derrière celle-ci, se trouvait une petite ruelle pavée qu'Alex eut du mal à découvrir. Au numéro que lui avait indiqué le gendarme, il se trouva face à une porte blindée avec une petite trappe fermée. Il frappa, intrigué, et l'encoche s'ouvrit pour laisser apparaitre des yeux :
— La phrase magique, fit une voix féminine.
— De quoi ?
— Quelle est la phrase magique ? répéta la femme
— Tu sais quoi ? J't'emmerde, marre de ces conneries ! éclata Alex en tournant les talons.
La porte s'ouvrit alors dans un bruit sourd. Une femme, d'environ quatre-vingts ans et voutée, apparue alors sur la ruelle.
— Ben, qu'est ce que tu fais gamin, tu m'as donné la phrase, tu veux plus entrer ?
Alex poussa un soupir d'exaspération avant de se retourner pour faire face à cette femme maquillée à outrance, les cheveux courts, gris violets, et un boa doré autour du cou.
— Tu rentres mon chou ? insista t-elle du haut de ses taillons aiguille.
Le jeune homme finit par rire nerveusement et s'avança vers celle qui ne devait pas mesurer plus d'un mètre cinquante.
— Et ben voilà, c'est beaucoup mieux quand tu souris garçon, dit-elle en lui pinçant les fesses
— Géranium, qu'est-ce que tu fous ? lui demanda un homme qui avait remarqué la mine déconfite d’Alex alors qu'ils passaient la porte d'entrée.
— J'accueil ce petit mignon, tu permets ? répondit-elle en pointant Alex, mets toi à l'aise surtout. Bienvenue au Paravent, Bienvenue chez moi, finit-elle.
L'endroit était sombre à l'exception de la scène en face de l'entrée, qui elle, était très éclairée. Des rideaux rouges vifs de velours en tapissaient le fond et se refermaient une fois le spectacle fini. De chaque côté de la pièce, se trouvaient un bar et son comptoir, éclairés de néons bleus pour que les barmen y voient. Au centre enfin, étaient disposées des tables rondes en bois, accompagnées de leurs chaises. Chacune disposait d'une bougie, car sans cela, le spectateur était plongé dans le noir. Libre à lui de l'allumer ou non. L'ambiance du Paravent était étrange et feutrée. La musique des années vingt qui résonnait n'y était pas étrangère. Instinctivement, Alex s'assit sur l'un des tabourets du comptoir à sa droite.
— Excusez moi, je cherche le capitaine Enizan, il m'a demandé de le rejoindre ici, dit il au barman qui lui tournait le dos.
Ce dernier sorti de la pénombre pour se faire voir d'Alexandre.
— Mais c'est Monsieur Courtoisie. Comme on se retrouve, lança t-il.
— François De Jourdan, ça alors, s'étonna le jeune médecin.
— Je vous en prie, Fdj.
— Non, toujours pas. Que faites-vous ici?
— Cela ne vous semble pas assez clair, petit génie ? Je sers au comptoir.
— Le métier de véto ne paie pas assez ou vous êtes incompétent ?
— Mais quel humour, vous devriez monter sur scène, Monsieur Cotelet. Géranium est ma mère. L'endroit lui appartient, je lui donne un coup de main…
— À vrai dire, les détails de votre vie ne m'intéressent pas des masses, le coupa le jeune homme. Le capitaine a insisté pour que je vienne ici, ça avait l'air important.
Le vétérinaire éclata de rire, il se moquait clairement d’Alexandre.
— Il ne va pas tarder. Il se produit ce soir et avait peur de la salle vide. Avant lui, il y a un autre show, le plus drôle de la région. Vous n'allez pas être déçu.
— Il m'a fait venir pour que je le voie sur scène ? répéta Alex, étonné.
— Crois moi, ça vaut son pesant d'or, intervint alors son voisin. Je suis Cédric, poursuit-il en lui tendant la main.
L’homme semblait avoir son âge et, comparé aux six autres clients du Paravent, il paraissait des plus normal.
— Tu es Alex Cotelet, le remplaçant du doc, non ? J'ai entendu dire que tu as vu le corps du père Vaillant ? continua Cédric.
— Tu es bien renseigné dis moi.
— Tu ne dois pas me connaitre, mais nous étions dans le même collège à deux ans d'intervalles et puis je travaille pour la saison dans la ferme d'à côté. C'est con, il était bien parti pour gagner la course.
— La course ? releva le médecin.
— Oui. Chaque année, en fin d'été, est organisée une course de tracteurs avec les agriculteurs du coin. Le gagnant gagne pour dix mille euros de matériels. Non négligeable donc. Tous les ans, c'est mon boss qui gagne, sauf que cette année, le père Vaillant criait sur tous les toits qu'il allait gagner grâce à l'aide de sa fille. Elle travaille chez Biostat, du lourd quoi.
C’est alors que Géranium attira l'attention générale en manquant l’une des marches d’accès à la scène. Ce petit incident coupa court à l'histoire de Cédric, qui changea de sujet :
— Ah, voilà Coqueluche le comique. Dans le civil, c'est le maire de Droche. Tu vas halluciner, murmura t-il.
— Prenez-en de la graine Monsieur Cotelet. C'est un vrai comique, lui ! lança le vétérinaire.
— Voici celui que vous attendez tous. La fierté de Droche et de ses habitants. Chacun de ses passages est remarqué...commença Géranium.
— Tu m'étonnes, renchérit discrètement Cédric.
—...et apprécié pour son originalité et sa fraicheur, fini la vieille femme avant de redescendre, aidée par les clients assis aux tables du milieu.
L’endroit fut alors complètement plongé dans le noir à l'exception de la scène. De chaleureux applaudissements retentir et Coqueluche entra sur les planches. A sa stupéfaction, Alex vit entrer sur les planches un sexagénaire bedonnant, le cheveu hirsute, un nez de clown vissé au milieu du visage et portant un bleu de travail. Le jeune médecin en eu la mâchoire décrochée.
— J'avais prévenu, lui chuchota son voisin, un grand sourire aux lèvres. Les mains dans les poches, Coqueluche débuta son spectacle :
— Alors, c'est l'histoire d'un mec...
— C’n’est pas croyable, mais où va-t-il chercher tout ça ! lança le barman, déjà hilare
Laissez moi sortir ou je me pends. Un pousse à l'alcoolisme ce type, se dit Alex.
— Vous êtes sérieux là ? Vous ne voyez vraiment pas d’où il sort son inspiration ? Donnez-moi ce que vous avez de plus fort...Fdj, supplia le médecin.
— Fdj? Il y a du mieux, répondit l'intéressé, toujours enthousiaste.
Deux sketchs plus tard, le jeune docteur était au trente-sixième dessous. Il ne savait pas s'il allait pouvoir en supporter davantage alors que l'assistance en redemandait. Soudain, le mouvement de la porte d'entrée attira son regard. Une jeune femme, la trentaine aussi, venait de pénétrer dans le bar. Habillée d'un jean et d'un pull, ses cheveux étaient coupés au carré. La pénombre ne laissait pas en deviner plus, mais pour Alex, elle semblait quelconque et il n'y prêta pas attention outre mesure.
Avec l'arrivée des trente ans, la soif de conquête d'Alex s'était quelque peu tarie, mais pas ses exigences physiques. Il aimait toujours autant les brunes ou blondes incendiaires aux formes avantageuses. Superficiel ? En matière de femmes, certainement et il ne s'en cachait pas. Le nombre d'histoires sérieuses qu'il avait eu ? Aucune, il n'en voulait pas.
— Bonsoir. Moi, c'est Cannelle, dit la jeune femme en s'assaillant sur le tabouret près de lui.
— Ah ouais. Et tu as oublié ton vrai prénom à la maison ?
Il avala ensuite son verre d'un trait, méprisant la jeune femme.
— D'accord. Tu dois être le médecin remplaçant, toi. Fdj m'a prévenu que tu étais un petit con, lui lança t-elle au visage.
Le jeune homme ne s'attendait pas à cette réponse et ne trouva rien à redire. Les gens osant lui parler de la sorte étaient rares. De toute façon, Géranium était à nouveau au centre de la scène pour annoncer la venue du capitaine Enizan, alias Ambroise.
— Ah tiens, lui aussi a un pseudo ce soir, dit Alex en direction de sa voisine.
— Non, non, c'est son prénom, vous ne le saviez pas ? rétorqua Fdj.
Le jeune homme regarda à nouveau la scène, cette fois-ci définitivement dépité, et alors qu'il pensait avoir atteint un palier avec Coqueluche, il s'avéra que cela n'était qu'une mise en bouche puisque le capitaine apparu sur les planches, une perruque brune frisée visée sur la tête. Ambroise portait aussi une robe noire scintillante et décolletée sur un torse mal épilé.
— Un commentaire doc ? lui demanda Cédric, impatient de voir la réaction de son voisin.
Il n'eut comme réponse que les yeux exorbités d'Alex.
— Comment ? Tu ne savais pas que le capitaine Enizan était aussi transformiste ? s'amusa Cannelle.
Les premières notes d'une chanson de Piaf résonnèrent soudain et Ambroise commença son playback sous les encouragements des spectateurs, à l'exception d'Alex, qui commanda un énième verre.
Après cette soirée riche en émotions et en alcool, le jeune homme émergea difficilement. Les verres qu'il avait bu pour supporter le spectacle lui avaient laissé la gorge sèche et le crâne douloureux.
