Le jour de la marmotte by Pikenikdouille
Summary:

Participation au Concours de Seonne "Que la fête commence!"

A l'occasion de la Chandeleur, les Canadiens ont une tradition bien à eux: le jour de la marmotte! Il s'agit de guetter la sortie d'une marmotte pour prédire la météo à venir...
Mais les traditions sont faites pour être réinventées!


Categories: Projets/Activités HPF Characters: Aucun
Avertissement: Aucun
Langue: Français
Genre Narratif: Nouvelle
Challenges:
Series: Aucun
Chapters: 3 Completed: Non Word count: 3828 Read: 12227 Published: 29/03/2018 Updated: 16/05/2018
Story Notes:

Rappel des contraintes du concours:

-Vous devrez mettre en scène une tradition où une fête étrangère
-vous devrez insérer un proverbe ou adage étranger
-votre texte devra faire au minimum 1500 mots

1. Acte I by Pikenikdouille

2. Acte II by Pikenikdouille

3. Acte III by Pikenikdouille

Acte I by Pikenikdouille
Norman n’était pas du genre à laisser la météo le décourager. Il sortit du lit et se glissa dans ses bottes fourrées. Sandy s’enroula un peu plus dans l’épaisse couverture encore tiède du corps de son mari. Il hésita avant de renoncer : elle était beaucoup trop attendrissante pour qu'il se résolve à l’enrôler cette année encore...
Plongé dans le même genre de sommeil, juste un étage plus haut dans la grosse maison en bois, Timothy rêvait vaguement d’une surfeuse aux courbes brûlantes, au regard de braise. Son corps souple et athlétique ondulait sur la plage à mesure qu’elle s’avançait vers lui. Renvoyant sa chevelure sur son épaule d’un mouvement gracieux, elle se pencha à son oreille :
-REVEILLE-TOI FISTON !

L’adolescent ouvrit de grands yeux ahuris. Son cœur fit un bon dans sa poitrine. Un filet de salive manqua de peu de couler de sa bouche béante.
-Pa’ ! cria-t-il.

La stupeur laissa place à la gêne, puis à la colère :
-Mais qu’est-ce que tu F… fais ?!

Timothy avait retenu la deuxième personne du verbe foutre juste à temps. Son père n’aurait pas laissé passer un tel affront. Son corps un instant plus tôt brûlant d’excitation sur une plage californienne se replia de lui-même en position de défense. Son regard croisa celui de Norman et cela lui glaça le sang. D’ailleurs, l’atmosphère de la chambre était elle aussi polaire. Par la fenêtre, on devinait, dans la pénombre, le blanc de la neige.
-Qu’est-ce qu’il y a ? balbutia le jeune homme d’une voix pâteuse.
C’était dimanche, nom de dieu ! Et le jour n’était même pas levé ! Qu’est-ce que son père lui voulait…?
Avant qu’il parvienne à la fin de sa pensée, Timothy sentit une vague de lucidité s’engouffrer dans son cerveau. Cerveau qui, aussitôt, envoya dans chacun de ses membres (sans en oublier un seul…) un frisson de panique. Il connaissait la réponse. L’heure n’était plus à la panique. Rien ne pourrait plus désactiver la machine infernale qu’était devenu son père…
Timothy leva un regard accablé mais non moins suppliant à Norman qui se mit en devoir de répondre, enfin, à la question de son fils :
-Nous sommes le deux. Le deux février…

Sur les lèvres du père s’étira un sourire. Un sourire joyeux, fier, triomphal… Une lueur d’enthousiasme (d’aucun dirait de folie !) illumina ses iris bleues. Ho oui, c’était le deux février ! Personne ne pouvait rien y changer…
Timothy jeta un nouveau coup d’œil par la fenêtre. Tout ce qu’il y vit, la magnificence de cette nature endormie et glacée, lui inspira un profond sentiment de lassitude. Pourquoi fallait-il qu’il soit Canadien ?! Il se frappa la tête de son oreiller encore tiède du souvenir de la créature de la plage… Il aurait voulu que le monde disparaisse sous la neige. Quelques heures de répit, une nuit encore, une semaine, un mois, une saison ! Oui, il aurait voulu hiberner !
La voix de Norman avait beau s’être suspendue un instant, elle ne s’en tiendrait pas là ! Il avait trop attendu cette date. Il l’attendait depuis Pâques dernier ! Le deux février !
-…autrement dit ? interrogea-t-il sur le ton du professeur qui sait que son élève connait la réponse.
-be four be na farmote… marmona Timothy la bouche et le nez à présent enfouis dans son édredon.
-Le Jour de la Marmotte ! précisément ! Reprit Norman. Debout !

