Un Noël dystopique by MelHp7
Summary:
Winter by StFabulous modifiée par mes soins


Arrêtons de nous leurrer. L'avenir, même s'il est pour le moment inaccessible, reste un futur proche et certain. Vous croyez qu'il sera meilleur, qu'il nous sauvera, alors vous vous reposez sur vos acquis ?
Moi je sais comment ça va se passer...

Pour le Calendrier de l'Avent 2017 organisé par les Beiges, voici mon recueil de 24 textes dont les 24 thèmes sont ceux de la liste de SteamLicorne.
Categories: Utopie/Dystopie, Humour, Science-Fiction, Société, Textes engagés Characters: Aucun
Avertissement: Aucun
Langue: Français
Genre Narratif: Nouvelle
Challenges:
Series: Calendrier de l'Avent du Héron 2017
Chapters: 24 Completed: Oui Word count: 14573 Read: 177131 Published: 04/11/2017 Updated: 24/12/2017
Story Notes:

Voici la liste des 24 thèmes dans l'ordre d'origine :

Téléphone
Londres
Provence
Clavier
Écrire
Voyage
Tableau
Vieillir, c'est être vivant
Faire passer les personnes avant les choses
L’imagination est plus importante que le savoir*
Les folies sont les seules choses que l'on ne regrette jamais*
Tempus fugit, irreparabile.
Ville
Mythe
Animal
Cérémonie
Attente
Souvenirs
Santons
Enigme
Musique
Jack l'Éventreur
Aïeul
Valise

1. Qu'est ce qui a tué Franck Dubalais ? (1er décembre) by MelHp7

2. London Eye (2 décembre) by MelHp7

3. Cérémonie judiciaire (3 décembre) by MelHp7

4. Nuage toxique (4 décembre) by MelHp7

5. Le GPS magique (5 décembre) by MelHp7

6. Réincarnation (6 décembre) by MelHp7

7. Oublier c'est s'oublier (7 décembre) by MelHp7

8. Contemplation (8 décembre) by MelHp7

9. La vie est fatalité (9 décembre) by MelHp7

10. Histoire ou roman ? (10 décembre) by MelHp7

11. "From Hell" (11 décembre) by MelHp7

12. Les Yupiter (12 décembre) by MelHp7

13. Hacker (13 décembre) by MelHp7

14. Devinette (14 décembre) by MelHp7

15. L'urbanisation tue (15 décembre) by MelHp7

16. Vigilance constante (16 décembre) by MelHp7

17. Happy family (17 décembre) by MelHp7

18. Création (18 décembre) by MelHp7

19. Séparation (19 décembre) by MelHp7

20. Noël désenchanté (20 décembre) by MelHp7

21. The last song (21 décembre) by MelHp7

22. Oser c'est se donner une chance (22 décembre) by MelHp7

23. Angoisse et désir (23 décembre) by MelHp7

24. Les Mots libérateurs (24 décembre) by MelHp7

Qu'est ce qui a tué Franck Dubalais ? (1er décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Le thème du 1er décembre était : Téléphone

Attention aux yeux, ça peut par moment choquer d'où le (-12 ans).
Il y a trois jours, Franck Dubalais est décédé. Ce jeudi matin là, alors qu'il était sur le chemin du travail comme n'importe quel matin, il a croisé la route d'un tueur aux abords de la départementale 134. Le soir même, son corps a été retrouvé en deux morceaux distincts dans un chemin boueux au beau milieu de la rase campagne. Vous imaginez bien que la dépouille n'avait rien d'appétissante et c'était peu de le dire. Il n'y avait qu'à regarder la tête de mon brigadier pour comprendre que la scène n'était vraiment pas belle à voir. 

A la reconstitution des circonstances du meurtre, il s'est avéré que le véritable problème de cette victime eu été son téléphone portable. Plus que le tueur lui-même, cet appareil électronique a définitivement scellé le destin de ce pauvre homme. 

En interrogeant la femme de Monsieur Dubalais, nous avons appris qu'il était parti de chez lui plus tard qu'à son habitude. En vérité il avait pris sa voiture avec cinq minutes de retard par rapport aux autres matins. Rien de bien grave me direz-vous. Seulement, ce léger retard, il a voulu le combler en prenant un "raccourcis" : une route de campagne quasiment déserte où il s'est permis de conduire au-delà de l'allure réglementée, d'après le relevé du compteur. 

C'est sur cette route perdue que le fameux tueur lui a tendu un piège habile bien que vieux comme le monde. Jouer le coup de la panne, en pauvre agriculteur, c'est du déjà vu. Mais il faut croire que ce Franck avait bon coeur (et surtout qu'il n'était pas très futé), malgré son retard.  

La cartouche qu'on a retrouvé dans la jambe gauche de la victime a fait dire au médecin légiste que Franck s'est fait tirer dessus à bout portant à l'aide d'un fusil à pompe comme l'on n'en fait plus. A peine a t-il mis le pied en dehors de son véhicule qu'il était déjà à genoux à supplier un inconnu de l'épargner. Du moins, c'est-ce que les traces de sang sur le goudron laissent penser. 

Le tireur a dû traîner Franck dans sa fourgonnette d'où le fait qu'on ait retrouvé la Clio Renault de la victime au bord de la route. 

Ensuite, je dois avouer que l'on a un peu perdu sa trace. Tout ce que l'on sait, aux vues de l'état du cadavre, c'est que Franck a vécu un enfer avec ce fou furieux. Si son corps était sectionné en deux au niveau de la taille, son bras droit, lui, avait été ouvert dans toute la longueur par un cuter rouillé, au point qu'on puisse voir ses muscles. La totalité de ses cheveux ont été brûlés par un chalumeau. On a également retrouvé quelques morceaux de vieilles vis plantées dans son torse et des tas de punaises dans son estomac. 

Tout cela pour dire que si son fichu téléphone portable n'avait pas sonné à 7h15, ou que Franck avait ignoré l'appel ce jeudi là, il n'aurait pas été en retard et comme d'habitude il aurait pris la départementale au lieu de couper à travers champs. Inutile de préciser qu'il n'aurait certainement jamais croisé le chemin de ce taré. Néanmoins... nous ne pouvons écarter l'éventualité selon laquelle quelqu'un d'autre aurait finit par tomber dans le panneau du tueur. 
End Notes:
L'humour noir ce n'est pas du tout mon rayon...
London Eye (2 décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Le thème était : Londres

Un petit passage peut paraître choquant, d'où le (-12 ans)
En 2018, Londres est la capitale européenne du high-tech. Plus investie que Berlin, elle cache dans son quartier d'affaire des entreprises scientifiques et informatiques qui produisent des bijoux de technologie. Nous avons interviewé un homme qui est au coeur de l'action. 

"Je travaille dans la plus riche mais aussi la plus secrète des organisations londoniennes. Je suis employé par un scientifique pour inventer un système permettant la géolocalisation la plus parfaite via la détection satellitaire. En un simple clic je serai bientôt à même de connaître la position de n'importe qui à condition de posséder une photo de la personne recherchée. 

Vous n'imaginez pas à quel point cela pourra faciliter le travail de la police. Un enfant disparu, un tueur en fuite... vous n'aurez qu'à scanner une photographie, la rentrer dans ce logiciel et là, un moteur de recherche automatique fait le tour des appareils électroniques en marche possédant une caméra jusqu'à retrouver le visage en question grâce à la reconnaissance faciale. Pour le moment, le logiciel a tendance à faire des confusions entre les traits des visages et se focalise finalement sur une personne très ressemblante à celle que nous recherchons. Mais petit à petit l'application enregistre les données qu'on y rentre (les photographies), et les sauvegarde une bonne fois pour toute, comme google par exemple qui stocke un nombre de données incalculables. Autrement dit, le logiciel ne risque pas de faire deux fois la même erreur et comme on dit "l'erreur faire avancer". Les machines ne sont pas si différentes de nous.


G. McLaggen 
10/01/2018 

Un an et demi après la parution de cet article dans The Guardian, George McLaggen est mort assassiné après avoir été suivi jusqu'à son lieu de travail. Son oeil droit lui a été arraché afin de passer la sécurité à reconnaissance oculaire. Depuis ce jour, ce qu'on appelé L'OEil de Dieu a disparu. Alors qu'il allait être vendu aux autorités britanniques, un groupe terroriste s'en est emparé. 

Cela fait maintenant un peu plus d'une semaine que les délits et les crimes sont en hausse à Londres. On compte déjà six morts dont deux règlements de compte, un accident de la route suspect et trois suicides. Deux blessés grave sont actuellement en soin intensif à l'hôpital. Il semblerait que les détenteurs de l'OEil de Dieu jouent de leur avantage pour faire chanter les gens jusqu'à leur faire faire des choses abominables. En plus d'être introuvables, ils n'ont pas de sang sur les mains. 

Les gens deviennent paranoïaques et beaucoup ont résilié leur abonnement téléphonique et leur forfait internet. Certains ont même coupé toute l'alimentation électrique chez eux pour être sûrs de ne pas pouvoir être contactés ou épiés par les cyber-terroristes. Le monde devient fou. L'époque Moderne nous manque. Celle durant laquelle l'on pouvait avoir une vie privée bien distincte du reste. Le temps où l'on pouvait plus facilement se réfugier dans un cocon. Je crois que le temps est venu pour l'homme de regretter.  
End Notes:
On n'y est pas encore mais presque, hein ?
Cérémonie judiciaire (3 décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Le thème était : Cérémonie
Aujourd’hui est un jour spécial, Kristen sort de prison et on va fêter ça. J’apporte une bouteille de champagne européen, la pauvre n’a pas goûté à l’alcool depuis plus de cinq ans. La dernière fois que je l’ai vue elle était si blanche que je la confondais avec le mur du parloir. Son regard m’a semblé si vide qu’on aurait dit qu’elle n’était plus capable de ressentir quoique ce soit. Cette attitude la rendait transparente. C’était il y a deux mois. 

Maintenant elle doit être tellement heureuse de revoir le monde extérieur, qu’elle a sûrement retrouvé toutes les couleurs que je lui connais. Je suis d’autant plus excité de la retrouver. Sa joie de vivre, c’est ce qui me manque le plus. Quand j’y pense, l’enfermer était la chose la plus cruelle qu’on puisse lui faire. Mais la liberté lui est enfin rendue, en ce 20 mars 2017. 