Heureusement que je ne travaille pas le samedi matin... Mais comment je suis rentré au fait ?
Il jeta un regard inquiet dans son lit puis autour de lui, à la recherche d'une présence inhabituelle, se remémorant alors les pubs « tu t'ai vu quand t'as bu ? »
Puis il descendit de la mezzanine avec difficulté et trouva un mot sur sa table de cuisine :
« Tu étais trop cramé pour conduire, voilà tes clés. T'inquiète, je n'ai pas abusé de toi ! Cédric »
Le jeune médecin était soulagé, à priori, il n’avait rien fait de répréhensible la nuit dernière.
End Notes:
Voilà voilà...A bientôt peut être
Un tracteur nommé Christine (partie 3/3) by Laportequigrince
Cet après midi là, Alex eu la surprise de trouver Cannelle assise dans sa salle d’attente. Comme il s’en doutait, elle était, selon ses critères, on ne peut plus classique physiquement.
— Je suis journaliste locale, annonça-t-elle une fois dans son cabinet, et je souhaiterai faire un article pour te présenter à la population.
— Très bonne idée, de cette manière je ferais un peu moins peur à ces sauvages.
Ces mots lâchés, il se mordit la lèvre supérieure, conscient que ce n’était pas des choses à dire… Devant une journaliste.
— J’ai parlé tout haut là ? demanda-t-il.
La jeune fille, un brin agacée, répondit positivement de la tête, mais alors qu’elle allait commencer l’interview, le capitaine Enizan entra dans le cabinet, suivi de Marie, affolée.
— Je suis désolée docteur, je lui ai dit d’attendre mais il n’a rien voulu savoir.
— Ce n’est rien Marie, merci, lui répondit-il en la raccompagnant vers la sortie.
Cette dernière obtempéra, non sans jeter un regard froid à Cannelle, un peu trop proche d’Alexandre à son goût.
Sans détour, le capitaine demanda au médecin de le suivre chez les Vaillant. Il devait interroger la femme du défunt et craignait pour son état de santé. Alex accepta de le suivre, même s’il n’appréciait pas sa façon de faire. Cannelle, quant à elle, s’invita aussi à leur sortie et les suivie en moto pendant que les deux hommes roulaient dans la voiture de patrouille.
— Pourquoi avoir refusé qu’elle ne monte avec nous ? s’étonna Alex.
— Tout simplement parce que j’avais à vous parler seul à seul, répondit le gendarme. Bon allez, je me lance. Dites-moi franchement, j’étais bon hier soir ? Je peux tout entendre vous savez.
Alexandre blêmit de gêne. D’un naturel franc et avec peu de barrières, il s’agissait cette fois d’un gendarme, un capitaine qui plus est. Il serait toujours bon de l’avoir de son côté.
— Ah ben honnêtement, pour moi, c’était du jamais vu, fini t-il par lâcher.
— Vous êtes sérieux ? insista l’homme de loi, ivre de joie.
— Je vous jure que je n’en croyais pas mes yeux.
— La semaine prochaine, je me transforme en Louis de Funès. J’espère que vous aimerez aussi, minauda le capitaine.
Note pour plus tard : trouver une excuse pour ne pas y aller !
— Pour revenir à notre affaire, avez-vous entendu l’histoire du concours de tracteurs et de l’entreprise Biostat ? reprit Alex pour changer de sujet.
— Biostat, quoi ?
— Eh bien j’ai entendu dire que Monsieur Vaillant avait demandé à sa fille de booster son tracteur avec la technologie Biostat, ce qui n’aurait pas plu à son voisin.
— Monsieur Berge ?
— Je ne connais pas son nom mais c’est bizarre, non ?
— Oui. Nous pourrons lui rendre une petite visite au passage, consenti Ambroise.
Ils s’engagèrent ensuite sur le chemin les conduisant à la ferme des Vaillant. Derrière eux, la moto de Cannelle était quasiment submergée des vagues de poussières soulevées par leur voiture.
Il régnait sur les lieux un lourd silence. Seul le cri des bêtes, de temps à autre, rompait le deuil. Le capitaine sonna à la porte mais personne n’ouvrit. Ils firent donc le tour de la maison pour arriver dans le jardin où mère et fille étaient assises dans l’herbe, près d’un parterre de fleurs flânées. À l’arrivée des trois visiteurs, la mère se leva, vint à leur rencontre et les invita à entrer dans la maison, pendant que sa fille restait immobile.
— Puis-je vous proposez quelque chose à boire ? demanda-t-elle en entrant dans la cuisine.
— Non merci, nous sommes venus te parler et voir comment tu vas depuis l’accident, répondit Ambroise.
— Je fais aller, heureusement que Dorothée, ma fille, est venue me soutenir à la ferme. Elle a prit un congé pour cela.
— Votre fille travaille à Biostat c’est bien cela ? interrogea Alex pendant que Cannelle notait tout dans un petit calepin.
— Vous êtes bien renseigné. D’ailleurs, elle aidait mon mari pour la course de tracteur. Cela les avait soudés.
— À ce propos, Monsieur Berge est le grand gagnant chaque année, cela ne l’embêtait pas trop ? questionna le gendarme.
— C’est à lui qu’il faudrait demander, ne croyez-vous pas ? intervint Dorothée.
Son arrivée impromptue dans la pièce et le ton agressif qu’elle avait employé coupèrent court à la conversation. Le capitaine connaissait la famille et ne voulait pas leur faire subir de nouveaux chocs, alors, il fit signe à ses compagnons pour qu’ils écourtent leur visite.
— Et bien, c’est ce que nous allons faire de ce pas. Nous vous remercions …de votre accueil, dit-il avant de sortir, suivi de près par Alex et Cannelle, beaucoup moins conciliants que lui.
— Vous ne seriez pas des amies du capitaine, je jurerais que vous avez quelque chose à cacher, pointa la jeune journaliste d’un air suspicieux.
Cette réflexion piqua Dorothée au vif mais sa mère lui prit le bras afin de lui faire comprendre qu’elle ne devait pas répondre à la provocation. Et c’est sur cette dernière phrase que le capitaine, Alex et Cannelle retraversèrent le jardin. Le médecin s’arrêta soudain à l’endroit où les deux femmes étaient assises à leur arrivée : les fleurs, fanées quelques minutes plus tôt, étaient redevenues florissantes. Il se contenta alors de regarder Cannelle qui l’avait aussi remarqué. Elle sortit son smart phone, prit un cliché, puis, dans le silence, ils regagnèrent leurs véhicules.
À moins d’un kilomètre de là, se tenait l’exploitation des Berge, ils étaient spécialisés dans la volaille, mais possédaient aussi des terres. En longeant un champ de blé, Alex remarqua deux moissonneuses-batteuses à l’arrêt.
Impressionnant comme engin, pensa-t-il.
La voiture de patrouille s’arrêta devant l’entrée d’un hangar d’où provenaient les cris stridents de volatiles. Un homme, ou plutôt une armoire à glace, sortit alors et se dirigea vers eux d’un pas décidé. Son visage était ridé, très froid et n’avait pas l’air commode. La fourche qu’il tenait fermement dans sa main jouait beaucoup sur cette impression aussi.
— C’est pour quoi Cap’tain ? lança-t-il à Ambroise sans plus de mise en forme.
— Je crois que vous le savez, non ?
— Ouais, le père Vaillant ? Mais là j’ai d’autres chats à fouetter, alors vous dégagez.
Alex et Cannelle, qui n’étaient pourtant pas à cheval sur le protocole, furent choqués par sa façon de réagir face à un représentant de la loi mais appréhendaient surtout la réaction du capitaine.
— Je vous demande pardon? Je n’ai pas bien entendu, feignit Ambroise en bombant le torse.
— Foutez le camp, j’ai des camions qui arrivent dans une heure, je n’ai pas le temps de caqueter avec vous. Vous avez des questions sur la mort de Vaillant ? Et bien voilà ma réponse : oui je suis bien content et non je n’ai rien d’autre à ajouter. Maintenant flicaille ou pas…Dehors !
Flicaille ? Sans déconner, ça se dit encore ?
— Bon Monsieur Berge, je crois que vous allez me suivre au poste pour que l’on discute calmement.
Le capitaine Enizan restait courtois, mais il perdait à chaque seconde un peu plus de son sang-froid. Soudain, une voix roque derrière l’agriculteur surprit tout le monde. C’était l’aide de Monsieur Berge qui, inquiet de ne pas le voir revenir, était lui aussi sortit du hangar.
— Je fais quoi là, patron? demanda l’homme tout en s’approchant.
Le concerné se retourna et le regard qu’il lança à son aide fut apparemment si glacial que ce dernier s’arrêta net et s’adossa sans un mot à l’utilitaire garé le long du hangar. Son déplacement avait distrait l’assemblée, à l’exception de Monsieur Berge, qui prit de l’élan pour frapper le capitaine au visage avec le manche de sa fourche. Ce dernier s’effondra sous les regards médusés d’Alex et Cannelle. Pendant ce temps, l’aide s'était saisi d’un fusil posé dans l’utilitaire et tira au sol. Le docteur et la journaliste se précipitèrent dans le champ de céréales derrière eux aussi vite qu’ils purent, alors que l’aide cherchait de nouvelles munitions dans la boite à gants du véhicule. Le blé était si haut qu’il était difficile de courir. Ils trébuchaient régulièrement mais sans jamais se retourner, Cannelle à l’avant et Alex derrière.
