Dévorations by Eejil9
Summary:


 


Un été de chaleur et folie dévorantes.


Recueil de nouvelles, participation à AVC3. Institut Kedjougou.


 


Crédit image : sorahchan sur DA


Categories: Fantastique Characters: Aucun
Avertissement: Aucun
Langue: Français
Genre Narratif: Nouvelle
Challenges:
Series: A Vos Claviers ³
Chapters: 5 Completed: Oui Word count: 3899 Read: 26483 Published: 06/07/2018 Updated: 27/08/2018
Story Notes:

Bonjour à tous !

Je sais que le début d'AVC est passé, mais l'agreg aussi, donc j'ai le temps de faire deux participations, une sur le Héron et une sur HPFanfic. Voici donc ma participation sur le Héron.

Je vais essayer, dans la mesure du possible, de n'écrire que des nouvelles courtes, indépendantes et surtout, relevant du genre fantastique. J'espère que les défis vont me le permettre ! :)

Bonne lecture !

1. Défi 2 - Le portrait fatal by Eejil9

2. Défi Créatures 1 - A la folie by Eejil9

3. Défi 3 : Sombre tombe by Eejil9

4. Défi Créatures 2 - Mythes by Eejil9

5. Défi 4 : La dernière note by Eejil9

Défi 2 - Le portrait fatal by Eejil9
Author's Notes:

Tout d'abord un immense merci à TeddyLunard pour son bêtatage express, efficace et juste génial ! ♥

Maintenant un petit récapitulatif des contraintes :

Le marquis invisible.
Le portrait fatal.
Une infâme adorée.
Les enseignements d'un monstre.
Le monde sous-marin.
Une ville dans une ville.
Le déserteur.
Bonus : LA LICORNE d'Extraa


Le poète Charles Baudelaire a laissé des « plans et projets de romans et nouvelles » qu’il n’a malheureusement pas pu écrire avant de mourir. Aidez Monsieur Baudelaire à sécher ses larmes et réalisez pour lui un de ses plans secrets !

♥ Votre nouvelle devra avoir comme titre l'un des projets ci-dessus, et s'en inspirer.
♥ Vous devrez insérer dans votre texte une citation d'un auteur contemporain de Baudelaire
♥ Votre texte comprendra au moins une référence à un oiseau.
♥ Votre texte devra contenir CINQ mots par sens, soit 5 mots pour l'odorat, 5 mots pour l' ouïe etc. Cinq sens, cinq mots donc 25 mots. Pas un de plus, pas un de moins.
♥ Contrainte de mots :800 mots minimum

J'ai choisi "Le portrait fatal". J'ai mis les mots en gras. Normalement l'oiseau est en gras et souligné, mais si ce n'est pas le cas, c'est un merle ! La citation est en  gras et en italique, c'est une citation de la lettre du Voyant d'Arthur Rimbaud.

Bonne lecture !

 

Ne pas regarder. Surtout pas. 

Il n’était qu’angoisse. Son estomac se contractait douloureusement sous les assauts de ce gouffre d’inquiétude qui l’engloutissait. Il savait. Ce qui se cachait sous ce pan de tissu causerait sa perte.

Il l’avait su dès l’instant où ses yeux s’y étaient posés. Un portrait fatal.

Comment un simple tableau pouvait-il être à ce point présage de mort ? A cette idée, il sentit des frissons parcourir sa peau et un goût de fer emplir sa bouche. Un portrait fatal.

La mort sous les couleurs.

 

Certains disaient qu’il était fou. Il ne l’était pourtant pas. Pendant de longues années, il avait vécu une vie tranquille, banale même, appréciant le repos après une journée de dur labeur, goûtant le confort de sa maison, chérissant l’odeur du ragoût que faisait cuire son père des heures durant. Jusqu’au jour où…

 

Le cadre l’attendait devant sa porte, emballé dans un morceau de toile rêche. Intrigué, il avait déballé le curieux paquet avant même de songer à lire le mot qui y était joint.

Vision d’horreur !

Dans sa bouche, la salive s’était tarie. Le froid s’était emparé de lui. Ses poumons s’étaient brusquement vidés de leur contenu. Pire encore, il avait senti distinctement son cœur cesser de battre. Le merle posé sur son toit semblait chanter mais ses oreilles déjà ne percevaient plus les notes.

Il avait brusquement rabattu la toile sur le tableau. Il avait recommencé à respirer. Son cœur, cette fois, s’agitait frénétiquement dans sa poitrine. Mais le monde continuait d’appliquer son contact glacé sur son être. Depuis ce jour, il n’avait cessé d’avoir froid.

La lettre, elle, se contentait d’étaler quelques caractères noirs sur du papier blanc. Noir présage et avant-goût d’enfer.

