Runaway Train by Catie
Ancienne sélection flamboyanteSummary:

Pixabay, libre de droits

 

1873, en Angleterre.

Cinq femmes à bord d'un train. Trois soeurs, une gouvernante, une inconnue.

Deux versions de l'histoire.

Mais qui dit la vérité ?

 

Participation au concours "Marions-les !" des Beiges


Categories: Policier, Thriller, Espionnage, Historique Characters: Aucun
Avertissement: Aucun
Langue: Français
Genre Narratif: Roman
Challenges:
Series: Marions-les
Chapters: 7 Completed: Oui Word count: 11915 Read: 37653 Published: 17/09/2017 Updated: 20/09/2017

1. Chapitre 1 - Du 2 au 13 janvier 1873 by Catie

2. Chapitre 2 - Du 14 au 25 janvier 1873 by Catie

3. Chapitre 3 - Du 26 janvier au 21 février 1873 by Catie

4. Chapitre 4 - Du 10 au 25 janvier 1873 by Catie

5. Chapitre 5 - Du 27 janvier au 2 février 1873 by Catie

6. Chapitre 6 - Du 4 au 9 février 1873 by Catie

7. Chapitre 7 - Du 10 février au 6 mars 1873 by Catie

Chapitre 1 - Du 2 au 13 janvier 1873 by Catie
Author's Notes:

Voici ma participation au concours "Marions-les !", organisé par l'équipe des Beiges ! Les trois thèmes qui m'ont été attribué sont les suivants :

Roman épistolaire

Roman historique - 19e siècle

Thriller psychologique

J'ai tout écrit un peu en vitesse, j'espère donc n'avoir pas trop cafouillé niveau dates, chronologie, etc... Je vous laisse découvrir ce premier chapitre, en espérant que ça vous plaise. :)

LETTRE I

2 janvier 1873, Walbottle

A Scarlett O’Neill

Ma très chère amie,

Je suis navrée de devoir t’écrire en de telles circonstances. Je suis décidément une femme maudite par la vie. Tu es la mieux placée pour savoir que j’étais plongée dans un profond désespoir suite à la mort de Frederick. Ses enfants étaient les seules étincelles de vie qui me retenaient en ce bas monde. J’ai dû subir coup sur coup ces derniers mois les douloureuses pertes des deux aînés. Et à présent, Charles Edward s’est lui aussi éteint hier soir d’une fièvre gastrique.

Je ne sais plus que faire, mon amie. Je souffre et je ne sais pas si je serais capable de continuer. Me voilà veuve pour la quatrième fois et entièrement seule au monde. J’aimerais tant que tu sois présente à mes côtés, que tu me prennes dans tes bras et me murmure des mots de réconfort comme toi seule sait si bien le faire. Lorsque je ferme les yeux, j’arrive à imaginer la douceur de tes longs cheveux bruns fleurant bon la lavande contre mon visage.

Mais ce n’est qu’une illusion, douloureuse car irréalisable. Si seulement j’avais assez d’argent pour te rejoindre … Sache que si je pouvais m’offrir un aller simple, je serais déjà dans le train à l’heure qu’il est.

J’espère que mon malheur ne viendra pas entacher ton séjour à Bath. Je ne veux pas que tu t’apitoies sur mon sort. Dans ta prochaine lettre, ne me plains pas. Raconte-moi plutôt toutes ces fantastiques choses que tu as la chance de vivre !

Mes amitiés à ton mari et tes enfants,

Mary Ann

***

LETTRE II

4 janvier 1873, Bath

A Mary Ann Cotton

Ma chère Mary,

Tu me voies désolée d’apprendre une telle nouvelle ! Charles Edward était un enfant adorable et charmant, sa perte m’attriste à un point que tu ne saurais concevoir. Je me sens particulièrement impuissante en pensant à tous ces kilomètres qui nous séparent. J’aurais voulu être près de toi pour te soutenir. L’idée de te savoir seule dans cette petite ville minière triste et déprimante me rend folle.

Malheureusement, Rhett refuse de me laisser partir seule. Il dit que cela n’est pas convenable pour une femme de voyager en solitaire, et je ne peux pas lui donner tort. Je puis encore moins les embarquer, les enfants et lui, jusqu’au nord de l’Angleterre. La santé de Richard est toujours instable, et le docteur affirme qu’il serait mauvais pour ses poumons de revenir à un climat trop humide. Si la vie calme de Bath a fait des merveilles, il suffirait d’un seul jour à Wallbottle pour le voir replonger.

J’ai néanmoins une bonne nouvelle pour toi. En voyant mon évident désespoir, Rhett a généreusement offert de te payer un billet de train pour que tu viennes jusqu’à nous. Ne sois pas embarrassée, tu sais que tu fais partie de la famille.

En espérant recevoir une réponse positive et te serrer bientôt dans mes bras,

Avec tout mon amour et mon soutien,

Scarlett

***

LETTRE III

10 janvier 1873, Wallbottle

A Scarlett O’Neill

Ma chère amie,

Je suis navrée de te répondre aussi tardivement. Sache que tes mots m’ont redonné force et confiance et que j’ai pu aborder les derniers jours avec plus de paix et de sérénité. La maison me semble vide sans Frederick et ses enfants, mais tes lettres sont une véritable source de réconfort.

Je dois t’avouer qu’il a été difficile d’organiser l’enterrement de Charles Edward. J’ai à peine mis les pieds au cabinet d’assurance pour récupérer l’argent pour planifier ses obsèques que d’immondes rumeurs couraient sur mon compte ! Te souviens-tu de Thomas Riley ? Il m’a fait des avances avant que je ne rencontre Frederick, et il a toujours mal supporté d’être rejeté. Ce goujat a maintenant trouvé un parfait moyen de se venger !

