Une affaire de choix by MelHp7
Summary:

Photo de RIRE (Pinterest) | Montage de moi



Maïwenn, une bretonne d'une vingtaine d'année, s'est prise d'amour pour Carla, une hispanique voyageuse. Aujourd'hui elles se demandent si tout ne s'est pas déroulé trop vite.
Categories: F/F, Romance, Contemporain, Société, Textes engagés Characters: Aucun
Avertissement: Scènes érotiques
Langue: Français
Genre Narratif: Roman
Challenges:
Series: Le labyrinthe de l'inconscient
Chapters: 6 Completed: Oui Word count: 14196 Read: 58844 Published: 17/03/2018 Updated: 17/01/2019
Story Notes:

J'ai suivi tout un tas de contraintes selon le projet du Labyrinthe Fou de Fleur d'épine, et voilà ce que ça m'a inspiré.

1. Entre Terre et Mer by MelHp7

2. Moi et ma volonté by MelHp7

3. Mauvaise idée by MelHp7

4. Tu joues ou tu perds by MelHp7

5. Une fête d'anniversaire by MelHp7

6. Départ imminent by MelHp7

Entre Terre et Mer by MelHp7
Author's Notes:
Prenez cela pour une sorte de prologue introductif et j'espère que ça vous plaira !

Mes contraintes en gros :
• Evoquer la relation entre votre personnage et sa mère.
• Votre personnage éprouve un désir de grossesse.
• Votre personnage se trouve face à une ou des croyances, doctrines, images qui façonnent l’homme et dont nous héritons à la naissance.
• Votre personnage est inquiet et peu détendu avec un aspect concret de sa vie.
• Votre personnage souffre de solitude physique.
• Votre personnage sent qu’il se trouve face à un éventuel échec émotionnel ou professionnel.
• Votre personnage traverse une période importante de sa vie où il doit prendre de grandes décisions et réfléchir.
• Votre personnage est désespéré.
On dit toujours que l’amour nous tombe dessus, au moment où on s’y attend le moins, un peu comme une météorite qui heurterait la Terre sans que les scientifiques l’aient prévue. Sachez que c’est vrai ! Et c’est dû au hasard complet, j’en suis persuadée. C’est ainsi que ça s’est produit pour moi. Il faut dire que le fait de travailler en tant qu’hôtesse de l’air est un bon moyen de rencontrer du monde, à raison de 150 passagers par vols et de deux à quatre vols par jours. C’est dans l’un de ces Airbus A319 en provenance de Paris et à destination de Bordeaux que ma sensibilité a rencontré la maladresse de Carla.

***


L’avion avait décollé depuis vingt minutes à peine et le paysage qui défilait lentement à travers les hublots n’était déjà plus qu’une alternance ennuyeuse de nuages blancs et de ciel bleu. La plupart des passagers avaient l’air d’être des habitués du vol si bien qu’ils s’étaient occupés à lire, à bavasser ou à dormir. C’était calme à tel point que Maïwenn se demandait parfois en quoi consistait son travail une fois la machine dans les airs. De sa position, devant le renfoncement qui abritait les toilettes, elle observait d’un oeil discret mais efficace les gens assis.

C’est dans la dernière rangée, tout au fond de cet espace, qu’elle aperçu la seule vague de mouvement. On aurait dit qu’une femme se débattait avec sa ceinture. Armée de son sourire professionnel, Maïwenn se lança donc à pas réguliers dans le couloir de droite en direction de la personne en détresse. Arrivée au niveau du couple de siège qui avait attiré son oeil vif, l’hôtesse de l’air ne pu distinguer qu’une longue tignasse de cheveux bruns penchés vers la boucle de sécurité. Un bruit métallique résonnait et faisait plisser les yeux du passagers côté hublot.

« Excusez-moi madame, puis-je vous aider ? »

La jolie voix mesurée de Maïwenn surprit la femme déchaînée qui dans une impulsion non-maîtrisée se retourna et de sa main heurta le verre d’eau en plastique qui était posé sur la table rétractable. L’eau se déversa sans mesure sur la jupe cintrée de l’hôtesse dont le seul réflexe avait été de faire un léger pas en arrière.

« Oh mierda, je suis vraiment désolée ! »

Comme par réflexe, la jeune femme au teint mat poussa sur ses jambes pour se lever et retomba aussi sec sur son siège. Finalement elle avait réussi à boucler sa ceinture. Maïwenn retint un rire nerveux à la vue de cette situation. Elle ignorait si c’était l’agacement ou l’amusement qui le dominait. Ce qui est sûr c’est qu’elle aurait voulu s’éclipser en vitesse maintenant qu’une bonne quinzaine de gens avaient les yeux rivés sur elle et ses vêtements mouillés.

« Ne vous en faites pas, restez assise, je… je vais m’occuper de ça.

- Laissez-moi vous aider, je voulais pas… je suis sincèrement désolée, répéta la passagère »

Rares étaient les fois où Maïwenn perdait ses moyens, surtout devant la foule, mais cet accent latino légèrement prononcé avait le don de la troubler. Au lieu de répondre pour ne pas se démonter, l’hôtesse fuit en dehors du champ de vision de tout le monde pour se réfugier dans les locaux réservés au personnel de l’avion.

***


Il ne m’en fallut pas plus pour tomber sous le charme de Carla, la touriste espagnole qui ce jour m’avait attendu à la descente de l’avion pour s’excuser une nouvelle fois en insistant pour m’offrir une collation. Cela fait maintenant plus d’un an qu’elle et moi nous fréquentons. Pour tout avouer, je suis sans conteste totalement folle d’elle. De sa chevelure ondulée envoûtante, à ses yeux verts charmeurs, en passant par son parfum enivrant et sa peau douce et bronzée, je l’adore. Je n’ai pas su lui résister bien longtemps et aujourd’hui j’ai tendance à le regretter.

Qu’est ce que dirait maman si elle savait ? Dieu sait pourquoi c’est à elle que je pense ce matin pendant ma marche solitaire sur la côte du Conquet, au bout du monde. J’ai peur, et ça fait des semaines que je me pose des questions. En fait, c’est depuis le jour où j’ai surpris Carla physiquement très proche de Blandine, une collègue et amie qui travaille en tant qu’hôtesse de terre à l’aéroport de Rennes. Peut-être que je me fais des films, que j’exagère tout. Vu ma peur de la solitude, ça serait pas étonnant que j’appréhende le départ de celle que j’aime. C’est même sûrement le genre de chose que dit ma mère à ses patients dans son cabinet : « Si vous avez peur de l’abandon, vous devriez confronter votre conjointe, pour vous rassurer. Il s’agit d’un manque de confiance en vous qui ne peut-être comblé que par la communication. Pour avoir confiance en votre conjointe il faut d’abord que vous ayez confiance en vous. »

Facile à dire pour une psychologue dont la vie se résume aux voyages dans les tropiques et à l’argent qui coule à flot. Le fait même que je me réfères à elle pour étudier ma situation sentimentale est totalement délirant, je m’en rends compte. Elle n’a vraiment pas de conseils conjugaux à donner vue la manière dont elle gère ses propres relations. Nos différents découlent d’ailleurs de la façon égoïste qu’elle a de gérer la famille. « Famille », puis-je réellement employer ce terme ? Je me le demande.

Si je pense à elle c’est que je suis certainement désespérée. Désespérée à ce point… Seule la vue de la mer semble apaiser ce qui obstrue mes pensées. Assise sur un banc face aux vagues qui heurtent violemment les versants saillant de la Bretagne, j’hésite entre deux grandes solutions. Prendre des décisions est une activité qui s’est imposée à moi quand ma chère mère m’a laissé me débrouiller seule. Seulement là, le choix me paraît beaucoup trop compliqué. Il implique ma vie privée, ma vie sentimentale, ma vie tout court.

Je sens les embruns marins tantôt caresser mon visage tantôt le frapper, c’est ce que j’aime dans le littoral du Finistère. Aujourd’hui il y a d’ailleurs bien plus de vent qu’hier, et les Goélands argentés ont déserté la côte pour se mettre à l’abri. Je suis donc face au seul hurlement de l’océan, et ça m’angoisse, je dois l’avouer. Alors, dois-je prendre en compte ce rapprochement entre Carla et Blandine, et pour m’éviter un échec amoureux cuisant et un coeur brisé, m’éloigner d’elle pour me protéger ? Ou bien dois-je relativiser les choses, écouter mon coeur et poursuivre cette relation pour laquelle j’étais prête à quitter mon travail ?
End Notes:
J'imagine pouvoir publier la suite au fur et à mesure que le projet avance. Merci à ceux qui ont lu et n'hésitez pas à me donner votre avis ! Avancer à l'aveugle comme ça en se voyant rajouter des contraintes en cours de route c'est très inhabituel pour moi ^^
Moi et ma volonté by MelHp7
Author's Notes:
Merci à Pikenikdouille pour ton commentaire :)

Ce chapitre, qui n'est pas très long, aborde le point de vue d'un autre personnage du récit (Carla).

La consigne : Votre personnage fait preuve d’une véritable progression personnelle.
On parle de l’amour comme du but ultime d’une vie épanouie, comme d’une aventure unique qui donne tout son sens à l’existence. J’ai tendance à remettre toutes ces affirmations en question.

Moi, j’ai toujours été plus ou moi égocentrique, si l’on veut poser une étiquette sur mon caractère. Je préfère dire opportuniste malgré la connotation négative dont ce terme est paré aujourd’hui. C’est d’ailleurs pour cette raison que je suis en France depuis presque cinq ans. Je suis une grande voyageuse, et je ne rate jamais une occasion de découvrir de nouveaux espaces. Une de mes amies, dont j’étais proche à Barcelone, a pensé à moi lorsqu’elle a gagné un séjour pour deux dans la capitale française il y a de cela quatre ans. Sauf qu’elle a dû décommander à cause d’un « imprévu » (une grossesse en fait), et les billets d’avion étant nominatifs, j’ai voyagé seule. Et je ne suis jamais rentrée chez moi en Espagne. J’ai adoré la France et j’ai décidé de rester. N’en n’ayant jamais assez, au bout d’un an à Paris où j’avais refait ma vie, j’ai eu envie de changer d’air, de voir quels autres paysages pouvaient se cacher en France. J’ai entrepris un tour du pays, et c’est dans un avion Paris-Bordeaux que j’ai rencontré Maïwenn il y a environ un an.

