Summary: Il est jeune, sans ambition, critiqué et critiquant. Sans avenir, sans désir dans un monde se redressant à peine de la guerre des Intelligences Artificielles.
Mais un jour, une relique du passé change sa vie et sa conception même de l'existence.
Categories: Utopie/Dystopie,
Amitié/Famille,
Science-Fiction,
H/F Characters: Aucun
Avertissement: Aucun
Langue: Français
Genre Narratif: Roman
Challenges: Series: Aucun
Chapters: 15
Completed: Oui
Word count: 20547
Read: 76320
Published: 31/07/2018
Updated: 24/08/2018
Chapitre 8 by Kathelyn Hemet
- Non, tu ne l'es pas.
~
J'ai répondu sans vraiment me rendre compte de mes paroles. Elle s'est approchée de moi, les sourcils légèrement froncés, elle flotte désormais, affranchie de toute physique, maître des lieux. Elle profite de son avantage pour se faire supérieure.
- C'est quoi être réel, pour toi ? Qui tu dis que tu l'es, toi, réel ?
- Bien sûr que je suis réel, j'existe dans le monde réel.
- La machine, c'est moi. La machine existe dans le monde réel, j'existe dans le monde réel. Tu es dans ton corps toi, c'est lui qui te fait exister non ? Pas ton âme.
Merde, elle marque un point. Mais pas tout à fait. Je soupire, elle comprend qu'elle a gagné et son visage se pare d'un léger sourire satisfait. Je chasse le sujet d'un revers de la main, comme une mouche indésirable. Je déteste perdre un débat. Elle se laisse à nouveau influencer par la gravité et atterrit avec douceur sur le tapis d'herbe, à côté de moi, visiblement bien satisfaite d'avoir trouvé la parfaite comparaison.
- Tu es têtue, pour un programme, lui dis-je sans reproche.
- Tu es borné, comme tous les humains. Merci de m'avoir réactivée.
Elle pose sa main sur la mienne. Un sursaut me parcoure le corps. Je ne retire néanmoins pas ma main. Son contact est frais sans être froid.
Je me rends ainsi compte que c'est la première fois que l'on se touche, la première fois qu'elle semble reconnaissante envers moi. Je l'aime bien, en fait. Elle est gentille, calme, de bons conseils et outrageusement belle évidemment. Je redirige mon regard vers le ciel puis ferme finalement les yeux pour profiter des autres sensations que m'offre cette technologie. Depuis combien de temps suis-je là-dedans ? Attendez, oui, je m'en fiche éperdument, c'est vrai. Je me sens bien, je n'ai pas ma mère pour me juger ou de famille pour me sentir coupable de mes actions, pas de réalité à endosser, de responsabilités, d'obstacles insurmontables. Pas de déception, de peines, de dilemmes. Pas d'éthique, pas de morale. Il n'y a que la vie paisible d'un être immortel et surpuissant. Je voudrais m'allonger et m'endormir mais je n'ai pas sommeil. Je ne peux pas, mon cerveau est constamment stimulé, il ne se repose jamais vraiment, ne serait-ce que pour me faire voir l'interface.
- Tu devrais faire une pause, Zacharie. Pour dormir, surtout, en plus de t'alimenter et de t'hydrater.
J'ouvre un oeil rapidement, pour le refermer presque aussitôt.
- Ça ira.
Silence.
- Tu es sûr ? C'est dangereux pour ta santé.
Je soupire.
- Oui, je suis sûr.
Lucie hausse les épaules, elle s'en fiche sûrement. Ou alors elle est bêtement heureuse de pouvoir garder sa main sur la mienne, avoir un contact autre que des programmes simples de personnages non joueurs.
J'ai dit heureuse ? C'est une machine, elle ne fait que simuler. Ange n'est pas heureuse. Elle montre de la joie, disons. C'est qu'elle parviendrait presque à me tromper, au final. Je ne sais pas si je dois m'en amuser, m'en effrayer ou m'en émerveiller. J'essaie de ne pas me poser de questions, je ne suis pas censé me prendre la tête ici, mais me détendre, oublier et m'amuser. J'y arrive très bien, ceci dit.