Il crie haut et fort que je suis responsable de la mort de ce pauvre Charles Edward. Oui, tu as bien lu, tu te rends compte ? Être ainsi calomniée m’est insupportable. Peu de gens semblent prêter crédit à ses affirmations, mais j’ai l’impression que cela n’est qu’une question de temps. Tu sais comment sont les gens, ce sont tous des moutons, et il suffit que la graine de la suspicion soit plantée pour qu’elle se développe.

Je sens déjà des regards hostiles lorsque je vais faire mes courses sur la place du marché. Je me dis parfois que ce n’est que mon imagination. Ou en tout cas, c’est ce que je me disais jusqu’à ce que le boulanger refuse de me servir mon pain ce matin. Et la laitière m’a ensuite demandé froidement de sortir, avec un regard dégoûté sur mes habits de deuil.

Je dois avouer que je suis totalement démunie. Je suis outrée et choquée d’être accusée de la sorte, que des doutes naissent de telles affabulations et que je ne puisse me défendre sans passer pour la coupable. Ceci m’est d’autant plus douloureux que je viens de perdre tout ce que j’avais. J’ai en tout cas réalisé ce soir qu’il m’est impossible de vivre ici plus longtemps. Si je reste, je deviendrais folle et risque de m’accuser moi-même d’un crime que je n’ai pas commis, rien que pour faire taire les chuchotis sur mon passage. Je veux fuir ces regards accusateurs qui ne font qu’empirer mon sentiment de désespoir.

C’est pourquoi j’accepte avec joie et beaucoup de gratitude la proposition de ton mari. Vous rejoindre à Bath est une pensée qui m’emplit de joie et de sérénité, et j’ai bien l’impression qu’il s’agit pour moi de la seule alternative possible.

Je suis transportée de bonheur à la simple idée de savoir que je pourrais dans quelques jours te serrer dans mes bras.

Avec toute mon amitié,

Mary Ann

***

LETTRE IV

11 janvier 1873, Bath

A Mary Ann Cotton

Mary Ann,

Tu ne peux savoir à quel point je suis choquée de lire ces mots. Qu’on puisse te penser coupable d’une telle atrocité me laisse sans voix. Et quelle ignominie de la part de ce Mr Riley ! Je ne pensais pas qu’il existait des personnes aussi viles.

Quoiqu’il en soit, je ne m’attarde pas. Je me contente d’un rapide mot, en me disant que dans quelques jours nous pourront parler de tout cela de vive voix. Je joins à ce courrier les vingt livres nécessaires à ton billet de train.

Rhett et les enfants se joignent à moi pour te souhaiter bon courage.

Sois forte mon amie. A bientôt,

Scarlett

***

LETTRE V

13 janvier 1873, Wallbottle

A Scarlett O’Neill

Ma chère Scarlett,

Je ne saurais te dire à quel point je vous suis reconnaissante, à toi et à ton mari, pour votre générosité. Je t’écris ce mot depuis la gare de Wallbottle. J’ai acheté mon billet et j’attends le départ du train. Mon arrivée devrait suivre celle de cette lettre de quelques jours. Et je sens qu’il est temps pour moi de partir. L’hostilité qui m’entoure me rend particulièrement mal à l’aise.

Je quitte Wallbottle sans regrets. Plus rien ne me retient ici si ce n’est mes souvenirs. Des souvenirs qui me font mal à présent. Je ne puis penser à Frederick ou Charles Edward sans un horrible pincement au cœur. Partir apaisera sans aucun doute en partie mes souffrances.

Le train est là, je dois gagner mon compartiment. Enfin, dans quelques jours, je pourrais trouver le doux réconfort de ton sourire.

A très bientôt, et merci encore,

 

Mary Ann

End Notes:

J'espère que ça vous a plu ! :) Vous aurez sûrement reconnu la première référence du texte : Scarlett et son mari Rhett sont les prénoms des personnages de "Autant en emporte le vent" de Margaret Mitchell, roman historique du 19e (mais écrit au 20e :mg:).

Etant donné que la deadline est dans quelques jours, je vais devoir tout poster d'un bloc, donc la suite ne se fera pas trop attendre.

A bientôt et n'hésitez pas à aller lire les autres participations au concours !

Chapitre 2 - Du 14 au 25 janvier 1873 by Catie
Author's Notes:

On accompagne Mary Ann au cours de son périple lors de ce chapitre, avec l'apparition de nouveaux personnages ! J'espère que ce second chapitre vous plaira. :)

Merci beaucoup à Bibi pour son commentaire ! :hug:

LETTRE VI

14 janvier 1873, Durham

A Scarlett O’Neill

Ma chère Scarlett,

Mon périple commence d’une bien mauvaise manière ! Ce qui n’était censé être qu’un voyage en train de quelques jours se voit soudain rallongé par les intempéries qui ravagent le nord du pays. La région est parcourue de tempêtes de neige qui empêchent le moindre voyage. Nous avons été contraints de nous arrêter à la gare la plus proche avant d’être pris dans les fondrières. La compagnie de train nous a logés dans une petite auberge de Durham en attendant que le temps soit plus dégagé.

Je ne sais pas si c’est à cause de ma récente expérience à Wallbottle, mais j’ai l’impression que tous les autres passagers me dévisagent. Leurs regards sont accusateurs et je crains sans cesse de les voir hurler au meurtre. Mais ce doit être uniquement ma paranoïa qui parle. Une fois que nous serons repartis, tout ira pour le mieux.