Josh était en route pour la salle des fêtes de la ville pendant que Kristen terminait de signer un tas de papiers qui scellaient la fin de sa peine. Derrière la dernière porte de métal blindé, son ex-petit ami, ses parents et une femme a priori inconnue, attendaient nerveusement. Les yeux plissés, le visage livide, Kristen parut dehors. Les deux gardiens qui l’escortaient ne la tenaient plus. Elle était libre de ses mouvements. Pourtant, Kristen osait à peine avancer. Seul son regard était actif, comme si elle cherchait quelqu’un. Mme Johanson ne put se retenir plus longtemps. Les larmes aux yeux, elle réduisit la courte distance qui la séparait de sa fille désormais trentenaire, pour l’embrasser et la serrer dans ses bras. La sentir contre elle ne fut pas aussi apaisant qu’elle l’avait cru. D’abord Kristen restait impassible, puis sentir son corps frêle se dissiper refroidissait ses ardeurs. Il ne lui en fallut pas plus pour imaginer sa progéniture en proie à des menaces et des coups bas de femmes dangereuses. La prison avait dû être une torture pour elle, qu’elle avait toujours connue si douce et sérieuse. 

Sam, le dernier de la famille, n’avait pu s’empêcher de questionner sa soeur qui ne dit aucun mot. Aussi perturbant que cela puisse être, ils entrèrent tous dans la voiture familiale pour se rendre à la petite cérémonie qu’une femme avait absolument voulu dédier à Kristen. Il s’agit de Jane Right, une militante féministe et ancienne avocate. Le jour où elle a appris l’incarcération douteuse de Kristen dans les journaux, elle s’est mise en tête de l’aider. Elle a contacté la famille Johanson qui a d’abord refusé son implication. Puis sous le poids de ses arguments et du désespoir, Mme Johanson a finit par accepter. Jane a alors cherché à se mettre en relation avec certaines co-détenues de Kristen pour leur suggérer de la protéger. Elle a également envoyé une psychologue professionnelle lui rendre visite au parloir. Mis à part au téléphone, elle n’avait jamais eu de contact direct avec Kristen.  

A l'arrivée de la famille à nouveau au complet, une petite foule de gens les attendait, un verre à la main, le sourire aux lèvres souvent, la larme à l'oeil parfois. Le grand air était frais mais en général, la plupart des personnes présentes profitaient du soleil et de la musique. Toute cette ambiance contrastait violemment avec le visage fermé de Kristen qui n'avait pas décroché un mot, même dans la voiture où personne n'avait osé briser le silence. Un immense écran avait été monté sur une estrade avec pour fond quelques arbres bien verts et des fleurs diverses. Petit à petit, les groupes de discussions qui s'étaient formés se fragmentaient et le lieu devenait moins bruyant. De son côté l'ancienne prisonnière cherchait toujours l’intrus parmi les invités. C'est à ce moment-là qu'elle se rendit compte que la fameuse inconnue leur avait fait faux bond. C'est ce qu'elle cru en tout cas, jusqu'à ce qu'elle la remarque sur l'estrade avec une autre femme, une femme qu'elle reconnut comme étant sa psychologue carcérale. Alors elle comprit. 

De son côté, Josh venait à peine de garer sa vieille Chevrolet des années 1990 sur un parking quasiment plein. Lorsqu’il sortit du véhicule il tenait déjà sa bouteille de champagne. Il s’était fait beau pour l’occasion, du moins à son petit niveau. On voyait bien que ce style chic clochait sur lui, mais lui se sentait très fier. Souriant, il rejoignit la foule comme n’importe lequel des convives.
C’est le rapprochement physique de la psychologue, Teresa Milles, et de Jane Wright qui attira l’attention de Kristen. Les deux femmes regardaient en direction de la foule. Kristen suivit leur regard et tomba nez-a-nez avec Josh lorsqu’elle se retourna. Celui-ci la saisit par le poignet, un sourire encore plus imposant sur les lèvres. 

- Alors Kristen, tu te cachais ? Eh bien, tu ne me dis pas bonjour, après tout ce temps ?! 

Kristen aurait bien aimé hurler cette fois, de toutes ses forces. Elle avait redouté sa venue jusqu'au bout et maintenant qu'elle l'avait face à elle, elle n'avait qu'une envie : lui tordre le cou. Elle était devenue écarlate, et c'est la colère qui lui donnait cette teinte. Sa main libre serrée en un poing bien rond était prêt à partir quand la voix envahissante de Jane Right se fit entendre. 

- Mesdames et messieurs, bienvenue et merci d'être ici, tous présents pour notre chère Kristen. 

Tous les invités semblaient regarder leur interlocutrice, comme attirés par le son de sa voix. Quant à l'invitée d'honneur, Kristen, son coeur avait fait un bond avant de s'arrêter. Elle était le centre d'attention de cette petite cérémonie et elle détestait cette sensation. Une photo de Kristen, encore jeune et souriante avait été projetée sur l'écran géant. 

- Aujourd'hui est un jour spécial, mais ça vous le savez déjà. Ce que je vais vous apprendre en revanche va grandement vous étonner. 

- Hey, mais lâchez-moi, qu'est-ce que vous faites. T'es qui toi pour me tenir comme ça ? 

C'étaient les cris de Josh qu'on entendait derrière le troupeau de gens attentifs qui tournaient la tête pour voir qui était responsable de ce raffut. Le garçon venait de se faire attraper par deux hommes à la corpulence importante. Mais Jane Right ne s'arrêtait pas de parler.

- En effet, pendant l'incarcération de Kristen, j'ai mené ma propre enquête et ce que j'ai découvert défia tout ce que j'avais imaginé. Quand cette jeune fille responsable au comportement plutôt irréprochable a été condamnée pour avoir agressé corporellement et sexuellement Ethan Munt, j'ai tout de suite su que c'était injuste. Effectivement, Kristen a été victime d’une erreur judiciaire, et monsieur Josh Tanen le sait mieux que personne. Cet ignoble crapule a drogué Kristen le soir du fait et… 

- Kristen est une camée ! hurla Josh à plein poumon pour se faire entendre. Je n'y suis pour rien !

L’ambiance festive avait soudainement tourné au drame. Alex, l’ex-petit ami de Kristen voyait rouge tout à coup. On aurait dit un taureau près à se déchainer. Mais les deux gardes tenaient Josh bien fermement et c’était suffisant. 

- Vous l’avez droguée et vous avez profité de son état de bad trip pour agresser votre partenaire sexuel, un inconnu, dans cette boite de nuit miteuse. Après votre viol vous avez maquillé la scène pour cacher votre crime et vous avez laissé Kristen pour morte ! Elle était la première suspecte et la seule car vous avez gracieusement payé celui que vous pensiez être l'unique témoin de l’acte, lança Jane Right d’un ton fort et grave. Cette fois elle baissa un peu la voix pour reprendre. Erreur.. ce jour-là quelqu’un qui vous connaissait vous a vu entrer dans cet endroit avec Kristen et ne ressortir seul qu’au bout d’une heure. Quand j’ai questionné cette personne, elle m’en a appris de belles… Josh Tanen est le coupable et c’est lui qui mérite d’aller en prison. En cherchant bien, nous avons trouvé des preuves accablantes que nous avons portées à la police. Cela a été difficile de ressortir une affaire classée sur le bureau, mais il était tout aussi difficile pour ces policiers de refuser.

Sur ces mots, Josh Tanen fut sorti de la foule par les deux hommes musclés. Une voiture de police en civile les attendait. Toute cette mise en scène avait servi à rendre justice à Kristen. Pourtant la vie de cette femme était à tout jamais entachée. 
End Notes:
J'aime quand ça se finit bien, ou presque.
Nuage toxique (4 décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Le thème était : Provence
A une époque la Provence c'était de superbes plages faites de galets brillants, interrompues par une mer douce et bleue. La Provence c'était les champs de lavande à perte de vue sous un couché de soleil. L'impact que provoquait la collision du ciel orange et du sol violet vous enflammait le corps et vous apaisait l'esprit. 

J'ai découvert le sud-est de la France pendant mon adolescence et j'en suis tombé amoureux. A l'âge adulte j'ai quitté mes attaches pour y vivre et cela fait maintenant vingt et un ans que j'y habite. Mais ce n'est plus ce que c'était. 

Les particules fines et le dioxyde d'azote ont terni le paysage. Cela fait des mois qu'on ne peut plus mettre le nez dehors sans un masque à filtre. Ce qui fait le quotidien des Pékinois depuis les années 2000 est devenu le mien en 2025. Bien qu'il s'agisse d'un processus long tout s'est accéléré après les Jeux Olympiques de Paris. Marseille et sa périphérie ont accueilli près de 15 000 visiteurs. Entre les matchs de football au Velodrôme et les épreuves de voile à Roucas-Blanc, la région de Provence a brassé du monde (et de l'argent). Les commerçants, les hôteliers et même les habitants en ont tiré profit. Ah ! Tout le monde était content que la France soit l'heureuse élue lors des votes en 2017. Je me souviens que notre ancien Ministre de l'environnement, Nicolas Hulot, avait promis des J.O. écologiques. Quelle belle utopie. 

Aujourd'hui la pollution nous empêche de vivre correctement, autant en ville qu'à la campagne. Avant, les gens mourraient de leur consommation de tabac, tandis que maintenant c'est 100 500 personnes qui décèdent chaque année à cause de ce nuage gris qui plane dans l'air. Finalement c'est la fumée qui nous aura tué. 

Les poissons ont quitté la Méditerranée, les oiseaux ne chantent plus, la mer est opaque, tout comme le ciel. Et la lavande n'a plus d'odeur.

J'écris depuis mon lit, dans ma maison de campagne, dans un hameau de la Collobrières. Cette vieille longère que j'habite est mal isolée et l'air est de plus en plus irrespirable. Je n'ose plus faire trop d'effort, je préfère économiser l'oxygène. Je sais néanmoins que je n'en ai plus pour longtemps. Dans cette situation ce sont les plus vieux ou les plus malades qui partent les premiers. Autrement dit... je n'ai déjà plus de famille. Je ne compte pas m'éterniser. J'en veux à ceux qui ont condamné la Provence à disparaître.

Je voulais simplement dire que je pense que les hommes ont fait leur temps sur la Terre. La crise de notre ère est en cours. J'espère tout de même que les prochains être qui peupleront la planète seront moins égoïstes, moins destructeurs. 
End Notes:
Je sais que ce n'est pas très joyeux mais ça viendra. Promis.
Le GPS magique (5 décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Le thème était : Voyage
Il existe un appareil unique, qu'une seule personne au monde possède. Créé en 2023 par un savant particulièrement obstiné, il appartient aujourd'hui à Juno Clarke, sa seule descendante. Il s'agit en fait d'un système de géolocalisation. Comme le GPS, il permet de tracer un itinéraire afin de se rendre à un endroit précis. Sauf que celui-ci est magique. 