L’invective fut accueillie par un grognement digne de l’ours mal léché. De son fils, Norman n’apercevait que le sommet châtain du crâne.
-Dans cinq minutes en bas, dans quinze minutes dehors, petite mouflette ! lança-t-il.

Comme toujours, la plaisanterie ne servait qu’à mieux faire passer l’ordre indiscutable. C’était ce qui exaspérait le plus Timothy !

Dans la cuisine, le jeune homme découvrit sans surprise une pyramide de sandwichs au beurre de cacahuètes prête à être emballée et à rejoindre le thermos de café dans le sac musette de son père. Deux paires de gants traînaient un peu plus loin sur la table, et le téléphone portable de Norman était en charge sur le buffet.
« Au moins ça » Songea Timothy « On a le droit aux portables ! »
Mais comme il sortait justement le sien de sa poche, son père qui arrivait sans un bruit dans son dos, retint son geste en le faisant sursauter :

-Pas besoin de ça, mon garçon ! J’aurais le mien en cas d’urgences !
-Non mais tu plaisantes, papa ! Je peux quand même prendre mon…

Norman leva l’index pour imposer le silence. Non! Non c’était non. Inutile d’insister. De toute façon, on n’avait pas le temps de bavasser, il fallait se mettre en route où on risquait de la rater !
Car la seule préoccupation du père de famille, en cet instant c’était bien ça : ne pas rater la marmotte !
Timothy sentit la rage refluer dans ses veines. La marmotte ! La MARMOTTE ! Depuis son plus jeune âge, son père observait avec une rigueur quasi maladive cette stupide tradition ! Chaque chandeleur, pendant que les autres mangeaient des crêpes ou des beignets, pendant qu’on buvait le thé en rigolant de cette histoire de marmotte, son père le traînait dans la neige, dans la forêt.
La tradition voulait qu’on observe un terrier de marmotte. Quand l’animal sortait, il fallait déterminer si celui-ci était en mesure ou non de voir son ombre. Alors ça, c’était déjà le truc le plus stupide au monde ! Mais accrochez-vous: selon la légende, la réponse indiquait si le printemps était oui ou non en route. Si l’ombre de la marmotte était visible, alors elle retournait se terrer dans son trou pour six semaines car le froid était encore là. En revanche, si les nuages empêchaient la lumière de reporter l’ombre, ils retenaient également la chaleur sous leur voûte. Dans ce cas, l’animal pouvait sortir sans craindre le froid de l’hiver ! On savait que le printemps était là.
En se remémorant cette histoire, Timothy serra les poings un peu plus fort. Non, c'était vraiment la tradition la plus stupide qu’on ait jamais inventée ! Et encore, si ça avait été l’occasion d’une grande fête, comme Noël, par exemple… Mais même pas !

Le jeune homme rongeait encore son frein au moment où il quitta la maison, couvert de la tête au pied, marchant dans les traces de bottes de son père. Il sentait à chaque pas l’absence inhabituelle du poids de son portable dans sa poche…ce qui ne faisait qu’attiser sa rancœur. Un bref instant, Timothy se demanda ce qu’il ferait s’il avait son téléphone… Consulterait-il ses e-mails ? Enverrait-il un message à Ben, ou à Sarah ? A Emily ?
Emily l’avait invité deux semaines plus tôt à son anniversaire. Une petite fête dans la pure tradition américaine : les choses en grand !

Au milieu de la nature, tandis que père et fils arrivaient à l’orée de la forêt, l’esprit de Timothy était loin, très loin… Le pas monotone et le paysage si familier qu’il en devenait ordinaire (et de l’ordinaire à l’ennuyeux, il n’y a qu’un pas) favorisaient ses divagations. Il se souvenait du gâteau à trois étages que la mère d’Emily avait confectionné avec l’aide de ses voisines (et meilleures amies). Il se souvenait du petit groupe de musique dont son père avait loué les services. Et puis le soir tombé, des platines avaient fait leur apparition. Une piste improvisée, des spots lumineux dans tous les sens, des ballons, et même, clou de la fête, un feu d’artifice !
Malgré lui, Timothy marchait à présent le sourire aux lèvres en pensant à cette soirée, à ses amis, l’alcool siroté en douce, et le regard pétillant d’Emily. Son regard bleu, rieur, taquin. Bleu, surtout… La fête de ce soir-là, il ne pouvait qu’en rêver… Lui aussi aurait aimé en offrir une semblable à toute sa bande d’amis. Bien sûr. Mais jamais ses parents ne lui en donneraient les moyens. Non, son père à lui, l’emmenait guetter la marmotte !

