Summary: Une artiste, sa muse, la toile blanche.
Et toutes les couleurs du froid...
Categories: Contemporain,
F/F Characters: Aucun
Avertissement: Aucun
Langue: Français
Genre Narratif: Nouvelle
Challenges: Series: Aucun
Chapters: 1
Completed: Oui
Word count: 1305
Read: 2262
Published: 03/11/2017
Updated: 05/11/2017
Story Notes:
Ce texte est en fait une songfic inspirée par la chanson Le lac de Julien Doré...
Je trouve les paroles de ce morceau très poétiques et à chaque fois que je l'écoute, je projette une histoire inventée dessus.
J'avais envie de partager celle-ci avec vous et j'espère qu'elle vous plaira.
1. Chapitre 1 by Pikenikdouille
Chapitre 1 by Pikenikdouille
Author's Notes:
Bonne lecture
Rien ne peut ternir la couleur de ces jours, dans ma mémoire. Si je choisissais de tout engloutir dans le blanc de l’oubli, je suis sûre que ta silhouette viendrait s’y découper, limpide et reconnaissable.
Je n’oublierai jamais cette image : l’immense, le bleu, le blanc, le silence. Rien d’autre. J’avais l’impression d’être arrivée au bout du monde.
La camionnette roulait ; trop vite à mon sens. J’allais découvrir que les Russes ne font jamais rien à moitié !
Alek a arrêté la camionnette aux abords de la maison. Quand il a ouvert sa portière, d’abord, je n’ai pas compris ce qui m’arrivait… C’était comme prendre une grande claque dans la figure en entrant dans une pièce où personne n’est censé nous attendre…
C’était le froid.
Le temps qu’il fasse le tour du véhicule, je n’arrivais toujours pas à respirer. Il a ri.
Ça aussi je l’ai compris au cours de mon voyage : les Russes ne s’en font jamais pour rien ! Surtout pas pour les petites françaises venues se frotter au grand nord…Mais le grand nord n’est rien comparé au grand Est.
Je ne sais plus comment j’ai fait pour le suivre. Alek ne m’attendait pas… Si j’ai réussi à lui emboîter le pas, en portant mon sac et mon chevalet pliant, c’est à l’instinct, je crois : la peur qu’il disparaisse dans tout ce blanc et que je reste seule, figée, tétanisée, incapable de crier au secours. Et que le froid m’avale. C’est ça qui m’a guidée.
Peu à peu, la rive est apparue. Une mer immobile et bleue. L’horizon était un infini trait blanc, au-delà des arbres noirs. Un trait si blanc que je n’arrivais pas à le regarder en face. J’ai baissé le nez dans mon écharpe. Je me suis entendu penser : si tu meurs maintenant, au moins tu seras venue jusqu’ici… Bravement, je suis parvenue à la maison, Alek ne daignant même pas se retourner pour s’assurer que j’étais toujours en vie.
Notre première étreinte s’est passée là. J’étais une étrangère, toi une inconnue. Mais avant même que j’aie le temps de m’essuyer les pieds, tu m’as accueillie dans tes bras. La chaleur était telle dans la pièce que j’ai failli m’évanouir sous le choc thermique ! Tu me débarrassais de mon manteau en prononçant des paroles que je ne comprenais pas ; et pour cause : nous n’avions pas encore de langue commune. De tes mots, je ne comprenais que l’infinie douceur. De ta langue, je devinais déjà la profonde subtilité… Autour de nous, les hommes s’embrassaient bruyamment en parlant du ciel, du lac et de je ne sais quelle montagne.
Je me souviens de ta main sur mon épaule, une autre fois… C’était plusieurs semaines après mon arrivée. Un de ses nombreux moments où je peignais ce que je voyais par la fenêtre, et où il n’y avait personne que nous. Les nuances du blanc autour du lac n’avaient déjà plus de secret pour moi. Je passais tout mon temps à tenter de les fixer sur la toile (j’étais venue pour ça)…Tout mon temps ? Non. Non, bien sûr.