***


Sans autre motivation apparente que celle de se faire pardonner, Carla avait accompagné cette hôtesse de l’air jusque dans l’espace commercial de l’aéroport bordelais. C’était bruyant, grouillant de monde, mais elles avaient quand même réussi à trouver une place. En voyant l’embarras de la jeune femme sur laquelle elle avait renversé son verre d’eau de nombreuses minutes auparavant, la brune au teint halé décida d’engager la conversation.

« Je vous demande encore pardon pour la jupe, même si entre temps vous en avez déjà changé… »

Les yeux de l’espagnole avaient louché sur le bas du corps de l’hôtesse dont les joues avaient aussitôt rougit d’embarras.

« Je ne sais même pas quel est votre nom.

- Maïwenn, c’est écrit-là »

Effectivement, sur la petite insigne accrochée à son chemisier, on pouvait lire le nom et le prénom de la jeune femme. Décidément, la première impression d’être tombée sur une maladroite s’avérait se confirmer. C’est certainement ce qui lui donnait son charme.

Toutes les deux s’étaient attablées dans l’espace dédié d’un bar. Le silence ne dura pas longtemps et la conversation fut riche en rebondissement : abordant leur métier respectif, leur vie de famille et même leurs projets d’avenir. Une sorte d’alchimie ressortait de cette discussion sans fin et sans réelle logique. C’est ainsi que l’une et l’autre ont finit par céder à la tentation d’en connaître davantage l’une sur l’autre. Maïwenn a accepté la visite de Carla la semaine qui suivit, dans son appartenant à Rennes, pendant l’un de ses jours de congé.


Vers 19h00 ce jeudi là, Carla, vêtue d’un jean noir et d’un chemisier bleu ciel, appuya sur l’interphone pour prévenir de son arrivée, sur quoi Maiwenn lui demanda de la rejoindre au troisième étage. D’un pas plein d’entrain, l’espagnole gravi les escaliers.

Arrivée en haut, son hôte l’attendait sur le palier. L’hôtesse de l’air qu’elle avait rencontré s’était métamorphosée en une femme à l’allure beaucoup moins stricte. Ses cheveux châtains tombaient cascade sur ses épaules, son maquillage léger avait disparu, et sa jupe bleu marine avait été remplacée par une robe bordeaux un peu plus longue. Elle lui souriait avec l’air de celle qui savoure d’être regardée ainsi. Effectivement Carla senti un désir explosif émerger d’un seul coup.

« Eh bien, tu entres ?

- Oui ! »

En entrant dans le salon-salle à manger, les yeux noisette de Carla furent éblouis par ce qui l’attendait. Maïwenn n’avait pas chômé. La table avait l’air d’être prête à recevoir une invitée d’honneur, et c’était très flatteur. La lumière tamisée et rougeoyante donnait à la pièce un côté chaleureux mais surtout très sensuel. Ce n’est qu’après avoir retiré sa veste en cuir que Carla remarqua le fond de musique jazz.

« C’est très joli chez toi , avoua Carla dont les yeux voguaient de meuble en meuble.

- Merci... Je t’en prie installe-toi. Tout est déjà prêt, je reviens.»

Aussitôt dit, aussitôt fait. Maïwenn disparu deux minutes en cuisine et revint les mains chargées de deux assiettes joliment dressées. Il s’agissait d’une sorte de salade composée dont le mélange de couleur ravivait l’appétit.

«  Je ne m’attendais pas à tout ça, c’est… muy agradable. »

Maïwenn laissa échapper un petit rire gêné qui en disait long, tout en s’asseyant face à son invitée. Elles se mirent toutes les deux à déguster la préparation. Puis elle remirent le ça : elles commencèrent une longue conversation sans but ponctuée de sourires et de grimaces. Une autre fois la bretonne dû quitter la table pour apporter le plat de résistance, puis une troisième fois pour apporter le dessert. C’est lorsque la fin du repas approchait, et par la même occasion la fin de la soirée, qu’un silence pesant et embarrassant s’installa entre elles. Il avait l’air de signifier l’ennui que toute les deux ressentaient de devoir mettre un terme à ce moment à part. Carla se sentie alors obligée de le briser.

« Sabes, je suis quelqu’un de.. franc, commença-t-elle à peine certaine d’avoir employé le bon terme, et j’espère que tu ne le prendras pas mal si je te dis que je suis très atraida enfin… attirée par toi. »

Elle s’arrêta, tâtant le terrain. A vrai dire, Maïwenn avait carrément cessé de jouer avec sa cuillère. Carla se racla la gorge face au manque de réaction de son hôte. Elle n’était plus très sûre d’avoir bien fait d’engager ce sujet.

« Euhm.. je veux dire que j’ai très envie de…

- Moi aussi, coupa Maïwenn d’une voix à la fois ferme et tendre. »

Les deux femmes échangèrent un regard et semblèrent se comprendre. Ni l'une ni l'autre n'était dupe. Avoir un rendez-vous en soirée après n'avoir discuté qu'une seule fois dans des circonstances accidentelles n'était certainement pas innocent. Maïwen quitta sa chaise dans un bruit de grincement et fit le tour de la table. Carla la regardait, le visage penché en arrière. On aurait dit qu’elle mourrait d’envie de poser ses mains sur les cuisses dénudées de son hôtes mais que quelque chose l’en empêchait. La bretonne semblait l’avoir remarqué. De sa main fine et délicate, elle saisi la mâchoire de Carla et dans un mouvement sans force, l’incita à s’élever à sa hauteur. Dans froissement de vêtement, l’hispanique lui obéit, ne la quittant jamais des yeux. A peine furent-elles dans une position égale que Carla se jeta sur les lèvres entre-ouvertes de Maïwenn. Les yeux clos, les deux femmes engagèrent un baiser langoureux qui rapprocha leur corps au point de se toucher. La main de Maïwenn glissa dans la nuque de la brune, et ce fut comme une invitation. Carla se permis alors d’agripper la taille de sa maîtresse. La langue désireuse de Carla rencontra la langue sensuelle de Maïwenn et le baiser se prolongea jusqu’à ce que cette dernière s’écarte d’un seul coup.

« Ce soir je suis à toi, mais uniquement ce soir. »

Carla ne broncha pas une seconde, elle attrapa la main de Maïwenn et l’attira dans le canapé juste derrière elle.

Cette nuit là, elles s'étaient faite l'amour pour la première fois dans le salon. Elles n’avaient pas songé à réitérer, ce n’était qu’une rencontre parmi tant d’autres, un partage charnel des plus agréables. Cela convenait très bien à Carla qui n’avait d’attache nulle part. Cette soirée n’aurait été qu’un coup d’un soir sans lendemain. C’était mieux d’avoir mis les choses au clair, cela évitait les faux espoirs et les coeurs brisés qu’elle avait l’habitude de provoquer. Elle avait cette fière impression d’avoir changé, d’être devenue honnête. Du moins l’avait-elle était à ce moment là. Quant à Maïwenn, elle pensait s’en satisfaire.
End Notes:
Je pense avoir pu développer le personnage tout en répondant à la consigne. J'ai une idée bien précise de la suite mais malheureusement j'ignore si je pourrais l'écrire comme elle se présente dans mon esprit car les consignes étant données au fur et à mesure de l'écriture je peux être orientée dans une autre direction ^^

J'espère que vous avez apprécié ! N'hésitez pas à me donner votre avis.
Mauvaise idée by MelHp7
Author's Notes:
Ce chapitre, dans la suite du précédent, avec son long flash back, est assez explicite et je crois bien que c'est la première fois que j'écris une scène érotique de la sorte. J'espère sincèrement qu'elle est réussi, sachant qu'elle doit accomplir deux fonctions.

Bonne lecture !

Consignes :
• Votre personnage doit faire face à la vérité. Dure, blessante, ou simplement présente, il la regarde dans les yeux.
• Votre personnage se sent étouffé.
• Inspirez-vous de certains de ces mots : rêve, sagesse, sérénité, vérité, loyauté, fraicheur, mélancolie (on doit les ressentir dans votre texte. Pas tous évidemment, mais une ambiance doit se dégager, la couleur doit parler).
• Un de ces mots doit apparaître dans votre texte : « océan », « ciel », « bleuet ».
L’interdit est une entité par laquelle j’ai toujours été plus ou moins attirée. C’est mon vice, celui qui fait de moi la fautive à un certain stade d’une relation. Je ne suis pas certaine d’avoir déjà essayé de me battre pour y résister parce que céder à ses envies c’est tellement plus facile que se refuser un plaisir. Dans ces moments là mon corps prend le dessus sur mon esprit, et la raison m’échappe commune une notion morale que l’on ne m’aurait jamais inculquée. C’est ainsi que je justifie mes actes dévastateurs, ceux qui me satisfont dans l’instant et détruisent les autres l’instant suivant.

Une fois que le mal est fait, que je réalise les conséquences de mes déviances, je me promets de changer, d’arrêter de foutre en l’air tout ce que je construit. Mais mener une guerre contre soi c’est comme parler à un mur. Mes défauts sont intraitables. Et je crains qu’ils m’aient déjà rattrapés. C’est ainsi que la vérité refait surface.

***


Ce soir là, MaÏwenn était en train d’atterrir à Madrid après un vol d’un peu plus de deux heures. Elle allait être consignée à l’aéroport pour encore une ou deux heures le temps de régler l’arrivée et le dépôt des bagages et quelques autres affaires, comme chaque fois. Carla déplorait ces soirées-là durant lesquelles elle se retrouvait seule dans son appartement qu’elle avait l’habitude de partager avec sa petite amie. Quelle frustration de devoir s’adapter aux horaires changeants d’une hôtesse de l’air. Elle n’y avait pas vraiment réfléchit lorsqu’elle avait cédé à la tentation de remettre ça avec Maïwenn une fois s’être juré de ne plus la revoir.

L’hispanique tournait en rond dans la pièce principale, se rongeant de temps en temps les ongles dans des gestes nerveux. Elle avait l’air d’étouffer ici, comme si l’ennui se refermait sur elle à la manière d’une prison. Cela avait le don de la faire sortir de ses gonds. Dans l’attente d’un appel de la part de MaÏwenn, elle tenait son portable dont elle ne cessait de déverrouiller l’écran par impatience. Au moment où elle se laissa tomber sur le canapé du salon dans lequel elle s’enfonça sans mal, son téléphone se mit à sonner à tout va. Sans réfléchir, elle se rua dessus, faisant glisser son doigts sur l’icône « décrocher ».