Cela fait presque cinquante ans que la famille Clarke cache ce secret lourd de conséquences et de responsabilités. Lorsque Juno s'est vu hériter de l'objet à la mort de son père, elle était loin de se douter de son caractère hors du commun. En le laissant au placard, ne sachant quoi en faire, elle a gâché un potentiel énorme, sans même le savoir. 

Un jour de mai, en 2068, alors qu'elle était en retard pour se rendre dans une usine de train où elle serait bientôt la future manager, elle trouva enfin une utilité à ce mini logiciel de localisation. Elle le fixa dans sa voiture automatisée et aussitôt, l'objet technologique se lia d'une connexion électronique avec le véhicule qui s'était mis en route tout seul.

- Bonjour Juno. Nous sommes le 4 mai 2068 et c'est l'anniversaire de votre mère. Il est 7h46 et il fait 27 degrés dehors
- Combien de fois devrais-je te répéter que maman n'est plus de ce monde, soupira la femme aux cheveux lissés 
- Un nouvel appareil de localisation a été détecté.  

La voix robotique de la voiture électrique fut secondée par un bip sonore abrutissant qui poussa Juno à se boucher les oreilles, les yeux plissés de douleurs. 

- Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ! Vee, démarre le GPS et emmène-moi à ce fichu entretien, sinon je vais perdre ma place ! 
- Erreur. Veuillez taper l'adresse de votre destination sur le clavier. 

Cette voix n'était pas celle d'un robot, et elle n'était pas féminine. Les sourcils froncés, Juno regardait fixement l'appareil ayant appartenu à son père. Une étrange lumière bleue scintillait sur la lettre 'F' du petit écran. Quelque peu hésitante mais poussée par le temps qui tournait, Juno tapa rapidement l'adresse où devait se tenir son rendez-vous sur les touches tactiles de l'appareil. A peine deux secondes plus tard, le volant vrombissant que tenait Juno entre ses mains se transforma en une barre d'un métal froid et glissant. La carrosserie métallique du véhicule se changea en une capsule de verre insonorisée. Le silence pris place juste avant l'obscurité. Ne sachant pas à quoi s'attendre, Juno sentait son cœur battre la chamade dans sa poitrine immobilisée par un système de ceinture résistant. Après un cliquetis effrayant qui ressemblait à celui d'un verrouillage, une force incroyable s'empara du corps de la femme prise au piège. Quelque chose d'invincible semblait la pousser vers l'avant tandis qu'une autre force la maintenait la plus droite possible. On aurait dit que la capsule vitrée tombait dans des abysses méconnus à une vitesse incontrôlable. La bouche grande ouverte, Juno hurlait sa peur de toutes ses cordes vocales, pourtant aucun bruit ne se faisait entendre. Rien à faire, le choc final lui serait fatal. 

Au bout de ce qui lui sembla une petite éternité, Juno crut se sentir libérée. En ouvrant enfin les yeux, elle redécouvrit la lumière du jour. Plus rien ne l'empêchait de bouger à présent. Comme après un mauvais rêve, elle n'osait même pas essayer de parler. Son véhicule avait visiblement repris sa forme normale. Seul le décor avait changé. Avait-elle tout imaginé ?

C'est avec curiosité qu'elle quitta l'habitacle pour mettre les pieds dehors. Face à elle, un immense bâtiment sur lequel on pouvait lire "Plus vite que la lumière". En tournant sur elle-même, elle observa que plusieurs voitures étaient garées sur ce parking. Même si le lieu paraissait désert, il s'agissait bien de l'endroit où le PDG lui avait donné rendez-vous. En regardant son bracelet digital, elle put lire 7h50. Finalement, elle était même en avance ! Lorsque des dizaines de questions irrationnelles se bousculèrent dans son esprit, elle choisit d'en chercher les réponses plus tard car l'heure était à la réussite. 

Un sourire s'étira sur les lèvres tendues de Juno. D'un geste de la main, elle replaça sa chevelure, comme pour se redonner du courage. La porte de l'immense hangar qui lui faisait face était ouverte et elle en profita pour entrer. A l'intérieur, le contraste opéra immédiatement : des machines au design récent fabriquaient dans un vacarme incommensurable des pièces destinées à l'assemblage d'un train à hyper grande vitesse (THGV). C'était la seule entreprise au monde qui était sur ce coup-là, autant dire qu'il s'agissait d'une opportunité unique pour Juno que de faire partie du voyage. Aucun ouvrier, juste un bureau allumé en haut d'un escalier, et une sorte de laboratoire au fond de la pièce où devaient se trouver les techniciens et scientifiques. Ce côté déshumanisé la faisait prendre conscience de ce que l'humain avait fait de la société. Mais pour vivre, elle devrait s'y conformer. 

D'un pas déterminé, elle grimpa en haut de l'escalier d'acier. Une fois devant la porte blindée, une caméra télécommandée tâcha de la signaler au Président. C'est du moins ce qu'elle imaginait puisqu'au bout d'une vingtaine de secondes, la porte s'ouvrit à elle. Elle entra, sûre d'elle.  

- Bonjour, monsieur Guesmann, je suis Juno Clarke, nous avions rendez-vous à 8h00, engagea-t-elle. 

Aucune réponse lui parvint. Antony Guesmann était bien fasse à elle, assis sur son siège pivotant qui par ailleurs était équipé de tout un tas d'options. Il avait l'air confus, et même agacé. Il se racla la gorge et rit nerveusement. 

- Mme Clarke... est-ce que c'est une blague ? Je sais que vous voulez à tout prix ce poste, d'ailleurs, qui le refuserait ? Cependant, vous n'êtes pas à la hauteur. 
- Comment... Qu'est-ce que vous voulez dire par là ? Enfin, nous ne nous connaissons pas, et vous semblez avoir un avis bien arrêté sur ma personne. 
- Cessez vos inepties, vous avez tout donné lors de notre entretien hier matin, mais je regrette de vous le redire, vous ne correspondez pas vraiment à ce que je recherche ici. Voyez-vous, Plus vite que la lumière est mon entreprise mais surtout ma raison de vivre, et je ne peux me résoudre à la confier à quelqu'un dont je ne suis pas certain. 

Juno s'immobilisa. Elle était totalement désorientée. Ses yeux se posèrent tour à tour sur le visage sévère du PDG et sur l'horloge digitale accrochée au mur derrière lui. Sa vision étant floutée par un léger vertige, elle ne pouvait lire correctement. Pourtant elle était quasiment certaine de lire 05/05/68.

- Vous feriez mieux de rentrer chez vous, Mme Clarke. Je suis sûr que vous trouverez votre place. Ici, nous avons notre homme. 

Une lumière rouge se mit à clignoter dans la pièce et deux hommes en blanc sortirent de la salle du fond pour saisir Juno. Comme les gardiens d'une ancienne boite de nuit, ils soulevèrent la dame pour la ramener jusqu'à sa voiture. Encore ébahie, elle se contenta de rentrer dedans.  

- Bonjour Juno. Nous sommes le 5 mai 2068. Il est 8h07 et il fait 27 degrés dehors. 
End Notes:
Qui a dit qu'on ne pouvait voyager dans la dimension physique ?
Réincarnation (6 décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Le thème était : Animal
J'aime penser que la vie n'a pas de fin. Evidemment, tout le monde laisse son corps à la terre quand l'heure est venue, et c'est une boucle qui se ferme. Mais je pense que notre âme, elle, est éternelle. Je sais que je suis encore loin d'avoir fait mon temps, je suis encore jeune, j'ai des tas de choses à accomplir, à apprendre et à découvrir mais pourtant je me surprends souvent à penser à l'après. Il suffit que j'ai un peu de temps pour moi, un moment de solitude, et Dieu sait que cela arrive souvent, et voilà que je divague vers cette prochaine vie qui m'attend. L'impatience viendra certainement à bout de ma misérable existence, et c'est comme ça. Oui, je suis impatiente de voir quelle apparence mon âme prendra la prochaine fois ! 

Lorsque je me mets à questionner la vie, le pourquoi du comment je suis là, je me retrouve toujours avec une réponse différente. C'est vrai, si mon âme est immortelle et qu'elle vogue de corps en corps, qui me dit que je n'ai pas été un chat avant d'être Anna Chelles : une femme brune aux cheveux bouclés, à la voix cassée et aux yeux verts comme l'eau de mer ? Rien ne prouve que j'ai pu être un animal avant de vivre parmi les humains, mais rien ne prouve le contraire non plus. Et j'aime penser que j'étais un chat avant d'être moi. 
End Notes:
C'est aussi simple que ça.
Oublier c'est s'oublier (7 décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Le thème était : Souvenirs
6 décembre 2017 : 1e séance
Pour commencer Estelle Bruneau (patiente numéro 137) est âgée de 32 ans, elle est mariée, a deux enfants, et elle travaille à la mairie de Rennes en Bretagne depuis maintenant 5 ans. C'est sa compagne qui lui a conseillé de venir consulter quelqu'un et elle est tombée sur moi par hasard.
Lors de cette première séance, elle a du mal à se confier, elle ne sait par où commencer et elle doute. Oui, je crois qu'elle doute des bienfaits de sa venue, elle hésite à parler. Je commence simplement en lui demandant de me dire ce qui l'a poussée à passer ce cap. Elle est simplement capable de me dire qu'elle a peur, et que cette peur est ancienne et pesante. Cependant, elle ne sait pas me dire de quoi elle a peur. Alors je lui demande de me raconter un cauchemar dont elle aurait le souvenir : "Oh, j'en ai un assez étrange justement en tête. C'est moi, je marche dans un champ de fleurs jaunes, il y a beaucoup de soleil au point de m'éblouir et j'avance sans but. Quand d'un coup, je me sens absorbée par le bas, je tombe dans un trou totalement noir. La chute n'en finit plus et le trou semble de plus en plus large. Quand j'arrive enfin par terre, mon réflexe est de lever la tête et je peux voir la lumière au bout de ce qui ressemble à un tunnel vertical. Je me suis réveillée à ce moment-là, parce que je me rends compte que je ne pourrai jamais remonter à la surface. "


13 décembre 2017 : 2e séance 2017
La patiente numéro 137 peine à me décrire sa première maison, celle dans laquelle elle a vécu plus de quinze ans. Pourtant elle a des souvenirs ancrés dans sa mémoire comme le sont des gravures dans le marbre. Par exemple elle sait m’indiquer sans faute son ancienne adresse postale ou encore certains numéros de téléphone. Et elle parvient sans soucis à m’écrire les paroles d’une chanson qu’elle a apprise au collège. J’ai tout vérifié, et elle ne s’est pas trompée. Mais plus je la questionne sur son passé, plus sa mémoire lui fait défaut, enfin, c'est-ce à quoi ça ressemble depuis mon fauteuil.
 