« Je suis ta perte ».

 

Je suis ta perte.

Il avait transporté le cadre à l’intérieur de la maison. Il comptait au départ le remiser dans la cave, dans un placard, un réduit, qu’importe ! Mais il ne pouvait supporter de ne pas savoir où il se trouvait. Comme si, doué d’une vie propre, le tableau avait pu commettre d’infâmes forfaits s’il était laissé sans surveillance.

Même quand il ne pouvait pas le voir, sa présence occupait l’espace. Comme une eau, elle se répandait partout, envahissait tout, inondait sa vie d’une inquiétude indicible. Le tableau répandait dans l’air des effluves viciés, un capiteux parfum de pourriture qui coupait le souffle et empoisonnait l’esprit. L’odeur de sa perte. Dans la nuit, il avait l’impression d’entendre le portrait émettre une vibration basse et régulière qui le rendait fou. Le jour, tous les aliments qu’il mangeait en la présence du tableau laissaient dans sa bouche un goût de cendre. Et le froid…

C’était comme si le portrait lui imposait un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Comme s’il le rendait étranger au monde, présent uniquement par la panique.

Long et immense, oui. Raisonné aussi, mais pas pour lui. L’objet pompait sa raison goutte après goutte, pour le laisser exsangue de toute logique, et fou par défaut.

 

Qui avait bien pu lui adresser un tel présent ? Il avait cherché, des traces, des indices, interrogé les voisins. En vain. Personne n’avait remarqué d’activité inhabituelle autour de sa maison. Les amis qu’il avait consultés ne trouvaient pas le portrait particulier. Les gens avaient fini par murmurer. On disait qu’il était fou à lier. On se chuchotait des histoires, sans savoir que la réalité était pire encore. Il n’en avait cure. Il était bien trop obsédé par la mort en couleurs qui l’attendait sous le pan de tissu, toile sous la toile, piège fatal pour une perte à venir.

Enquête vaine, donc. Personne ne paraissait avoir envoyé ce cadeau empoisonné.

 

Le portrait semblait s’être imposé de lui-même.

Au fil des jours il ne fut même plus capable de quitter la maison pour travailler ou enquêter sur l’origine de ce funeste présage. Il restait, des heures durant, nuit et jour sans connaître le repos, assis sur sa chaise, face à l’objet de ses craintes. Il s’était mis à lui parler, perdant ses mots dans le vide laissé par sa raison. Fou, il l’était peut-être devenu en effet. Mais que pouvait-il y faire ?

Je suis ta perte, prétendait la lettre. Peut-on lutter contre sa propre perte ?

 

Et puis un jour… Combien de temps après l’arrivée du portrait ? Il n’aurait su le dire. Il avait perdu le fil. Privé de sommeil, son esprit se débattait dans sa propre obscurité. Il fuyait sa mort mais cela faisait une éternité qu’il n’était déjà plus.

Peut-on lutter contre sa propre perte ? Pourquoi seulement essayer ? A quoi bon chercher à éviter un destin énoncé noir sur blanc ?

Étranglé par le désespoir, il décida qu’il était temps d’en finir. Quand il se leva de sa chaise, ses articulations craquèrent. Il arracha la toile d’un geste vif.

 

Le cœur déjà arrêté, au lieu d’un tableau, Narcisse découvrit son reflet.

Même dans la mort, il avait encore froid.

 

End Notes:

Voilà, j'espère que ça vous a plu ! N'hésitez pas à lire les autres participations, il y a de véritables perles !

Je vous dis à bientôt !

Défi Créatures 1 - A la folie by Eejil9
Author's Notes:

Bonjour à tous !

Je sais que je n'ai pas fini mes ràr, mais promis elles arrivent ! En attendant, merci tout le monde <3

Voici ma participation au premier défi Créatures, dont je rappelle les contraintes :

♥ Que ce soit une ode au beurre de cacahuètes, l'expression torturée d'une romance haineuse et passionnelle ou la reconnaissance d'une amitié lumineuse, vous devrez écrire une lettre d'amour.
♥ Contrainte Bandelettes : Votre texte devra contenir un paragraphe dans lequel la première lettre de chaque phrase forme le nom complet de l'objet / le destinataire de la lettre (NDLR : du coup, l'ode au "Beurre de cacahuète" c'est peut-être un peu casse-gueule, enfin c'est vous qui voyez).
♥ Merci de respecter le nombre minimum de mots sur les sites (vous pouvez également écrire un drabble 100 à 500 mots -> Dans ce cas là, merci de préciser que votre lettre est un drabble).

 

Je m'exuse d'avance, je pensais que la deadline était demain et j'ai des tas de trucs à faire aujourd'hui, et je n'ai vraiment pas assez dormi, j'ai donc pondu ce texte en une grosse demi-heure, et ce n'est sans doute pas bien brillant. Il a au moins le mérite d'exister. Et il est un peu creepy, sinon ce ne serait pas rigolo !