Je vais laisser cette courte lettre à la propriétaire de l’auberge et lui demander qu’elle la poste une fois que le temps sera plus clément. J’espère qu’elle arrivera à destination, je ne voudrais pas que tu t’inquiètes pour moi ou d’un quelconque retard.

Je serai sur Bath dans peu de temps, loin de ce froid glacial, je te le promets. Et nous pourrons parler de tout cela devant une bonne tasse de thé.

Avec toute mon amitié,

Mary Ann

***

LETTRE VII

18 janvier 1873, Durham

A Scarlett O’Neill

Ma chère Scarlett,

Notre séjour à Durham a duré plus longtemps que prévu. La météo a été déplorable et nous n’avons pu reprendre la route. Le conducteur nous a cependant affirmés qu’aujourd’hui devrait être un jour de chance. Selon ses estimations, la neige aura cessé d’ici la fin de l’après-midi et nous pourrons reprendre notre route vers Bath. Je joins cette lettre à la première pour qu’elle te soit envoyée après mon départ, en espérant que tu ne te fasses pas trop de soucis pour mon retard.

Ces quatre derniers jours ont été une véritable épreuve, je ne pourrais le dire autrement. L’auberge est surpeuplée et il est difficile d’y manger à sa faim le soir, sans parler du vacarme ambiant permanent. Les chambres sont étroites et glaciales, c’est à peine si j’arrive à y dormir. Heureusement pour moi,  j’ai fait la connaissance d’une charmante écossaise qui m’a aidé à combler le vide mes froides nuits en solitaire.

Elle se nomme Miss Murray et est respectable en tout point. Elle est au service des Cunningham, une famille bourgeoise du nord d’Edimbourg qui a fait fortune dans le commerce de charbon. Elle accompagne leurs trois filles à Bath pour la saison hivernale. Et je dois dire que sa conversation est des plus agréables, elle offre une distraction bienvenue parmi tous ces inconnus qui me dévisagent avec suspicion. A croire qu’il est interdit pour une femme seule de voyager !

Je dois te laisser mon amie, nous sommes priés de regagner nos wagons. A très bientôt, je l’espère,

Mary Ann

***

LETTRE VIII

20 janvier 1873, Leeds

A Scarlett O’Neill

Ma chère Scarlett,

Décidément, le destin refuse de me faire venir à toi ! Nous voilà à présent arrêtés à Leeds, contraints de descendre à cause des bourrasques de vent qui secouent les wagons et des chutes de neige qui recouvrent les rails. Au moins cette fois-ci sommes nous abrités dans un hôtel digne de ce nom. Les draps sont moisis et il y fait toujours froid, mais la nourriture est bien plus comestible.

J’ai passé ces deux derniers jours de voyage aux côtés de Miss Murray et des trois filles Cunningham. Si je m’entends extrêmement bien avec la première, le contact est cependant plus difficile avec les trois autres.

L’aînée, Miss Rachel, est très silencieuse, elle ne cesse de me dévisager sans mot dire, et je dois dire que la sensation est assez dérangeante. Miss Anna est toujours plongée dans ses livres, mais je sais qu’elle nous écoute en toute occasion et ce sentiment d’être épiée est plus que désagréable. Quant à la cadette, Miss Megan, elle est d’une impertinence ! Miss Murray a été contrainte de la reprendre plusieurs fois devant le manque évident de respect dont elle me faisait part. Elle n’a que quinze ans mais pas la langue dans sa poche.

La présence de ces trois jeunes filles est néanmoins rendue nettement plus supportable par celle de Miss Murray. C’est une femme charmante, très cultivée, pleine de conversation, je suis sûre que tu l’adorerais, vous vous entendriez à merveille ! Je lui ai déjà proposé de se joindre à nous pour quelques temps une fois arrivées à Bath et elle a accepté avec enthousiasme. J’espère que cela ne dérangera pas ton mari et tes enfants.

Si mon voyage s’annonce plus long que prévu, je n’en désespère pas d’arriver à destination ! En attendant avec impatience de pouvoir te serrer dans mes bras,

Mary Ann

***

LETTRE IX

23 janvier 1873, Sheffield

A Scarlett O’Neill

Chère Scarlett,

Nous voilà bientôt à la moitié de notre voyage. Nous venons de nous arrêter à Sheffield, les voies ferrées étant verglacées et donc trop glissantes et dangereuses pour continuer. Nous devrions rester là un ou deux jours avant de reprendre la route.

Je n’ai rien de bien attrayant à te raconter aujourd’hui, si ce n’est que j’ai vu Miss Murray entrer dans une colère folle pas plus tard que la veille ! Comme toutes les femmes de sa classe, elle est restée très digne, mais je voyais à ses joues rouges qu’elle n’était pas loin d’exploser. Le point le plus intéressant reste cependant la raison d’un tel mécontentement.

La jeune Miss Anna, si droite et bien éduquée, que nous voyons lire avec sérieux depuis le début du voyage, dissimulait en réalité derrière sa couverture du « Guide de la parfaite demoiselle » un roman libertin ! C’est en tout cas ce que m’a affirmé Miss Murray, mais je n’ai pour ma part jamais entendu parler de ce Laclos ou de ses « Liaisons dangereuses ». Et je dois t’avouer que lorsque la curiosité m’a poussé à le feuilleter, je n’ai pas saisi où se trouvait le libertinage, mais je fais confiance à Miss Murray pour cela, elle est bien plus cultivée et lettrée que moi.