19 décembre 2017 : 3e séance
La patiente numéro 137 est de plus en plus nerveuse à chaque fois qu'elle revient. C'est un des symptômes qui caractérise son problème, je le crains. Lorsque je lui pose une question aussi simple que : "Qu’aimiez-vous faire durant les vacances d’été quand vous étiez enfant ?", elle commence par changer de face car elle cherche dans sa mémoire, puis elle s’impatiente, comme si ses souvenirs étaient mal rangés dans cette fichue tête, elle se met à paniquer de ne pas trouver la réponse, je le vois dans ses yeux apeurés, puis elle finit par dire, en pensant pouvoir me berner : « J’adorais aller à la plage avec mes amis d’enfance. ». Rien de plus banal que d’aller voir la mer durant les grandes vacances scolaires, et rien de plus commun qu’un enfant qui se plait dans le sable chaud d’une plage ensoleillée. Ce soit disant souvenir n’est qu’une idée qu’elle suppose aujourd’hui avec son cerveau d’adulte. Mais je lis dans son regard qu’elle n’est même pas sûre d’elle. Néanmoins c’est vrai, ses parents l’emmenaient sur la Côte d’Azur, et elle jouait bien dans le sable. C’est une photo authentique qui le prouve.
Je ne suis pas spécialiste en neurologie mais je sais reconnaître l’oubli de l’incertitude. Cette femme n’est pas amnésique.

 
26 décembre 2017 : 4e séance
Aujourd'hui, il le fallait, j'ai dû annoncer à la patiente 137 mon diagnostic psychologique. Je n'avais pas envie de le faire, surtout après Noël, mais il le faut, cela fait partie du métier. Il se trouve qu'elle souffre d'une phobie qui touche souvent des personnes plus âgées. Elle a peur d'oublier, elle a peur qu'un jour, elle ne puisse plus avoir de passé auquel se raccrocher, elle a peur de ne plus avoir de souvenirs à raconter. Le terme scientifique est Amnesia Phobie. Un travail important va devoir être entrepris avec elle car si cette peur continue d'opérer, elle risquerait de la rendre petit à petit réellement amnésique. J'ai donc commencé la séance par un stimulant de mémoire, grâce à des exercices aussi simples qu'un jeu de mémoire visuelle. Elle était sceptique et finalement elle a été très critique envers ma façon de faire. A la fin de l'heure, elle m'a juré ne plus revenir. Elle considère que je suis incompétent, que ce dont elle a peur ne peut pas être l'oubli, que ce serait trop bête et qu'une telle phobie n'existe même pas.

En relisant ces notes je me rends compte qu’on a tous un peu peur d’oublier. A quoi servirait-il de vivre, d’être heureux, si on ne peut même pas se rappeler de ce qu’on a ressenti à ce moment-là ? Notre vie se résume à notre passé, car l’instant T n’est qu’éphémère, il est un centième de seconde et nous ne pouvons même pas le saisir qu’il est déjà derrière nous. Oublier ce qu’on a vécu avant c’est comme oublier qui l’on est. C’est le passé qui forge ce que nous sommes, et il est incontrôlable. Aujourd’hui, il m’arrive de souhaiter de ne jamais perdre la mémoire.
End Notes:
Mon épouvantard prendrait certainement la forme d'une mémoire vide, je l'avoue.
Contemplation (8 décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Le thème était : Tableau
Quand je regarde devant moi, voilà ce que je vois : L'immensité de monde. Dans un bleu presque unique qui relie le ciel et la mer de manière uniforme, je vois l'infini. L'horizon n'est qu'un mot que l'on pose sur un ressentit tellement plus fort que soi. Ce qui explique que je me sente petit alors que je mesure deux fois plus de centimètres que ce qui trône face à moi. La lumière provenant de l'ouest indique que le soleil se couche, et c'est ce qui donne cet aspect si chaleureux à ce paysage. Je me sens seul sur cette large crique au sable fin, pourtant une foule impatiente grouille derrière moi. Entre blanc et jaune je me perds dans le grain des roches brisées qui forment la plage. C'est à la fois merveilleux et dangereux.

Si au premier plan je peux sentir la brise légère qui met les branches du palmier en mouvement, je ne peux que deviner la force du vent qui fabrique la houle au large. Cette houle qui se transforme en vagues, qui se métamorphosent en rouleaux de mousses bruyants jusqu'à s'écraser sur l'estran. Toute cette eau, c'est plus de la moitié de la surface de la planète, mais j'ai l'impression d'être le seul à la voir telle qu'elle est : profondément éternelle.

Tout ce que m'évoque cette vue rime avec liberté. Ne pas savoir où on met les pieds créer l'excitation mais aussi l'appréhension. Et toutes ces sensations sont différentes à tel point qu'elles deviennent inséparables les unes des autres. Tout ce que je veux, c'est ne plus fermer les yeux pour ne pas manquer une seconde cette vision que j'ai la chance d'avoir.


Pourtant tout cela est et me restera inaccessible. Je ne suis rien d'autre qu'un spectateur enfermé dans une chambre blanche. Ma seule satisfaction, chaque jour, étant de regarder cette peinture dont j'ignore même le créateur. J'envie ceux qui ont pu expérimenter une telle chose. Mais je remercie tout de même l'artiste de me laisser entrevoir ce que ça fait que de voyager au coeur d'une si belle nature. "L’oeuvre d’art n’est pas le reflet, l’image du monde; mais elle est à l’image du monde"* et contemplant l'art j'ai l'impression d'être à nouveau dans le monde, avec les autres.
End Notes:
*Citation d'Eugène Ionesco

Que serait le monde et la vie sans l'art (sous toutes ses formes), je me le demande.
La vie est fatalité (9 décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Le thème était : Vieillir c'est être vivant
Je n'aime pas prendre de l'âge. D'ailleurs je pense que quiconque aime vieillir est au mieux fou ou au pire suicidaire. Je passe mon temps à me plaindre du temps qui passe parce que c'est lui qui dessine les rides sur mon visage et qui sculpte les plis sur ma peau. Vieillir, c'est comme sentir pour la première fois l'effet des secondes qui défilent. Ça fait tout drôle, puis ça devient notre quotidien, à partir d'un certain âge. Moi je ne m'y fais pas, et je ne vois pas comment je pourrais m'y faire. Chaque événement de la journée est là pour me rappeler que la fin est de plus en plus proche.

Il suffit que je prenne le métro pour que la réalité m'éclate à la figure. Dans cette machine roulante, les gens me regardent tous d'un air curieux ou anxieux dès que j'entre. Puis quelqu'un se dévoue en se levant de son siège pour s'adresser à moi "Vous voulez vous asseoir ?". Je me sens obligée de répondre poliment "Je vous en prie, gardez votre place, ça va" alors que ce que je pense ressemble plutôt à "Mais qu'est-ce que vous avez tous à me considérer comme un vieux bâton desséché, fébrile et sans défense ?". Ma voisine trouve que je suis dure avec le monde qui m'entoure, mais elle ne sait pas ce que c'est que de se sentir vulnérable dans les yeux d'inconnus. Elle, elle a toute la vie devant elle, ou presque. Son visage a de quoi plaire, son corps est à toute épreuve. De mon côté, même ma voix est devenue insupportable. Elle grésille, elle est désagréable et je ne peux rien y changer.

La vieillesse est fatalité. Je sais que tout un chacun passe par là. Mais moi je n'étais pas prête à passer de l'autre côté de la barrière ! J'ai contracté le syndrome de Peter Pan dès mes quinze ans et depuis cette époque-là je redoute le temps. En regardant autour de moi, je pense sincèrement que toutes ces personnes du troisième âge ont du mérite de vivre ainsi pendant que moi j'ai l'impression de survivre. C'est comme si j'avais conscience d'être dans une phase intermédiaire qui me préparait à l'étape finale. Et c'est en pensant à l'après que je me dis que finalement je suis bien vivante. Je suis peut-être vieille mais je respire, bon Dieu ! Et surtout, le plus important, je possède encore toute ma tête, du moins j'ai suffisamment de rouages là-dedans pour continuer à penser.
End Notes:
Une petite note d'espoir.
Histoire ou roman ? (10 décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Le thème était : "L'imagination est plus importante que le savoir"
« Tu sais que j’ai bientôt terminé ma thèse sur l’histoire contemporaine de la Chine ? Mais il y a toujours des éléments sur lesquelles j’émets des hypothèses… Je suis un peu embêté avec ça.

- Des hypothèses ? Ce genre de chose, la précision véridique, la « réalité », c’est bien le cadet de mes soucis. 

- Comment ça ? Tu n’écris plus ton autobiographie ?

- Si si, c’est toujours mon projet, et mon unique projet même. J’ai une centaine de pages bien au chaud dans mon sac. Tu veux les voir ?

- Je comprends pas… Une autobiographie relate pourtant des faits réels, des événements passés. Tu dois bien te heurter à des trous de mémoires de temps en temps.

- Attend, tu fais erreur là. Une autobiographie ce n’est pas simplement ça. Et l’histoire avec un grand H non plus d’ailleurs.

- Attention, là tu t’aventures sur mon terrain. Et crois-moi, l’objectif premier de l’histoire est bien de retracer ce qui s’est produit. Peut-être que ça ne te parle pas en tant qu’écrivain mais c’est pourtant vrai.

- Ce qui est surtout vrai c’est que tu catégorises. Je pensais qu’en bon historien tu reconnaîtrais que la moitié des choses qu’on a retenu du passé a été rédigée, rapportée, ou racontée par les vainqueurs et les vivants. Et tout le monde sait que la vérité se retrouve couverte de romance quand on la raconte. Ne me dis pas que tu fais exception à la règle.

- On croirait entendre les professeurs du secondaire, arrête. L’histoire c’est surtout des enquêtes, des entretiens, des observations et des analyses. C’est de la science, pas des lettres.

- Et les enquêtes et les entretiens dont tu parles, tu ne crois pas qu’ils peuvent être faussement représentatifs de la réalité ? D’ailleurs, chacun n’a t-il pas sa propre perception de la réalité ? Si demander à quelqu’un de raconter son expérience c’est de la science, alors qu’on me nomme psychologue !

- Admettons. Mais, comment tu expliques qu’on sache quand les dinosaures sont arrivés sur la Terre et quand ils en ont disparu ? Pour le coup, personne n’a témoigné et personne n’a imposé sa subjectivité.

- Rien ne me prouve que les dinosaures ont réellement existé comme on les décrits. L’époque des dinosaures est pour moi semblable à la religion. Tout les deux sont censés être, en quelque sorte, l’explication de la vie sur la planète et tout deux ont l’air d’un roman. J’imagine que tu doutes de la véracité de la Bible, n’est-ce pas ?