— Putain de saloperie de campagne de merde !!! hurla Alex tout en reprenant son souffle.
Mais la jeune fille ne pouvait pas l’entendre, son cœur battait trop vite et ce battement résonnait si fort dans ses oreilles qu’il camouflait tout le reste. Elle s’arrêta brusquement pour regarder derrière elle. Au premier plan, Alex reprenait son souffle avec mal.
Ah, t’as les fesses qui font bravo là hein, ptit con ! pensa-t-elle avant d’apercevoir l’aide de l’agriculteur se ruer dans le champ l’arme à la main.
Bizarrement, son patron l’arrêta et lui fit signe de revenir, ce qu’il fit tout de suite. Berge bougea ensuite ses mains sans que cela ait vraiment de sens. Cannelle l’observa ainsi quelques secondes, intriguée, jusqu’à ce que les cris d’Alex et surtout sa fuite vers un homme armé, ne l’alerte d’un danger. Elle se retourna alors et vit deux moissonneuses-batteuses se diriger vers elle à vive allure. Alex et elle tentèrent de se séparer afin de ne plus être dans la trajectoire des engins mais ces derniers les suivaient, comme téléguidés. De l’autre côté du champ, Berge gesticulait toujours des bras, un sourire sadique aux lèvres, pendant que son aide pointait le fusil vers Alex.
Alors que Cannelle allait s’arrêter de courir, une détonation retentit. L’aide venait d’être touchait au bras et tomba au sol. Berge se retourna alors vers son agresseur et les machines s’arrêtèrent instantanément. C’était madame Vaillant, accompagnée de sa fille, qui alertée par les cris, était venue le fusil au poing et n’avait pas hésitée à tirer.
Alex et Cannelle arrivaient à leur niveau lorsque la femme fit feu une seconde fois et abattu Monsieur Berge d’une balle dans la tête.
Berge s’effondra lourdement sur le sol et seulement alors, Dorothée, la fille de madame Vaillant, s’approcha de lui et par apposition fit ressortir la balle. Le trou se referma aussitôt et il reprit connaissance.
— Espèce d’ordure, sans ma fille, je t’aurais laissé crever ici, lui lança Madame Vaillant.
Cannelle regarda Alex, estomaqué lui aussi. Puis, son regard fut attiré par le capitaine qui reprenait ses esprits doucement. Elle se dirigea vers lui, tremblante, pendant qu’Alex appelait des renforts par la radio dans leur voiture. Ceci fait, il accourut à son tour près du capitaine.
— Bon sang, Ambroise vous auriez vu ça ! Il faisait bouger les moissonneuses avec ses mains…Mais sans les toucher.
Le gendarme, encore faible, le regardait sans comprendre puis son regard se posa sur Cannelle mais celle-ci fit mine de ne pas comprendre non plus. C’est alors Alex, qui cette fois la pressa du regard
— Mais dis-lui, dis-lui ce que tu as vu, enfin ! Et pour Dorothée ? lui murmura-t-il à l’oreille, tu n’as rien à dire non plus ?
— Allons, allons jeune homme, tempéra le gendarme en se relevant, je vois que des armes sont dehors, il y a de quoi être choqué, pour quelqu’un qui n’en a jamais vu !
— Vous insinuez quoi là ? Que j’invente ? Que je psychote parce que les armes me font peur ? Je vous dis que cet homme commande aux machines agricoles et que cette femme l’a ramené à la vie après que sa mère l’ai tué d’une balle dans la tête !
Tous se regardèrent en silence, d’un air très gêné.
— Mais dites-lui enfin ! cria le jeune médecin en regardant son entourage, suppliant.
La sirène des renforts se fit entendre et chaque personne présente sembla alors expirer de soulagement, sauf Alex, qui ne comprenait pas le silence de Cannelle.
— Fils, je peux vous appeler fils ? demanda Enizan en posant sa main sur son épaule.
— Non, lança Alexandre, agacé que l’homme puisse même l’envisager.
— Très bien doc, rétorqua le gendarme en enlevant son bras, un peu vexé. Il faut vous reposer.
Puis, son adjoint et lui procédèrent aux arrestations de Berge et de son aide, respectivement pour meurtre et tentative de meurtre.
Lorsqu’Alexandre ferma la porte de chez lui en cette fin d’après-midi, il n’avait qu’une seule idée : larver. La trahison inattendue de Cannelle l’avait mis hors de lui et l’avait fait douter.
Le stress m’a-t-il fait prendre des vessies pour des lanternes ?
Le jeune homme sourit quand il réalisa l’expression désuète à laquelle il venait de penser. Jamais avant d’être à Droche il ne l’avait employé…Ce sourire disparu aussitôt lorsqu’il réalisa, qu’effectivement, jamais il n’aurait utilisé ce genre d’expression avant.
Putain de campagne ! Te laisse pas avoir.
Après un bon bain délaçant, il posa ses pieds sur sa table basse et alluma son ordinateur pour consulter ses mails en toute tranquillité. A sa grande surprise, sa boite était saturée de messages d’inconnus le félicitant pour le comique de son récit: son ami avait publié son histoire sur un réseau social avec un lien vers son mail. Visiblement, son écriture avait plu. Soudain, on frappa à sa porte, ce qui était étrange. À part ses parents, personne ne savait qu’il était ici.
— C’est ouvert ! hurla-t-il encore en peignoir.
À la deuxième salve de frappe, Alexandre s’avança jusqu’à la porte. Il réajusta la ceinture à sa taille par réflexe et ouvrit. Alors qu’il s’attendait à trouver un membre de sa famille devant sa porte, il vit les visages rougissants de Cannelle et Fdj.
— Deux minutes, lança-t-il avant de leur claquer la porte au nez, sans les laisser répondre. « Putain, fait chier ! » purent-ils entendre enfin, puis Alexandre grimpa à la mezzanine qui lui servait de chambre pour enfiler les premiers vêtements qu’il trouva.
Je vais te l’aromatiser la Laura Ingalls du journalisme moi! pensa-t-il tout en leur ouvrant à nouveau la porte. Sans un mot, il leur fit signe d’entrer, mais sans oublier de fusiller la jeune fille du regard.
— Je sais ce que tu vas me dire Alexandre, commença la jeune femme.
— Alors ça, honnêtement je doute que tu aies le vocabulaire adéquat…À moins que toi, tu sois télépathe ?
— Très drôle, non je n’ai pas de pouvoir de la sorte, mais je connais peut-être quelqu’un qui peut.
— Pourquoi tu n’as rien dis cette après-midi ? Et qu’est-ce qu’il fout là ? finit Alex en montrant Fdj.
— Ah ! J’ai failli penser que j’étais devenu invisible ! s’amusa l’intéressé. Que les choses soient claires, je n’avais aucune envie de venir, mais Cannelle sait être convaincante! dit-il en s’asseyant. J’adore votre déco, ajouta-t-il, taquin.
— Bref. Si nous sommes ici c’est parce que Fdj et moi nous enquêtons sur des phénomènes étranges depuis le black-out dans la ville.
— Black-out dans la ville, répéta Fdj, amusé.
— Des phénomènes étranges ?
— Oui. Depuis…Le black-out…Les gens ont changé, des choses incongrues se passent. C’est pour cela que je ne peux rien dire, sans preuves, les gens nous riraient au nez ou nous prendraient pour des fous.
— Comme moi ce midi par exemple, renchérit Alex.
— Maintenant que vous avez faits votre baptême du bizarre…Voulez-vous nous aider et rejoindre la Droche team ? demanda le vétérinaire.
— La quoi ? Non mais vous délirez les deux là ! Vous me dites tranquillement que ce que j’ai vu était réel et que je ne dois rien dire ? Je suis docteur, je me dois d’en savoir plus. Imaginez qu’on puisse trouver des remèdes grâce à ces phénomènes? De toute façon, je crois que je vais créer un blog pour raconter mes histoires dans une ville de fous.
— Pas bête. Des enquêteurs 2.0, peut-être que sous couvert d’un blog on aurait des témoignages ? Bonne idée, j’en suis ! s’exclama le vétérinaire.
— Non, mais je ne vous…
— Je te suis également! acquiesça Cannelle.
— non mais, je ne vous ai jamais…
— Comment pourrait-on appeler notre blog ? poursuivit la journaliste en ignorant le jeune homme.
— Sans déconner…Je vous haïs mais d’une force…termina Alexandre, vaincu.
Un homme s’avançait d’un pas décidé vers des bâtiments plongés dans le noir. Il sortit de la poche de son costume, une carte magnétique qui ouvrit la porte d’entrée, la même carte qui lui donna accès à l’ascenseur de service qui l’emporta cinq étages plus bas.
— Bonsoir, Monsieur Cédric, fit une jeune femme au comptoir d’accueil du couloir sur éclairé qu’il empruntait.
— Cédric, pour vous, Mathilde, rétorqua l’homme d’un ton charmeur.
— Bien…Cédric, gloussa la jeune femme, votre colis est arrivé, salle 206.
Il lui fit un clin d’œil, avant de s’engouffrer dans un second ascenseur, transparent cette fois, l’amenant encore deux étages plus bas. L’endroit était moins clinquant, l’un des néons du couloir qu’il longeait, clignotait même. Des plaintes et des coups semblaient émaner de chaque porte que comprenait ce lieu. L’une d’elles était ouverte, la 206 justement. À l’intérieur, deux personnes en blouses blanches étaient penchées sur une troisième qui elle, était attachée solidement, alors qu’elle semblait pourtant inconsciente. L’homme en entrant se saisit d’une blouse qu’il enfila lui aussi.
