Le jour est mort by Wapa
Summary:
@Darkcloud013

Dans un monde dévasté, l'humanité a quitté la surface de la Terre pour se réfugier dans ses entrailles. Personne n'est autorisé à sortir mais Lucinda et Sezni bravent cet interdit pour se retrouver une nuit par semaine.
Categories: Science-Fiction Characters: Aucun
Avertissement: Aucun
Langue: Français
Genre Narratif: Nouvelle
Challenges:
Series: Oiseaux de nuit – Textes non-retenus
Chapters: 1 Completed: Oui Word count: 1245 Read: 1633 Published: 03/07/2019 Updated: 04/07/2019
Story Notes:
Voici donc une courte nouvelle envoyée pour l'AT Oiseaux de nuit.

Au départ, je ne pensais même pas participer...

Puis, finalement, un peu au dernier moment, je me suis dit que c'était un bon challenge.

N'hésitez pas à me donner votre avis :)

1. Le jour est mort by Wapa

Le jour est mort by Wapa
Le jour est mort. Nous sommes les seuls à blâmer.
A force de jouer les apprentis sorciers, la Terre a complètement déraillé.
Impossible de sortir à sa clarté, sous peine d’être brûlé.
Le jour est mort. Nous sommes les seuls à blâmer.



Lucinda a le souffle court alors qu’elle monte l’échelle dans le fin conduit d’évacuation. Ses paumes moites glissent sur les barres en fer. La lampe frontale obtenue au marché noir éclaire les parois en béton qui la frôlent. Elle essaye de ne pas penser au peu d’espace qui l’entoure, à ses murs qui semblent vouloir l’avaler. Elle se concentre sur ses gestes. Un barreau. Un autre. Encore un. Finalement, elle parvient à la trappe de sortie. Dans un ultime effort, elle pousse de toutes ses forces pour la soulever et elle se hisse à l’extérieur. Enfin. Elle éteint la lumière et s’habitue progressivement à l’obscurité. Elle observe ce no man’s land qui s’étend à perte de vue. Ruines enveloppées d’une lueur fantasmagorique par la lune pas tout à fait ronde. Bâtiments délabrés, abandonnés. Silence. Désert. Rien ne bouge. Rien ne vit. Auparavant c’était une ville peuplée. On lui a raconté. Cette contrée hospitalière transformée en fournaise. Les morts. Par leur faute. Aujourd’hui, cet univers n’appartient plus à l’Homme. La Terre a repris ses droits. Ce qu’il reste de l’humanité a quitté la surface pour se réfugier dans ses entrailles. Oppressants souterrains auxquels elle est ravie d’échapper. Une brise légère vient chatouiller ses joues en feu. Elle aspire goulûment l’air chaud... le parfum de la liberté.

En bas, le contrôle règne en maître absolu. Pour assurer leur survie, le Parti ne laisse rien au hasard. L’intérêt de la communauté prime. Mais ici, elle est libre. Au moins pour quelques heures. Une nuit par semaine, pendant que les autres sont profondément endormis, Lucinda rejoint Sezni. Leurs souffles se mélangent. Leurs pensées s’échauffent. Ils rêvent d’une époque révolue qu’ils n’ont pas connue. D’un ailleurs où la vie serait plus douce. Ils parlent sans crainte d’être surveillés. Ils bravent l’interdit suprême : ne jamais sortir. Ils risquent leur vie. C’est le prix à payer pour se sentir exister.

S’arrachant à sa contemplation, Lucinda s’élance sur l’asphalte dévastée. Elle slalome entre les gravats et contourne la carcasse rouillée d’une voiture. Seuls ses pas précipités résonnent. La sueur colle ses vêtements. Elle devrait ralentir seulement elle a hâte de le retrouver. Neuf jours qu’elle ne l’a pas serré dans ses bras. Elle se languit de sa peau sombre. De ses lèvres contre sa nuque. De sa mèche rebelle taquinant ses prunelles rêveuses. De sa voix rocailleuse lorsqu’il évoque leur improbable fuite. Où iraient-ils de toute façon ? Même s’il y a ces folles rumeurs qui se faufilent parfois jusqu’à leurs oreilles. Fébriles murmures qui assurent qu’ils ne seraient pas l’unique colonie. Devraient-ils vraiment accorder foi à ces on-dit ? Malgré eux, ils s’y raccrochent pourtant. Au coeur des ténèbres, ils aiment entretenir cette espérance insensée. Imaginer leur futur. Ensemble. Loin.