Le paragraphe avec les initiales (hrrm c'est mal formulé cette histoire) se trouve un peu au milieu mais j'ai mis les premières lettres en gras ;)

Bonne lecture !

Cher Martin,

 

Cela faisait longtemps, n’est-ce pas ? Tu croyais t’être défait de moi pour de bon, si je ne me trompe pas. Tu pensais ton esprit défait des entraves que j’y avais apposées. Tu pensais avoir enfin fini de te débattre contre ces liens qui enserraient ton âme et te conduisaient peu à peu à la démence. Pauvre de toi ! Je sais que tu as déménagé. Je sais où tu as déménagé, comme cette missive le prouve. Je dois admettre que ton attitude m’a surprise – je ne te pensais pas si courageux. Et moi qui croyais te faire plier dès la première tentative ! Et de ton côté, ces semaines de silence – confortable, bienheureux silence, pas de lettres, pas de phénomènes inquiétants, rien – t’ont fait croire que c’était fini. Que j’étais enfin partie. Que cette parenthèse de démence était close à jamais, que l’incompréhension des témoins s’effacerait doucement tandis que tu retrouverais ta bien-aimée tranquillité. Que les témoins disparaîtraient. Que ce serait comme si rien ne s’était passé.

Crois-tu que je ne t’ai pas vu, montrer la lettre à tes proches ? Être horrifié quand ils ont reconnu ta propre écriture sur le papier ? Jeter toutes les feuilles et les stylos que tu pouvais trouver chez toi ? Crois-tu que cela m’a échappé ? Crois-tu pouvoir faire disparaître ça ? Tu as essayé, c’était déjà plus que ce que j’attendais de toi.

 

Mais tout ce que j’ai pu croire, tout ce que j’ai pu espérer s’est pour le moment avéré vain : je voulais te rendre fou de moi, fou tout court, je voulais te perdre et me perdre avec toi, et voilà que tu cherches à me fuir au lieu de te fondre en moi. Ah ! Rends-toi compte, mon très, très cher Martin ! Tu m’obsèdes bien plus que je ne t’obsède, et c’est peu dire. Il n’y a pas une seconde sans que je ne pense à toi. Nuit et jour, je cherche un moyen de m’emparer de toi, et je pensais réellement avoir réussi.

Je suis là, en permanence, je te guette. Tu ne peux pas me voir. Tu ne peux même pas cerner le contrôle que j’ai sur toi. Tu es prisonnier d’un joug invisible dont tu ne percevrais même pas l’existence si je ne te faisais pas l’horreur de t’écrire. Je suis partout. Je suis sur ton épaule. Je suis le souffle du vent dans tes cheveux. Je suis le rayon de soleil qui frappe ta peau lorsque tu sors de chez toi. Je suis ton cœur. Je suis tes yeux. Je suis celle qui te regarde lorsque tu t’endors le soir. Je suis la première personne qui te voit quand tu ouvres les yeux, et la nuit, je vis tes rêves avec toi. Je suis la seule à pouvoir vivre ta vie à ta place sans que quiconque crie à l’imposture.

Je n’ai même pas besoin d’imaginer l’horreur et le dégoût qui habitent ton visage au moment où tu me lis, je les vois, je les connais d’avance. Je te connais par cœur. Je te connais mieux que toi-même car je suis consciente même pendant tes absences.

 

Tu as déménagé, donc, alors que je pensais que tu allais sombrer et devenir mien en quelques jours. Qu’importe, mon très cher, j’aime les défis. Changer d’adresse, changer de nom, changer de métier, tu n’as pas fait les choses à moitié, mais on ne me leurre pas ainsi. Tu aurais plus de chances de parvenir à tromper la mort. La mort est extérieure, on peut la fuir à coup de traitements et de médecins. Je suis toi.

Je suis toi parce que tu me portes en toi. Le plus amusant, sans doute, est qu’en me fuyant, tu crois me haïr. Pourtant, nous sommes bien plus amants qu’ennemis. Sans le remarquer, nous nous fondons l’un dans l’autre jusqu’à ne plus savoir quelle partie d’âme appartient à qui. Tu me hais, sans doute. Moi aussi, je te hais. Je veux ta perte et la mienne. Je te hais. Je t’aime. Je suis le feu dévorant d’une passion qui ne s’éteindra pas avant de nous avoir consumé tous les deux. Quelle meilleure maîtresse pour un homme que celle qui jamais ne l’abandonne ?