- Oui mais là n’est…

- Alors pourquoi ne douterais-tu pas de la véracité du récit des dinosaures ?

- Très bien. Alors selon toi, tout est dû à l’imagination ? Eh bien moi je préfère croire que l’histoire est vraie et vérifiable parce que penser que tout aurait été, d’une façon ou d’une autre, imaginé, ce serait comme remettre l’ordre du monde en question. Ce serait comme… se demander ce qu’on fait là, et pourquoi on vit comme ça !? Tout serait à refaire.

- Oui. C’est ce que je crois. Tout est à refaire. C’est pour ça que j’écris ce qu’on appelle de la fiction et qui pourtant pourrait être vraie. Et si je te disais que la fiction n’est pas tirée du réel mais que la fiction génère et inspire le réel ?

- Je ne crois pas. Tu es en train de me rendre fou.

- En tout cas, je suis sûr que si je devais choisir entre tout savoir et tout inventer, je choisirai de pouvoir inventer. Parce que l’imagination est un bien précieux. Sans elle je ne rêverai même pas.»
End Notes:
Je pense savoir ce que vous préféreriez vous !

La forme du texte, c'est-à-dire le simple dialogue, vous a-t-il plu ?
"From Hell" (11 décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Le thème était : Jack l'Eventreur
20 septembre 1889
By a psychopathe

Chères victimes,

Ce n'est pas pour vous effrayer mais les cadavres s'entassent dans les journaux britanniques et je crains que le monde ait bientôt une frousse terrible de l'Angleterre. Quelle injustice qu'un tueur en série puisse vivre sa folie meurtrière sans craindre les forces de l'ordre alors que les femmes n'osent plus sortir dans les rues de Whitechapel.

Si vous ne croyiez pas aux fantômes il serait temps de vous y mettre parce que si je suis inarrêtable c'est parce que personne ne peut attraper de la fumée avec les mains. Allons, un peu de bon sens serait appréciable de votre part. Que serait mon jeu si vous n'y figuriez pas ? Je commence à m'ennuyer, j'aimerai que vous vous en mêliez davantage. Mais vous m'avez déçu. C'est pourquoi j'ai fait appel à la presse internationale.

Sachez que la prochaine femme ne sera bientôt plus capable de digérer quoique ce soit : je m'apprête à lui prélever l'estomac.


Jack the Ripper


Ca c'est la lettre que j'ai reçu personnellement à mon bureau d'officier, il y a trente ans, quand je travaillais pour la police de Londres dans les années 1880. Ce jour-là je n'avais rien dit à ma femme, mais j'avais peur. J'ai même longuement considéré l'option de la démission. Sauf que la honte était un lourd poids à porter à l'époque. Sans compter que j'étais le seul dont le revenu permettait à notre couple de vivre.

Cette horrible personne, qui qu'elle puisse être, court toujours aujourd'hui ! Ce salaud est peut-être mort. Mais ça m'étonnerait. Des carnes comme ça c'est coriace. Et moi j'en fais encore des cauchemars. Des fois je me réveille en sueur avec l'image de ma femme égorgée et tailladée, vissée dans la tête. J'ai commencé à prendre des somnifères juste après avoir reçu cette lettre manuscrite. Depuis je n'ai pas arrêter de consommer des tonnes et des tonnes de substances pour pouvoir fermer les yeux sur cette boucherie.

Cela fait pourtant huit ans que j'ai quitté la police. Au fond, je crois que je me sens coupable. Je faisais partie des brigades réquisitionnées pour enquêter sur les meurtres de ces prostituées. On n'a jamais rien trouvé ! Pas de preuves accablantes, pas de mobile. Des suspects, il y en avait des tas, mais ils étaient tous plus faux les uns que les autres. Peut-être bien qu'on le tenait, qu'on la tenu, pendant un moment. Mais comment savoir ? Ce gars-là est un maniaque et mentir est son jeu préféré, sûrement.

"Mais pourquoi j'ai gardé cette lettre, bon sang !". A vrai dire je n'en avais aucune foutue idée. Peut-être qu'inconsciemment j'aimais pouvoir dire que je fais parti de cette légende urbaine de notre siècle. Bientôt, l'art s'emparera du phénomène. Une chose en entraînant une autre, tout un tas de cinglés se révéleront au grand jour et tueront à leur tour. Tout le monde sait comment ça marche. Ce Jack l'Eventreur, comme on le surnomme, il a comme montré la voie à tout ceux qui abritaient en eux un monstre. Et qui sera là pour arrêter ce chaos quand ça arrivera ? La police ? Tu parles... Un homme doué de morale ne peut rien contre un anarchiste égocentrique armé. Cette lettre, je compte bien la conserver pour qu'elle devienne un vestige du passé, pour que tout le monde sache quand l'enfer a commencé.
End Notes:
C'était un thème auquel je ne pouvais répondre par un texte joyeux... vous m'excuserez.




Bien sûr, mon écrit est tiré de faits réels et de la légende urbaine. Néanmoins, le personnage narrateur je l'ai inventé, tout comme la lettre (même si il est vrai que de nombreuses lettres ont été envoyé par le tueur en série à l'époque).
Les Yupiter (12 décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Le thème était : Mythe
Il fut un temps où une civilisation, aujourd’hui totalement décimée et ignorée des vivants, a vécu sur cette planète que nous avons rebaptisée Terre. Plus avancée que nous ne le sommes déjà au XXIe siècle, elle a été contrainte de disparaître. Cette société se nommait Yupiter.

Leur instinct de survit était la base de leur développement. C’est de cette manière qu’ils ont su s’élever au-dessus de leur propre statut au sein des espèces existantes. De proies ils se sont fait prédateurs redoutés et redoutables. On raconte qu’après avoir échappé à l’extinction, leur physionomie s’est génétiquement modifiée sur plusieurs générations. Leur taille corporelle a presque doublé, ce qui les a rendu imposants. Leur peau rougeâtre très voyante s’est peu à peu recouverte d’un duvet maronné. Leur frêle ossature est devenue presque incassable tant la grosseur de leurs os a augmenté.

En acquérant de la force, ils ont surtout acquit de l’intelligence. Ces êtres auraient pu dominer l’ordre naturel du monde, et au lieu de cela, ils ont inventé un système dans lequel tout être-vivant avait sa place, une place légitime et utile à tous. Les Yupiter n’abusaient pas de leur pouvoir, ils s’en servaient pour réguler la planète, pour maintenir un processus réfléchit et infini. Chaque être avait sa signification et pouvait vivre sans redouter la mort.

Cela aurait pu durer une éternité. Mais c’était sans compter sur la formation imprévue de nouvelles espèces que provoque la reproduction intergénétique. Petit-à-petit, l’être qu’on a finit par appeler humain est né. Il n’était pas comme les autres, à vrai dire il avait quelque chose de très semblable aux Yupiter. Leur intellect était développé, et peut-être même trop. Au sein de l’humanité, une différence génétique s'est multipliée jusqu’à en faire une espèce richement variée. Chaque humain était doué de subjectivité. Le fait que chaque individu possède sa propre morale, son propre point de vue, a rapidement rendu les choses difficiles à encadrer. Les Yupiter se sont senti débordés par les événements, sans compter que les humains se reproduisaient à une vitesse jamais connue. Pendant que certains humains se pliaient au système d’autres se rebellaient avec pour objectif de changer l’ordre établi, pour diriger de force.

Le problème avec les humains c’est qu’ils sont cupides, avides de pouvoirs, chez-eux le désir est maître de la pensée et des actes. Les Yupiter se sont laissés débordés et se sont volatilisés.
On raconte qu’ils existent toujours malgré tout. Il auraient migré vers une nouvelle planète du système solaire où ils pourraient vivre sans les humains. Cette planète on la nomme Jupiter.
End Notes:
C'est souvent nous les méchants quand même hein ?
Hacker (13 décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Le thème était : Clavier
Cette année, pour Noël, j’ai eu le droit à tout un tas de petites attentions de la part de mes parents. Mais j’ai surtout pu déballer un super ordinateur portable. Papa et maman ne savent pas qui l’a envoyé. Sur le colis il n’y avait que mon nom, mais aucune signature de l’expéditeur. Ils disent que c’est sûrement mon oncle. C’est un homme riche. Je ne le connais pas vraiment parce que je ne le vois pas souvent. Il voyage énormément, d’après ce que m’a dit maman. En tout cas, moi je me fichais bien de savoir qui m’avait fait ce cadeau, jusqu’à ce qu’il déraille complètement.

A la première utilisation je me suis rendu compte que c’était un bijou de technologie, une pointe en matière de système informatique. Ce truc devait valoir une petite fortune. D’abord il ne s’ouvre que par reconnaissance faciale, donc j’ai dû scanner mon visage trois ou quatre fois. C’est assez rapide comme truc. Ce que je trouve particulièrement travaillé sur cette machine c’est le clavier. Il est tactile, et il est carrément phosphorescent. Du coup je ne m’en passe plus. C’est-à-dire que même la nuit, je ne peux pas m’empêcher de jouer, de surfer sur le net, d’écrire…

Sauf qu’au bout d’une semaine j’ai constaté quelque chose de bizarre. Mon fond d’écran avait changé. Je veux dire par là que pendant mon absence, alors que j’avais laissé l’écran allumé et que j’étais parti manger, le fond d’écran a été modifié. Il était devenu totalement noir. Bien sûr, j’ai tout de suite pensé que c’étaient mes parents qui avaient fait joujou avec le bijou. Mais en y réfléchissant bien, personne à part moi n’était capable de l’ouvrir et en plus j’avais vu mes parents à table tout le temps que j’étais là.

Ce qui a commencé à me faire flipper c’est quand mon compte Facebook s’est vu jonché de publications étranges que je n’ai jamais écrites ! Je rentrais des cours la première fois que s’est arrivé. J’ai reçu un texto de mon meilleur ami qui m’insultait sérieusement en me reprochant ce que j’avais apparemment écrit sur le réseau social. Effectivement, le jour-même, une heure avant la fin des cours ce message avait été posté : « Si j’étais con je m’appellerais sûrement Mathéo Martin. Plus con que lui, ça n’existe pas. Faut voir la manière dont il se fait traiter par sa pauvre mère alcoolique. Y a de quoi le plaindre en fait. Mais ça n’excuse pas le comportement macho qu’il a envers Margot, sa petite copine. La pauvre est devenue son larbin en moins d’une semaine. J’imagine pas ce qu’il lui demande de faire quand elle passe la nuit chez lui. » J’étais tout bonnement choqué. Ce message était odieux. Ce genre de confession ou plutôt de dénonciation prouvait que c’était moi parce que je suis le seul à connaître la situation familiale de Mathéo. Pourtant, je vous demande de me croire, ce n’était pas moi. J’ai tout de suite effacé cette publication.