-Tim ! Qu’est-ce que tu fais ? souffla Norman.

Il y avait vingt mètres entre lui et son fils. Il attendit que Timothy arrive à sa hauteur.

-Eh ben, il va falloir te réveiller ou on risque de la rater !

La, c’était bien entendu la marmotte. D’ailleurs, Norman ne faisait plus que marmonner de peur de se faire entendre des animaux de la forêt. Timothy baissa les yeux, déjà las alors que le chemin était encore long, très long ! Il restait la forêt à traverser avant de rejoindre la montagne où vivaient les marmottes. Les yeux ainsi inclinés vers le sol, le jeune homme remarqua le sac musette que portait son père. La pensée des sandwichs lui donnait la nausée. Celle du café que son père avait sûrement raté l’écœura encore plus. Et puis il y avait…
Timothy releva la tête.

-Quoi ? demanda son père devant le regard troublé de Timothy.
-Heu…rien.
Mais, il y avait quelque chose… Il y avait une poche, ouverte. L’angle du téléphone portable dépassait. Un simple geste, une furtive poussée, même un courant d’air, aurait suffit à faire tomber l’appareil. Timothy n’aurait qu’à se pencher pour retirer une brindille imaginaire de sa botte. Il pourrait le ramasser. Sur le sol enneigé, la chute du portable ne ferait aucun bruit. Et son poids était négligeable par rapport à celui du thermos et des sandwichs. Norman ne s’apercevrait de rien !
Toutes ces pensées étaient venues ensemble, en un éclair de lucidité, à l’esprit de Timothy. Le jeune homme sentit les battements de son cœur frapper, calmement, sereinement, comme si son corps était déjà sûr : il ne pouvait que réussir !

-Bon, alors viens ! ordonna à mi-voix Norman.
Mais Timothy ne broncha pas. Son sang semblait coulait plus lentement, froidement. Ses joues étaient blêmes. Norman fronça les sourcils, l’étonnement prenant la place de l’agacement. Et puis ce fut le tour de l’inquiétude.

-Timothy… ?
L’adolescent regarda sa botte droite.

-Attend… Je crois qu’il y a un truc dans ma…
La première chose qui vint à l’esprit de Norman fût un serpent… Mais bien sûr c’était absurde ! Il devait y avoir un caillou, un gravier dans la botte de son fils. Timothy fléchissait déjà le genou. Il fût un instant déséquilibré et Norman le rattrapa au vol, esquissant un léger déhanché qui manquait sérieusement de souplesse. S’il avait croisé le regard de son fils, il y aurait lu une lueur étrange et passionnée. Le téléphone venait de s’écraser dans l’épais tapis neigeux et dans un silence moelleux !
Acte II by Pikenikdouille
Au même moment dans le centre-ville se tramait quelque chose d’inédit. Une fois de plus, Doug était sur le pont ! Il marchait dans les rues désertées. Il était le premier, hé hé hé! Et cela le remplissait d’une fierté dont il avait l’habitude, lui, le précurseur, l’audacieux, le visionnaire ! Il aborda enfin la Mairie et commença à faire le pied de grue devant le bâtiment. A sa façon, on peut dire que lui aussi guettait la marmotte…
Et la marmotte finit par sortir en effet. Pas d’un terrier mais de l’arrière de la Mairie! Une marmotte d’un mètre quatre-vingt deux, trottinant lourdement dans l’ombre. Ses pattes de tissus dérapaient sur la neige. En l’apercevant, Doug ne put s’empêcher de rire.

-Samuel! Vous êtes formidable! assura-t-il.
-Fermez-la, Douglas! bougonna la marmotte. Vous avez intérêt à me faire rouler votre festival comme il faut, avec le mal que je me donne!
-Mais avec une mascotte pareille, monsieur le Maire, on ne peut que triompher !
-N’en faites pas trop, hein… Et surtout, n’oubliez pas vos engagements. Tous vos engagements!
Doug se contenta de sourire et ils se dirigèrent vers la rue principale.