 

Je t’aime, et donc je te dois la vérité. Je ne suis jamais partie. Je t’ai suivi où que tu ailles. J’attendais, tapie dans un coin de ton nouveau chez toi, que ton attention se relâche – je sais quand tu cesses de me craindre, je te vois. Je vais te dire une autre vérité encore : si tu as reconnu ton écriture sur les missives, c’est parce que c’est toi qui écris mes lettres. Moments d’inconscience, de faiblesse dont tu ne gardes aucun souvenir. Tu n’es pas harcelé par une folle, tu partages cette folie avec moi. Tu es fou. Et je suis ta folie. Tu ne peux pas m’échapper.

Je n’aurais même pas besoin de te faire écrire tout cela. Il suffirait que tu tendes un peu l’esprit pour m’entendre. Mais j’aime l’idée de te rendre dément par correspondance, d’étaler avec l’encre les maigres restes de ta raison, de me faire lointaine pour que tu me désires plus, à force d’oublier que je vis dans ta tête.

 

Je suis toi. Et le seul moyen de te défaire de moi et de te défaire de toi-même.

 

Voilà une déclaration qui, peut-être, permettra la réalisation de mes vœux.

 

Avec tout mon amour,

 

Une amie qui te veut du bien.


 

End Notes:

Voilà voilà, donc pour expliciter les choses (enfonçons les portes ouvertes) c'est donc un homme qui reçoit une lettre de sa propre folie. Ou qui s'écrit une lettre en se faisant passer pour sa folie parce qu'il est fou, ce qui, au fond, revient au même.

J'espère que ça vous a plu ! N'hésitez pas à aller lire les autres participations, ça foisonne de bonnes idées partout.

Des bisous et à bientôt !

 

Défi 3 : Sombre tombe by Eejil9
Author's Notes:

Bonjour à tous !

Je suis une tête de linotte donc j'ai mal regardé les dates, et ce texte prêt depuis longtemps n'a donc pas été publié à temps... Tant pis, ce sera un HC, et en plus, je n'en suis pas très satisfaite !

Rappel des contraintes :

♥ Votre personnage devra TOMBER : tomber amoureux, tomber dans les pommes, tomber des nues, tomber de haut, tomber à genoux, tomber bien bas, tomber la chemise, etc.
♥ Le verbe TOMBER ne pourra apparaître qu'une fois maximum dans votre texte (sous n'importe quel(le) temps/conjugaison)
♥ Vous devez écrire minimum 100 mots consécutifs sur la douleur que ressent votre personnage lors de son atterrissage physique ou émotionnel. -> consécutifs = en un ou plusieurs paragraphes, non coupés par des dialogues, etc.

♥ Contrainte de mots :500 à 1500 mots

 

Bonne lecture !

Chère amie,

 

Vous m’avez demandé pourquoi je ne dors jamais… Comme s’il s’agissait d’un choix de ma part ! Mais je ne vous en tiens pas rigueur, et je vais tenter de mettre des mots sur ce qui me sépare à tout jamais du repos que je poursuis sans cesse et ne trouve jamais. J’ignore si je suis capable d’expliquer le secours salvateur de mes insomnies contre un trouble que je suis la seule à connaître. Je vais tenter, pour le moins.

 

Le vertige avant le sommeil, cette chute vertigineuse et immobile du corps, comme un reflet anticipé de l’âme qui sombre dans l’engourdissement et s’abandonne au sommeil. Connaissez-vous cette sensation, ma chère ? Connaissez-vous cette angoisse d’une seconde, qui frappe de tétanie même l’esprit le plus rationnel ? Connaissez-vous cet instant où même les plus sains d’entre nous ne sont plus assez lucides pour se dire qu’ils ne risquent rien, tout couchés qu’ils sont, au fond de leur lit ? Vous ne bougez pas d’un orteil, vous savez que votre corps est allongé dans le silence, et pourtant la chute est si réaliste qu’elle vous tire un instant de votre torpeur.

Imaginez maintenant que ce petit moment de panique dure une éternité. Imaginez une hypersensibilité telle que cette chute du corps dans le sommeil soit ressentie comme un saut dans un abîme interminable. C’est comme si vous étiez poussée du haut de la Tour Eiffel, à l’instant où vous fermez les yeux. Et l’angoisse vous tord les tripes. Et l’adrénaline fait battre votre cœur si fort que vous entendez votre sang pulser dans vos oreilles et vriller vos tempes. Et vous sortez de cet instant d’éternité dans une inspiration brusque, en vous redressant, couverte de sueur et de peur. Et la panique vous prive définitivement de sommeil, jusqu’à la prochaine chute…

 

Et cela se produit toutes les nuits. Toutes les nuits, je tombe. Alors que la douceur du sommeil m’embrasse, que la chaleur de l’oreiller sur ma joue me pousse doucement dans l’inconscience, la chute commence. Vertigineuse. Infinie. C’est le cauchemar d’avant le sommeil, la peur panique qui m’empêche de trouver le repos. Je sens mon lit disparaître, je sens le vide se faire autour de moi, je sens mon corps s’effondrer dans une course contre la pesanteur créée par et pour mon inconscient. Je chute.