Mathéo ne m’a plus adressé la parole. Au lycée, je ne le voyais même plus passer la grille d’entrée. Je pense qu’il a arrêté de venir en cours. Et mon calvaire ne s’est pas arrêté ici. Trois jours après, la publication pirate sur mon compte s’en prenait à ma professeur de français. Et cette fois, impossible de supprimer le message qui était visible pour tout le public de Facebook. Au lycée ça s’est su. Madame Bourdin m’a pris entre quatre murs pour demander des explications. J’avais beau clamer que j’étais victime d’un hacker, elle ne m’a pas lâché et a finit par me menacer de me faire virer de l’établissement. J’en ai parlé à mes parents et ils m’ont ordonné de supprimer mon compte Facebook. C’était simple. Je l’ai fait. Et j’étais tranquille.

Au bout d’un mois, alors que je me promenais sur le site d’images animées Tumblr, j’ai été identifié dans un post. Quand j’ai vu la photo en question, je crois que je me suis littéralement pissé dessus. C’était moi, entièrement nu, de face, avec un énorme bleu sur la cuisse et des rougeurs sur le bas-ventre. J’ai nié les faits, mais c’était bien moi. Un tas de commentaires dégueulasses et honteux suivait l'image. C’est là que j’ai compris que quelqu’un tentait de me faire vivre l’enfer. J’ai signalé la photographie à l’administration du réseau et elle a finit par être supprimée. Quant à mon compte Tumblr, je l’ai également effacé.

Après cet événement, j’ai laissé mon ordinateur au placard pendant une semaine. Mais moi qui suis un grand geek, comme on dit, je n’ai pas pu résister plus longtemps. A peine ai-je déverrouiller la machine qu’elle s’est mise à fonctionner de manière totalement automatique. Je voyais les touches du clavier s’illuminer toutes seules et le texte s’écrire sous mes yeux. J’étais impuissant, je ne pouvais absolument rien faire. Là, l’ordinateur a ouvert une page web, s’est connecté sur un site de rencontre et a engagé une conversation avec une inconnue. Le clavier était ultra rapide. Je voyais les lettres se succéder. J’ai tenté de l’arrêter en fermant le clapet. Mais quand je l’ai ré-ouvert, rien ne s’était interrompu ! La conversation avait avancé et j’avais, enfin le robot avait, insulté la fille en question après lui avoir envoyé une photo dénudée de… moi. J’ai balancé l’ordinateur contre le mur. Le fracas a été bruyant. Quand je me suis approché pour voir dans quel état il était, j’ai remarqué que le clavier était éteint. L’écran s’était fendu en deux et un arc-en-ciel de couleur était visible en surface. C’était enfin finit.

Tout ça c’était il y a trois mois. Là tout de suite j’ai rendez-vous avec Mathéo. Il est revenu au lycée et il a même décidé de m’inviter à manger ce midi. C’est le coeur un peu léger que je m’en vais le rejoindre. En entrant dans le fast-food à deux pas du lycée, je le repère tout de suite à une table de deux. Il fait la gueule. Mais bon, ce n’est pas rare chez lui. Je m’assoie face à lui et c’est à peine s’il lève les yeux vers moi.

- Bon, qu’est-ce que tu veux ? De l’argent ? Je n’ai pas grand-chose, et tu le sais. Alors quoi ?

Sa voix tremblante me glace le sang. Il a l’air totalement effondré et ses cheveux en bataille le vieillissent de quelques années. Je fronce les sourcils, je ne comprends pas.

- Qu’est ce que tu veux Thomas !?, hurle Mathéo en daignant enfin lever un visage fatigué vers moi.

- Mais quoi qu’est-ce que je veux, de quoi tu parles ?

- Te fous pas de moi, arrête de me faire perdre mon temps… D’abord tu m’humilies, ensuite tu me fais du chantage, et maintenant tu me fais le coup de l’Alzheimer ?

Contrairement à tout ce que je pensais, Mathéo ne s’était jamais remis de l’incident sur Facebook. Et qui pouvait lui en vouloir ? Si nous sommes là, l’un en face de l’autre, ce n’est que pour parler de ça. Mais ce qui me fais le plus peur c’est que je crois comprendre que mon ordinateur n’est pas mort.

- Du chantage ? Quel chantage, où, quand, comment?! Toi et moi on ne s’est pas parlé depuis trois mois !

- C’est ça, et les messages sur Twitter ? Mathéo se baissa un peu plus sur la table pour parler plus bas. Tu as menacé de révéler aux flics que j’ai violé Margot. Et puis qu’est-ce que t’en sais d’ailleurs !? C’est vrai quoi, pourquoi tu t’en prends à moi comme ça ? Je croyais qu’on étaient meilleurs potes…

Mathéo pleurait. C’est vrai je vois des larmes couler sur ses joues. Il n’invente rien. Ce que je me demande à cet instant c’est ce que cet ordinateur a bien pu faire d’autre à mon nom. Ce robot a sali mon identité, il a ruiné la vie de personnes qui n’avaient rien demandé. Un foutu inconnu avait lancé cette bombe à retardement et moi comme un idiot je l’avais serré bien fort dans mes bras. Désormais je n’oserai plus aborder personne par peur de leur avoir fait du mal dans ma fausse vie virtuelle. Cette machine empoisonnée avait pourtant finit à la déchetterie, bon sang ! Je ne m’en dépêtrerait pourtant jamais.
End Notes:
Bientôt les robots dominerons le monde (demandez à Google).
Devinette (14 décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Pas d'indice. A vous de deviner ! La réponse est en quelque sorte dans le thème qui m'étais donné (thème que j'ai précisé dans la note de fin). Si vous voulez jouer ne lisez pas la note de fin ^^
J’aurais aimé vous compter mon histoire, mais chaque seconde dont je dispose est infiniment précieuse.
Si je me décrivais rapidement, sauriez-vous m’identifier ?

Vous m’appréciez et me détestez autant que l’argent, me monnayez et me dépensez autant que l’argent, mais j’ai beaucoup plus de valeur que lui.

Vous calquez votre programme de la journée sur mon écoulement, et d’une certaine façon je deviens celui qui vous contrôle, votre patron donneur d’ordre.

Vous avez besoin de me voir partout et à tout moment, sinon vous êtes comme perdus. Et je me fais une joie de vous rappeler que je ne fais que passer.

Vous craignez toujours de manquer de moi, et vous avez bien raison. Car si je ne peux plus être compté c’est que vous êtes définitivement mort.

Qui suis-je ?
End Notes:
Vous avez deviné ?




Le thème était : Tempus fugit, irreparabile
L'urbanisation tue (15 décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Le thème était : Ville
Exode rural : « Départ massif des populations de la campagne vers la ville. »

Tout le monde parle de l’exode rural mais personne ne semble se préoccuper de ses conséquences. Évidemment, c’est un phénomène tellement ancien, tellement normal, presque inscrit dans les moeurs. Personne n’aurait l’idée de croire que ça puisse être dangereux. Qui dit désertification des campagnes dit extension urbaine. Sans compter que la population croît sans jamais s’arrêter. Il paraît que nous sommes déjà trop nombreux sur la planète… Alors pourquoi se regrouper dans des barres d’immeubles entourées de routes bétonnées ?! Il y a tout plein de place en dehors de ces aires urbaines. Qu’est-ce qu’on peut être bornés.

Mais tout n'est qu'une question de fric. Ça l’est toujours d’ailleurs. Ou une question de pouvoir. Plus ça va et plus l’homme gagne du terrain et de l’emprise sur l’espace naturel, comme s’il cherchait à se l’approprier à la manière de ce que Arthur Schopenhauer appelle la "culture". Pourtant, on sait, et on a enfin accepté, qu’on avait besoin de la nature pour vivre. Ah… ça doit être pour ça qu’on essai de recréer cette nature. C’est ce que les foutus écologistes ont appelé « l’écologie urbaine » ou « la nature en ville ». En gros ce sont des mots qui cherchent à soutenir le fait qu’on se voile complètement la face. Les belles paroles ça embelli la vérité.

Mais il faut ouvrir les yeux un peu plus grands. Aujourd’hui plus de 50 % de la population européenne vit en ville. Et d'après vous, pour qu’elle raison la Chine et l’Inde se développent ? Pour quelle raison ces pays orientaux ressemblent de plus en plus aux États-Unis ? Bah, tout simplement parce que ce qui tu l’homme a petit feu c’est aussi ce qui le fait vivre. Oui, oui, je parle bien de l’économie, plus communément appelé l’argent. Et à moi, pas besoin de me resservir la petite phrase : « Vivons d’amour et d’eau fraîche » parce qu’il n’y a pas plus utopiste. Alors on construit, on s'agrandit pour gagner toujours plus.

Enfin, bien sûr, je vous rappelle que si c’est l’argent qui nous permet de vivre et rien d’autre, c’est avant tout l’agriculture et l’élevage qui nous nourrissent, n’est-ce pas ? L'argent ne servirait à rien si l'on n'avait rien a consommer. Et ces deux activités que sont l'élevage et l'agriculture, ne sont-elles pas dépendantes des espaces ruraux ? Moi, en tout cas, je n’ai encore jamais vu un champ de blé en pleine ville ou un prés de vache à lait en centre urbain (même si certains membres d’associations vertes ont acheté des moutons pour qu’ils " tondent "  leur terrain).

Au fait, si je suis en train de taper sur les touches fatiguées de mon ordinateur, n’est-ce pas grâce à l’électricité qui a permis de recharger sa batterie de lithium ? Et qu’est-ce qui produit cette électricité ? L’énergie. Sachez que cette énergie ne nous est pas offerte par Zeus et ses éclairs. L’énergie est créée grâce à ce que nous prodigue la nature en matériaux et minéraux, comme le charbon, le pétrole et le gaz. Tout ce qui nous sert à manger, se chauffer et se déplacer, et tout ce qui permet à une ville d’exister en fait.