— Nous vous attendions docteur. Nous avons dû l’anesthésier, il a de la force !
— Bien bien bien ! Qu’avons-nous cette fois ?
— Il semblerait qu’il commande aux machines mais, nous n’avons pas commencé les tests encore, répondit l’une des blouses blanches.
— À ce rythme-là, vous n’aurez plus de place dans vos locaux Cédric, intervint une voix restée dans la pénombre.
— Vous êtes encore là! Ne vous inquiétez pas, nous allons vite trouver une solution grâce à nos tests et tout redeviendra normal.
— J’ai déjà entendu ça il y a quinze ans, rétorqua son interlocuteur en sortant, visiblement sur la défensive.
— Au fait, merci de votre aide Capitaine, lui lança l’homme.
Le medecin super star by Laportequigrince
Author's Notes:
Cela bien longtemps que je n'ai rien posté mais en ce moment, j'ai des doutes sur cette ville. Ces histoires vous plaisent-elles?
Avez-vous envie d'en savoir plus sur Droche et les Droliques?
Bonne lecture aux rares qui se perdront ici et n'hésitez pas à me laisser un petit commentaire, ça aide toujours!
Cela faisait maintenant une semaine que Monsieur Berge et son aide avaient été interpelé pour meurtre. L’histoire avait fait grand bruit à Droche et l’article qu’en avait tiré Cannelle pour le journal local avait élevé Alexandre au titre de médecin héroïque. Ceci était loin de lui déplaire, d’autant qu’à présent son cabinet ne désemplissait pas.
Il était désormais courant que le jeune homme quitte le centre médical à vingt heures passées, comme c’était le cas ce soir là :
Alors qu’il fermait son cabinet, le docteur super star entendit une porte s’ouvrir et des voix en provenance du bureau de Jacques Daniel, le psychiatre.
— Ne vous en faites pas Mademoiselle Perret, vos problèmes d’anxiété seront bientôt derrière vous grâce à moi, annonça l’homme.
Alexandre vit alors jaillir dans le couloir le psychiatre en compagnie d’une jeune femme brune au physique plus qu’agréable.
— Notre session m’a fait un bien fou Docteur Daniel, enchérie cette dernière en lui serrant la main.
Elle avait pleuré et tenait dans sa main un mouchoir en papier qui lui servait à essuyer ses grands yeux bleus au contour maintenant rouge et bouffi. C’est à cet instant que le docteur Daniel remarqua le regard insistant d’Alex sur sa patiente.
— Vous faites des heures supplémentaires docteur Cotelet ? Bonne soirée, rentrez bien, insista t-il.
Le message était clair, la présence du jeune homme n’était pas désirée, aussi celui-ci répondit uniquement d’un hochement de tête et se dirigea vers le hall, un brin agacé.
Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu une femme aussi charmante….Ben, depuis que je suis arrivé ici en fait. Allez…Crevard ou pas crevard?
Le jeune médecin esquissa un sourire presque machiavélique tout passant les portes de sortie. Sa voiture était garée sur le parking en face du centre, à quelques mètres de là. Pourtant, il prit tout son temps pour la rejoindre, si bien que la belle patiente se retrouva au même moment sur le parking.
— Je trouve cela dommage de voir une aussi jolie femme que vous les yeux pleins de larmes, tenta t-il alors qu’elle passait près de lui.
— Vraiment ?
— Vraiment, lui confirma t-il.
— Non, je veux dire, vraiment, ce genre de phrase fonctionne d’habitude ? Le gros lourd, lança t-elle excédée.
— Euh…Non, je crois que vous ne m’avez pas reconnu, je suis le médecin qui était dans le couloir quand….
— Si si, je vous ai bien reconnu, d’ailleurs je pense que votre attitude n’est pas très déontologique…Docteur, asséna t-elle avant de s’engouffrer dans sa voiture et de partir.
Alex n’avait rien pu répondre, jamais aucune de ses proies n’avait osée lui parler de la sorte.
- Ahhh, belle Inès…Je crois que je l’aime de plus en plus, fit une voix derrière lui.
C’était le psychiatre qui avait assisté de loin à la scène. Au vue de son sourire, celle-ci lui avait beaucoup plu.
— Bonne soirée…Docteur, enchaîna t-il en jubilant.
— Bonne soirée, Monsieur Daniel, rétorqua Alexandre avant d’entrer dans sa voiture, embarrassé par la situation.
De toute façon je n’aurais pas eu de temps pour elle ce soir, je suis attendu, se rassura t-il.
End Notes:
Petit chapitre transition avant l'histoire suivante...A bientôt peut être!
Papi fait de la résistance (1/4) by Laportequigrince
Author's Notes:
Merci à Omicronn pour les corrections :-)
Alex avait rendez-vous au Paravent avec Cannelle et Fdj ce soir là. Il redoutait cependant ce qu’ils avaient à lui dire car ils s’étaient fortement investis dans leur blog, baptisé le-doc-psy-cotte.com en référence à leur récente aventure. Tout ceci n’annonçait rien de bon.
Déjà blasé, il frappa à la porte du cabaret, salua poliment Géranium et prit place près de Cannelle, assise au comptoir.
— Il n’est pas là Fdj ? demanda t-il sans la saluer.
— Euh ouais…Il est absent, tout comme ta politesse ce soir, balança la jeune femme, vexée.
Alexandre allait répondre mais il fut coupé par un nuage de fumée en provenance du zinc. Au milieu de ce nuage, apparu Fdj dans un costume de Dracula, les bras croisés sur le torse.
— Mais pourquoi, pourquoi tu fais des choses pareilles ? demanda Alex, désespéré par cette entrée.
— En tant que vétérinaire de la ville, il anime la nuit de la chauve-souris ce soir, expliqua la jeune journaliste.
— Alors tu comprends, c’était Dracula ou …Batman, rajouta Fdj.
— Ah d’accord, donc en fait, vu ta carrure, tu as fais le bon choix, se moqua Alex.
— Dans une heure je dois rejoindre un groupe dans la forêt pour observer une cache de chauve-souris, ça vous dis de venir ? demanda le vétérinaire sans relever la pique d’Alex.
— Je dois répondre honnêtement ?
— Nous viendrons avec plaisir, corrigea Cannelle en fusillant du regard le jeune homme, qui acquiesça aussitôt. Au fait, il vient ce soir ton pote Cédric ? Il m’a fait bonne impression la dernière fois, rajouta t-elle.
— Mon pote ? Je venais de le rencontrer. D’ailleurs, sans lui, nous n’aurions probablement jamais découvert les plans de Berge. C’est vrai que c’est dommage, si je le revois un jour, je lui demanderai son numéro.
Une heure plus tard, à leur arrivée sur le lieu de la nuit de la chauve-souris, le costume du vétérinaire eu un grand succès. Armés de lampe torche et aidés par la lueur de la pleine lune, le groupe d’une dizaine de personnes s’enfonça dans la forêt de Glas-Moug jusqu’à un ancien bunker. C’est à l’intérieur, loin des regards indiscrets, qu’une colonie de chauve-souris avait élue domicile. Fdj, en professionnel, demanda de faire silence et d’éteindre les torches pendant qu’il se rendait à l’intérieur en repérage. Lorsqu’il fut prêt, il fit signe aux premières personnes de s’approcher, un couple et leur fils de douze ans. Presque religieusement, ils s’arrêtèrent à l’entrée du bunker.
— Bon, nous n’irons pas à l’intérieur, pour ne pas perturber les chauves-souris mais avec nos lampes nous allons pouvoir observer celles qui se trouvent dans les arbres, annonça Fdj en pointant des petites formes qui voltigeaient autour d’eux.
Le jeune garçon trainait les pieds et son père dû le prendre par le bras pour l’inciter à avancer vers l’animateur d’un soir. Visiblement impressionné, le préadolescent ouvrit la bouche comme pour pousser un cri mais sa gorge, serrée par la peur, ne laissa sortir aucun son et il s’agrippa à la taille de son père. Le bruit d’un battement d’aile rapide résonna alors, puis un deuxième, un troisième et bientôt l’écho d’une nuée de chauve souris plongeant sur eux se fit entendre.
— Baissez vous vite! hurla Fdj qui s’empêtrait dans sa cape de vampire.
A la place, la petite famille se mit à courir, affolant ainsi le reste des participants qui se mit aussi à courir dans les bois, par instinct. Bientôt les faisceaux des lampes torches bougeant dans tous les sens à travers les arbres laissèrent entrevoir des ailes virevoltantes au dessus de leurs têtes.
Cannelle, Alex et Fdj ainsi que le reste du groupe, parvinrent à rejoindre la route et à s’abriter dans leurs véhicules.
— Je ne comprends pas, les chauves-souris n’agissent pas de la sorte habituellement, s’étonna le vétérinaire, assit sur la banquette arrière.
— Et ben il faut croire que c’est ton costume qui les a rendues folles ! rétorqua Alex en démarrant sa voiture.
— Le point positif c’est que les participants de cette année ne sont pas prêts d’oublier cette nuit, ils sont déjà tous partis ! indiqua la journaliste, son calepin à la main.
— Ca doit être le petit garçon qui les a effrayées avec ses gestes brusques ! insista Fdj, très contrarié par la tournure des évènements.