Mais le pire, au fond, n’est pas la chute. Le pire est cet instant, après une éternité de cavalcade, où je trouve enfin l’once de lucidité qui me permet de lutter. Après des centaines de mètres en chute libre, l’énergie du désespoir nous pousse encore à rechercher l’équilibre. Dans ce supplice tout virtuel, toutefois, on peut retrouver la terre ferme au premier sursaut de volonté. Douloureux sursaut, je me redresse dans mon lit, prisonnière d’une cage de draps moites. Je réalise que mes poumons sont désespérément vides, et en quête d’une goulée d’air, je prends une douloureuse inspiration qui me rappelle que, fictive ou non, cet effondrement a imprimé sur mon corps des stigmates qui me feront souffrir jusqu’au matin. Stigmates physiques, membres gourds, poumons douloureux, tachycardie malvenue pour qui cherche en vain à trouver le repos, stigmates psychologiques, aussi, car un éveil prolongé immodérément est, au fond, la pire des tortures. 

 

Voilà, très chère, pourquoi je fuis le sommeil – ou bien est-ce le sommeil qui me fuit, ce qui, au fond, revient au même. Voilà aussi la raison pour laquelle je ne vois plus personne. Vous vous inquiétez à juste titre : incapable de sombrer dans le sommeil, je sombre peu à peu dans une démence qui m’effraie plus encore que ces chutes nocturnes qui me feraient considérer le pire cauchemar comme enviable. Et je me demande à chaque instant quelle faute j’ai bien pu commettre pour mériter une telle punition.

 

Je reste seule, donc, pour éviter d’entraîner les autres avec moi dans ce glissement, subreptice et insoutenable, au cœur de la folie.

 

Prenez soin de vous,

 

Eris

End Notes:

Voilà, j'espère que ça vous a plu tout de même, et à très bientôt !

Défi Créatures 2 - Mythes by Eejil9
Author's Notes:

Bonjour !

Voici ma participation au défi Créatures n°2. Petit rappel des contraintes :

♥ Pour cette épreuve-ci vous devrez écrire 4 drabbles, ou double-drabbles, au choix !

♥ Vous avez le droit à une marge d'erreur de 10 % sur le nombre de mots de chaque drabble (donc entre 90 et 110 mots par drabble et entre 180 et 220 par double drabbles)
♥ Vous posterez tous vos drabbles en un seul chapitre
♥ Contrainte Patchwork : même si les drabbles n'ont pas de rapport entre eux, le dernier mot d'un drabble devra être le premier mot du drabble suivant.
♥ Contrainte Divinité : Pour chaque drabble vous choisirez une divinité et devrez écrire un drabble sur ce dont il est le dieu / la déesse.

Je suis un peu psychorigide, mes 4 drabbles font donc très exactement 100 mots. J'ai choisi en premier , divinité du futur, puis Mami Wata, déesse de l'océan déchaîné, puis Damballa, dieu de la connaissance, et enfin Legba, esprit de la frontière entre le monde réel et celui des esprits.

J'ai un peu quitté le fantastique pur pour partir dans la mythologie, mais il reste du surnaturel. Chacun de mes drabbles est consacré à un personnage mythique ou légendaire connu, issu de la mythologie grecque ou de l'imaginaire lié à la mythologie grecque (dans le cas de Xerxès, qui est un roi Perse, mais l'épisode que je narre est lié aux guerres contre la Grèce). On se retrouve ne note de fin pour plus de précisions.

Bonne lecture !

Cassandre s’éveille en sursaut, pousse un cri. Un de ces cris-souffles, cris-soupirs qui ne réveillent qu’elle, et qui ne sont perçus que par ceux qui tendent l’oreille. Son cœur s’emballe, des frissons agitent sa frêle carcasse, la sueur mouille son oreiller.

Elle l’a encore vu, en rêve. Ce n’est pas la première fois que ça arrive. Chaque nuit, elle voit. Chaque nuit, cela la réveille.

Elle voit. Ce qui sera demain, dans un mois, dans un an. De ces visions chargées d’angoisse, elle ne garde que l’horreur.

Chaque nuit, la connaissance du futur réveille Cassandre en sursaut et en nage.

 oOo

Mami Wata

Nage, flotte, coule.

Il était un empereur qui avait décidé de lutter contre la mer. Xerxès, c’était son nom, avait rusé pour la vaincre. De son immense flotte, il avait fait un pont, qui transportait les troupes sans coup férir. Mais la mer ne toléra pas la provocation. Dans un élan de rage, elle détruisit le pont.