Alors, vous faut-il de plus amples exemples ou êtes-vous convaincue que la nature est notre amie la plus chère ?
End Notes:
Parfois un petit rappel ça ne fait pas de mal.
Vigilance constante (16 décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Le thème était : Valise
La plupart des gens voyagent. Ils bougent, comme on dit. Les étudiants retrouvent leurs parents le week-end, les salariés partent en vacance quand ils le peuvent, les cadres ont des obligations à l’étranger. Que ce soit pour des raisons personnelles ou conjoncturelles, tout le monde porte un jour des bagages sur son dos ou fait rouler une valise en direction d’une gare ou d’un aéroport. Ces endroits grouillent de monde sans cesse. Ce sont les interfaces d’échange les plus importantes du réseau humain. On y croise des tas d’inconnus mais aussi quelques semblables et des gens de notre entourage, par pure coïncidence. Ce sont les salles d’attentes les plus bruyantes que l’on puisse voir, et comme chez le médecin, le retard est souvent à prévoir…

Mais ma routine à moi ce n’est pas tout ce qui vous paraît si insupportable. Moi ce dont je me préoccupe toute la journée ce sont justement ces contenants d’affaires en tout genre. Vous en avez certainement assez d’entendre toute les dix minutes à peine cette voix enregistrées qui vous rappelle que « tout bagage abandonné doit-être signalé. Dans le cas contraire le plan vigipirate sera appliqué et le bagage sera détruit. » C’est à peu près ça non ? C’est mon quotidien.

Chaque valise qui roule, qui se pose dans un compartiment, qui s’arrête en plein chemin, qui tombe dans les escaliers, est une menace constante. Cela fais six mois que j’ai été envoyé à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaules pour faire des rondes et des rondes, mitrailleuse à la taille, corps droit, yeux grands ouverts. Chaque bagage a un possesseur. Une fois que j’ai observé ce bagage au potentiel dangereux, j’analyse le visage de son propriétaire. Ce voyageur est-il anxieux, sévère, déterminé ? Ce sont des indices qu’il ne faut pas écarter.
Un terroriste a rarement un visage amical.

Mon erreur serait de me laisser gagner par la routine. Après tout, c’est rare que quelqu’un dépose une bombe dans un hall bondé et surveillé, alors pourquoi cela arriverait-il aujourd’hui, devant moi ?! Le problème c’est qu’on ne peut rien prévoir. Vous savez comment sont ces kamikazes, ils n’hésiteraient pas à se sacrifier pour la cause immorale qu’ils défendent, sans même qu’ils aient un semblant de plan diabolique. Alors ça pourrait très bien se produire, ici et maintenant, sous mes yeux réglés comme des lasers.

J’ai l’air peu commode et soupçonneux, mais croyez-moi, il en va de la vie de tous.
End Notes:
Le thème m'a tout de suite orienté vers cette actualité horrifiante qui va de paire avec mon recueil. Je sais que le sujet est sensible mais je n'écris pas pour écrire, j'aime dénoncer et mettre sous les yeux de tous ce qui est vrai ou pourrait être vrai.
Happy family (17 décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Le thème était : Aïeul
Quand je me retrouve seul dans ce lit blanc, vers 18h00, l'heure de la sieste, j’ai la chance de pouvoir encore m’évader. Ce n'est pas le cas de tous ici. Souvent je suis en train de regarder la boite à image suspendue sur le mur d’en face et d’un coup je me sens divaguer. La belle gueule de l’acteur qui joue dans le téléfilm me rappelle un visage familier. Je ferme les yeux et cette fois je vois distinctement la face souriante de mon fils. Un bon gaillard qui a atteint la soixantaine il y a quelques mois. Il est en forme comparé à ce que je suis devenu. Mais je ne l’envie pas, au contraire, je suis content pour lui. Je ne cesse de lui répéter qu’il vivra vieux et en bonne santé. A ça, au lieu de me répondre, il me rit au nez.
Ce rire de jeunot me fait penser à ma petite-fille, la gamine qu’a engendré mon fils. Elle est drôle et d’une beauté sans nom, et pourtant elle a déjà trente cinq ans. Elle se fout de moi quand je lui parle de ça mais ma femme était loin d’être aussi belle à son âge, elle commençait déjà à dépérir. Elle préfère me répondre que je vis dans une autre époque, qu'aujourd'hui on peut s'embellir et finalement je crois qu’elle a raison la petite. Enfin petite…
Elle le serait si elle ne m’avait pas déjà donné un arrière-petit-fils. Cinq ans déjà ! Un peu turbulent, bavard aussi, mais moi j’ai toujours aimé les actifs. A avoir la bougeotte, même dans cet abri à mollusques, il me remonte le moral, le gosse.

Qu’est-ce que je l’aime cette jolie petite famille, surtout quand elle me rend visite. Ma descendance. C’est une belle récompense et une grande sensation que de se sentir comme celui sans qui tout cela n’aurait jamais pointé le bout de son nez sur la planète Terre. Je ne suis pas prétentieux, juste heureux. Quand je regarde derrière moi tout ce que j’ai laissé comme trace, c’est finalement bien plus important que la pile des Rougon-Macquart que nous a pondu le vieux Emile Zola. La famille n’a de valeur que si elle vit. Sur le papier, les tarés que Zola à créé, ils restent fictifs.

Je crois que je suis fier de moi. Et quand je pense à cette ribambelle d’existences qui ont été dépendantes de mon pouvoir géniteur mêlé à celui de ma défunte femme, mais qui aujourd’hui sont autonomes, je sens que je peux partir tranquille.
End Notes:
Happy ending
Création (18 décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Le thème était Énigme

C’est comme une métaphore géante.
Quel mystère est plus grand que celui de la création de la Terre ? Si on ne sait pas précisément comment la vie a débuté, scientifiquement parlant… je veux dire, si on n’admet pas communément savoir comment tout a commencé, on est tous au courant de l’approche de la fin de l’humanité. Ça vous choque d’entendre parler de vie et de mort, de début et de fin, tout ça dans une même phrase ? Peut-être que ce qui vous choque c’est que cette énigme de la vie, qui vous concerne tous personnellement, ne sera bientôt plus.

Des gens se sont mis à tenter de comprendre pourquoi on existait. C’est une discipline vieille comme le monde, ou presque, et on l’appelle vaguement la science de la vie, sans même savoir ce que ça englobe. Ça fait des siècles que des spécialistes planchent sur le sujet et personne n’arrive jamais à la même conclusion. Quand on a enfin une idée de la résolution du problème, quelqu’un se pointe et fout tout par terre à coup d’arguments et d’expériences.

On avait d’ailleurs prévu le coup ! La Bible, a été créée pour mettre tout le monde d’accord. Quand on ne sait plus à quoi s’en remettre, on lit la Genèse. Sauf que là encore, l’homme est compliqué. Le christianisme n’est pas la seule religion en laquelle il croit. Alors encore une fois, le conflit reste ouvert.

Et bientôt, peut-être dans cent ans, ou avant, l’homme sera décimé et on aura plus à se poser de question. L’énigme de la vie ne sera pas résolue mais elle ne nous cassera plus jamais la tête. Je suis convaincue qu’on ne l’aura jamais notre réponse. Cette énigme est et restera la plus grosse colle qu’on ait jamais eu à débattre. Comme si on nous avait créé pour nous regarder nous acharner à réfléchir. On ne le saura jamais.

C’est pourquoi je me demande ce que vous faites encore là ! Pourquoi perdre votre temps à espérer obtenir une réponse satisfaisante ? Je n’en ai pas à vous fournir. Je ne suis pas omnisciente. La seule chose que je sais définir c’est ce que moi je commence et ce que moi je finis, exactement comme ce que je suis en train d’écrire…
End Notes:
Ca peut être frustrant en tant que lecteur, j'en conviens.
Séparation (19 décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Le thème était : Faire passer les personnes avant les choses
Aujourd’hui, c’est le grand jour… Il sera certainement source de regrets ou de remords mais je n’ai pas le choix, je dois passer par là. Mes mères m’ont imposé un ultimatum, il y a une semaine. Elles ont décidé de se séparer, parce qu’elles ne s’aiment plus, et c’est comme ça. Les histoires d’amour c’est compliqué, et on ne trouve jamais de réelle explication aux sentiments qui naissent et à ceux qui meurent. Mam’ va partir à 500 km de là pour aller vivre avec sa nouvelle compagne pendant que Maman va garder la maison, après tout elle lui appartient. Alors je dois décider avec qui je veux vivre.

« Quelle insolence que le choix », et si ce n’était que ça. Dans mon cas, c’est comme se retrouver face à deux issues uniques sans la moindre possibilité de faire demi-tour. J’ai été obligé de remuer tout un tas de pensées dans ma tête pour réussir à me décider. Je ne suis toujours pas sûr de moi. Mais elles sont là, dans le salon, elles attendent mon verdict.

Mam’ a un bon métier et elle a toujours été la première à vouloir me faire plaisir. Avec elle je vivrai bien, je ne manquerai de rien, et j’aurai même le droit à quelques caprices qui se finiront par un gain. J’obtiendrai toujours ce que je veux, parce qu’elle a l’argent facile, qu’elle est généreuse et qu’elle ne compte pas. Je l’aime pour tout ça.
Maman, elle, a une situation bien moins aisée, et même si je ne pouvais pas vraiment m’en apercevoir avant, parce qu’elles partageaient tout, je sais qu’elle s’en sortira nettement moins bien. Sans compter que Maman est seule. C’est elle la victime dans cette histoire. La tromperie de Mam’ l’a rendue malheureuse, et je n’ai pas besoin de la surprendre en larmes pour m’en rendre compte. Elle a besoin d’amour, et je sais qu’elle saura toujours m’en donner en retour.

Si je le pouvais, je choisirai les deux car pour moi elles sont complémentaires. Je ne supporte pas de vivre une telle fissure familiale. Je sais que j’en souffrirais, et j’en souffre déjà. Mais le temps est écoulé.
Je passe la porte, elles sont toutes les deux à l’affût, elles me regardent. Je vais devoir faire le bourreau par dessus le lien qui vient de se briser et je m’en veux. J’ai choisi Maman, car je l’aime, et qu’elle m’aime tout autant. Elle a besoin de moi, et je ne peux pas la laisser surmonter tout ça toute seule juste pour être sûr que moi je ne manquerais de rien de matériel. Je ne sais pas comment le leur annoncer mais le choix que j’ai fait n’a pas départagé les deux femmes de ma vie, il a simplement fait la différence entre les biens et les âmes, entre le matériel et l’humain.
Noël désenchanté (20 décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Le thème était : Santons
J’aime beaucoup Noël. C’est certainement la seule période de l’année que j’arrive encore à supporter. Cette fête ne ressemble plus aux Noëls passés, notamment parce que le froid n’est plus assez froid pour faire tomber la neige. Les gants et les bonnets sont devenus obsolètes. Je ne suis même pas sûre qu’on en confectionne encore. Mais chaque fois que je me promène sur les marchés constitués de cabanons séparés par des allées bondées de monde, je me surprend à me perdre dans mes souvenirs lorsque mes yeux croisent ceux des santons.