Il n’empêche que cela a été l’évènement de la journée ! Miss Anna était rouge de honte, tandis que Miss Megan ne pouvait s’empêcher de ricaner et Miss Rachel de l’admonester pour sa légèreté. Ces trois sœurs sont si différentes l’une de l’autre qu’il est à se demander si elles font bien partie de la même fratrie.

Il existe tout de même un sujet sur lequel elles arrivent à se mettre d’accord, et ce sujet c’est moi-même. Elles me vouent toutes trois une hostilité que je peine à m’expliquer. Pire que tout, elles paraissaient presque énervées lorsque j’ai mentionné mon regretté Charles Edward ! Je ne comprends pas cette répugnance dont elles font preuve à mon égard, et je dois dire qu’il me tarde d’arriver au bout de ce voyage.

Avec toute mon amitié,

Mary Ann

***

LETTRE X

25 janvier 1873, Birmingham

A Scarlett O’Neill

Ma chère amie,

Nous voilà à présent arrêtés à Birmingham. La neige n’est cette fois pas à blâmer. Il y aurait apparemment un problème technique qui ne peut être résolu avant quelques jours. Je ne vais pas me plaindre, dormir dans une couchette étroite et dure commence à être lassant. Je ne peux m’empêcher de t’envier le confort de la maison de famille de Rhett. Que ne donnerais-je pour pouvoir arriver à Bath en un claquement de doigt !

Sans compter que l’ambiance s’est nettement dégradée au sein de notre compartiment. Comme je te le disais dans ma précédente lettre, les sœurs Cunningham sont loin d’être agréables à mon égard. Cela fait deux jours que je ne récolte que regards en coins peu amènes et piques acerbes. Ce matin, Miss Megan a été si loin que Miss Murray a été obligée de la reprendre plus sévèrement que d’habitude – ce qui n’a pas semblé l’émouvoir plus que cela.

Elle a en effet osé sous-entendre que Charles Edward était mort par ma faute, car je n’avais pas su prendre suffisamment soin de lui. Cette accusation me bouleverse et me perturbe à un point que tu imagines très bien. Je peine à comprendre comment il lui est possible de pouvoir songer une chose pareille. J’aimais cet enfant d’un amour tendre et sincère, et je suis blessée de voir ce que la mesquinerie des gens peut faire naître comme horribles pensées !

En tout cas, loin de moi l’idée de paraître excessivement dramatique, mais j’ai depuis cet évènement un étrange pressentiment. J’ai comme l’impression que quelque chose va bientôt se produire ; quelque chose de malheureux. Et, j’ai honte d’écrire cela, mais je crains pour ma vie. Je me fais l’effet d’une pauvre femme paranoïaque pétrie de superstitions, mais je ne sais interpréter autrement l’hostilité ambiante à mon égard.

Je regrette de t’accabler ainsi ma chère Scarlett, je tenais cependant à exprimer mes soucis par écrit. Avoir une preuve écrite en cas d’accident est toujours essentiel, tu le sais bien. Je tenais donc à te dire que si jamais quoi que ce soit m’arrivait, tu serais la légataire de tout ce que je possède, même si mes possessions sont maigres. Je m’alarme peut-être pour rien, mais mieux vaut être prudent.

A bientôt je l’espère, embrasse tes enfants et ton mari pour moi,

Mary Ann

End Notes:

Merci pour votre lecture, j'espère que ça vous a plu !

Vous avez peut-être relevé la seconde référence de l'histoire : "La Fille du Train" de Paula Hawkins, un thriller psychologique dont les trois personnages féminins principaux se nomment Rachel, Anna et Megan (mais elles ne sont pas du tout soeurs). Puis il y a aussi le fait que l'histoire soit ici centrée autour du train, référence directe au titre du livre. :)

Et bien sûr la troisième et dernière référence, bien plus directe, la mention des "Liaisons Dangereuses" de Laclos, roman épistolaire écrit en 1782.

A très bientôt pour la suite !

Chapitre 3 - Du 26 janvier au 21 février 1873 by Catie
Author's Notes:

Un troisième chapitre avec un peu plus d'action qui conclue la partie de Mary Ann, j'espère qu'il vous plaira !

LETTRE XI

26 janvier 1873, Bath

A Mary Ann Cotton

Ma chère amie,

Je profite de ces quelques jours d’arrêt à Birmingham pour t’écrire une rapide lettre, j’espère qu’elle te parviendra avant que le train ne reparte.

Je suis horrifiée de lire que tes malheurs peuvent susciter de telles réactions et de tels propos ! Les gens sont tout simplement sans cœur. L’idée de te savoir seule entourée de personnes si inamicales au point que tu en craignes pour ta vie me rend malade. J’aimerais tant pouvoir être à tes côtés pour t’aider et te rassurer !

J’essaye de me tranquilliser moi-même en me disant que ces Miss Cunningham sont bien jeunes et bien impressionnables. Elles ont sûrement entendu quelques rumeurs les ayant poussées à se comporter ainsi avec toi. Tu es leur manière bien morbide d’égayer leur voyage, n’y vois rien d’autre. Heureusement que Miss Murray est présente pour te défendre du mieux qu’elle le peut. J’éprouve d’ailleurs beaucoup d’impatience à l’idée de la rencontrer, elle semble être une femme charmante et de caractère !

Quoiqu’il en soit, sache que je conserve précieusement toutes tes lettres. Comme tu le dis si bien, une preuve écrite est essentielle en cas d’accidents inexpliqués. Un peu de courage, tu n’es plus qu’à une centaine de miles de Bath, ton voyage touche à sa fin !