Un bruit sourd sur la carrosserie et un écart de la voiture coupa court à la conversation. Alexandre stoppa net son véhicule au beau milieu de la petite route déserte. Il n’avait pourtant rien vu traverser, mais il avait été distrait par le discourt du vétérinaire. Il ouvrit sa portière, fébrile en imaginant ce qu’il allait trouver dans le fossé. A l’aide d’une lampe, Cannelle éclaira le point d’impact sur la voiture et constata la présence de sang, pendant qu’Alex inspectait les fourrés :
— Putain ! Appelez une ambulance ! hurla t-il soudain, et prenez ma sacoche dans le coffre, ajouta t-il avant de se jeter dans le fossé.
Pendant que Cannelle appelait les pompiers, Fdj apporta la sacoche près du jeune homme et l’aida à allonger sur la route le vieil homme que, de toute évidence, ils venaient de renverser.
Papi fait de la résistance (2) by Laportequigrince
Author's Notes:
Merci à Omicronn pour ses corrections!
Alors qu'il était assis sur une vieille chaise du commissariat depuis une bonne heure, Alex décortiquait dans sa tête ce qui avait bien pu se produire. Comment avait-il pu ne pas le voir ? Le vieil homme d'au moins quatre-vingts ans n'était pas ce qu'on peut appeler un sprinter. Sur les lieux de l'accident, il avait demandé à Cannelle et Fdj de suivre les ambulanciers pendant que les gendarmes l'emmenaient pour faire une prise de sang, la procédure dans ce genre de cas.
— L'homme que vous avez renversé va s'en sortir apparemment, lui annonça le gendarme, et vos analyses sont négatives. J'ai votre déposition, vous pouvez y aller, nous vous recontacterons.
Le gendarme n'eut pas besoin d'en dire plus pour qu'Alexandre se précipite hors du commissariat. Le portable à l'oreille, il s'empressa d'appeler Cannelle pour avoir plus de renseignements sur sa victime. La jeune femme décrocha presque immédiatement et l'informa alors qu'elle et Fdj se trouvaient à la maison de retraite de la ville, d'où s'était échappé Monsieur Lancient, la personne renversée. À peine cinq minutes après avoir raccroché, la jeune journaliste était aux portes du commissariat pour ramener Alexandre chez lui.
Dès le lendemain matin, Alex se rendit à la maison de retraite, les Chardons Bleus. Il passa la porte, lourde et bruyante et se dirigea vers le comptoir qu'un panneau décrépit lui indiquait être l'accueil. Deux femmes, l'une assise, l'autre dos au comptoir, discutaient à voix basses. Lorsque la première, assise, aperçut Alexandre, elle se redressa sur sa chaise immédiatement et lança un bonjour, haut et fort, pour prévenir sa collègue qu'une personne s'avançait vers elles. Cette dernière se retourna et fixa Alex avec insistance. Le jeune docteur sentit une vague d'effroi lui parcourir le corps, mais il mit un point d'honneur à ne pas le laisser paraître.
— Docteur, lâcha-t-elle pleine de mépris.
— Madame.
— Mademoiselle, corrigea-t-elle sèchement.
— Peu importe.
Sur cette réplique glaciale, la jeune femme quitta l'accueil sans un mot. Alex n'avait déjà pas apprécié son attitude le soir précédent et là, c'en était trop. Il se tourna alors vers l’autre femme.
— Je viens voir M. Lancient. Je l'ai heurté avec ma voiture cette nuit.
— C'était vous ! Il a été choqué, mais n'est pas blessé gravement. Comment est-il sorti ? Mystère !
— Je suis rassuré qu'il n'ait pas grand-chose. Était-ce la première fois ?
Son interlocutrice tourna la tête de gauche à droite pour vérifier qu'ils étaient bien seuls, se leva pour s'accouder au comptoir puis chuchota à l'oreille d'Alex :
— Vous savez...
Elle hésita à poursuivre.
— Vous savez, reprit-elle, il se passe des choses étranges ici. Certains de nos pensionnaires ont peur et parlent même de fantômes !
— Des fantômes ? répéta Alex, dubitatif.
— Oui, certaines vieilles dames disent entendre des bruits la nuit dans leur chambre.... Même des voisins nous disent que des objets disparaissent de chez eux.
— Comme quoi ? demanda Alex, intrigué.
— Et bien, par exemple, M. Hubert a perdu une pipe, du tabac et des cigares. Pour Mme Linet, ce sont des sous-vêtements, séchant dehors, qui ont disparu.
— Des fantômes cleptomanes, on n'est pas dans le grand banditisme non plus, sourit Alex.
— Ce n'est pas tout. La nuit dans les couloirs, il y a des bruits de pas et de portes qui claquent, si bien que personne ne veut faire de garde !
— Toute une histoire dites-moi ! M. Lancient est visible ?
La femme sembla agacée qu'Alex prenne à la légère son histoire. Elle se contenta de lui donner le numéro de chambre. Dans celle-ci, il trouva l'homme jouant aux cartes avec deux autres pensionnaires.
— Ah, c'est ce p'tit con bigleux qui m'a pratiquement tué cette nuit ? s'exclama le vieil homme en le regardant par-dessus ses lunettes.
Les deux autres vieillards le dévisagèrent sans un mot et sortirent aussitôt de la chambre.
— Je suis médecin, je venais juste m'assurer que vous alliez bien.
— Comme tu le vois mon petit gars, je suis frais comme un gardon, un vrai roc. Même après que tu aies essayé de m'écraser.
— Je ne vous avais pas du tout vu. Vous allez bien, c'est l'essentiel.
— Ben oui. Dis donc, tu es bien vert pour être toubib non ? Je n'aurais pas confiance avec toi ! Sympa, le vieux ! pensa Alex en serrant les dents.
— Bon allez, j'ai un jeu à finir, tu peux partir maintenant... Allez ! insista-t-il en pointant la sortie avec sa canne.
Alexandre était très surpris de ce comportement mais obtempéra sans argumenter. Dans le couloir, il passa près d'une porte ouverte où les deux amis de sa victime jouaient avec un soutien-gorge rose que l'un prétendait porter pour faire rire l’autre. En voyant Alex, ils cachèrent l'objet dans leur dos et sitôt qu'il eut continué sa route dans le couloir, ils se précipitèrent dans la chambre de M. Lancient.
Estomaqué par ce qu'il venait de voir, Alex retourna à l'accueil et proposa ses services pour la garde de nuit en bénévole. L'aide-soignante, Pascale, prit sa proposition avec joie. De vingt heures à six heures du matin, Alex allait donc faire équipe avec Inès Perret. En apprenant la nouvelle, les deux intéressés blêmirent, mais, en professionnels, ne protestèrent pas.
Rendez-vous pris, le jeune médecin rentra chez lui où Cannelle l'attendait de pied ferme. La jeune femme était survoltée. À peine avait-elle passé la porte qu'elle sortait une tablette de son sac pour ouvrir la page du doc-psy-cotte.com. Dans la nuit, elle y avait publié un article sur leur mésaventure avec les chauves-souris, mais aussi sur le vieil homme renversé. Suite à cela, de nombreux internautes avaient témoigné d'événements étranges aux alentours des Chardons Bleus. L'un de ces témoignages était celui d'une femme dont les sous-vêtements étaient régulièrement volés sans que personne ne voit quoi que ce soit.
La coïncidence était trop grande pour qu'Alexandre ne fasse pas le lien avec ce qu'il avait vu dans la maison de retraite. Il décrit alors la scène à Cannelle qui partagea son avis : les trois vieillards étaient mêlés de près ou de loin aux vols dans ce quartier et il fallait découvrir comment ils s'y prenaient.
Peu avant vingt heures, le jeune médecin prit sa garde au côté d'Inès. L'ambiance était glaciale. D'ailleurs, l'aide-soignante ne tarda pas à lui fausser compagnie pour faire une ronde dans l'établissement. Alex, en profita alors pour faire une inspection d'une toute autre nature : s'assurer que personne ne pouvait entrer ou sortir de l'établissement par l’une des fenêtres des couloirs. Soudain, il eut un léger mouvement de recul, comme s'il avait été percuté par quelque chose à l'épaule. Il l'avait bien senti et pourtant, le couloir était vide. Un cri d'Inès le détourna de son étonnement. Des bruits de tambourinement le menèrent vers une porte qu'il tenta d'ouvrir, sans succès car elle avait été verrouillée de l'extérieur. C'était un placard dans lequel l'aide-soignante avait été enfermée alors qu'elle prenait du linge propre.
— Ça vous amuse, espèce de crétin ! lui hurla-t-elle dessus.
Un peu par réflexe et beaucoup par énervement, Alex referma la porte sans laisser le temps à la jeune femme de sortir.
— D'une, je n'ai rien à voir avec cela, j'étais à l'opposé de vous. De deux, je n'apprécie pas qu'on me traite de crétin. Je vous ouvrirai quand vous aurez retrouvé votre sens de la politesse, lança-t-il en la narguant.
Au pied du mur, cette dernière finit par s'excuser mais ne lui adressa plus la parole du reste de la nuit.
À six heures, sa garde terminée, Alexandre traversa le bourg en voiture pour rentrer chez lui. Il fut alors étonné du nombre de personnes agglutinées sur la place du marché un dimanche, à une heure si matinale qui plus est. Le jeune homme remarqua alors la présence de quelques gendarmes et la vitrine de la pharmacie brisée. C'était donc la raison de tant d'agitation dans le bourg de Droche, habituellement si calme. Après sa nuit blanche aux Chardons Bleus, il n'avait pas la force de s'attarder. De toute façon, il savait que Cannelle lui ferait, de gré ou de force, un récapitulatif complet.
