Epreuve 4 : Possibilités infinies by sakura284
Summary:

Épreuve 4 au concours le Seigneur des Plumes - Le retour du Héron


Categories: Concours, Tragique, drame, Handicaps Characters: Aucun
Avertissement: Aucun
Langue: Français
Genre Narratif: Aucun
Challenges:
Series: Aucun
Chapters: 1 Completed: Oui Word count: 877 Read: 1847 Published: 13/03/2018 Updated: 16/03/2018

1. Épreuve 4 by sakura284

Épreuve 4 by sakura284

Je décide de m'installer à mon bureau là où j'avais l'habitude de travailler et j'espère un miracle. Une fois de plus.



La chaise gémit sous mon poids mais ces lignes harmonieuses et confortables m'accueillent comme autrefois et me
donnent la force d'accomplir mon dessein.


Le bois du meuble vibre sous l'impact de mon tâtonnement tel un ronronnement rassurant. Je saisis mon outil
préféré et le caresse fébrilement avec empressement et envie.


Sous mes doigts, les contours de mon critérium prennent vie dans mon imagination.


Je m'attarde ensuite sur la feuille posée devant moi. Je fais glisser lentement ma main sur le papier fin et ressent
chacun de ces grains.


Je soupire de bien-être à ce contact.


Je patiente un peu pour me donner du courage puis me lance.


Le crayon obéit à mon ordre et vient se poser délicatement sur le papier. L'esquisse naît peu à peu et intérieurement,
je suis en effervescence. Un sentiment de liberté et de possibilités infinies s'ouvre à moi. Je les ressens pleinement
avec un certain soulagement. Je n'ai peut-être pas tout perdu dans cet accident de voiture.


Frénétiquement, j'instille à mes gestes plus d'aisance. Avec le temps, je prends davantage confiance et me laisse
envahir par le bonheur. A cet instant, rien ne peut m'arrêter. Excepté la limite de ma feuille blanche.


Mon enthousiasme s'évanouit lorsque je sens le décrochement m'indiquant que mon critérium à quitter la feuille
pour se loger sur la table. Je me détache lentement de mon utopie à la façon d'une personne qui se serait réveillée
d'un mauvais rêve et remet les pieds sur terre. Je pense alors à mon chef d'oeuvre qui ne doit être en réalité qu'un
gribouillis informe et mon monde s'effondre.


L'écho d'un "pourquoi" terrible raisonne dans ma tête et paralyse mon cerveau. Un mélange de dégoût et
d'horreur me transperce la poitrine. Le choc passé, ma langue passe sur mes lèvres avec colère, impatience et
frustration.


Je poursuis malgré tout mon griffonnage comme si quelque chose de nouveau allait arriver. Mais à chaque fois c'est
pareil : l'ennui étreint mes entrailles et la douleur contracte abominablement mon estomac.


J'ai des picotements qui me submergent mais je refuse de laisser échapper un sanglot.


De loin, je l'entends approcher malgré ces pas de loup. Comme à l'époque où je n'y prêtais pas encore autant
d'attention, il s'apprête à me prendre par surprise.


Ce temps-là est révolu.


Je suis amère et je sais qu'il le reconnait à mon visage hermétique. Dans ces moments là, il est conscient que je
veux être seule avec mon deuil et s'éloigne pour me donner ma tranquillité. Mais pas aujourd'hui.


Je sursaute lorsqu'il arrive dans mon dos et m'enserre de ses bras fermes. J'ai envie de me mettre à crier contre lui
pour extérioriser mes démons mais avant que le moindre mot puisse s'échapper de ma gorge, je sens un liquide
dégouliner le long de mon cou où son visage avait trouvé refuge. Je reconnais par les sillons collants tracés par cette
substance les larmes de mon conjoint.


Lui qui n'admet jamais son désarroi, il me désarme. Comme une bombe que l'on aurait désamorcé, je me retourne
vers lui pour le prendre dans mes bras à mon tour.


Il ne doit pas souffrir pour ça. Je n'accepte pas qu'il puisse se sentir responsable de ma décadence.


C'est vrai qu'il conduisait ce soir-là alors que nous nous rendions chez mes parents. Et pourtant, il n'aurait rien pu
faire pour changer le cours des événements qui ont bouleversé notre vie. Jamais il n'aurait pu éviter la camionnette
qui nous a percuté il y a déjà un an et demi.


Jusqu'à maintenant, il s'était toujours montré courageux, à me soutenir et à m'aider dans les diverses tâches que je
ne pouvais désormais plus accomplir seule. Aujourd'hui, je veux être ce support si solide qu'il a été pour moi durant
cette année de souffrance.


Je refuse qu'il porte le fardeau de mon handicap qui a mis fin à mes rêves d'illustratrice.


Aussi, je m'éloigne doucement et prend son visage dans mes mains pour en dessiner les contours.


Je caresse fébrilement l'arrête de son nez, ses sourcils et l'ossature de sa mâchoire puissante. Je me délecte du grain
de sa peau qui défile sous mes doigts et m'imprègne de sa chaleur étourdissante.


Mon esprit rassemble en mémoire les détails de son expression amoureuse, la douceur de ses gestes et certains de
ses défauts adorables.


J'inspire de bien-être et m'enivre de son odeur envoutante.


Mon coeur manque un battement.


J'hésite un instant sur ses lèvres mais finit par me pencher sur lui pour les capturer. J'ai besoin de goûter à sa chair,
d'explorer son corps du bout de ma langue.


Je l'entends émettre un grognement félin irrésistible et peu à peu je sens l'empressement et l'envie naître sous mes
assauts.


De nouveau, l'effervescence puis un sentiment de liberté et de possibilités infinies s'infiltre en moi et se transforme
rapidement en un bonheur absolu qui me donne l'impression de pouvoir soulever des montagnes.


Seulement, contrairement à mon fol espoir de retrouver mes talents de dessinatrice, je réalise que ce sentiment ne
disparaît pas après le dénouement de notre folle nuit. Au contraire, il s'amplifie.


Avec le temps.

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