« Ah c’est pas trop tôt ! S’exprima Carla avec une voix bourrée de reproche.

- Carla ? Eh bien, je dois dire que tu sais m’accueuillir... »

Le visage de l’espagnole se figea un instant.

« Blandine ?

- T’as pas l’air très contente de m’avoir au téléphone… Je pensais pourtant bien tomber. Je sais que Maïwenn n’est pas là, tu dois encore déprimer.

- Ouais… Excuse-moi, à chaque fois je suis assez à cran et je crois que c’est de pire en pire. »

Carla s’allongea sur la banquette en soupirant de lassitude. Son bras droit pendant dans le vide, effleurant le tapis étalé sur le sol.

« J’imagine connaître la réponse mais sait-on jamais… Je voulais te demander si tu voulais qu’on se voit pour passer le temps. »

Le silence s’installa un court instant. Carla réfléchissait. Elle n’avait pas songé une seule seconde à ce genre d’alternative à la solitude. Depuis qu’elle vivait avec Maïwenn elle sortait de moins en moins sans elle. Faut dire que les deux n’avaient plus que des amis communs maintenant, et Blandine était avant tout une amie de Maïwenn. Mais là n’était pas la question. Carla et cette hôtesse de terre s’étaient tout de suite bien entendues lors de leur première rencontre organisée par Maïwenn elle-même.

« D’accord. Tu n’as qu’à venir à la maison, on se fera livrer, parce que j’ai pas trop envie de cuisiner là maintenant…

- Super, j’arrive !

- A tout… de suite »

La tonalité du portable indiquait que Blandine avait raccroché. Plus rapide que cela aurait été physiquement impossible. Carla haussa les épaules, elle avait l’habitude des extravagances de cette femme-là. En général, ça l’amusait beaucoup cette dose d’excentricité. Mais là tout de suite, elle venait de replonger. Ses pensées convergeaient à nouveau vers la jolie Maiwënn qui l’avait encore abandonnée. Le portable toujours serré dans sa main, elle comptait bien attendre Blandine dans cette position en espérant que l’objet sonne à nouveau.

Au bout d’une bonne de vingtaine de minutes, l’appartement avait finit par sombrer dans l’obscurité profonde de la nuit qui était tombée sans crier gare. Mais le silence fut bien vite brisé, et de manière assez stridente même. La sonnette retentit avec rage sortant Carla de son semi-sommeil dans un sursaut. Les yeux plissés, encore endormie, elle se redressa en ronchonnant. Elle se leva et se déplaça à tâtons, les mains rivées devant elle pour prévenir la moindre collision avec un mur ou un meuble. Arrivée à la porte d’entrée elle glissa des doigts décidés vers la droite et actionna l’interrupteur qui éclaira la pièce principale d’un seul coup. D’un revers de main elle se frotta le visage. Les yeux papillonnant elle tira la porte.

Le visage de Carla demeura immobile lorsque celle-ci vit Blandine dans l’encadrement de la porte. Bien sûr elle n’avait pas oublié sa venue, sauf qu’elle ne se souvenait pas l’avoir invité à une fête. Pourtant la jeune maman était vêtue d’une robe un peu trop habillée pour la situation, sans compter que ses cheveux étaient admirablement coiffés.

« Bon eh bien, il faut se mettre à genoux pour pouvoir entrer chez toi ou quoi ?

- Hein, non, vas-y, entre. »

Carla déplia son bras et de son geste invita Blandine à passer la porte qu’elle referma dans la foulée, sans la claquer.

« Comment veux-tu ne pas déprimer si tu restes dans le noir comme ça... », commenta Blandine en se dirigeant avec assurance vers la table du salon. Elle connaissait très bien l’appartement que Maïwenn louait depuis quelques années maintenant. Elle tourna les talons et en se penchant sur le côté le bras tendu vers le mur, elle enclencha l’interrupteur qui illumina aussitôt la pièce. Pendant qu’elle souriait, fière d’elle, Carla se frottait faiblement les yeux. Le choc lumineux la rendait comparable à un lièvre surpris par les phares d’une voiture.

« Alors, qu’est-ce qu’on mange ? »

L’enthousiasme de Blandine contrastait drôlement avec l’air dépité et fatigué de Carla qui tenait difficilement debout. Voilà qu’elle s'appuyait contre le dossier d’une des chaises du salon alors que son invitée retirait son manteau déjà ouvert pour le déposer sur une autre chaise.

« Que dis-tu d’un... petit japonais ? C’est bon et rapide en général.

- Va pour un japonais ! Je te laisse passer la commande. J’ai besoin de passer au petit coin… Si tu pouvais simplement éviter les crevettes, je t’en serai très reconnaissante, ajouta Blandine à toute vitesse, un petit sourire en coin, avant de s’enfuir en direction des toilettes, ses talons frappant énergiquement le sol.

Tout en se raclant la gorge, Carla se retourna pour prendre son téléphone qui était resté entre deux coussins sur le canapé. Ses yeux plissés sautaient de ligne en ligne sur le petit écran tactile jusqu’à ce qu’ils croisent le nom du traiteur asiatique que le couple avait l’habitude d’appeler quand Carla n’avait pas la tête à cuisiner et que Maïwenn rentrait d’une longue journée exténuante. La brune plaqua son téléphone mobile contre son oreille et après qu’on ait décroché, commanda un menu pour deux personne en précisant bien qu’il ne fallait pas qu’il y ait la moindre crevette dans les plats. Blandine y était allergique et Carla avait tendance à l’oublier. Au moment où l’appel d’une minute fut terminé, un bruit de chute se fit entendre dans la direction qu’avait prise Blandine.

« Hey.. Blandine, ça va ? »

Carla ne s’était pas précipitée pour aller la trouver, après tout elle avait pu faire tomber quelque chose, ce n’était pas important. Mais surtout, l’espagnole n’était pas tellement énergique ce soir. Cependant, le fait de ne pas obtenir de réponse en retour l’inquiéta un peu. Les yeux rivés vers le couloir, elle fit quelques pas en avant.

« Blandine ? »

Toujours rien… Cette fois Carla, légèrement prise de panique, se rua dans le couloir. Elle s’apprêta à toquer avec force contre la porte des toilettes mais celle-ci étant entr’ouverte, il était clair que son invitée ne s’y trouvait plus. Elle ne fit qu’un pas de plus, sur le côté, pour se poster devant la salle de bain. Au lieu de voir son amie elle ne vit qu’une pièce vide et plongée dans le noir. En revanche, une faible lumière semblait venir de derrière elle et se faufiler entre ses pieds. En se retournant, Carla remarqua que la porte de la chambre était légèrement ouverte et que la lumière passait dessous. Intriguée, elle posa sa main sur le bois de la porte. La curiosité la força à la pousser pour l’ouvrir, une sorte d’excitation même, qu’elle ne pu retenir.

Quelque chose en elle avait pourtant l’air de la prévenir qu’elle n’aurait pas dû faire ça. Mais la silhouette féminine de Blandine avait capté le regard de Carla et il était trop tard. La femme était totalement nue et elle était même allongée sur le côté en plein milieu du lit. Elle affichait un petit sourire à peine perceptible tant la luminosité de la pièce était faible. La seule chose facile à détacher du noir était la courbe envoûtante de son corps qui happait totalement l’attention de la brune. Celle-ci venait de passer la porte de la chambre désormais, comme hypnotisée.

Tout se fit en silence. Carla tourna autour du lit pour se retrouver derrière Blandine, mais celle-ci se retourna bien vite. Et comme si ça avait été le coup d’envoi, l’espagnole retira son haut. Pas de soutien-gorge, juste un t-shirt qui venait d’être jeté au sol. Puis elle défit sa ceinture pour déboutonner son pantalon et l’enlever dans la foulée. Une vraie lionne en manque d’affection, voilà de quoi elle avait l’air.
Elle n’avait même pas essayé de résister, c’était comme si elle avait attendu ce moment de délivrance depuis un long moment et que Blandine lui accordait enfin sa liberté. Celle-ci se leva, un regard de félin fixé sur Carla. De ces deux mains elle agrippa le visage de la femme à la peau mat et s’empara de ses lèvres rageusement, ce à quoi Carla répondit en lui rendant cette fougue. Ses deux mains à elle, elle les posa sur les hanches charnues de Blandine, des hanches plus larges que celles de Maïwenn sans aucun doute. Bien vite ses doigts glissèrent sur les fesses rebondies de sa partenaire qui allait devenir sa première faute, et dans un mouvement brutalement excitant, elle colla son propre corps à celui de la maman. Un gémissement s’échappa de leur deux bouches accolées.

Très vite, les deux femmes se retrouvèrent allongées sur le lit encore en ordre. Leur corps était déjà chaud, enflammé de désir l’un pour l’autre. Blandine n’avait pas la moindre envie de patienter. Elle plongea alors sa main moite dans le sous-vêtement de l’hispanique et trouva très vite le chemin de son intimité déjà très humide. Carla s’en mordit les lèvres. Postée au-dessus du corps de Blandine elle laissa retomber sa tête dans le cou de celle-ci pour le mordiller avec envie. Ses cheveux recouvraient en parti le visage de l’autre femme dont les yeux étaient fermés. Les doigts envieux jouaient avec le sexe de Carla dont le plaisir commençait à se faire entendre. Et au moment fatidique de la pénétration, elle se laissa largement aller à des gémissements assez rauques. Elle ne pu se retenir de plaquer ses mains dévoratrices sur les seins découverts de Blandine dont la respiration s’était accélérée. Les doigts allaient et venaient dans l’antre de la brune, et chacun de ces mouvements provoquait un nouveau souffle de chaleur qui rencontrait la peau humide de Blandine. La main gauche de Carla descendit alors maladroitement sur le ventre arrondit de sa partenaire jusqu’à trouver son entre-jambes duveteux. Les choses s’envenimaient et maintenant Carla ne pouvait plus prétendre être la victime d’un flirt prononcé. Elle en était tout autant l’actrice que Blandine, notamment dès le moment où ses propres doigts s’engagèrent dans le repère secret de son amante. La respiration des deux femmes forma très vite une sorte de canon à un rythme incroyablement coordonné. Et petit à petit l’hispanique sentait ses muscles lâcher et son corps se reposa, sans lourdeur, sur celui de Blandine. Elles étaient littéralement l’une dans l’autre et rien d’autre ne semblait exister à cet instant. Rien d’autre que leurs gémissements respectifs et leur plaisir commun. Jusqu’à ce que l’une d’elle exprime le grand frisson et que l’autre suive aussitôt. C’est la jouissance de Blandine qui s’éternisa le plus. Le flot érotique sorti tout droit de son bas ventre avait suivi son cri de plaisir. C’est comme ça qu’elle s’appropria la chambre du couple, sans aucun remord. Elle avait même agrippé les draps qu’elle avait sauvagement défaits. Et elle se tenait là, les cuisses grandes ouvertes, les lèvres entr’ouvertes et les yeux clos.