Avec toute mon amitié et mon soutien,

Scarlett

***

LETTRE XII

2 février1873, Worcester

A Scarlett O’Neill

Ma chère Scarlett,

Tu ne peux imaginer l’état dans lequel je me trouve ! Je tremble comme une feuille et il m’est d’une difficulté sans nom d’écrire cette lettre. Si le temps est bien plus clément et le train dépourvu du moindre problème technique, c’est néanmoins un évènement macabre qui nous a contraint à nous arrêter à Worcester.

Je ne sais comment atténuer le choc par écrit et je me contenterais donc d’être brève : Miss Rachel est décédée ! Mon dieu, même en le transcrivant sur papier j’ai du mal à appréhender cette réalité. Nous l’avons trouvée ce matin dans sa couchette, pâle et froide comme la mort. On aurait pu croire qu’elle dormait, mais ses sœurs ne parvenaient pas à la réveiller et nous avons appelés un docteur qui voyage avec nous, un homme charmant, pour lui demander un diagnostic avec inquiétude. Sa sentence a été sans appel et nous a toutes horrifiées !

Il a été impossible au docteur d’établir la cause ou l’heure du décès. C’est lui-même qui a demandé au conducteur de faire halte dans la ville la plus proche. Nous voilà arrêtés depuis seulement une poignée d’heures. Miss Anna et Miss Megan sont dévastées. Les pauvres enfants sont prostrées dans un coin à pleurer, incapables de même boire le verre d’eau qu’on a posé devant elles. Leur détresse ne leur a toutefois pas fait oublier la haine qu’elles ont à mon égard, et je me tiens à distance respectueuse.

Quant à Miss Murray, elle est devenue hystérique lorsqu’on lui a annoncé la nouvelle. J’ai sincèrement pensé que nous avions perdu la pauvre femme, elle s’arrachait les cheveux telle une folle enfermée en asile. Heureusement pour les deux sœurs, elle possède des nerfs d’acier et elle a recouvré un calme apparent assez rapidement pour s’occuper des détails. Elle est présentement en train d’écrire une lettre à Mr et Mrs Cunningham pour leur faire part du décès de leur fille aînée. Nul doute que la nouvelle sera accueillie avec larmes et désespoir.

Ce voyage est décidément maudit par le destin… Mais je ne désespère pas d’arriver à toi en un seul morceau.

Bien à toi,

Mary Ann

***

LETTRE XIII

8 février 1873, à bord du train

A Scarlett O’Neill

Ma chère amie,

Nous voilà repartis en direction de Bath. Le docteur de l’hôpital de Worcester a statué sur les causes du décès de Miss Rachel, et il semblerait que sa mort soit parfaitement naturelle. Je dois dire que j’ai dû mal à y croire : elle semblait si jeune et en bonne santé ! Il est difficile d’admettre qu’elle s’est éteinte dans son sommeil sans autre raison que son cœur trop faible.

Ses sœurs éprouvent toujours une immense tristesse, comme tu peux t’en douter. Elles se murent dans un silence pesant et paraissent bien moins insouciantes. Je lis tout leur malheur de cette brusque perte dans les rides qui marquent leurs fronts. J’ai tenté de les réconforter mais je n’ai récolté que regards noirs et muets, je reste donc sagement dans mon coin de compartiment sans les importuner désormais.

Miss Murray elle-même peine à prendre la parole ces derniers jours. Elle paraît éreintée et constamment soucieuse. D’après le peu qu’elle a accepté de me dire, Mr et Mrs Cunningham lui ont ordonné de prendre toutes les dispositions nécessaires pour envoyer le corps de Miss Rachel à Edimbourg, pour qu’elle soit enterrée dans le caveau familial.

Ils lui ont également demandé d’emmener leurs deux cadettes à Bath, affirmant qu’ils viendraient dès que possible. Je n’ai rien dit, mais je trouve cela particulièrement étrange de ne pas avoir demandé à ce que leurs deux filles les rejoignent immédiatement. J’ai été à leur place, et après la mort des frères de Charles Edward je refusais de le laisser sortir de ma vue ! Je ne…

Plus tard, Gloucester

Mon dieu, par où commencer ! Je m’excuse déjà pour la piètre apparence de cette lettre, j’espère que tu parviendras à me lire malgré les traces d’encre et la feuille froissée. J’ai été brusquement interrompue au cours de ma missive par un cri inhumain, qui semblait se répercuter dans l’ensemble du train.

Je me suis immédiatement levée, j’ai quitté le wagon restaurant où je m’étais assise pour t’écrire, et je me suis ruée en direction du bruit. Quel n’a pas été mon étonnement de voir un attroupement autour de notre compartiment ! Les gens se sont écartés de mon passage en chuchotant et leurs regards me rendaient malade. Mais j’ai avancé tout de même, poussée par une curiosité morbide.

J’ai trouvé Miss Murray effondrée sur une banquette, apparemment évanouie. Miss Megan pleurait et hurlait en tirant sur sa robe et ses cheveux, absolument méconnaissable. Et enfin, mon regard est tombé sur la personne responsable de tous ces tourments. Miss Anna était allongée sur le sol, immobile. Et aussi pâle que l’était Miss Rachel il y a quelques jours. J’ai aussitôt compris et je suis tombée sur le sol comme une poupée de chiffon, trop faible pour que mes jambes me portent.