Papi fait de la résistance (3) by Laportequigrince
Author's Notes:
Merci à Omicronn pour ses corrections!
Quelques heures seulement après s’être assoupi, des coups insistants sur sa porte le tirèrent de son sommeil. Il s’agissait biensur de Cannelle et Fdj. L’esprit encore embrumé, Alex les fit entrer sans dire un mot. C’était inutile de toute façon, car il savait très bien pourquoi ses compères étaient là : les bizarreries de Droche encore une fois. La journaliste et le vétérinaire revenaient du bourg où tout le monde ne parlait que du cambriolage de la pharmacie. Ils avaient même réussi à se procurer les vidéos de surveillance de l’officine sur laquelle on ne voyait personne.
— Pourquoi en parler si l’on ne voit rien ? s’exclama Alex, grognon d’avoir été réveillé.
— On ne dit pas que l’on n’y voit rien, rétorqua Fdj, on n’y voit personne, c’est très différent !
— En quoi ? demanda le médecin.
— En tout, s’enthousiasma la journaliste, on voit la vitrine se briser, les étagères se vider et les produits flotter dans l’air comme portés par une force invisible.
Sur cette dernière remarque, Fdj pointa du doigt la jeune fille pour appuyer sa remarque :
— Une force invisible, répéta-t-il.
Alexandre poussa un soupir de désespoir.
— Si je comprends bien, vous pensez que l’homme invisible a cambriolé la pharmacie du bourg pour y voler…. Quels produits ?
Les deux autres se regardèrent, gênés.
— Du viagra, lâcha timidement Cannelle.
— Sans déconner ? Si je résume, d’après vous, l’homme invisible a braqué ce commerce pour y voler du viagra… Tout va bien.
— J’en conviens c’est bancal, mais pourtant, c’est la seule chose qui ait disparu, reprit la jeune fille.
— On a tous nos besoins, enchaîna le vétérinaire, un grand sourire aux lèvres.
— J’ai pris rendez-vous avec la femme qui a témoigné sur notre blog. Elle y parle de vols de sous-vêtements. Je suis persuadée qu’il y a un lien. Tu n’as rien vu de bizarre cette nuit ? demanda enfin Cannelle.
Alex leur raconta alors son étrange nuit de garde. À l’unanimité, ils conclurent qu’une enquête approfondie sur cette maison de retraite s’imposait mais alors qu’ils allaient partir pour interroger leur témoin, Fdj reçut un appel urgent.
— Un chien qui est devenu fou doit être piqué, annonça-t-il gravement après avoir raccroché.
Il quitta alors la maison en trombe et laissa une fois encore Cannelle et Alex enquêter seuls.
Le jardin de Mme Linet, veuve depuis plusieurs années, était très bien entretenu. On pouvait voir au premier coup d’œil qu’elle était passionnée par les rosiers qui grimpaient un peu partout, y compris sur les pylônes de son fil à linge, là où justement, les vols avaient eu lieu. Son petit coin de verdure, comme la sexagénaire aimait à l’appeler, donnait directement sur l’une des façades de la maison de retraite. Malheureusement, le témoignage de Madame Linet ne fut pas d’une grande aide, car elle n’avait rien vu. D’après elle, plusieurs de ses sous-vêtements s’étaient comme volatilisés d’une minute à une autre.
Les deux enquêteurs se rendirent ensuite aux Chardons Bleus avec la ferme intention d’interroger Monsieur Lancient et ses compagnons. Toutes ces coïncidences ne pouvaient justement pas en être.
Dans l’allée goudronnée permettant d’accéder aux locaux, régnait une grande agitation mêlant les blouses blanches du personnel soignant et les polos bleus des gendarmes. Cannelle, sentant la bonne histoire, dégaina immédiatement son calepin, mais un gendarme se mit en travers de sa route. Il avait les yeux d’un vert étonnamment clair, ce qui accentuait sa prestance naturelle.
— Pas de journaliste, dit-il avec une autorité presque agressive.
— Je suis médecin, je viens voir un patient et elle m’accompagne, mentit Alexandre.
— Ça a plutôt intérêt d’être vrai docteur, sinon vous devrez en subir les conséquences. Toujours pas envie de repartir ? insista le représentant de l’ordre zélé.
— Toujours pas ! s’exclama Cannelle, un brin insolente en lui passant devant.
Le gendarme les regarda alors s’éloigner d’un œil glacial, prit son téléphone et s’éloigna à son tour.
Lorsqu’Alex et Cannelle poussèrent les portes de l’accueil, toutes les têtes se tournèrent vers eux. Un attroupement d’employés s’était formé près du comptoir et le bourdonnement des ragots prononcés était audible.
— Eh ben, vlà une bonne bande de langues de vipère, murmura Cannelle, j’adore ! ajouta-t-elle.
— Bonjour, je suis le docteur Cotelet, se présenta Alex avec son sourire le plus hypocrite. Nous venons rendre visite à Monsieur Lancient, finit-il.
C’était cette fois un homme à l’accueil. Il perdit instantanément son sourire et blêmit en même temps que toutes les voix environnantes se turent.
— Mais…On ne vous a pas prévenu ? demanda-t-il.
— Non non, on ne nous a rien dit, rétorqua immédiatement Cannelle.
L’homme leur fit alors signe de s’approcher pour leur chuchoter :
— Malheureusement, Monsieur Lancient est décédé cette nuit d’une crise cardiaque. Il a été retrouvé inanimé dans le parc.
— Pourquoi chuchotez-vous ? Vous ne paraissez pas être le seul au courant, ironisa Alex tout en jetant un œil aux personnes autour d’eux, qui, étrangement, regardaient ailleurs tout à coup.
L’homme réfléchit un instant puis sembla avoir un déclic.
— Vous avez raison ! Vous voulez voir le corps ? demanda-t-il ensuite soudainement décomplexé.
— Avec joie ! bondit Cannelle.
— Non pas vous mademoiselle… Le docteur Cotelet, rectifia l’agent d’accueil en la regardant de haut en bas.
Prenant conscience de sa réaction maladroite, la journaliste baissa la tête puis se tourna vers le reste des employés, visiblement plus coopératif, pour leur poser des questions. Alex, pendant ce temps, fut conduit dans les sous-sols de l’établissement où une pièce froide était prévue pour ce genre de cas. Un homme en blouse blanche était penché sur le corps de Monsieur Lancient et semblait l’observer avec minutie.
— Docteur Bystruckla, je vous présente le docteur Cotelet, lança l’agent d’accueil avant de repartir à son poste.
Le médecin à la mâchoire carrée s’avança vers Alexandre et lui serra la main avec une telle force que le jeune homme passa plusieurs secondes à frotter ses doigts.
— Cher confrère, commença l’homme à la poigne de fer et au fort accent slave, en quoi puis-je vous être utile ?
— Je connaissais Monsieur Lancient et je voudrais savoir ce qui a bien pu lui arriver. Vous êtes légiste, c’est bien cela ?
Son interlocuteur ne répondit pas tout de suite mais se contenta de l’observer avec insistance.
— Je travaille pour la société Protectil. Ce Monsieur étant un de nos anciens chercheurs, on m’a demandé de venir. Je crois que les légistes de la ville rechignent à venir jusqu’à Droche, finit-il dans un dernier roulement de r maladroit.
— Chercheur ? Il faisait des recherches sur quoi ? tenta Alexandre.
Le Slave sourit et le regarda du coin de l’œil avant de se re-pencher vers le corps.
— Et vous Docteur Cotelet, comment le connaissez-vous ? Un patient ? détourna-t-il.
— Non, je l’ai écrasé avec ma voiture l’autre nuit.
Le docteur Bystruckla cessa toute activité et regarda Alex ne sachant pas s’il plaisantait ou non.
— Cela explique l’hématome sur le côté, conclut-il simplement, sans poser de questions.
— Pensez-vous que cet accident puisse avoir causé sa mort plus tard ? s’inquiéta le jeune homme.
— Pour savoir cela, il faudra que je le découpe, rétorqua Bystruckla, un scalpel à la main.
Alexandre lui donna alors son numéro de téléphone pour avoir ses résultats d’autopsie et remonta à l’accueil.
— César a pu vous renseigner ? s’inquiéta l’agent d’accueil.
— César ? Vous le connaissez bien ?
— Le docteur Bystruckla, oui. Il vient de temps en temps rendre visite à Monsieur Lancient.
— Ils travaillaient ensemble à Protectil peut-être ? creusa Alex sous le regarda intrigué de Cannelle.
— Peut-être, je n’en sais rien du tout, répondit l’homme avant de répondre au téléphone… Qui ne sonnait pas.
Stupéfaits par la réaction de l’agent d’accueil, les deux compères sortirent des Chardons Bleus avec encore plus d’interrogations.
— Il travaillait chez Protectil ?
— Tu connais ? Qu’est-ce que c’est ? s’empressa de demander Alexandre.
— Une boite pharmaceutique à une cinquantaine de kilomètres d’ici. J’avais fait des investigations sur l’utilisation d’animaux pour leurs tests, mais je n’ai jamais rien trouvé d’étrange… Ce qui est bizarre pour une entreprise comme celle-ci !
— Apparemment Monsieur Lancient y était chercheur, mais sur quoi… Mystère.