On aurait eu du mal à y croire pour le moment, mais c’est bien là que devait avoir lieu le tout premier festival du groudhog day de l’histoire! Deux ou trois commerçants avaient joué le jeu à fond, affiches et vitrines spécialement décorées à l’appui. Emportés dans cet élan mal maîtrisé, la fanfare locale avait offert ses services et les dames de la paroisse mettaient la main à la pâte depuis la veille. De la pâte à crêpe, oui, on pouvait déjà sentir l’odeur réconfortante, montant de la maison de Maggie Richard.

-J’ai pas vu tant de crêpes depuis la communion du Pape! Plaisanta Albert, le troisième tambour de la fanfare.
Albert, solide et convaincu protestant ne manquait jamais de faire une blague sur celui qu’il appelait tantôt l’imposteur, tantôt le grand Patron des Cathos.
-Ah bon, parce que t’y étais invité, p’t’être, à la communion du Pape?! lança un trompettiste, prolongeant la vanne.
Le pasteur qui se tenait juste derrière fit semblant de ne pas avoir entendu. C’était un homme sévère (d’aucun dirait austère). Sur ces entrefaites, Edouard qu’on avait chargé (non sans un certain goût du risque) de l’électricité, trouva enfin la prise de raccordement et une guirlande d’ampoules basse-consommation (…stock privé du conseil municipal) s’illumina.

-Alleiluia… murmura le pasteur.
Cause ou conséquence, au même instant débarquèrent Doug et le Maire… Ou plutôt, la marmotte! En chemin, Samuel lui avait fait répéter son serment: personne ne devait découvrir que c’était lui qui était dans le costume ou l’élu perdrait à jamais sa crédibilité (et il comptait bien briguer encore quinze ou vingt mandats!) Douglas le regrettait mais il lui devait bien ça. Le Maire l’avait toujours soutenu dans ses projets les plus farfelus… A peine arrivé, Doug se fit donc un devoir de détourner l’attention avec un petit discours improvisé:

-Bonjour à tous! Merci d’être là, c’est super! Comme vous le savez, ce festival c’est une occasion en or de…
Doug chercha la formule mais une voix devança la sienne:
-De faire du fric! clama le gérant du pub qui rejoignait à l’instant l’attroupement.
-Mais non! Enfin…
-Une occasion de faire la fête! lança Albert en frappant joyeusement son tambour.
-D’être fidèles à nos traditions. fit une des paroissiennes en redressant le menton.
-Et de communier ensemble! ponctua le Pasteur.
Le gérant du pub murmura que toutes les raisons étaient bonnes, de toute façon, pour faire du fric! La ville en avait bien besoin, pas la peine de se mentir…

-Voilà voilà! coupa Douglas. On est d’accord: c’est une occasion en or de faire tout ça, quoi. Mais va pas falloir chômer!
Acte III by Pikenikdouille
Un SMS d’invitation avait été envoyé à tous les habitants de la ville et, alors que son père s’absentait pour soulager sa vessie, Timothy eut l’occasion de tomber dessus. Le portable de son père n’était pas protégé par un code (erreur digne d'un débutant). Timothy avait dans l’idée d’appeler un ami pour qu’on vienne le chercher et qu’il puisse échapper à cette journée absurde, mais ce texto lui fit entrevoir un projet beaucoup plus vaste!

-Allô, Tom? Tu m’entends?
La réponse n’était pas très engageante mais le jeune homme poursuivit :

-Ecoute, faut que tu viennes! J’ai un super plan mais faut que tu viennes me chercher avant.
Timothy n’était pas dupe: s’il voulait être secouru par son meilleur ami, il fallait que celui-ci ait une bonne raison de venir le chercher. Sans une carotte, l’âne n’avance pas! Il se dépêcha donc de promettre la soirée de l’année à son camarade de classe. Pour la première fois de sa vie, Timothy se sentait une opportunité de faire un truc complètement dingue.

-Et il faut que tu rameutes le plus de gens possible! Dis-leur qu’on se rejoint tous chez toi. T’as compris ?
-Quoi? Quoi?! Mais de quoi tu parles, bordel?!
La voix de Tom trahissait une panique naissante. Loin de se démonter, Timothy fut tout à coup submergé d’énergie, d’enthousiasme, même! Il était sûr, sûr de son coup et sa propre-voix (ferme et rassurante à la fois) l’étonna quand il répondit:

-Fais ce que je te dis. Fais-moi confiance, Tom. Je sais ce que je fais: aujourd’hui, c’est nôtre jour!
Et il raccrocha.