Lucinda aperçoit sa destination et accélère sur les derniers mètres. Devant elle se dresse finalement un édifice en pierre à l’arcade ouvragée. Ils l’ont choisi pour son apparente solidité. Contrairement à certains de ses voisins qui paraissent au bord de l’effondrement, ce bâtiment se montre inébranlable. Et puis, elle aime particulièrement cette statue qui les accueille à l’entrée. Tendre visage recouvert d’un voile. Elle a l’impression qu’elle veille sur eux. En passant, elle la salue d’une caresse sur ses pieds blancs. De hautes fenêtres permettent aux rayons lunaires d’éclairer les dalles, les voûtes et l’enfilade de colonnes. Elle se dirige vers le renfoncement qu’ils ont aménagé sobrement. Un amas de couvertures et de coussins. Leur nid d’amour. Vide.

Une bouffée d’anxiété la saisit en fixant la couchette abandonnée. Sezni est toujours le premier. Toujours. A l’accueillir avec son demi-sourire. Comme s’ils venaient de se quitter. Comme si l’attente n’avait pas pesé. Pas une seule fois elle n’a eu à patienter. Il devrait être là. Son absence ne présage rien de bon. Elle l’a croisé pas plus tard que ce matin et il lui a jeté une oeillade brûlante. Elle peine à envisager qu’il est simplement en retard. C’est forcément plus grave. Elle déambule sous la colonnade, errant sans but. De terribles scénarios l’assaillent sans qu’elle parvienne à les refouler. Elle sait qu’ils n’ont pas le droit d’aller dehors. Elle sait qu’ils n’ont pas le droit de se fréquenter. S’ils se font prendre, la sentence est évidente. Ils seront tués sans autre forme de procès. Comme quiconque défie les règles. Le Parti le répète sans cesse : « L’individualisme est notre plus grand ennemi. » Pour se donner une contenance, elle décide de ressortir afin de guetter son arrivée.

Elle scrute les environs, s’abîmant les yeux dans la nuit. Rien. Elle repense à ce que Sezni lui a dit lors de leur dernière escapade. La compagne qu’on lui a attitrée semble se méfier. Il l’a surprise en train de fouiller dans sa besace. Satanée harpie. Elle n’a décelé aucun indice bien sûr. Toutefois, même sans preuve tangible, elle a pu révéler ses doutes à la Police. De simples soupçons peuvent conduire au pire. Lucinda se tord les mains en essayant de contenir la panique qui menace de la submerger. Elle ne sait pas quoi faire. Les questions se bousculent. L’attendre ? Chaque minute supplémentaire ici augmente le risque pour elle. S’il a été signalé, il est probablement perdu. Doit-elle rentrer ?

Soudain, une ombre surgit à l’angle de la rue, courant dans sa direction. Même si elle ne distingue pas ses traits, elle sait que c’est lui. Elle reconnaît sa silhouette. Une vague de soulagement l’envahit. Ses épaules se relâchent. Rapidement, il est près d’elle. Avant qu’il ne s’exprime, elle pressent un problème. Il est tendu. Sur ses gardes. Son sac à dos est énorme. Elle n’a pas envie qu’il confirme son intuition. Elle souhaiterait suspendre le temps. Juste savourer sa présence alors qu’elle a eu si peur. Cependant, il lui annonce gravement :

- Nous avons été dénoncés.

- Que... comment ? bégaie-t-elle, son esprit cherchant à se défiler face à la réalité.

- Lucinda, ils vont venir nous chercher. Il faut que nous partions.

Comme pour appuyer ses propos, elle entend des cris au loin. Terrorisée, elle plonge dans son regard, Elle y trouve son courage. Il lui tend la main. Elle la prend.

Le jour est mort... mais eux, pas encore.
End Notes:
Merci pour votre lecture :)
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