Une gêne répugnante parcourra alors Carla. Elle se laissa tomber à côté de Blandine, roula légèrement jusqu’à se lever totalement du lit. Une main tremblante passa dans cheveux tandis que l’autre, souillée, glissa sur sa jambe pour se débarrasser du fluide. Ce qui coula dans sa gorge lorsqu’elle contempla son méfait ce fut la salive des regrets, difficile à avaler, amère. Et c’est toujours trop tard qu’on se rend compte de son erreur.

Ding-Dong. C'était le livreur... Carla priait la ciel pour que ce soit le livreur.
End Notes:
N'hésitez pas à me donner votre avis, c'est toujours très encourageant et plaisant. Et merci à celles qui l'ont déjà fait !
Tu joues ou tu perds by MelHp7
Author's Notes:
Les consignes pour ce chapitre :

• Un enfant apparaît dans votre texte.

• Votre personnage aime également jouer à des jeux (enfantins, innocents, joyeux, insolites, ou plus adultes, dérangeants, malsains...)

• Votre personnage a son propre langage.
Cela faisait un moment que cette idée traînait dans ma tête. Je l’ai simplement concrétisée. Ne dit-on pas « Il faut vivre ses rêves et ne pas rêver sa vie » ? J’ai beau être une enfant dissimulée dans le corps d’une adulte, j’ai beaucoup de ressources.

Détrompez-vous, je ne suis pas celle à blâmer dans cette histoire. Maïwenn est responsable pour avoir délaissé notre amitié et Carla est coupable pour ne pas être restée fidèle à son engagement. Chacun ses défauts. Et moi j’aime en jouer.


***



DING DONG. C’était le premier rendez-vous secret officiel auquel Carla se rendait. Comme lui avait gentiment imposé Blandine, elle sonnait chez elle. Les secondes d’attente qui défilaient la rendait nerveuse. Trop nerveuse à en voir ses mains tremblotantes. Dans un élan de courage, en espérant se débarrasser vite fait de cette affaire, l’hispanique enfonça la poignée de la porte, la nuque baissée, et poussa lentement ce qui entraîna une léger grincement du bois. Personne n’était là pour l’accueillir. Pas même une Blandine scandaleusement rayonnante. Juste un silence effroyable qui lui soufflait de filer pendant qu’il en était encore temps. Alors qu’elle allait obéir à son mal de ventre grandissant, elle baissa la tête. Cet étrange paillasson la fit froncer les sourcils. Peut-être parce qu’il ne s’agissait pas d’un paillasson mais d’une simple feuille de papier qu’elle s’empressa de saisir, intriguée par la petite écriture calquée dessus.

Trouve le petit Ange de la maison, il te dira comment me rejoindre.


Le faux paillasson avait parlé. Sûrement une farce, ou bien Blandine s’amusait à la faire tourner en rond. Les deux options étaient possibles, il suffisait de la connaître ne serait-ce qu’un peu pour le savoir. Elle avait toujours été excentriquement insaisissable sur le plan intellectuel, même avant sa séparation d’avec Marc. D’après Carla, c’était sans doute ce qui avait tué leur couple trois ans auparavant.

D’un pas mal assuré, la brune entra dans la maison tout en lâchant la poignée de la porte qu’elle poussa derrière elle sans y mettre la moindre force. Le claquement se fit à peine entendre contrairement au bruit redondant qui provenait de l’intérieur. La cause de se frottement irrégulièrement incessant était dû à tout autre chose. On aurait dit le glissement d’un crayon sur une feuille de papier. Et en fait Carla avait plutôt une bonne ouïe. En passant l’encadrement du sas d’entrée, elle fut légèrement surprise par la vue d’une petite tête blonde. Aussitôt ces cheveux courts laissèrent place à un visage impassible et lunaire. La blancheur de sa peau en était presque éblouissante.

« Ah, c’est toi la partenaire de jeu de maman ? Tiens, j’ai terminé. »

Le petit ne savait pas si bien dire. " Partenaire de jeu " oui, mais pas n’importe quel jeu. Le genre de jeu que tu apprécieras bien plus que le coloriage gamin… Le petit Julien, que Carla voyait pour la toute première fois, se leva, ou plutôt sauta de sa chaise, et tendit une feuille à la nouvelle arrivée.

« Merci... »

L’Ange venait donc de délivrer son message. Le dessin représentait une pièce : ce n’était pas difficile de deviner qu’il s’agissait d’une chambre. Carla leva les yeux de la feuille pour regarder le garçon mais celui-ci était déjà remonté sur sa chaise, l’air ailleurs.

« Dépêche-toi, Maman n’aime pas attendre. »

Paradoxalement, Carla hocha la tête. Blandine détestait qu’on la fasse attendre !? Mais c’est elle qui plaçait son fils entre elles. C’était presque malsain qu’il fasse parti de ce « jeu » qu’elle avait initié. Le malaise envahi la jeune femme qui finit par faire quelques pas en direction des chambres. Elle n’était pas venue souvent ici, malgré le fait que Blandine les avait invité de nombreuses fois elle et Maïwenn. Pourtant elle se souvenait parfaitement de la disposition des pièces. Elle lança un dernier regard dans son dos, vers Julien, comme pour être sûre qu’elle avait la permission de s’aventurer dans les salles de sa maison. Il était concentré sur sa nouvelle feuille blanche. Toutes les portes étaient ouvertes, sauf une. Étant donné qu’elle n’avait pas reconnu le lit double du dessin jusqu’à ce qu’elle arrive devant cette porte fermée, elle la poussa instinctivement. Il s’agissait de la chambre d’ami. Elle avait l’air de ne pas avoir été visitée depuis un long moment. Le seul détail qui attira son attention c’était ce plan déplié sur la couverture impeccablement tirée. En s’approchant, Carla pu confirmer que c’était la ville de Rennes que représentaient ces traits de différentes couleurs. A part ça, la chambre était vide. Décidément, Blandine avait organisé une sorte de course d’orientation, une chasse au trésor dont elle était l’objet. Carla passa une main nerveuse dans ses cheveux et la laissa s’accrocher à sa nuque dans un soupire qui en disait long sur ce qu’elle pensait de ces enfantillages. Comme si elle avait du temps à perdre. A propos du temps, elle leva le bras droit pour lire l’heure. Déjà 16h00… et Maïwenn rentrerait trois heures plus tard. Le coup de pression que lui mit la grande aiguille la fit saisir le plan. C’est seulement à ce moment là qu’une croix rouge au feutre lui apparu de façon évidente sur le papier glacé. Elle couvrait une partie de l’avenue Jean Janvier de la ville. Alors ce devait être l’endroit où le « maître chanteur » l’attendait. Carla replia la carte en moins de deux et l’enfourna dans la poche arrière de son jean avant de faire demi-tour pour quitter la chambre.

Julien ne leva même pas la tête lorsque la brune passa devant lui et claqua la porte d’entrée en envoyant un poli « Au revoir, petit ». L’air frais breton s’écrasa aussitôt sur son visage, comme pour la réveiller. Le temps passait, il valait mieux pour elle qu’elle se dépêche d’honorer sa promesse. Pourquoi diable Blandine avait-elle besoin d’autant d’excentricité ?! Un coup d’oeil des deux côtés de la route, Carla traversa les voies pour regagner l’arrêt de bus le plus proche en espérant que le prochain ferait rapidement son apparition.

Au bout de cinq minutes et un mal de poignet intense dû à la répétition du même mouvement : regarder l’heure sur sa montre, Carla pu monter dans le C3, bus qui la déposa moins de quinze minutes plus tard aux abords de l’esplanade Charles de Gaule. La grande place de Rennes où les plus grands événements en plein air avaient lieu. Aujourd’hui elle était aussi dépourvue de monde que l’esprit de Carla était dépourvu de volonté. C’est sans conviction qu’elle marchait d’un pas rapide en direction de cette fameuse croix rouge. Elle passa devant le cinéma Gaumont, puis cette immense médiathèque municipale et sur sa droite enfin, elle arriva à destination : Novotel. Évidemment, Blandine avait pris une chambre d’hôtel. Un peu classique pour une femme aussi dévergondée que cette blonde là.

« La chambre de Blandine Guillet, s’il vous plait… ? »

C’est la voix légèrement tremblante qu’elle s’était adressé au jeune hôte d’accueil. Le sourcil droit de ce dernier se leva un instant. Une grimace indescriptible déforma son visage pomponné alors qu’il observait Carla d’un oeil curieux. Il finit par faire glisser la souris de son ordinateur avant de taper sur quelques touches.

« Vous avez le mot de passe ? »

Étrangement, son visage arborait un sourire forcé éclatant qui contrastait avec sa première attitude. Carla avala sa salive, comme pour se donner du temps. En temps normal elle n’aurait pas pensé une seconde que le jeune homme était sérieux mais puisqu’il s’agissait d’un coup de Blandine…

« Je plaisante ! Mademoiselle Guillet vous attend au deuxième étage, dans la chambre 207. »

Il lui adressa un clin d’oeil obscène qui la découragea à le remercier. Elle qui voulait se faire discrète… Une oppressante impression d’avoir mis tout le monde au courant lui comprimait la poitrine.

« L’ascenseur est juste derrière vous... »

Ni une, ni deux, Carla se retourna un peu honteuse, et comme pour cacher cette honte, elle appuya presque rageusement sur l’interrupteur permettant d’appeler l’escalier mouvant. Les portes automatiques s’ouvrirent immédiatement et elle ne se fit pas prier pour entrer dans la cage de métal. Alors que le jeune homme la fixait toujours, elle fit mine de regarder son propre reflet dans le miroir latéral. Elle poussa un soupire quand les portes furent enfin fermées et que l’ascenseur grimpa les deux étages.