Le conducteur s’est arrêté dans la ville la plus proche et nous avons demandé un médecin compétent. Ce dernier nous a affirmé la même chose que celui de Worcester : cette mort était tout à fait naturelle. Il affirme que Miss Anna souffrait d’une fièvre gastrique qui aurait dû être détectée des jours plus tôt pour être prise en charge. C’est à peine s’il ne nous accusait pas de l’avoir tuée !

Je ne sais comment Mr et Mrs Cunningham géreront cette nouvelle perte, ni ce qu’il adviendra de notre voyage, mais je suis si secouée que je peine à t’écrire sans trembler. Nous risquons d’être arrêté à Gloucester un moment, n’hésite pas à m’écrire, j’aurais bien besoin de ton soutien.

Avec toute mon amitié,

Mary Ann

***

LETTRE XIV

10 février 1873, Bath

A Mary Ann Cotton

Ma chère Mary Ann,

Je ne sais que dire face à de telles atrocités. Je peine à croire que le malheur puisse ainsi s’acharner sur une seule famille ! Toutes mes pensées et mes prières sont dédiées aux pauvres Cunningham. Perdre ainsi coup sur coup leurs deux filles aînées doit être une douleur que nous pouvons à peine imaginer. Ou plutôt, que je peux à peine imaginer mais que tu dois bien connaître, pauvre de toi. Il est tout de même étrange que Miss Anna soit décédée de la même fièvre gastrique que ton petit Charles Edward, cette coïncidence macabre me donne des frissons dans le dos. Si jamais Richard l’attrape un jour de manière aussi foudroyante, je ne sais comment je réagirais.

Je suis en tout cas persuadée que ce voyage porte le signe du diable. Deux décès en si peu de temps et dans un endroit résolument clos… Je pense que je me laisserais gagner par la folie. Et je t’admire de parvenir à garder un tel calme. Miss Murray doit avoir bien besoin de ton soutien, la pauvre femme. Quant à l’hostilité de Miss Megan, ne t’en étonne pas. La malheureuse enfant vient de perdre tout ce qu’elle avait, rien ni personne ne peut encore apaiser sa blessure.

Je prie de tout mon cœur pour que cette fièvre gastrique ne soit pas contagieuse, et surtout que tu ne l’aies pas attrapé. C’est sans doute monstrueusement égoïste de dire cela après les décès de Miss Rachel et de Miss Anna, mais je ne supporterais pas l’idée de te perdre. Je ne saurais que te conseiller d’être prudente.

Courage à toi, ton supplice touche bientôt à sa fin. Plus qu’une cinquantaine de miles et tu pourras pleurer tes malheurs sur mon épaule.

En espérant que ton voyage se termine mieux qu’il n’ait commencé,

Ton amie dévouée,

Scarlett

***

LETTRE XV

21 février 1873, Bristol

A Scarlett O’Neill

Ma très chère Scarlett,

Tu me vois profondément navrée de ce long silence. Je suis d’autant plus désolée que cette lettre ne contient pas de meilleures nouvelles que les précédentes.

Nous sommes restés quelques temps à Gloucester, le temps que les Cunningham mettent à nouveau les choses en ordre. Miss Murray a de nouveau pris des dispositions pour leur envoyer le corps de Miss Anna. Au vu des distances, ils ont estimé plus judicieux de nous rejoindre directement sur Bath. Mr Cunningham refuse que Miss Megan fasse le voyage de retour seule avec Miss Murray, et son emploi du temps ne lui permettait pas de de gagner Gloucester avant le départ de notre train.

Mais une fois de plus, le malheur a frappé notre compartiment maudit. Nous étions partis depuis plusieurs jours, dans un silence de mort ponctué de pleurs et de soupirs, lorsque j’ai commencé à entendre Miss Megan tousser pendant la nuit. Je m’en suis inquiétée mais Miss Murray m’a assuré que ce n’était rien, sa jeune maîtresse a toujours eu des poumons fragiles.

Si seulement j’avais pu insister ! Si seulement elle avait pu m’écouter ! Comme tu dois déjà t’en douter, nous avons retrouvé Miss Megan un matin immobile sur sa couchette, l’oreiller tâché du sang qu’elle avait craché durant la nuit. Miss Murray en a perdu l’esprit. La pauvre femme n’est plus que l’ombre d’elle-même. Elle affirme qu’un fantôme nous poursuit depuis notre départ. Les autres passagers affirment au contraire qu’un meurtrier est à bord. Je préfère me ranger à l’avis de Miss Murray. Tu sais que je ne crois pas facilement aux mauvais esprits, mais mieux vaut cela que l’idée d’un dangereux malade qui tue d’innocentes jeunes filles.

Même l’affirmation du docteur concernant la mort naturelle de Miss Megan – encore une fièvre gastrique ! Cette maladie est une véritable plaie qui m’aura vraiment tout pris – cela ne fait pas taire les bruits. On parle d’empoisonnement sans prendre la peine de se soucier de choquer cette pauvre Miss Murray. Je tente de la protéger du mieux que je le peux, mais cela m’est de plus en plus difficile.

Je n’ose imaginer le degré d’anéantissement des Cunningham. Perdre leurs trois filles en un laps de temps si court ! C’est si regrettable. Surtout lorsque l’on songe que le temps clément de Bath aurait certainement pu améliorer leurs santés déficientes…

Quoi qu’il en soit, je ne pourrais pas te rejoindre de sitôt. J’ai pris la décision de rester à Bristol avec Miss Murray. Les Cunningham lui ont demandé une fois de plus de prendre les dispositions nécessaires pour le corps de Miss Megan, puis de les rejoindre à Edimbourg le plus vite possible. La pauvre femme est si secouée qu’il serait cruel de la laisser seule en un pareil instant. Je sais qu’il est incroyablement effronté de ma part de te demander cela, mais penses-tu pouvoir m’offrir un aller-retour jusqu’à Edimbourg ? Je vous rejoindrais ensuite, c’est promis.