Nage, flotte, coule.

En guise de représailles, Xerxès fit fouetter la mer.

Depuis ce jour, il rêva chaque nuit des vagues et des creux d’un océan déchaîné. On dit que, de désespoir, il finit par retrouver la mer et y noya son malheur.

 oOo

Damballa

Malheur ! Tu as voulu savoir. Tu as voulu voir.

Il est des vérités qu’il vaut mieux ignorer. Tu t’étais cru sage, pourtant. D’une main de fer, tu gouvernais la ville de Thèbes. Tes fils et tes filles te remplissaient de fierté. Ton épouse…

Ah, ton épouse…

Tu as voulu savoir, tu as su. Tu as voulu voir, tu as vu.

Mère, épouse. Père, victime. Qu’as-tu fait, Œdipe ? Tu ne voyais pas. Tu ne savais pas.

D’horreur, tu t’es crevé les yeux. Pour oublier. Pour enfouir la vérité dans l’ombre. Mais même aveugle, tu ne peux cesser d’y voir.  

 oOo

Legba

Voir… Non. Ne la regarde pas. Si tu te retournes, tu la perds.

Ce chemin que tu parcours est une frontière. La frontière entre le monde des vivants et le monde des morts. Entre le monde réel et celui des esprits.

Regarde droit devant toi. Mesure ta chance, d’être descendu vivant aux Enfers, et d’avoir acquis le droit d’en repartir, accompagné de celle que tu cherchais.

Devant. Devant. Devant.

Malgré lui, Orphée se retourne. Dans le regard d’Eurydice, il voit qu’elle est déjà retournée de l’autre côté.

Lui, le monde réel. Elle, le monde des esprits. Au milieu, la frontière.

End Notes:

Voilà voilà, j'espère que ça vous a plu. Je dois avouer que les drabbles, c'est pas trop trop mon truc, j'espère que l'ensemble est cohérent et compréhensible.

Quelques petites précisions pour ceux que ça intéresse :

Drabble 1 : En référence (libre) à Cassandre, une troyenne qui voyait l'avenir mais dont personne ne croyait jamais les prédictions.

Drabble 2 : En référence à Xerxès, empereur Perse qui a couvert l'Hellespont (= la Mer Noire) d'un pont de bateau, mais dont la flotte a été entièrement détruite dans une tempête. En guise de représailles, il a fait fouette la mer. En revanche, il n'est pas mort en se suicidant dans la mer et n'a pas fait de cauchemars avec des tempêtes, ça, c'est moi qui l'ai inventé. Il aurait été assassiné. Mais c'était moins drôle 0:)

Drabble 3 : En référence à Oedipe. Tout le monde le connaît, mais je précise quand même, au cas où : A sa naissance, son père Laïos, roi de Thèbes, a demandé à l'oracle des prédictions sur son fils. L'oracle a répondu qu'il tuerait son père et épouserait sa mère. Sacrément flippé, Laïos demande à un berger d'exposer l'enfant, c'est à dire le foutre sur une colline et attendre qu'il meure. Mais le berger sauve le petiot, et le fait adopter par le roi et la reine de Corinthe. Arrivé à l'âge adulte, Oedipe croit être le fils du roi et de la reine de Corinthe. Il consulte l'oracle pour en savoir plus sur son futur. L'oracle lui dit qu'il va tuer son père et épouser sa mère. Pour éviter une telle horreur, il se carapate. Sur la route, il croise un vieillard et son escorte, se dispute avec lui, le tue. C'était Laïos. Il arrive à Thèbes, la ville est traumatisée par un gros sphynx des familles. On lui dit que le roi vient de mourir et que s'il arrive à sauver la ville, il sera sacré roi et épousera la reine, qui est encore jeune et fringante. Il résout l'énigme du sphynx, sauve la ville, couche avec la reine, ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants. Sauf que la reine, c'était sa mère. Et le destin doit leur retomber dessus à un moment : au bout de quelques années, les dieux sont pas contents. Ils envoient la peste sur Thèbes. Oedipe cherche le coupable de la disgrâce partout, et finit par trouver : c'est lui. Il a tué son père et épousé sa mère. D'horreur, il se crève les yeux et part errer sur les routes avec sa fille Antigone. Voilàààà, déso pour le pavé !

Drabble 4 : En référence à Orphée, le roi des poètes, qui chantait si bien qu'il charmait les animaux et les plantes. Sa meuf, Eurydice, meurt. Orphée, désespéré, joue de sa lyre et va la chercher aux Enfers. Il joue si bien qu'on lui accorde de la ramener chez les vivants, si et seulement si il marche devant sur le chemin du retour vers le monde des vivants, et ne se retourne pas pour la voir. Arrivé juste à la sortie, il se retourne et... Pouf, plus d'Eurydice. Il devient fou, se fait couper en morceau par des bacchantes qui passent par là, et sa tête a été emportée par un fleuve qui, dit-on, a continué à résonner de ses chants.