Le moment fatidique arriva. Qu’elle se sentait idiote et monstrueuse de se tenir devant la porte de cette chambre d’hôtel alors que Maïwenn travaillait dur aux côtés de gens stressés, exigeants, désagréables et autres. Avant même de toquer sur le bois impeccable de cette fichue porte, elle se sentait déjà comme la pire des traîtresses et pourtant…

Toc toc. Le martèlement de talons se fit entendre, suivit d’un cliqueti métallique, puis la poignée s’enfonça et la porte s’ouvrit vers l’intérieur.

« Enfin te voilà… Tu sais te faire désirer, n’est ce pas Carla ? »

Inimaginable mais vrai. Cette femme était littéralement moulée dans un costume érotique de vilaine fliquette. Pantalon en cuir noir brillant, soutien gorge à piquants, une matraque dans une main, des menottes attachée à une ceinture fermement serrée autour de sa taille. Elle avait tout l’attirail. Et Carla ne su quoi dire. Son rôle à elle c’était la coupable, et Blandine comptait bien l’interpeller. Un bref sourire ambiguë s’afficha sur les lèvres sèches de l’hispanique. Puis elle franchit le pas de la porte, porte que Blandine referma aussitôt.

« Je m’attendais à un peu plus d’enthousiasme de ta part… Je pensais que ça te plairait. Maïwenn me dit tout tu sais. »

Quoi ?! Non seulement elle couchait avec Carla dans le dos de sa meilleure amie, mais en plus elle utilisait les confidences de celle-ci pour réaliser les fantasmes de sa proie ? C’était tellement vicieux.

« Un peu plus d’enthousiasme ? Tu te fiches de moi ?! J’ai choisi de ne rien dire à Maïwenn parce que je ne veux pas lui faire du mal. Ça ne veut pas dire que je suis ravie de remettre ça avec toi... »

Pourtant c’était bien elle qui avait sauté sur Blandine l’autre soir, dans la chambre qu’elle partage avec Maïwenn. Dans un geste de rejet, Carla tira le plan de Rennes de sa poche et le lâcha au-dessus de la tablette en bois, à droite de la porte. Il ne fallait surtout pas qu’elle garde la moindre trace de son passage ici.

« Je vois…, dis Blandine dans un souffle triste qui aurait pu attendrir n’importe qu’elle coeur d’artichaut. Tu veux boire quelque chose ?

- Non merci, je n’ai pas beaucoup de temps, tu t’en doutes. »

Carla était sèche, dure même. Pas étonnant. Elle rendait Blandine responsable de son faux pas, mais cette dernière n’était pas d’accord pour être la seule inculpée. Et elle comptait bien prouver à la brune qu’elle était bien coupable d’adultère de manière consentante. Dans une démarche faussement innocente, la blonde disparu derrière Carla qui n’avait pas bougé de sa place.

« Qu’est-ce que tu fais… ? »

Pour toute réponse, Blandine referma solidement les menottes autour du poignet gauche de la responsable. Une sorte de frisson incontrôlable traversa le corps chaud de Carla, tandis qu’elle penchait la tête légèrement en arrière. Son autre poignet fut très vite pris en otage par les mains gantées de Blandine qui serra l’autre partie des menottes sans aucune douceur. Sûre d’elle, la policière avança son visage près de celui de Carla jusqu’à frôler son oreille de ses lèvres pulpeuses.

« Tais-toi Carla… Je sais que tu aimes ça. »

Cette fois la brune ressenti cette intense chaleur piquante entre ses cuisses. Rien de plus facile à décrypter. Carla désirait Blandine, là tout de suite. Même si son esprit n’était pas tout à fait en accord avec son corps. C’est peut-être pour cela qu’elle se mordait les lèvres maintenant : pour faire taire sa libido grandissante. Ça ne l'empêcha pas de craquer. Les dés étaient donc lancés.
End Notes:
Le chapitre n'est pas bien long c'est vrai mais je ne voulais pas me répéter et je voulais surtout présenter comme il se doit Blandine...
Une fête d'anniversaire by MelHp7
Author's Notes:
Ce chapitre mêle les points de vue de Carla et Maïwenn, il a lieu quelques semaines après les événements du chapitre précédent.



Les consignes pour ce chapitre étaient les suivantes :



- Votre personnage doit faire face à l’illusion.

- Ses ennemis sont la mort et la vieillesse.

- L’action se situe au printemps.

- Votre personnage met en avant son esprit (en opposition à son mental, son corps, ou ses émotions).

- Ses qualités sont la transformation et l’illumination.

- La couleur jaune est importante.

- Votre personnage a un rapport particulier avec le soleil.
Le jaune, c'est sûrement la couleur qui me correspondrait le mieux. Je suis née de la chaleur humaine, sur une terre de feu surplombée par un soleil cuisant et tonifiant : l'Espagne. Mon sang chaud, voilà d'où je le tiens. La fille joyeuse, l'amie sur laquelle on peut compter pour passer du bon temps, c'est moi. Néanmoins, j'ai aussi ce mauvais côté du jaune. Ce jaune pisse qui me rappelle à quel point je peux trahir, mentir et même commettre l'irréparable, l'impardonnable : l'adultère. Centrée sur moi-même, je ne pense qu'à assouvir mes propres plaisirs. Et à cause de ma fierté, mon ego surdimensionné, je réussis parfois à me convaincre que j'ai bien fait. Je suis une sorte de piège en fait. Mon côté stimulant vous attire à moi, et mon côté sombre vous achève par égoïsme. Pourtant, je n'ai pas mauvais fond...


***



Trois mois s'étaient écoulés entre le premier écart de Carla et cette fête. C'était l'anniversaire de Maïwenn, le 23 mars 2014. Trente-deux ans déjà. Elle avait voulu fêter ça. A vrai dire, c'était plutôt un prétexte pour revoir une bonne partie de ses amis. Avec le travail elle avait peu de temps à leur consacrer alors elle avait décidé que ce jour ferait exception.

C'était un dimanche, jour du soleil. Maïwenn s'occupait des derniers préparatifs pendant que Carla accueillait les inviter au fur-et-à mesure qu'ils faisaient leur entrée. Le premier arrivé fut Patrick, le collègue stewart de la bretonne. Un jeune type au grand sourire qui s'était plutôt attendu à tomber sur la brune aux yeux bleus lorsque la porte s'ouvrit. Mais aucune perplexité n'était visible sur son visage. Sans n'avoir jamais vu Carla, il la connaissait déjà très bien. Maïwenn n'était pas du genre bavarde mais l'amour rend différent. Elle avait donc tendance à étaler sa vie privée dans les conversations personnelles qu'elle pouvait avoir avec ses collègues. Carla ne lui en voulait pas, elle trouvait ça plutôt touchant au fond.

" Salut, Patrick, dit-il en tendant une main devant lui, pendant que l'autre tenait un bouquet de fleurs.

- Carla, enchantée. "

Sur quoi elle proposa à l'homme d'entrer, de se mettre à l'aise pendant qu'elle allait poser les fleurs sur la table. Maïwen s'occuperait du vase plus tard. Ça avait été assez cordial car Carla n'était pas la plus douée en matière de relation sociale. Elle comptait faire des efforts, particulièrement aujourd'hui. De temps en temps, elle savait mettre la forme en s'adaptant à son auditoire. Ce soir elle comptait sur l'alcool pour libérer ce côté ouvert qu'elle renfermait. La personne suivante fut d'autant plus enthousiaste qu'il s'agissait de Blandine, sacrément propre sur elle, accompagnée de son garçon silencieux. Si lui affichait un air des plus maussades, ce n'était de loin pas le cas de l'amie du couple. Pour Carla ce n'était que vision d'horreur. Mais à quoi aurait-elle pu s'attendre ? À ce que Maïwenn oubli d'inviter l'une de ses amies les plus proches et dévouées ? Si seulement elle savait... Ou plutôt non, il ne faut pas qu'elle sache, surtout pas ! Pour cela, l'espagnole se contenta d'un sourire courtois, gentillet. Elle attrapa le cadeau bien emballé et flashy qu'avait apporté Blandine et demanda sans se presser aux nouveaux invités de bien vouloir rejoindre les autres au salon.

Maïwenn s'activait toujours. Elle faisait des allers-retours entre la cuisine et le living-room, transportant des plats, des couverts, de quoi décorer le tout. Elle avait même pris le temps d'allumer la chaîne hi-fi pour lancer l'ambiance festive. Il avait fallu peu de temps pour que Blandine se mette à se déhancher sur la musique. On aurait dit de la provocation. Suzanne, l'invitée suivante, avait mis peu de temps à rappeler Carla à l'ordre. C'était sans doute la personne dont Carla s'attendait à apprécier le plus la compagnie ce soir-là, et cela venait notamment du fait qu'elle était professeur d'espagnol dans le secondaire. Elle non plus n'était pas venue les mains vides.

" Carla ! Como estas desde la ultima vez ?

- Muy bien, muy bien. Espero que tu estas en forma porque la noche va a ser animada ! "

Ca ne plaisait guère à Maïwenn, et en général à personne d'autre d'ailleurs, que les deux femmes entretiennent une conversation en langue étrangère du fait que ça avait tendance à les enclaver, même dans la foule la plus dense qui soit. Néanmoins, Carla aimait bien entendre sonner l'espagnol de temps en temps. Si elle n'était pas du genre des migrants qui ont le mal du pays, elle ne pouvait nier le fait que la terre du soleil lui manquait après tout ce temps. Bien sûr, l'accent de Suzanne n'était pas parfait mais ça suffisait à lui rappeler l'Espagne. Puis c'était assez amusant pour elle de pouvoir corriger la prononciation d'une enseignante.

Une fois qu'elle eut accompagnée l'invitée à joindre les autres, et après avoir déposé le sac en papier qui devait renfermer un autre cadeau d'anniversaire, on sonna une dernière fois. Le petit dernier de la famille Roy était aussi le dernier arrivé. Nathanaël ne se gêna pas une seconde pour se jeter sur Carla et lui claquer deux bisous sur chacune de ses joues.