Ce sont ces petits personnages d’argile qui reforment un des seuls liens avec mon enfance. Personne n’est plus assez croyant pour savoir ce que ça signifie réellement, d’ailleurs les enfants en font de simples jouets, pourtant cette tradition perdure dans le temps. Ce ne sont pas les cinq degrés qui ont réchauffé la planète qui brûleront la culture provençale. Dans cette région du sud de la France, les figurines de terre, qui ne servent qu’à décorer les crèches de Noël, sont mises en scène à chaque coin de rue. Néanmoins, il est rare qu’elles soient peintes à la main, comme du temps de ma grand-mère. Aucun métier n’a échappé à la robotisation, hélas. Pas même l’artisanat le plus complexe qui soit.

Alors chaque fois que je croise ces miniatures modélisant la naissance du petit Jésus, je joue à un jeu. Je mène mon enquête pour déterminer comment elles ont été fabriquées. S’il s’avère qu’elles ont été faites à la main, je fais un voeu, celui de retrouver ma bonne vieille Terre comme elle était il y a soixante ans.
Malheureusement, je peine à dégoter les statuettes rares…
End Notes:
Je ne pouvais pas faire d'impasse sur le réchauffement climatique.
The last song (21 décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Le thème était : Musique
J’arpente les rues de la ville
Le son de mes pas y résonne
Je ne croise ni gentil ni vils
Paris me laisse sans personne

La catastrophe a tout terrassé
Je demeure le seul survivant
L’espoir de croiser l’être animé
Se laisse emporter par le vent

Séisme, éboulement, incendie
Vous avez décimé la race humaine
Inondation, cyclone, tsunami
Vous avez décimé la race humaine

[…]


La musique qui tourne en boucle dans mon poste de radio m’a totalement déprimé ce soir. Pourtant je continue de l’écouter. J’ai comme la sensation étrange qu’elle est prémonitoire ou presque. Les événements exceptionnels se font de plus en plus banals ces temps-ci. Après Carina, Xynthia, Irma et José, tous les tremblements de terre en Chine et les raz-de-marrée au Japon, sans oublier les catastrophes industrielles que sont Tchernobyl et Bhopal, entre autres marée noires… Le sort s’acharne sur nous, je ne suis pas fou ! Quel sera la dernière catastrophe responsable de la disparition de l’Homme ?
End Notes:
La dernière note cynique pour ce calendrier.
Oser c'est se donner une chance (22 décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Le thème était : Les folies sont les seules choses que l'on ne regrette jamais
C'était une soirée d'été comme les autres, parfaite par une douce température comme on pouvait encore en sentir à 22h00 à Lisbonne. Angelina avait eu une journée bien remplie. Elle s'était autorisé du réconfort en s'offrant un bon repas chez Mario, le restaurant italien du quartier de Rossio. La solitude ne l'avait jamais empêché de s'ajouter à la masse de touristes qui remplissait les terrasses portugaises. Son carnet d'écriture était toujours là, posé sur la table, pour lui tenir compagnie. Elle y avait encore jeté quelques mots, quelques idées que la rue et les bribes de conversations étrangères lui inspiraient pendant qu'elle mangeait. Mais quand vint le moment de lever le nez de son écriture pour demander l'addition au serveur qui voudrait bien passer près d'elle, quelque chose d'autre attira son attention.

Le visage d'une inconnue semblait l'appeler de la terrasse voisine. Cette femme était suffisamment différente pour rendre Angelina aussi immobile que muette. La peau à peine mate, les cheveux bouclés, frisés même, et d'un brun presque noir, elle était calme et distraite. Ce n'est qu'après l'avoir regardé de la tête aux pieds qu'Angelina s’aperçut qu'un homme à la bouche agitée l'accompagnait. Il était aussi élégant qu'un businessman s'apprêtant à conclure une affaire. Tout deux avaient certainement le même âge, pourtant la subjectivité d'Angelina faussait son jugement. Si ce couple avait environ quarante ans, elle n'en aurait donné que trente-deux à cette femme dont le faciès s'apparentait à celui d'une jeune femme pleine de vie. La vérité lui crevait littéralement les yeux, mais le peu de son esprit qui était encore doué de raison la rappela à l'ordre.

C'est là, que pour la première fois, hors de ses livres, Angelina allait se laisser vivre ses sentiments. Un homme, un Rom qui tentait de se faire un peu d'argent auprès des touristes, tenait dans l'une de ses mains un paquet de roses rouges. Elles n'étaient ni enveloppées de plastique, ni joliment présentées mais à l'état de nature. C'est ce côté sauvage qui lui évoqua à nouveau la beauté naturelle de cette inconnue du trottoir d'en face. Sans réfléchir, lorsque le vendeur passa dans l'allée des tables et des chaises, elle lui tendit une pièce d'un euro et récupéra une fleur en échange. La seconde d'après elle se sentait bête de tenir ce symbole de passion entre ses deux doigts de célibataire endurcie. Lorsqu'elle jeta un nouveau coup d'oeil curieux vers la brune aux longs cils noirs, son coeur fit une sorte de bond dans sa poitrine. Elle interpréta cela comme un signe d'encouragement. Son imagination la conduisit à écrire son numéro de téléphone sur sa serviette en papier qu'elle enroula comme une ficelle autour de cette rose fraîche. Elle ne réfléchissait plus. Quand la coupelle qui servait à déposer l'addition résonna sur sa table, elle y glissa un bon billet et se leva aussitôt de sa chaise tiède. La rose dans la main gauche, son sac à main dans la main droite, elle salua d'un sourire absent le serveur qui s'en allait avec son argent et quitta la terrasse avec certitude. D'un pas décidé, presque mécanique, elle traversa la rue piétonne, et en passant devant la table de ces inconnus, y laissa maladroitement tomber la rose. Si elle avait bien agi, la fleur avait chuté sur les genoux à peine vêtus de cette femme charmante. Elle ne le saura jamais, mais en regagnant la route, elle crut entendre les voix remplies d'interrogation du couple parfait. 
End Notes:
Vous auriez bien aimé connaitre la suite ? Ça tombe bien, il y en une, il faut juste lire ce qui suit !
Angoisse et désir (23 décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Le thème était : Attente
La tête remplie de pensées contradictoires s'entremêlant les unes avec les autres, Angelina rentrait chez elle, dans son modeste appartement de la rue Maria. Au premier étage, alors que la nuit était tombée, la jeune femme s'assit à la table où elle avait l'habitude de s'asseoir seule. Ce soir-là ne dérogeait pas à la règle. Son esprit était embrumé par le visage fascinant de la femme qu'elle avait à peine regardé une minute ce soir. Le visage imprimé dans sa mémoire depuis qu'elle avait quitté le restaurant italien lui fit comprendre qu'elle ne s'endormirait pas sans peine. C'est un rêve éveillé qu'Angelina vivait, pourtant il restait fictif.

Plusieurs scénarii s'étaient bousculés dans son imagination. Elle avait pensé au fait que cet homme avec qui la belle inconnue dinait aurait pu très mal prendre son geste téméraire au point de venir la confronter. Heureusement, elle n'avait pas eu à faire à une dispute publique qui aurait certainement brisé le peu de confiance qu'elle avait osé se donner pour une fois. Elle avait imaginé aussi que la femme se sente outrageusement salie par une telle entreprise. Après tout, il était souvent arrivé à Angelina de rebrousser chemin face à une femme à cause de la peur homophobique qui règne chez les bourgeois. Mais peut-être que la charmante dame qui avait tant comblé les yeux d'Angelina s'était tout simplement senti insensible à un tel acte. Peut-être même qu'elle, tout comme son hypothétique mari, avaient cru à une simple chute aléatoire et hasardeuse de cette rose. Enfin jusqu'à ce qu'ils s'aperçoivent du numéro de téléphone dissimulé dans la serviette en papier.

Voilà qu'Angelina remettait en cause son geste. En flirtant ouvertement avec cette femme, elle avait peut-être créé une dispute dans un couple et tout cela pour quoi ? Comment avait-elle pu penser qu'une femme comme elle prendrait au sérieux un morceau de papier dédié à essuyer les salissures de nourriture ? Peut-être que son âme d'adolescente l'avait un moment fait croire qu'elle gagnerait au moins l'attention de quelqu'un ce soir. Mais son téléphone, à côté d'elle, attendrait certainement toute une vie.
End Notes:
Comme c'est noël, vous en saurez plus en lisant le dernier chapitre de cette sous-série.
Les Mots libérateurs (24 décembre) by MelHp7
Author's Notes:
Le thème était : Ecrire
C’est au moment où Angelina avait finit de désespérer, une fois qu’elle s’était convaincu que sa tentative avait échoué que son téléphone émit un son. Elle saisit son portable comme un lion se serait jeté sur sa proie et ouvrit le message qu’on venait tout juste de lui envoyer.

Chère inconnue, merci de m’avoir fait cet honneur en m’offrant, à moi, la rose de la douce intention. Je ne sais pas si vous avez vous-même pu vivre un tel instant de profonde joie, un plaisir secret, qu’est celui de mériter l’attention toute particulière d’une personne que l’on n’avait pas remarqué soit-même. En tout cas, je vous le souhaite. L’écran qui cache mon identité et mes joues encore empourprées de rouge me permettent de me confier enfin. Cette fleur sur mes genoux frileux a eu l’effet d’un déclic en moi. La femme à peine satisfaite de sa vie maritale, que je suis, vient de comprendre en quelques minutes qu’elle n’était pas heureuse ainsi.
Lorsque je me suis retournée pour découvrir qui avait osé déposer ces pétales rouges sur moi, j’ai eu la surprise de voir les courbes d’une femme s’éloigner et j’ai senti comme une chaleur incompréhensible émaner de mon corps. Sans avoir vu votre visage j’ai su que ce geste avait été volontaire. J’ai profité du ravage intérieur de mon mari pour décrocher le papier que vous aviez laissé à mon égare. En dévoilant votre numéro de téléphone j’ai tout de suite compris votre intime pensée et pourtant je n’avais jamais songé à quelque chose de tel. Cela fait maintenant quinze ans que je vis avec cet homme à l’apparence toujours impeccable, et quinze ans que la faible flamme qui m’animait à ses côtés s’éteint progressivement. Ce soir je viens de balayer les dernière braises. J’ai enfin mis le doigt sur ce que j’avais inconsciemment enfoui dans mon esprit.
J’ai 39 ans, et je pense que j’ai maintenant le droit au bonheur. Je vous en prie, j’ai besoin de savoir à qui je dois cette prise de conscience. Puis-je vous rencontrer. Maintenant ?


Cette inconnue s’était livrée toute entière, presque à nue, à travers son écriture si fine. Angelina avait tremblé tout du long de la lecture de ces mots choisis avec soin. Tout cela avait l’air si naturel. Et son coeur était sur le point d’exploser de ravissement. Elle n’attendait plus que la venue de cette femme.
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