Voilààà, à très bientôt !

Défi 4 : La dernière note by Eejil9
Author's Notes:

Bonjour à tous !

Je passe très vite pour poster mon texte pour le dernier défi. J'ai déménagé et je dois préparer ma rentrée, je suis donc atrocement surbookée, et j'ai écrit ce texte vraiment très vite. J'aime bien mon idée, mais j'ai conscience qu'elle mériterait d'être perfectionnée, seulement je n'ai pas eu le temps. J'espère que ça vous plaira quand même.

Je poste le détail des consignes en dessous, chaque élément qui devait être mentionné est en gras, et celui qui a une importance cruciale est l'artiste (et dans une certaine mesure, la chanson et la ville).

 

Hélas, un jour tout a une fin, et comme celle de cette édition d’AVC approche, il est temps d’en parler ! Votre texte devra donc parler de Fin. Fin d’une époque, fin d’une vie, fin d'une galère, fin de la guerre, fin des haricots…


[Contrainte Original] Devront être mentionnés : Une chanson, une langue morte, un(e) artiste, une science, une époque, un vêtement, une ville. Tout comme pour la fanfic, l’un de ces sept éléments devra avoir une importance capitale, les autres peuvent être tout à fait anecdotiques.
♥ Un personnage devra briller par son absence . Les autres personnages pourront l'évoquer, parler de lui, penser à lui, mais lui même ne pourra pas être physiquement présent dans votre histoire. Les flash-backs narratifs ne sont autorisés que s'il n'apparaît pas non plus; il ne pourra exister qu'à travers les paroles / actes / pensées de vos personnages.
♥ Par conséquent, le texte ne pourra pas être écrit à la première ou la seconde personne, uniquement à la troisième.
♥ Dans votre dernière phrase OU votre première phrase le mot « fin » devra apparaître.
♥ Contrainte de mots :1000 mots minimum

 

Bonne lecture !

- Il faut partir maintenant.

Ils attendaient depuis des heures sur le trottoir, devant une triste maison de banlieue. Lui, un homme sans âge, vêtu d’un long manteau gris, le visage à moitié mangé par l’ombre d’un grand chapeau. Elle, une enfant jeune encore, pas plus de dix ans, aux traits marqués par un vieillissement prématuré.

- On ne peut pas partir, protesta la fillette, elle n’est pas encore arrivée, on ne peut pas…

- Il n’y a plus d’autre choix, il faut s’en aller.

Comme pour appuyer les propos de l’homme en gris, un avion traversa le ciel en rase-motte. Le vrombissement du moteur portait avec lui un présage de mort. Ils seraient bientôt là. Alors, il n’y aurait plus nulle part où se cacher. L’homme en gris poussa gentiment la petite fille, qui resta plantée, les talons comme soudés au bitume.

- Tu avais promis. On ne peut pas partir sans lui dire au revoir. Elle viendra, elle est toujours venue.

- Elle a peut-être décidé de quitter la ville, comme nous. Tu sais bien que c’est devenu dangereux, ici. Ils seront là d’une seconde à l’autre maintenant. Elle serait bien sage de nous avoir devancés.

La petite fille leva ses grands yeux bleus vers le regard de l’homme.

- Tu ne comprends vraiment rien, toi. Rien n’est dangereux pour elle.

Des sourcils se froncèrent sous le large bord du chapeau.

- Elle n’est pas vraiment comme nous, tu sais, précisa l’enfant. Elle m’a dit un jour qu’elle était née et morte il y a très longtemps, à Paris. L’électricité venait d’être découverte. Elle illuminait la scène où elle avait l’habitude de chanter…

Un autre avion passa et l’homme commença à s’agiter.

- Tu es en train de me dire qu’on attend le fantôme d’une chanteuse française de la belle-époque ? Je ne risque pas ma vie pour une de tes amies imaginaires, je…

- Elle n’est pas imaginaire. Elle existe. Elle existe et elle m’a donné ça.

La petite fille déplia les doigts, qu’elle tenait serrés depuis qu’ils étaient arrivés. C’était une vieille photographie d’un quai, sur lequel se trouvait une femme, très belle, prenant la pose. Derrière elle, on discernait sur le mur un bateau en bas-relief, surmonté de l’inscription « Fluctuat nec mergitur ». L’image était froissée, comme si elle avait été pliée et dépliée des centaines de fois.