" Holà Carla ! Où est ma frangine ?! "

Il ne lui laissa même pas le temps de répondre qu'il faisait déjà comme chez lui, se ruant dans le salon en lançant sa veste sur une chaise vide. De toute évidence, tout endroit où se trouvait un membre de sa famille devenait chez lui dès lors qu'il y mettait les pieds. Son plus gros défaut, celui qu'avait tendance à lui reprocher l'hispanique, c'était sa trop grande curiosité qui l rendait impoli. De l'entrée elle pu entendre des éclats de voix : ceux de Nathanaël bien sûr, mais ceux de Maïwenn et de Blandine aussi. C'était la conséquence du fait que deux extravagantes personnalités se rencontraient.

Après les embrassades de retrouvailles, les échanges de banals "que deviens-tu ?" et de "comment ça va en ce moment ?", tout le monde se retrouva assis autour de la table du salon. Maïwenn avait tout préparé au millimètre près : chacun avait vu sa place indiquée par un carton imprimé portant le prénom des convives. C'est ainsi que Carla se retrouvait à gauche de Maïwenn et en face de Blandine qui était elle-même à droite de Nathanaël. En bout de table il y avait Julien, entre Carla et Blandine en quelque sorte, puis à l'autre bout il y avait Patrick et Suzanne. Le seul répit que s'accorda celle dont on fêtait l'anniversaire, elle le dédia à Carla. En posant une main attentionnée sur l'avant-bras de sa petite amie, elle se penchant l'air légèrement inquiet.

" Ca va ? Tu as l'air préoccupée depuis tout à l'heure ?

- Oh, non non, tout va très bien, mi amor. J'étais... un peu stressée sans doute, mais comme toujours tu maîtrises la situacion."

Elles échangèrent un sourire tendre. Sourire qui, pour Carla, se transforma en grimace lorsque Maïwenn se leva à nouveau pour remplir le verre vide de son frère. Blandine venait de glisser son pied chaussé sur la cheville découverte de l'espagnole. Celle-ci lui lança alors un regard noir comme elle en lance rarement, ce à quoi Blandine réagi en douceur. Elle tira son pied en arrière, non sans insister, de la pointe de son mocassin, sur la peau mate de sa victime. Une sorte de frisson rebutant parcourra l'échine de Carla. Un mélange d'excitation, de dégoût et d'anxiété en était à l'origine. Si quelqu'un l'avait remarquée ? Le pire c’est que la blonde lui lançait en retour un regard rempli de désir. N’importe qui y aurait vu là un appel au sexe, même Julien qui continuait de se goinfrer d’amuse-gueules.

“ Alors Carla, intervint Nathanaël. Quand est-ce que tu lui passes la bague au doigt hein ? ”, ajouta-t-il en mimant la messe basse sans pour autant baisser d’un ton.

Blandine se permit un rire cynique que personne ne releva sauf Carla, évidemment. Elle dû pourtant faire comme si elle n’avait rien entendu, pour ne pas perdre contenance devant cette briseuse de couple.

“ Ne sois pas impatient Nath’, nous savons tous que tu es pressé de porter ta robe de demoiselle d’honneur... ”

Voilà comment elle s’en sortait : avec une pirouette qui arracha quelque rire au public. La suite de la conversation fut donc tout aussi légère. Une demi-heure s’était écoulée depuis le début des festivités et déjà Blandine avait l’air d’être pompette.

Avec tout ça, Carla n’avait pas vue que sa bien-aimée s’était échappée et qu’elle était suivie de près.



***




Arrivée dans la cuisine seul un brouhaha instable parvenait aux oreilles de Maïwenn et c’était comme un soulagement. Par moment le bruit agissait sur elle comme un corps oppressant. Le fait était qu’elle avait beau jouer l’hôte parfaite, elle n’était pas tout à fait sereine ce soir. Une grande angoissée cette bretonne. Elle mettait toujours la barre très haut, même quand il s’agissait de satisfaire ses amies.

“ Est-ce que je peux t’aider en quoique ce soit ?”

Maïwenn resta sans voix lorsqu’elle se retourna, surprise de ne pas être réellement seule. C’était Patrick qui l’avait suivie jusque dans la cuisine et il affichait un de ses grands sourires impersonnels qu’il réservait aux passagers des avions.

“ Tu te plies en quatre pour nous tous, laisse-moi te donner un coup de main, insista-t-il en ouvrant les bras, paumes vers le haut, prêt à recevoir les consignes.

- D’accord, merci Pat’ ”

Elle avait cédé. Habituellement elle aurait volontiers menti, et avec conviction, pour dire qu’elle n’avait aucunement besoin d’aide, pour parfaire l’image de la soirée. Mais cette fois elle acceptait de casser les codes. C’était bien plus conviviale de tout faire ensemble. Elle se pencha alors sur le plan de travail en tournant à nouveau le dos à son collègue avant de lui tendre un plat qui contenait une salade composée très colorée, aux couleurs du printemps.

“ Apporte ça sur la table, je vous rejoins dans une seconde.

- Très bien ! ” Répondit-il avec enthousiasme.

Il allait repartir avec son éternel sourire et Maïwenn avait l’air soulagé de se débarrasser de toute distraction dans un moment où elle ne voulait qu’une chose : souffler un peu. Sauf que Patrick ne quittait pas la cuisine. Ses pieds frottèrent le sol, comme s’il faisait demi-tour avec hésitation.

“ Maïwenn ? ”

Elle cacha son malaise derrière un hochement de tête. Ce n’était pas la présence de Patrick qui la mettait mal à l’aise mais plutôt le fait qu’elle ait tant souhaité qu’il la laisse seule. Elle redoutait que son visage ne trahisse cette envie de solitude.

“ Tu es ravissante ce soir. Dommage que les normes de travail t’obligent à porter un uniforme et les cheveux serrés la plupart du temps. ”

Cette fois le sourire qui étirait ses lèvres n’était plus aussi superficiel, il était presque timide. Cela contrastait totalement avec sa posture droite et fière. Comme s’il s’était ramolli le temps d’un court discours. Sur quoi il sortit réellement de la cuisine, laissant la bretonne muette. Les questions fusaient dans sa tête. Venait-il de la draguer ouvertement, dans son appartement ?! L’image de Carla fit rapidement irruption au point de lui arracher une grimace. On aurait dit qu’elle se sentait coupable d’avoir subi un tel acte de rentre-dedans bien qu’elle n’y fût pour rien. Ou bien, était-ce parce qu’elle avait trouvé ce compliment agréable que le visage de Carla ne faisait qu’apparaitre devant ses yeux comme une hallucination ? Cette Carla-ci avait l’air plein de reproches, un de ces airs qu’elle connaissait peu à sa petite amie. Ça faisait froid dans le dos.



***




Si le temps n’avait pas paru trop long pour Maïwenn qui s’était réfugiée dans la cuisine un moment, Carla, elle, l’avait senti passer. Sans compter que Blandine n’avait pas manqué de lui faire remarquer l’absence de Patrick et son retour faussement anodin de la cuisine avec ce plat dans les mains. Une sorte de montée colérique s’était faite ressentir en elle. Une réaction face à un danger imminent sans doute. Elle avait bien vu comme ce stewart avait déshabillé Maïwenn du regard lorsqu’il l’avait aperçue à son arrivée, dans sa robe rouge justement cintrée. Sur le moment Carla avait même failli s’arracher l’intérieur de la joue pour faire taire sa possessivité.

“ Tu ne trouves pas cela étrange que Maïwenn soit encore dans...

- Tais-toi, la voilà. ”

Carla avait immédiatement coupé Blandine en voyant sa petite amie réapparaitre. Elle semblait concentrée pour éviter de renverser les divers bocaux qu’elle tenait dans ses bras et tout contre sa poitrine. C’était une façon de dire à Blandine qu’elle avait tort d’imaginer que Maïwenn soit aussi corrompue qu’elle. Maïwenn était bien trop... fidèle. Cette fois la blonde avait pris la mouche. Peut-être que l’alcool ne l’aidait pas à être souple. En tout cas, elle regardait Carla d’un oeil mauvais, comme si une idée noire naissait dans son esprit.

“ J’espère que vous avez faim ! ”

Maïwenn déposa alors une grande assiette fumante de rosbeef à peine sorti du four. L’odeur des oignons presque confits souleva toutes les narines. Alors la bretonne se mit à servir tous ceux qui voudraient bien tendre leur assiette. Carla laissa tous les inviter se faire servir, les uns après les autres, jusqu’à ce que ce soit son tour. Lorsque Maïwenn attrapa son assiette, elle évita soigneusement de ne pas lever les yeux vers elle, comme pour esquiver son regard. Ne sachant pas dissimuler la vérité à sa compagne Maïwenn ne pouvait faire comme si de rien était, même devant une foule d’invités. Heureusement pour elle, ils s’étaient tous jetés sur la viande et les légumes qui remplissaient leur assiette comme des morts-de-faim. Seule Carla avait capté ce message. Faut dire qu’elle la connaissait bien après ces longs mois de vie commune. Partager une vie de couple c’est se livrer jusque dans ses secrets les plus intimes. Evidemment Carla n’allait pas confronter sa petite amie, là, devant tout le monde, le soir de sa fête d’anniversaire. Elle n’en serait pas moins préoccupée pour le reste de la soirée.

Autrement le repas se déroula comme prévu. Nathanaël s’était improvisé humoriste et sa plus grande fan n’était autre que Blandine, la plus éméchée du groupe, sans nul doute. Ses éclats de rire animaient la table mais Carla s’en serait bien passé. Elle n’attendait qu’une chose, que tout le monde expédie sa part de gâteau pour qu’ils passent enfin au déballage des cadeaux et à la fin de cette soirée. Elle savait que ça ne s’étalerait pas trop dans le temps, après tout, tout le monde travaillait le lendemain matin, mis à part Nathanaël, le jeunot de la bande.

" Très bon ton far breton soeurette !

- Merci, mais ferme ta bouche quand tu parles."

Une autre vague de rire submergea la tablée. Carla mima les autres. Tel un caméléon, elle adaptait son comportement à la situation. Ça ne l’empêchait pas, au fond, d’être toujours autant pressée d’en arriver au bout. Blandine approchait de plus en plus dangereusement sa main de la sienne en la faisant subtilement glisser sur le bois. Au moment où leurs doigts allaient se toucher, Carla se leva d’un bond, claquant ses mains l’une dans l’autre.

“ Bon eh bien Maïwenn, tu vas pouvoir ouvrir tes cadeaux !”

L’enthousiasme de Suzanne et Nathanaël sauva la tentative de Carla. Les invités se levèrent assez rapidement et la brune aux yeux bleus alla timidement se pencher au-dessus du rassemblement d’objets emballés. Blandine avait profité de cet instant pour se faufiler juste à côté de Carla.