— J’en ai appris de belles moi aussi, renchérit Cannelle. Plusieurs résidents ont été surpris dans des situations gênantes, si tu vois ce que je veux dire.
— Tu plaisantes. À leurs âges, ils étaient en train de…
Non, non putain, Alex, pas d’image en tête, pas d’image en tête. Arggg et merde !
— Dégueulasse !
— Venant d’un médecin, quelle maturité, s’offusqua la jeune femme avant de faire elle aussi une grimace.
— Ah tu vois ! Quand on a une image, c’est horrible ! appuya Alex.
— Bref, enchaina-t-elle tout en secouant sa chevelure, figure-toi que pour se stimuler, ils avaient des petites pilules bleues.
— Non, mais comment ?
— Devine… Monsieur Lancient et ses compères les leurs vendaient. La question est comment les ont-ils eus ? Marrant, c’est l’assistante avec qui tu as passé ta nuit de garde qui m’a lâché l’info.
— Inès ?
— Oui Inès. D’ailleurs, elle a su te cerner très vite et t’a déjà donné un surnom.
— Ah ouais. Le beau gosse ? lança le concerné avec arrogance, tout en montant dans sa voiture.
— Non. Duce, répondit la journaliste, comme Jean Claude Duce. Tu sais… Les bronzés, finit-elle en riant.
— Putain la sal…
— Hop ! Pas de ça quand je suis avec toi, le coupa la jeune femme en fermant sa portière.
Alexandre grommela encore quelques mots dans sa barbe puis démarra sa voiture. Tout ce dont il rêvait à cet instant, c’était son lit.
S’il avait écouté Cannelle, il serait encore en train de faire des recherches sur le passé de Lancient, mais cette fois-ci, il avait été ferme et aucune des protestations de la blonde ne l’avait fait fléchir.
Et maintenant, à moitié allongé dans son lit moelleux, il ne le regrettait pas. D’une main molle, il saisit son ordinateur et le posa sur ses genoux. Il ne s’était pas vraiment investi dans leur site internet jusqu’à présent et cela lui paraissait être le bon moment. Ses deux compagnons avaient vraiment bien fait cela : sur la page d’accueil, fond noir, écriture rouge, se trouvaient d’abord le menu déroulant des histoires étranges relatées par Cannelle, où elle avait d’ailleurs déjà décrit leur journée. Puis, au centre de la page, les différents témoignages d’anonymes et enfin, sur le côté, le fil de messages instantanés. Cette dernière option le fit sourire, qui irait s’en servir ?
Le jeune homme, moqueur, entreprit de lire les derniers témoignages, mais entre le post « mon aspirateur en a après moi » et « Des lucioles géantes m’ont attaqué », il fut interpelé par l’histoire d’une employée des Chardons Bleus, persuadée d’avoir été poussée dans les escaliers par une force invisible.
Cette histoire le troubla car elle ressemblait bien trop à ce qu’avait vécu Inès. Soudain, les lumières vacillèrent pour s’éteindre complètement et il entendit quelqu’un forcer sa porte d’entrée. Son cœur battait la chamade. Il ferma son ordinateur et le prit en main de façon à ce qu’il puisse servir d’arme, mais avant qu’il ne descende toutes les marches de l’escalier, une voix féminine l’interpela :
— Ne bouge plus, lui intima-t-elle, je ne te veux pas de mal.
— Ok, ben entrer par effraction chez moi n’en est pas un bon exemple, frapper à la porte, ça marche bien aussi ! Pourquoi couper toutes les lumières ?
— Qu’est-ce que tu crois débile ! Je ne veux pas qu’ils me voient.
— Débile ? Ah d’accord, charmant. Ça donne direct envie de vous écou…
— Ferme-la pour une fois. J’ai des documents pour toi. Je m’en vais maintenant, ne cherche pas à me voir. Tu as compris débile ?
— Non mais sans déconner, il va falloir arrêter de m’appeler comme…
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase que la lumière était revenue et sa porte d’entrée toujours entrouverte. Il sortit alors précipitamment pour apercevoir l’intruse mais il n’y avait pas un bruit si ce n’est le hululement d’une chouette qui le fit sursauter.
— Putain, débile… Toi-même ! cria-t-il dans la nuit.
Quelle répartie gars !
Il rentra dans la maison pour trouver sur sa table de cuisine un dossier intitulé « Département de physique/chimie - Professeur Lancient »
Papi fait de la résistance (4) by Laportequigrince
Alexandre parcouru les documents contenus dans le dossier en s’attardant particulièrement sur une lettre. La lecture de celle-ci achevée, il monta quatre à quatre les marches de l’escalier pour saisir son téléphone et appeler Cannelle. Répondeur. Pourtant, il fallait absolument qu’il lui fasse part de ses découvertes :
Il venait d’apprendre que Lancient, avant d’être chercheur pour l’entreprise Protectil, avait été, pendant de nombreuses années, professeur à l’Université. Grace à cet emploi, il avait accès aux laboratoires de l’établissement pour poursuivre ses recherches sur les Méta Matériaux. Ce terme était totalement inconnu du médecin, en revanche la notion d’invisibilité qui y était associé lui parlait beaucoup plus et l’avait incité à continuer sa lecture. D’après ce qu’il avait pu comprendre, Lancient avait poussé ses recherches bien au-delà de ce qui avait été fait jusqu’à lors et avait même crée un sérum qui, combiné à des rayons particuliers, pourrait, en théorie, rendre un homme invisible. La lettre qui l’avait tant interpellé était celle d’un de ses laborantins qui avait découvert que le professeur s’injectait régulièrement le sérum. Il l’avait alors dénoncé à la présidence de l’Université, qui l’avait congédiée.
L’invisibilité. Et si Lancient avait réussi son coup ?
Le jeune homme referma le dossier avec une telle nervosité qu’il s’éparpilla sur le sol et c’est en le ramassant qu’Alex découvrit un cd.
Sa curiosité était à son comble lorsqu’il introduit le disque dans son ordinateur. La vidéo démarra presque immédiatement sur un monsieur Lancient rajeuni d’au moins vingt ans. Le peu de cheveux qu’il lui restait était en bataille, une barbe de trois jours recouvrait son menton et les cernes qui entouraient ses yeux témoignaient d’une extrême fatigue. Il marchait de long en large de la pièce en marmonnant des choses inaudibles. Soudain, il fut troublé dans son manège par l’ouverture d’une porte, juste dans l’angle de la caméra. Un homme apparu alors et malgré les années perdues Alexandre le reconnu immédiatement comme étant l’un des acolytes de Lancien aux Chardons Bleus.
— Mais enfin Barnabé, que t’arrives t’il ? Cela fait maintenant trois jours que tu es enfermé ici, s’inquiéta le nouvel arrivant.
— Gustave, je touche au but, je touche au but je te dis. Je le sens dans mes veines, répliqua Lancient en lui montrant les veines de son bras, violacées par des injections à répétition.
— Mon dieu, Barnabé, que t’es-tu infligé ? Perds-tu l’esprit ?
— Tu ne comprends pas, il ne me manque plus qu’à trouver quelle source d’énergie il me faut et je deviendrais le premier à le faire ! Je suis si prêt d’y arriver, mais tu ne devineras jamais…Ce petit con m’a balancé à la présidence.
— Quoi. Quelqu’un t’a vu ? Mais tu risque ton poste là. Qui est-ce ?
— Cédric. Ce petit merdeux m’a dénoncé, je suis convoqué demain. Ils vont confisquer tout mes travaux ou pire…Les détruire.
— L’ordure. Ton laborantin te balance pour prendre ton labo probablement. Mais quand je vois ton état, ce n’est peut être pas plus mal que tu t’arrêtes un temps.
— J’en étais sûr, tu es dans leur camp, salopard, sors de mon labo tout de suite sale traite, hurla Lancient en jetant sur son interlocuteur une rangé de tubes à essais.
Gustave, la mine déconfite, n’insista pas et sorti aussitôt. Enfin seul, Barnabé se tourna face caméra et s’avança vers elle tel un aliéné, au point qu’Alexandre eu presque envi de reculer de l’écran.
— Nous sommes le quatorze janvier mille neuf cent quatre vingt douze, je m’appelle Barnabé Lancient et quoi qu’il arrive, quoi qu’il m’en coute, je serais le premier homme…Invisible.
La vidéo se terminait ainsi mais Alexandre mit plusieurs secondes avant de pouvoir faire un mouvement. Le regard fou de Lancient l’avait choqué et finalement ce film n’apportait pas de réponses mais plutôt des tonnes de questions. Comme par exemple, qui avait transféré ce film sur cd ? Car en quatre vingt douze, les caméscopes étaient à cassettes. Pourquoi voulait-on qu’il voit ce passage en particulier ? Lancient devait aussi enregistrer ses expériences et pourtant il n’y en avait aucune trace sur le disque.
Lorsqu’il sortit le cd de son ordinateur, il remarqua que la page du doc-spy-cotte.com était toujours ouverte. Par curiosité il y jeta un œil et vit que le fil de messages instantanés avait bougé, signe que de nouveaux messages avaient été postés. Étonné, lui qui pensait que jamais personne n’utiliserait cette option, il déroula le fil des conversations:
« lutin farceur 23h02: C’est pas vrai, l’alarme silencieuse de mon magasin vient de se déclencher. J’espère que ce n’est pas le gang des hommes invisibles ! La police devrait être là bas d’une minute à l’autre, j’y vais tout de suite aussi. »
« Cannelle 23h05: Quel est votre magasin ? »
« lutin farceur 23h06 : le magasin de prothèses auditives et d’optique près de la Mairie. J’y vais. »
« Cannelle 23h08: moi aussi»
Et moi aussi, pensa Alexandre tout en s’habillant.