- Ce n’est pas parce que tu me montres une vieille photo avec trois mots en latin que je me laisserai convaincre, je…

Les yeux de l’enfant se remplissaient de larmes. Ému, il s’agenouilla pour se mettre à son niveau.

- Écoute, c’est la guerre. Cela fait plus d’un siècle que l’Europe n’a pas connu de guerre, et celle-ci sera pire encore que la dernière. Ta chanteuse fantôme existe peut-être, ou n’existe pas. Peu importe. Il faut partir, maintenant. Sinon, tout physicien que je sois, je vais tâcher de croire qu’on peut revenir hanter ces lieux après la mort, parce que c’est le seul avenir qui pourrait nous rester. On ne peut plus attendre.

La petite fille hocha la tête, presque convaincue. Elle jeta un regard en arrière, fit un pas. Puis, son regard s’illumina.

- Je vais laisser la carte dans la boîte aux lettres ! comme ça, elle saura que nous sommes venus. Elle comprendra bien qu’on n’a pas pu l’attendre. Et quand la guerre sera finie, je reviendrai m’excuser.

L’homme secoua la tête, faisant osciller les bords de son chapeau. Il attendit en piétinant que l’enfant eût glissé la feuille fripée dans la boîte aux lettres, puis la souleva du sol, et entreprit de marcher aussi vite qu’il le pouvait sans trop secouer son précieux fardeau.

Ils parcoururent les rues de la ville, enfonçant la tête dans les épaules au bruit des avions. Lorsqu’ils atteignirent la bordure de la banlieue, la nuit était tombée sur eux comme une averse d’encre. C’est à ce moment-là que la première bombe frappa le sol.

L’homme en gris n’avait pas menti : il était physicien. Il savait qu’ils n’étaient pas assez loin pour échapper aux radiations de la bombe. Il savait qu’ils survivraient sans doute, pour contracter, bien plus tard, des maladies qui leur feraient regretter de s’en être sortis. Et pourtant, en entendant la déflagration, il se jeta au sol et protégea la fillette comme il put. Parce qu’à cet instant, seule comptait la survie.

L’enfant, elle, n’avait pas peur. Lorsque le bruit de l’explosion se fut tu, une éternité plus tard, elle souleva son visage vers l’oreille de l’homme en gris.

- Tu entends, murmura-t-elle. Elle a reçu la carte, elle chante !

L’homme en gris aurait bien voulu lui répondre que c’était une hallucination due au choc, que les fantômes n’existaient pas, que cette chanteuse imaginaire n’était plus capable de chanter depuis des décennies, et que ses cordes vocales devaient avoir été réduites en poussière, depuis le temps.

Il aurait bien voulu.

Pourtant, lui aussi percevait la voix, si claire et cristalline qu’elle couvrait le bruit des explosions et des bombes. Lointaine et proche, elle semblait résonner dans sa tête plus que dans la ville. Ce n’était pas possible. Elle n’était pas là. Elle ne pouvait pas être là.

- Elle n’est pas vraiment là, tu sais, expliqua la petite fille, comme si elle avait lu dans ses pensées. Elle est morte, après tout. Et pourtant, elle n’est pas vraiment partie.

La voix, elle, continuait de traverser le monde, comme portée par les ondes de choc et par les explosions. Il ne discernait pas les paroles, mais il comprenait ce chant déchirant. Dans les notes qui résonnaient dans la ville en flammes, quelque chose mourrait.

Quelque chose, ou quelqu’un.

- Regarde ! s’écria la fillette.

Ce qu’il prit d’abord pour un papillon blanc tombait doucement du ciel, en faisant de jolies arabesques, un peu comme une plume. L’enfant leva le bras et se saisit de l’objet. C’était la carte qu’ils avaient laissée derrière eux. Sur l’envers, on pouvait voir, tracés d’une écriture sans âge, des mots qui n’y étaient pas auparavant.

- Adieu, lut l’enfant. Qu’est-ce que ça veut dire ? Elle est déjà morte, elle ne peut pas…

Au moment où elle prononçait ces mots, le chant qui résonnait toujours devint un cri, si aigu qu’il en était insoutenable. Et puis, il n’y eut plus que le fracas des bombes.

- Elle est partie, s’étrangla la petite fille avant d’éclater en sanglots.

L’homme la prit dans ses bras, caressa ses cheveux emmêlés et marmonna d’une voix distraite :

- Là, là, c’est fini.

Mais il ne savait pas bien, au juste, ce qui venait de prendre fin.

 

End Notes:

Voilà, j'espère que ça vous a plu. Désolée encore d'avoir autant baclé ce texte. Et merci d'avoir suivi ce recueil, je suis plutôt contente de ce que j'ai produit dans l'ensemble.

Merci aussi à ET et Nighty, les super organisatrices d'AVC !

Des bisous !

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