Avec toute mon amitié,

 

Mary Ann

End Notes:

Merci pour votre lecture et à bientôt pour le chapitre quatre ! :)

Chapitre 4 - Du 10 au 25 janvier 1873 by Catie
Author's Notes:

Et on remonte dans le temps, au tout début des évènements de cette histoire ! Cette fois-ci, les choses seront décrites du point de vue des soeurs Cunningham. En espérant que ça vous plaise ! :)

LETTRE XVI

10 janvier 1873, Edimbourg

A Abigail Quincy

Ma chère Abi,

Je ne puis te dire à quel point je suis heureuse à la perspective de te voir dans quelques jours seulement ! J’ai l’impression que nous ne nous sommes pas vues depuis une éternité. Je dois dire que l’hiver est bien morne ici, il ne se passe rien. L’ensemble de notre entourage et de la société bourgeoise s’est exilée dans le Sud de l’Angleterre et notre vie n’a jamais été aussi triste.

Je ne remercierais jamais assez tes parents pour avoir tant insisté auprès des miens pour nous faire venir avec vous à Bath ! Je n’ai qu’une hâte, c’est de te rejoindre et de pouvoir parler avec toi de ces mille et un détails que j’ai manqué. Plus que quelques jours et nous pourrons enfin prendre notre thé ensemble !

J’ai tant de choses à te raconter. La première et pas des moindres : j’ai récemment reçu non pas une mais deux propositions de mariage ! Ma mère en était folle de joie. Elle me voit mariée avant mes vingt ans. Je suis de mon côté plus sceptique, encore faudrait-il que je fasse un choix entre mes deux prétendants, et cela s’annonce difficile. Mais nous en discuterons plus en détail lors de mon arrivée !

Anna et Megan sont elles aussi très heureuses à l’idée de te revoir. Elles se joignent à moi pour t’embrasser et te dire à bientôt. Le train part dans quelques jours, nous serons à tes côtés bien vite, en compagnie de Miss Murray, notre nouvelle gouvernante. En attendant, prend bien soin de toi,

Ta cousine préférée,

Rachel

***

LETTRE XVII

14 janvier 1873, Durham

A Abigail Quincy

Ma chère cousine,

C’est à mon tour de prendre la plume pour te donner de nos nouvelles. Rachel dit que cela ne pourra que m’exercer à écrire comme une femme du monde. Je pense surtout qu’elle souhaite me distraire de mon ennui et s’occuper elle-même de Megan – son esprit libre enfermé plusieurs jours dans un train sombre et bruyant va finir par imploser et mener à une catastrophe.

Nous voilà arrêtées à Durham pour quelques jours à cause des tempêtes de neige qui sévissent dans la région. L’auberge est d’une telle vétusté que Miss Murray ne quitte plus sa grimace de dégoût. Cela semble amuser Megan, tu t’en doutes.

Venons-en maintenant au fait et au pourquoi de cette lettre. J’écris présentement dans le secret de notre chambre, un des rares endroits où nous pouvons être seules à présent. Car nous avons, depuis notre arrivée, une voyageuse qui s’est collée à nous plus férocement que la crasse sous nos semelles. Elle se nomme Mrs Mary Ann Cotton, et je n’ai jamais rencontré quelqu’un de plus insupportable !

Je sais bien qu’il n’est pas correct de parler ainsi et je te vois déjà t’offusquer, assise à ta coiffeuse, les sourcils froncés par la désapprobation. Mais je t’assure que cette Mrs Cotton est tout bonnement invivable. Elle s’est assise à notre table du dîner de la veille avec un sans-gêne rarement observé jusqu’ici, et depuis elle n’est que plaintes bruyantes à propos de sa triste vie. Certes, son mari et ses enfants sont décédés, mais a-t-elle besoin d’en faire autant à chaque fois qu’elle ouvre la bouche ? C’en devient obscène.

Ne t’embête pas à me réprimander par lettre, Rachel t’a déjà devancé. Mais sache que supporter cette Mrs Cotton est une torture du quotidien, et malgré sa politesse je sens qu’il en est de même pour Miss Murray. Heureusement, notre arrêt à Durham ne devrait pas durer plus de quelques jours, j’espère être vite débarrassée de cette importune.

A la réflexion, cette lettre n’est certainement pas celle d’une femme du monde.

Bien à toi,

Anna

***

LETTRE XVIII

20 janvier 1873, Leeds

A Abigail Quincy

Ma chère Abigail,

Il paraîtrait que je sois dissipée aujourd’hui, Miss Murray m’a donc sommée de te donner de nos nouvelles. Nous continuons doucement notre périple vers Bath et sommes de nouveau contraintes de nous arrêter à Leeds.

Nous sommes toutes assises dans la salle commune de l’auberge, Anna lit, Rachel boit son thé et moi je suis condamnée à écrire. Tu sais combien je déteste prendre la plume, j’espère donc que tu me pardonneras d’être plus directe que mes sœurs.

J’ai lu la dernière lettre d’Anna avant qu’elle ne te l’envoie et je suis au regret de te dire que ses prédictions ne se sont pas réalisées ! Mrs Cotton est toujours avec nous. Elle s’est installée dans notre compartiment, comme un chien errant qui ne comprend pas qu’on le roue de coups de pieds. Et durant ces derniers jours de voyage, elle n’a cessé de se lamenter avec force pleurnichements sur les malheurs qui parsèment sa vie. Je n’ai pu m’empêcher de « faire mon impertinente » pour la faire taire, comme le dit Rachel. Voilà pourquoi Miss Murray m’a fortement incitée à te rédiger une lettre.