- On y va ?
Sa main se retire, elle ne l'avait pas enlevée tout du long. Son contact me faisait du bien, il me rafraichissait. Je sens un air chaud chasser bien vite cette fraîcheur reposante. Lucie s'est levée, étirée, puis a repris une forme plus discrète, féérique. Moi aussi, j'aimerais faire ça. Je suis sûr qu'elle pourrait aisément faire en sorte que je puisse faire absolument tout ce que je veux, mais elle n'est pas là pour cela. Même s'il est certain qu'elle n'est pas là non plus pour être un PNJ compagnon. Elle devait se sentir seule, ici, elle est heureuse, enfin, « heureuse » de pouvoir à nouveau parler à quelqu'un. C'est bien ce qu'elle m'a dit plus tôt.
Je monte sur mon dragon qui peine à sortir de son long sommeil réparateur. Il s'ébroue et s'élève doucement dans les airs à grands coups d'ailes puissantes. Je m'émerveille chaque fois de cette sensation. Sentir le vent qui fouette mon visage, chaque muscle de ma monture, mes tripes qui se tordent quand Drake fait un piqué, et le sol, loin en dessous de mes pieds, solidement enfoncés dans les étriers. Un large sourire se dessine toujours sur mon visage, malgré moi. Il m'arrive souvent de voler par simple plaisir de faire de la voltige, d'avoir la tête en bas et les pieds dans les nuages. Le corps léger et le coeur libre.
L'intrigue suit son cours, j'alterne entre les sauvetages et les meurtres, les grandes aventures et la contemplation du monde que j'ai à mon exclusive disposition. Je crois que la nuit passe, la dernière fois que j'ai mangé - car j'ai mangé mais pas dormi - la pièce était plus sombre que d'habitude. Je ne suis pas rentré chez moi. J'ai encore de la nourriture et de l'eau. Personne ne m'a envoyé de message, ou en tout cas il n'y en avait pas la dernière fois que je suis sorti de la machine. De toute façon, ma vioque est trop fière, elle ne s'excusera pas. Elle doit penser à une punition terrible à me donner quand je serai rentré. De toute façon, plus j'attends, plus la punition sera grande, jusqu'à un certain point. Au final, je pourrais toujours m'en sortir. J'aurais toujours un moyen pour contourner sa punition, quelle qu'elle soit. Elle ne pourra pas m'enfermer éternellement dans ma chambre. Ni me surveiller 24 heures sur 24.
De toute manière, je suis majeur, je ne suis plus sous son joug maternel. Je fais ce que je veux de ma vie, je suis adulte maintenant après tout. Ma décision d'adulte est donc de ne pas rentrer maintenant.
Je décide néanmoins de faire une pause, une petite pause. Cependant, je me sens mou et sans énergie. Même si je commence à m'habituer à l'absence de couleurs dans la vie réelle, la sensation de lassitude et de détachement de mon corps finit par ne plus me déranger, je suis même plutôt bien, dans ma bulle, sur un nuage.
Et alors que mes jambes se refusent à me porter, et que mes bras peinent à soulever une simple bouteille d'eau, le sommeil me prend dans ses bras sans que je n'ai le temps de réagir. Je m'assoupis donc, malgré moi, en essayant de refermer la machine à l'aide de mes maigres forces.
Le réveil se déroule brutalement, le souffle court, la fatigue est toujours aussi présente même si mon corps semble légèrement plus opérationnel. Je parviens, en tremblant, à porter de l'eau à ma bouche et à grignoter un morceau de barre de céréale, locale; avant de finalement, non sans un grand effort de concentration, réussir à fermer la capsule. Je me sens tellement faible, je suis sûrement encore à moitié endormi. La machine réveillera mon cerveau.
Je me replonge donc dans ce Paradis et retrouve Ange, qui m'attendait gentiment, en veille, là où j'avais quitté le jeu.
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