Tom resta frappé un moment mais il s’exécuta sans bien comprendre pourquoi.
-J’en sais rien okay?! aboyait-il quelques heures plus tard. Foutez-moi la paix: j’en sais pas plus long que vous autres!
A présent, les quelques amis qui étaient venus ne cessaient de le harceler pour connaître le plan de cette mystérieuse soirée. Tom était le seul à avoir parlé à Timothy. Les questions allant bon train, personne n’avait encore prêté attention aux échos de musique de fanfare qui venaient de la ville. Tout le monde suivait Timothy parti devant et qui refusait de dire un mot, lointain, inaccessible!
Et pour cause! La vérité, c’était que le jeune homme ne savait pas lui-même où il allait. Le pire, n’arrêtait-il pas de se répéter, c’était qu’Emily était venue! Et malgré son bonnet vissé sur la tête, son col remonté jusque sur la bouche, la jeune fille avait quelque chose du rêve brûlant qu’il avait fait la nuit précédente.

-Excuse-moi, Tim…? fit alors Emily. Elle est où, cette fête?
Au moment où il changeait de couleur, Timothy remarqua de la fumée au loin, par-dessus l’épaule de la jeune fille. Ca semblait venir de la forêt. Son sang se figea si bien qu’il passa de pâle à livide! Ou peut-être était-il devenu bleu, vu la tête que faisait maintenant Emily!

-Hé, ça va?
Elle posa même sur son bras une main hésitante mais chaude malgré le gant qui la couvrait.

-…là, regarde! peina-t-il à articuler.

Timothy improvisait mais au fond de lui il craignait que cette fumée noire ne soit simplement un mauvais présage, un peu comme la musique angoissante donne au spectateur la sensation que le film va mal tourner. Et puis tout à coup, il se souvint de Norman. Son père! Son père qu’il avait laissé seul là-bas… Et si la fumée c’était un feu? Et si son père était dedans?! Pour la première fois de sa vie, Tim réalisa que Norman était aussi le nom d’un sapin, et que rien ne flambe plus vite que cet arbre-là!
Pendant ce court moment de réflexion, Emily avait quant à elle pensé à tout autre chose… La fumée devait venir d’un feu de camp servant de point de ralliement pour la fête! Elle se dressa sur la pointe des pieds…

-Génial! Venez! cria-t-elle avant de prendre la tête du cortège.
Les jeunes gens s’avancèrent à la suite d’Emily vers la forêt. Ceux qui avaient commencé à s’impatienter accordèrent à Timothy le bénéfice du doute : on verrait bien ce qu’il y avait à voir là-bas, tout droit…
Timothy se faufila jusqu’à hauteur d’Emily pour calmer son enthousiasme. Il essayait tant bien que mal de lui faire entendre que, eh bien, que… Après tout, on ne savait pas bien ce qu’on allait trouver dans la forêt, ni ce que cette fumée signifiait. La jeune fille s’arrêta pour le regarder en face:

-Nous non, mais toi Tim, tu sais très bien où tu nous emmènes!
Le jeune homme déglutit difficilement. Est-ce qu’il pouvait sérieusement dire que non, il ne savait pas?! Emily eut un clin d’œil complice avant d’ajouter, pour achever d’un coup d’un seul son camarade:

-Je n’aurais pas cru ça de toi, au début… Mais tu es vraiment un garçon surprenant!
Un garçon surprenant… Timothy se répétait les paroles d’Emily sans arriver à y croire. Maintenant, il fallait juste…assurer! L’horizon s’était bouché depuis que les jeunes étaient entrés dans la forêt. On ne voyait que l’arbre de devant, et puis l’arbre suivant, encore un autre, et a priori sans fin. Pourtant, Timothy savait qu’ils arrivaient au bout de ce bois. Il connaissait bien l’endroit. Précisément parce que c’était là que son père et lui venaient chaque année attendre la marmotte. Emily et ses amis peinaient à le suivre et quelques pas les séparaient maintenant de Timothy. Il avait beau mener la troupe, ce-dernier se sentait comme un capitaine cachant à son équipage le naufrage imminent… A la place d’un spot de jeunes, ils allaient découvrir une clairière des plus banales, et au bout une sorte de colline rocheuse. C’était là que vivait la colonie de marmottes. Il n’y avait rien d’autre à voir! Timothy, lui le savait déjà. Les autres étaient à dix mètres de le découvrir… Cinq mètres! Deux, un…
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