Vingt minutes plus tard, le médecin arrivait près de la Mairie, là où les pompiers venaient de prendre en charge deux personnes sur des brancards. Il n’eu pas le temps de voir de qui il s’agissait mais il avait déjà sa petite idée. En face de la devanture qui venait d’être fracturée, se trouvait Cannelle en compagnie de plusieurs policiers et d’un homme en civil qui semblait être le propriétaire des lieux, d’après son visage crispé. En voyant Alexandre s’approcher d’eux, la jeune journaliste vint à sa rencontre. Elle avait le regard qui pétillait. Indéniablement, un scoop était en vue.
— Duce ! Mais qu’est-ce que tu fais là ? lui lança t-elle.
— Ne m’appelle plus comme ça Véronica Mars et je te dis comment je suis au courant.
— Ok, ok j’arrête mais là, je te jure que c’est du lourd. Tu as vu les pompiers partir ? Et bien ils avaient à leur bord les deux compères de Lancient. Apparemment, ils se sont évanouis après avoir fracturé ce magasin.
— Je m’en doutais un peu pour être honnête, rétorqua Alex, volontairement mystérieux.
La mine intriguée de Cannelle n’avait pas de prix pour lui et il était hors de question qu’il poursuive son histoire avant qu’elle ne l’ai supplié.
— Bon allez, vas-y, Alexandre peux tu s’il te plait me dire ce que tu sais ?
L’intéressé lâcha un rire de satisfaction. Il allait alors expliquer ses découvertes à Cannelle lorsque le propriétaire du magasin vint à leur hauteur :
— Bon ben, ils n’ont rien pu prendre du coup. La porte d’entrée et quelques vitrines ont été forcées mais ça aurait pu être plus grave. Je dois me rendre au commissariat demain matin pour porter plainte contre les deux vieux. C’est pas croyable ! Comme ils ont été attrapés dans le magasin, la police ne m’a même pas demandé à voir la vidéo surveillance…finit-il un rictus aux lèvres.
— Allons-y ! Rétorquèrent en cœur ses interlocuteurs.
Laurent, le propriétaire, les fit entrer dans l’arrière boutique, là où se trouvait son ordinateur. Il lança l’enregistrement de la soirée avec appréhension et l’avança jusqu’à l’heure de l’effraction. Soudain, ils purent voir la porte d’entrée frémir puis s’ouvrir sans que personne ne semble être là. Ce fut ensuite au tour de deux vitrines d’exploser toujours sans que quelqu’un semble intervenir. Les appareils auditifs et plusieurs montures de Lunettes se mirent à flotter dans les airs et là, deux rires d’hommes éclatèrent.
« Y a pas à dire Gustave, c’est poilant ! » purent-ils entendre.
« Ne m’appelle pas par mon prénom, imbécile ! »
« C'est la fête au village, les parents, les enfants, ont avalé leur potage… » se mit à chanter le second.
Les trois visionneurs se regardèrent, interloqués par ce qu’ils entendaient, avant de se rendre compte qu’une main apparaissait maintenant à l’écran puis, progressivement, tout un bras.
« Pour s'amuser, pour danser, pour chahuter… » poursuivit le chanteur.
— Oh my god, mais c’est quoi ces conneries, c’est immonde, je crois que mes yeux sont morts ! cria Cannelle, dégoutée.
— Ah non mais ça ce n’est pas possible, renchérie Laurent en tournant la tête.
« En chantant des airs bien de chez nous. Houhou...! » continuait le vieil homme en se trémoussant.
— C’est fou, Lancient a trouvé le moyen de rendre le corps humain invisible mais pas les fibres, ça doit être pour cela qu’ils sont nus, en déduit Alexandre, moins dégouté par la scène de part son métier.
Sans s’en rendre compte les deux voleurs avaient perdu leur invisibilité et donné ainsi à la caméra une scène surréaliste d’un vieil homme fripé se déhanchant nu comme un vers dans le magasin pendant que le second, tout aussi nu et fripé, vidait les vitrines. Alexandre, le seul des trois à pouvoir encore porter son regard sur la vidéo, pu voir ce dernier se retourner et réaliser que son compagnon était visible avant de s’effondrer en tenant sa poitrine.
— Cela semble être une crise cardiaque, lança t’il.
Puis le second se jeta à son chevet et s’effondra à son tour. Quelques minutes plus tard, la police arrivait sur les lieux.
— J’ai envie de pleurer tellement que mes yeux ont mal, dit Cannelle pour détendre l’atmosphère.
— Moi aussi mais d’un coté, cela faisait un moment que je n’avais pas entendu cette chanson, ironisa à son tour Laurent.
— C’est étrange, il semble que lorsqu’ils redeviennent visibles, ils fassent un malaise cardiaque. J’aimerai vraiment bien les examiner.
Alexandre prit son téléphone et s’éloigna du groupe pour composer le numéro de l’hôpital le plus proche, là où les deux voleurs devaient être transportés. Il revint à peine une minute plus tard, contrarié.
— Non mais c’est quoi cet hôpital, ils ne sont même pas au courant qu’on leur amène des blessés ! Ou alors les pompiers ont oublié de les prévenir…J’appelle la caserne pour voir.
Laurent et Cannelle s’approchèrent de lui, eux aussi interpelés par cette annonce.
— Comment ça personne ? Un de vos camions, avec quatre pompiers, vient de les emmener vers l’hôpital. Mais si. Je les ai vu je vous dis et les gendarmes aussi…Allo ? Allo ?
Le visage d’Alexandre devint alors blême. Il rangea son téléphone et se tourna vers les autres.
— Figurez-vous qu’aucun pompier ou camion de pompier n’est sortit ce soir, lâcha t-il.
— C’est une blague ? Mais on les a tous vu, s’indigna Cannelle. C’est vous Laurent qui les avaient appelés ?
— Non, c’est l’un des gendarmes, avec un drôle de regard…Il est parti tout de suite après d’ailleurs quand j’y pense, se remémora le propriétaire.
— Un gendarme avec un regard de psychopathe ? Ca me rappelle celui que l’on a vu aux Chardons Bleus, dit Cannelle en direction du médecin.
— Putain. Mais ça veut dire qu’on ne les retrouvera jamais …Et que les flics sont dans le coup en plus, réalisa ce dernier.
— Euh…Vous croyez que c’est crédible si je dis à mon assurance que j’ai été vandalisé par deux vieux exhibitionnistes invisibles ? demanda le propriétaire, sous les regards éberlués des deux autres.
— Aaaah. J’ai mal.
— Ne t’inquiète pas Barnabé. Ce sont les produits que j’ai dû t’injecter. D’ici quelques heures, tu iras mieux.
— Bystruckla ? Mais, mais ce n’est pas possible, où suis-je ?
Lancient jeta un œil autour de lui et réalisa qu’il se trouvait dans une pièce blanche, extrêmement éclairée et pourvue en tout et pour tout d’un lit d’hôpital dans lequel il était allongé. Il regarda sur sa gauche ce qui semblait être une fenêtre et la fixa longuement pour tenter de glaner des indices sur sa localisation, mais il se rendit compte après quelques minutes qu’il s’agissait d’un décor et non pas d’une vraie fenêtre.
— Calme-toi, tout va bien. Tu as failli mourir d’une crise cardiaque mais j’étais là et je t’ai secouru.
— Non ! Je suis dans les sous sol, c’est ça ? insista le malade, suppliant.
C’est alors que le sas de verre derrière Bystruckla s’ouvrit.
— Ah, enfin ! Docteur Lancient…Barnabé…Comment vous sentez-vous ? demanda le nouveau venu.
— Toi ? Mais comment ? Tu n’as pas bougé d’un pouce en vingt ans, c’est, c’est impossible.
— Tout comme nous pensions l’invisibilité impossible, Barnabé. Ce n’est pas bien de mentir à ses employeurs. Je croyais ton sérum inefficace mais tu as probablement oublié de nous préciser quelques détails avant de partir en retraite. Heureusement que nous gardons toujours un œil sur nos investissements.
— Mes employeurs ? Foutaise, je n’ai jamais travaillé pour toi ! Tu m’as dénoncé à la présidence, j’ai perdu mon emploi à cause de toi.
— Et tu as ensuite pu poursuivre tes recherches chez Protectyl…Le destin fait bien les choses n’est-ce pas ? Alors, comment as-tu fais ?
— Un coup monté, c’était un coup monté ? Je ne te dirais rien sale chien ! rétorqua Lancient, déboussolé.
— César ?
— Oui monsieur Cédric.
— Assurez-vous que notre ami Barnabé nous explique comment il a fait. Je dois m’entretenir avec ses compagnons de chambré, annonça t-il en tirant sur les manches de sa veste de costume.
Cédric s’éloigna ensuite du lit, laissant César gérer les protestations de Lancient. La porte automatique de verre s’ouvrit et il se retrouva dans un couloir tout aussi éclairé avec de chaque côté des cellules de verre identique à celle de Barnabé. Tout en sifflotant, il fit quelques pas et s’arrêta devant une vitre.
— Gustave ! Vous souvenez-vous de moi ? Je crois qu’il faut que l’on parle tout les deux.
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