“ Tu m’avais promis de respecter ma demande. On avait dit pas de rapprochement, écartes-toi..., murmura Carla sans quitter le dos de Maïwenn des yeux.

- Tu n’avais qu’à pas être aussi désagréable, Carlita. Il ne faut pas trop jouer avec moi tu sais bien.”

Sur ce, la blonde se tourna vers son fils dont les yeux étaient dirigés dans la direction du premier paquet déchiré. Il s’agissait d’un énorme livre de photographies. Apparemment des photographies de la Bretagne sous tous ses angles. De quoi ravir les yeux de la voyageuse qui connaissait mieux les nuages que la terre ferme. Elle remerciait Suzanne d’une embrassade amicale, un grand sourire aux lèvres. Par la suite, elle découvrit un coffret de DVD, une saga qu’elle avait beaucoup appréciée et dont elle n’avait pas encore vu la fin apparemment. C’était un cadeau de Nathanaël, et il était assez fier d’avoir provoqué cette expression de ravissement qui avait transformé le visage de sa soeur. Un autre câlin, puis un autre cadeau. Cette fois, la boite était beaucoup plus petite. Carla fronça les sourcils en la voyant, rouge et élégante. Elle ne se souvenait pas avoir déposé cette fameuse boite sur la pile de cadeaux. Maïwenn en sorti un superbe tour de cou en argent. Il scintillait par endroit. Était-ce des pierres ?

“ Ouah c’est... ”

Maïwenn s’interrompit en se tournant, bouche-bée, vers Carla. Elle était surprise, effectivement. Carla n’était pas le genre de femme qui offrait des bijoux à sa petite amie. Le malaise s’installa lorsqu’une voix masculine s’éleva pour donner la réponse à tout le monde.

“ J’espère qu’il te plait. Des femmes m’ont conseillé, je ne suis pas expert en colliers. ”

Maïwenn glissa alors ses yeux sur son collègue qui n’avait même pas l’air gêné d’intervenir. Il était bien le seul à trouver cela parfaitement normal d’agir comme l’aurait fait son fiancé. Maïwenn, quant à elle, presque choquée, ne savait absolument pas comment réagir. Un filet amer de salive coula dans sa gorge, il était le résultat d’une sorte de déception. Evidemment que ça n’était pas Carla l’auteur de ce cadeau et quel dommage... Et dire qu’elle se sentait mal de devoir accepter tel objet de la part d’un homme qui l’avait dragué un peu plus tôt dans la cuisine. Elle dû finir par en conclure qu’il valait mieux faire comme si ce geste était anodin car elle alla enlacer Patrick à son tour en le remerciant.

" C’est... beaucoup trop, il ne fallait pas. "

Heureusement Patrick eut la décence de ne pas en rajouter une couche avec une phrase toute faite ressemblant à “Mais je t’en prie, tu le mérites” ou “Ce n’est vraiment rien...”, sans quoi Carla aurait certainement laissé son sang bouillant lui dicter sa conduite. Quel merdeux. Il faisait bien de profiter de cette embrassade. Les bras tendus et les mains crispées, l’espagnole n’était plus aussi pressée de voir le visage de sa compagne face à son propre cadeau, par peur de devoir subir l’échec d’un nouveau visage déçu. Mais Maïwenn ouvrit d’abord un autre paquet, celui de Blandine donc, si on procédait par élimination.

" Qu’est ce que... "

Avec lenteur, Maïwenn tira de l’emballage déchiré un véritable kit de sex toys. Ce qui choqua Carla ne fut pas le cadeau en lui-même, parce qu’avec Blandine c’était le genre de chose auquel il fallait s’attendre, mais le plus improbable c’était qu’elle venait de lui offrir ces objets-là ! Les copies conformes de ceux avec lesquels elle lui avait demandé de jouer dans une énième chambre d’hôtel. Mais quel immonde message Blandine tentait-elle de faire passer à travers ça ? Carla se retint pour ne pas se tourner vers elle et lui montrer à quel point elle lui en voulait d’être aussi perverse. L’obsession pour ces jouets sexuels était une des choses que Maïwenn et Blandine avaient visiblement en commun, chose dont Carla préférait se passer. Mais le fait était que Maïwenn se retrouvait dans une bien gênante situation à tenir ça entre ses mains.

" Oh aller Maïou, ne fait pas ta timide ! C’est pour rire, va. "

Maïwenn s’en débarrassa rapidement en les posant avec le reste, sur un coin de la table, dans l’acclamation générale et forcée des autres. Elle devait tout de même une bise à son amie. Le seul mérite qu’avait eu cet épisode déplaisant c’était la tête que Patrick avait fait en se souvenant sans doute que sa proie était lesbienne.

Il restait un dernier présent à découvrir, celui de Carla. Ce n’était qu’une simple enveloppe bleue. Intriguée, et surtout encore un peu sous l’emprise de l’embarras, Maïwenn ouvrit soigneusement l’enveloppe pour en tirer deux morceaux de papier. Les invités penchaient la tête comme pour essayer de lire ce qu’elle était en train de dévorer des yeux, et au moment où elle leva les yeux à la recherche de ceux de Carla, on aurait dit qu’elle avait pris peur.

" Tu m’emmènes voir ta famille à Séville ? "

Mais elle n’avait pas peur, elle était émue, Carla le sentait à sa voix. Celle-ci hocha simplement la tête pour acquiescer, sans bouger un autre membre. De là Maïwenn se jeta sur elle pour la prendre dans ses bras, une expression de bonheur figée sur son visage pâle.

" Oh mon amour ! S'exclama-t-elle en plongeant son minois dans le cou de Carla. Vraiment ? Chuchota-t-elle pour que seule Carla l’entende.
- Oui, vraiment... je crois qu’il est temps. "

Heureusement personne n’était capable de voir à quel point elle avait eu du mal à dire cela. Si Carla avait décidé d’emmener Maïwenn avec elle dans son pays c’était avant tout pour l’éloigner de la France et de Blandine. Ensuite, elle en avait conclu, seule, que lui présenter les Ruiz ne pourraient que les rapprocher, d’une autre manière plus officielle. En tout cas la façon dont cette nouvelle les rapprochait à cet instant même lui faisait beaucoup de bien. Elle eut même du mal à desserrer son étreinte pour laisser sa bretonne s’écarter et reprendre son boulot d’hôte.

" Merci à tous, merci beaucoup. Vous êtes géniaux."
Départ imminent by MelHp7
Author's Notes:
Ce chapitre est un peu particulier car il ne s'inscrit plus dans la démarche du labyrinthe (celui-ci s'étant arrêté). Je n'ai donc eu aucune consigne pour l'écrire. A moins que je change d'avis, il s'agit du dernier chapitre de cette fiction. Bonne lecture !
La semaine était passée à une vitesse phénoménale. Une semaine riche en émotion pour Maïwenn et assez complexe pour Carla. Tandis que l’une avait dû gérer son emploi du temps au mieux pour organiser son départ (rencontre des beaux-parents oblige), l’autre avait dû maitriser l’humeur intempestive de Blandine qui la harcelait littéralement par téléphone. Dieu merci on avait inventé le mode silence.

Le samedi du départ, le couple s’était levé à l’aube pour finaliser les bagages. Une grosse valise suffisait pour elles deux, bien que les affaires de Maïwenn en occupaient les deux tiers. A 8h30, la langue chantante de Carla réglait des comptes à travers le mobile alors que la bretonne faisait encore quelques allers-retours entre la salle de bain et la chambre. Elle trouvait toujours quelque chose à ajouter dans un coin libre de la valise. Ça ne l’empêchait pas de laisser trainer son oreille pour capter des bribes de la discussion téléphonique. Sans en être certaine, elle pensait comprendre que le cousin de Carla, Raul, ne pourrait pas être là pour venir les chercher à l’aéroport. Un imprévu qui ne plaisait guère à l’hispanique dont le ton montait subtilement. En faisant une pause dans son remue-ménage, Maïwenn glissa une main affectueuse dans la nuque tendue de sa compagne. Celle-ci avait beau garder un ton grave, Maïwenn pouvait constater que ses poils se hérissaient sur sa peau en réaction à ce contact doux et bienvenu.

“Bon eh bien, c’est ma soeur qui viendra nous chercher mais elle aura une demi-heure de retard.”, dit Carla après avoir raccroché. Sa voix était bien plus mesurée maintenant qu’elle s’adressait à Maïwenn.

“Oh ça ne fait rien, chérie. Le plus important c’est qu’on atterrisse en vie.”

Drôle de façon de parler pour une hôtesse de l’air, n’est-ce pas ? Ça n’était pas de l’humour noir. Maïwenn avait simplement la fâcheuse tendance à être stressée et stressante lorsqu’elle occupait la fonction de passagère dans un avion. Faut dire qu’elle aimait avoir les choses en main, sans mauvais jeu de mot. En tout cas elle avait réussi à provoquer un sourire sur les lèvres de Carla.

La pause détente fut cependant de courte durée. Carla leva son poignet gauche, lisant l’heure pour la dixième fois depuis qu’elle avait mis les pieds hors du lit.

“Il faut se bouger maintenant ! L’avion part dans deux heures et je sais que tu aimes bien qu’on ait suffisamment d’avance...”

Carla faisait mouche avec cette précision. Maïwenn sorti de sa semi-rêverie et s’en alla à nouveau dans la salle de bain. Cette fois c’était pour terminer sa toilette du jour. Carla était déjà prête. Elle attrapa la valise qu’elle venait de fermer sans demander l’autorisation, et la souleva du lit dans l’espoir irraisonné qu’elle n’atteignait pas les vingt kilos réglementaires. Le poids, surprenant de légèreté (tout est relatif), déstabilisa Carla qui avait préparé une force herculéenne pour la porter. Au moment de sortir de la chambre elle vit Maïwenn réapparaitre, toute en beauté. Ses cheveux bruns brillaient maintenant, et ses yeux étaient soulignés de noir. Mais ce qui arracha les yeux de Carla fut la vue de ce majestueux collier autour de son cou. Elle en détourna vite le regard et traversa le couloir pour déposer la valise dans le salon. Ce que ce bijou pouvait lui mettre les nerfs. Et elle allait devoir le supporter jusqu’à ce que Maïwenn s’en lasse et remplace, ou jusqu’à ce qu’elle le perde accidentellement...