Il y avait ces minutes où je ne voyais que toi. Je t’observais à la dérobée, presque en me cachant. Quand tu passais près de moi, c’était comme un souffle sur ma nuque. Je frémissais. Cette fois-là j’ai dû me recroqueviller, mon ventre s’est tordu, mais je n’ai pas pu retenir mon soupir. Et par la fenêtre, la forêt soupirait avec moi, attendant avec ferveur le redoux du printemps.
Est-ce parce que nous cherchions inconsciemment la chaleur… ? L’idée m’a traversée. Je n’ai pas de réponse. Je n’ai pas cherché à combler quoi que ce soit. Le lac me rendait déjà heureuse… Le soleil illuminait ce monde de pureté. J’étais chavirée par tant de beauté. Je devenais silencieuse en découvrant qu’il n’y avait rien à dire, ou plutôt, que je n’étais pas obligée de parler. Il y avait tant de couleurs dans le ciel. On pouvait prendre l’air à pleins poumons, s’enivrer d’oxygène, et simplement se sentir là, se sentir être... Inspirer. Et j’en avais bien besoin pour reprendre mon souffle entre tes baisers.
C’est là que je t’ai aimée : sur les bords du lac. Serrées l’une contre l’autre, dans la lumière pure, la lumière nue… Ton cœur d’ici sur mon corps de là-bas, qui respiraient, ensemble. J’ai appris les mots de ta langue et c’était comme si le lac me parlait par ta bouche.
J’espère qu’ils nous ont regardées ; Alek, Dmitri, Vassili, toujours là, comme des ombres, à rôder avec leurs fusils de la guerre froide. J’espère qu’ils ont pu le voir fleurir sur la glace du lac, notre amour.
Chaque aurore était un nouveau défi. Sortir de tes bras chauds et tendres. Affronter le froid comme on brave la mort. Il me fallait gravir les sommets pour attraper les couleurs que j’étais venu chercher. Je peinais longtemps mais je devenais forte. Et la pente pour revenir, la pente devenait facile car j’avais une bonne raison de me laisser glisser… Vers la maison où tu étais restée.
Tu me serrais encore, comme ce premier jour dans la maison brûlante. Tu me découvrais. Tu me serrais si fort que derrière les vitres givrées, le monde blanc disparaissait. Dans tes bras, j’ai trompé la mort. J’ai vu les anges vaciller.
Parfois nous sortions voir ce monde ensemble. Les ocres et les bleus et les mauves et les roses. Bien sûr pour toi c’était le plus naturel du monde. Moi j’étais comme une enfant. Comment le ciel peut-il faire ça ?!
Tu te penchais au-dessus de l’eau. Ton reflet riait de te voir, une mèche de ta blondeur devant l’azur de ton regard. Bientôt mon reflet rejoignait le tien, ma joue rougie par le froid collant la tienne. Notre rire dans les murmures du froid, à peine coupé par l’écho d’un coup de fusil, loin dans la forêt…
J’ai repoussé autant que j’ai pu le moment de peindre la dernière toile, ranger les derniers pinceaux…
Le lit au carré. La valise. La camionnette.
D’adieux, il ne pouvait pas y en avoir entre nous. De cette stupide étreinte devant Alek, comme deux étrangères que nous n’étions plus, je ne veux pas me souvenir. Ou juste de l’odeur de ta peau, du son de ton silence.
Si un jour le froid t’abîme, si tu as des regrets…
Devant le lac, le miroir où le ciel se reflète, si le passé vient te hanter : promet-moi de tout oublier.
Mais si parfois tu me cherches, si tu veux me retrouver, j’y serais toujours. Quelque part en toi, là où ton cœur respire… Tu me retrouveras là où, incrédules, les hommes nous regardent. Mêlée à la brume au-dessus de l’eau, dans le soupir de l’horizon sans fin. Je serai là. Debout sur les bords du lac, à t’aimer…
End Notes:
N'hésitez pas à me donner votre avis.
J'espère que celles/ceux qui aiment cette chanson ne trouveront pas que je la "dénature"...
Attention: Tous les personnages et situations reconnaissables sont la propriété de leur auteurs respectifs. Les auteurs reconnaissent qu'ils ne touchent aucun droit sur leur travail en publiant sur le site.