Ding-dong. On sonnait à la porte.

“C’est chez nous que ça vient de sonner ?”, demanda Maïwenn en passant la tête hors du couloir.

Carla ne répondit rien. Elle savait très bien que c’était chez eux qu’on avait sonné, et ce n’était vraiment pas le moment. Lâchant prise sur la valise, elle se déplaça jusqu’à la fenêtre qui donnait sur le parking. Ses yeux s’écarquillèrent lorsqu’elle crut reconnaitre la berline noire de Patrick, celle qu’il avait fait vrombir au moment de partir après la fête d’anniversaire. Maïwenn s’apprêtait à aller ouvrir, l’air interrogateur, mais Carla la devança d’un pas vif.

La porte s’ouvrit et dévoila le visage et le sourire plastifié de Patrick. Il avait bien choisi son jour pour débarquer à l’improviste.

“Bonjour, qu’est-ce que tu fais là ?, dit Carla peu engageante et sans vraie politesse.

-Je veux parler à Maïwenn.”, répondit-il sans plus de forme.

Le stewart, dans sa chemise bordeaux, fit glisser son regard au-dessus de Carla qu’il dominait par sa taille. D’un geste inattendu il poussa la porte d’entrée en grand et se fraya un chemin pour entrer, écartant Carla au passage.

“Ça ne va pas ? Hey, je ne te permets pas de rentrer chez moi !”, hurla Carla désarmée, avec l’espoir sans faille que ça arrêterait cet idiot dans sa démarche.

Malheureusement pour elle, Patrick avait la détermination avec lui. Maïwenn se redressa, prise au dépourvu. On aurait dit un petit animal pris entre deux phares, incapable de bouger et incapable de s’évanouir.

“Maïwenn, il fallait que je vienne te le dire, avant que tu prennes l’idiote décision de t’envoler pour Séville. Patrick marqua une courte pause. Je t’aime Maïwenn, et je ne crois pas être fou de penser que tu ressens quelque chose pour moi aussi.

-Patrick tu.., balbutia Maïwenn avant d’avaler difficilement sa salive, lançant un regard de détresse à Carla.

-Quoi ? Sérieusement Patrick !? Grogna Carla en les rejoignant près du couloir. Tu crois pouvoir déclarer ta flamme à ma future femme, sous mes yeux ? Tu es ridicule... vete de aqui, dégage !”

Dans un mouvement rapide, Patrick se retourna, l’air sévère, vers Carla. On aurait dit qu’il enrageait tout à coup. Le combat de rivalité s’engageait alors.

“Toi tu n’as absolument rien à dire.

-Oh si j’ai quelque chose à …

-Oh non ! Répliqua fermement Patrick. Il lança un regard implorant à la bretonne. Maïwenn, cette fille te trompe. Je suis navré de te l’apprendre de façon aussi brutale, mais Carla couche avec Blandine.

-Qu’est-ce que tu racontes Patrick... Inutile de salir Carla, si tu crois que ça fonctionne comme ça.”

Maïwenn avait donc retrouvé la parole, elle était choquée par ces accusations, et Carla était devenue muette.

“Carla, pourquoi il dit ça ? C’est quoi cette histoire ?

-Je l’ai compris tout de suite dimanche dernier. Tu n’as pas vu comme Blandine lui faisait du rentre-dedans ? Et bien sûr tu n’as pas vu son pied sous la table. J’ai même surpris un morceau de discussion entre elles... ça m’a tout simplement dégoûté. Tu mérites mieux que cette infidèle, Maïwenn.”

Le silence s’installait doucement. Patrick le laissait faire en pensant que la réflexion avait du bon. Maïwenn, quant à elle, sentait ses membres se mettre lentement à trembler. Le regard trouble à l’idée que son collègue lui dise la vérité, elle suppliait Carla qui se pinçait les lèvres.

“Je.. je peux tout t’expliquer, ce n’est pas.. Ce n’est pas ce qu’il raconte. Ese pendejo ne sait rien.

-Carla dis-moi simplement que ce n’est pas vrai. Dis-moi que tu n’as pas fait ça, je t’en supplie.”

Les larmes, de grosses larmes montaient aux yeux de Maïwenn les apparentant d’autant plus à la mer. Cette vision brisa le coeur de Carla qui baissa la tête, découragée de devoir enfoncer le clou. Cette fois elle ne se pinçait plus les lèvres, elle se les mordait, déplorant d’être coupable d’adultère.



Ding-dong. On sonnait à la porte.

“C’est chez nous que ça vient de sonner ?”, demanda Maïwenn en passant la tête hors du couloir.

Carla ne répondit rien. Elle savait très bien que c’était chez eux qu’on avait sonné, et ce n’était vraiment pas le moment. Lâchant prise sur la valise, elle se déplaça jusqu’à la fenêtre qui donnait sur le parking. Le soulagement envahit Carla tout entière lorsqu’elle ne vit aucune voiture familière sur le parvis. Pas de berline noire, pas de Patrick. Le temps de cette réflexion, Maïwenn était partie ouvrir la porte.

“Oh, Blandine, mais qu’est-ce que tu fais-là, tu sais bien qu’on doit partir...

-Salut Maïwenn, excuse-moi.”

Carla se tourna vers la porte d’entrée et vit une partie du corps de Blandine. Des cheveux blonds qui tombaient sur la partie visible de son buste, une jambe fléchie, recouverte d’un collant noir. Elle plissa fortement les yeux comme pour se débarrasser de la pensée déviante qui venait de faire irruption dans son esprit alors que Maïwenn tenait la porte face à son amie.

“Dimanche soir je pense avoir oublié quelque chose chez toi, euhm... je peux entrer ?”

Le coeur de Carla s’accélérait à l’idée que Blandine entre chez elles. Sans compter que ce ton intimidé qu’elle prenait ne semblait pas du tout naturel. C’était comme si elle avait préparé un nouveau coup. Carla en était presque à regretter le fait que ce soit elle qui déboule chez elle plutôt que Patrick. Blandine était imprévisible et sans gêne. À tout moment elle pouvait tout dire, et elle n’irait pas de main morte, Carla en était certaine.

“Très bien, fais comme chez toi mais fais vite, on part dans dix minutes, maximum.

-Merci, je me dépêche !”

Maïwenn refermait la porte derrière Blandine et haussait les épaules à destination de Carla qui se faisait discrète. La blonde fit quelques pas et se mit à sourire lorsqu’elle vit son amante.

“Salut Carla.”

Carla hocha la tête. Maïwenn fila dans la cuisine. Comme d’habitude elle allait manger à la dernière minute, histoire de ne pas se retrouver affamée dans l’avion. Ce qu’on y servait à manger était la plupart du temps à la limite de la péremption, répétait-elle souvent.

Blandine ne s’attarda pas dans le salon. Elle fit simplement signe à Carla de la suivre. D’un pas pressé elle se glissa dans le couloir et ses talons résonnèrent jusqu’à la salle de bain. Une sorte de boule nerveuse tordit le ventre de Carla qui fixait l’ouverture de la cuisine. N’y va pas, Carla, n’y pense même pas. Sa morale avait le mérite d’exister. Pourtant l’excitation était à son comble. C’était fou à quel point elle pouvait être en colère contre Blandine tout en la désirant de manière aussi indécente. Elle ne s’était pas rendue compte qu’elle serrait le bord de fenêtre en bois entre ses mains crispées, la tête basse, alors qu’elle luttait contre ses démons intérieurs.

“Carla, où est Blandine ?”, demanda Maïwenn qui mâchait encore quelque chose de croustillant.

Carla se redressa immédiatement en ouvrant les yeux. On aurait dit qu’elle se réveillait d’un mauvais rêve.

“Oh euh... no lo se, peut-être dans la salle de bain, lança-t-elle en haussant les épaules.”

Maïwenn fronça les sourcils et s’engouffra à nouveau dans le couloir menant au reste des pièces de l’appartement. La porte de la salle de bain était presque fermée.

“Blandine... ? Qu’as-tu perdu au juste ?”, demanda Maïwenn en poussant lentement la porte de la salle de bain d’où son amie en sortait tout juste, les mains derrière le dos.

“Ma bague ! Dit-elle en montrant vivement le dos de sa main droite. J’avais dû la laisser là quand je suis venue me laver les mains. Je suis tête en l’air.

-Ah, eh bien contente que tu l’aies retrouvée.”

Après cet épisode douteux, selon Carla, Blandine lui a lancé un regard noir de reproche et a salué le couple en leur demandant (faussement) de bien s’amuser pendant leur séjour en Espagne. Elle était bel et bien partie et aucun drame n’avait explosé. Rien n’avait fuité. Il était 8h42 lorsqu’elles dévalèrent les escaliers pour rejoindre la voiture sur le parking. Finalement elles arrivèrent un peu plus tard que prévu à l’aéroport Saint-Jacques, mais suffisamment en avance pour enregistrer leur unique valise. Le départ n’avait pas pris de retard, elles étaient montées dans l’avion sans encombre et avaient pu voyager l’une à côté de l’autre. Maïwenn était ravie. Elle rayonnait. Rien que pour cela Carla était heureuse. Tout ce qui avait pu embrouiller son esprit jusque-là s’était évanoui dans les yeux bleus de Maïwenn.



***


Je les ai laissées partir toutes les deux vers leur rêve honteux de relation parfaite. Maïwenn avait l’air tellement comblée par ce voyage chez les Ruiz que j’avais eu envie de vomir au moment où elles m’ont fait coucou par la fenêtre de chez elles. Ça m’était vite passé une fois dans le bus. Je sais que leur idylle sera de courte durée. J’ai déjà imaginé toute la scène de retour de leurs vacances. La réaction de Maïwenn en voyant le string provocateur sous le meuble de la salle de bain, son éclat de voix en lisant le post-it caché à l’intérieur, les tentatives désespérées de Carla pour sortir de cette situation navrante dans laquelle je l’aurai piégée, la colère brute et sèche de Maïwenn qui ne lui laisserait aucune autre option que celle de partir, et l’impuissance de Carla face à cet état de fait : elle lui a été infidèle.
End Notes:
Merci à ceux qui ont suivi cette fiction, et à ceux qui ont débarqué il y a peu. N'hésitez surtout pas à donner votre avis ou même votre ressenti.



A bientôt sur une autre fiction !
Cette histoire est archivée sur http://www.le-heron.com/fr/viewstory.php?sid=1620