Il n’empêche que malgré les dires de mes sœurs ou de notre gouvernante, je vois bien que nous sommes toutes quatre mal à l’aise face à la présence de cette femme. Mais la bienséance nous interdit de lui dire quoi que ce soit. Elle semble peiner à comprendre même les sous-entendus les moins subtils sur notre désir de rester entre nous pour ce voyage.

Et je dois dire que je suis de mon côté plutôt sceptique. Quelle femme voyage seule de nos jours ? Si son mari est décédé, pourquoi quitter aussi précipitamment son village ? Et d’après ses dires, son mari et ses fils ont été atteints de la même maladie, pourquoi n’a-t-elle pas été touchée ? Elle nous affirme avoir besoin de soutien et rejoindre une amie, mais je peine à croire qu’une telle roturière possède l’amitié d’une femme distinguée de Bath.

Je suis sûre que tu n’attends que notre arrivée pour nous réprimander sur notre conduite envers cette pauvre Mrs Cotton ! Tu comprendras certainement en la voyant.

A bientôt, chère cousine,

Megan

***

LETTRE XIX

23 janvier 1873, Sheffield

A Abigail Quincy

Ma chère Abi,

C’est à mon tour de reprendre la plume. Nous voilà à Sheffield pour la nuit, bloquées de nouveau par le verglas qui gèle sur les voies ferrées. Je ne vais pas mentir, je commence à trouver le temps long. Je sais qu’une dame – et qui plus est bientôt mariée ! – ne devrait pas manifester d’impatience, mais il me tarde de te retrouver.

Je ne sais pas si cela est dû au voyage qui s’éternise ou aux conditions météorologiques déplorables, mais l’ambiance se détériore au sein de notre compartiment. Moi qui ai toujours connue Miss Murray douce et agréable avec nous, je la sens très tendue ces derniers temps. Elle s’est emporté l’autre jour contre Anna lorsqu’elle l’a surprise avec un roman libertin. J’ai moi-même réprimandé ma sœur, mais tu sais aussi bien que moi que pour avoir lu « Les Liaisons dangereuses », ce livre ne nécessitait pas un tel emportement de la part de notre gouvernante.

Je pense que la raison pour laquelle Miss Murray est si à cran réside en deux mots : Mrs Cotton. Mes sœurs m’ont dit t’en avoir parlé. Moi qui refusais d’aborder le sujet avec elles ces derniers jours, je dois me rendre à l’évidence. Cette femme est étrange. Toxique. Elle me met mal à l’aise. Elle a une façon de nous regarder, de s’exprimer, de se conduire, qui me serre le ventre de peur. Je me sens ridicule à écrire ces mots, paranoïaque même, mais je ne saurais mieux exprimer le dégoût et la crainte qu’elle m’inspire. Anna partage mon sentiment. Quant à Megan, elle la déteste purement et simplement, avec sa passion d’adolescente.

Je prie pour que ce voyage ne s’éternise pas plus qu’il ne le faudrait. Il y a quelque chose chez Mrs Cotton qui me dérange, et plus loin elle sera de moi, mieux je me porterais.

Ne me juge pas trop sévèrement sur ces mots, je pourrais sûrement mieux t’expliquer mon ressenti lorsque nous nous verrons en face-à-face.

Avec toute mon amitié,

Rachel

***

LETTRE XX

25 janvier 1873, Birmingham

A Abigail Quincy

Ma chère cousine,

Un problème technique nous a contraints à nous arrêter à Birmingham pour quelques jours. Megan affirme avec humour que ce voyage semble maudit. Cela fait bien moins rire Rachel et Miss Murray, qui s’assombrissent de jour en jour. Je pense que la présence lugubre de Mrs Cotton n’y est pas étrangère.

Nous avons discuté de son cas entre nous, alors qu’elle était occupée à se lamenter auprès de notre gouvernante. Et nous sommes toutes trois d’accord. Il est évident que cette femme est chargée d’un lourd secret. Le genre de secret peu reluisant, ceux qui hérissent les poils des bras lorsqu’on les entend. Le mystère qui l’entoure donne envie de prendre ses jambes à son cou et chacune de nous craint de ce qu’elle pourrait faire. Elle a parfois des regards qui nous donnent froid dans le dos. Comme si elle savait tout le mal qu’on peut penser d’elle.

Plus tôt dans la journée, Megan a laissé échapper devant elle un détail dont nous avions discuté. Nous pensons que peut-être, la mort de son beau-fils Charles Edward dont elle ne cesse de nous rabattre les oreilles n’est pas entièrement naturelle contrairement à ce qu’elle s’évertue à dire. Une fois que l’idée a germé, difficile de nous la chasser de la tête. Et Megan, tête brûlée comme elle l’est, a sous-entendu devant Mrs Cotton ce que nous pensions tout bas : qu’elle est elle-même responsable du décès de ce pauvre garçon.

Je te laisse imaginer la réaction de la concernée. Je la trouve très mauvaise actrice. Elle a fait mine de s’évanouir, puis s’est insurgée du mieux qu’elle a pu, des larmes de crocodile dans les yeux. Miss Murray a réprimandé Megan, mais il est évident que cette idée lui a aussi traversé l’esprit. La possibilité, même infime, de voyager avec une meurtrière nous glace toutes d’effroi. Nous ne savons que faire, que dire, comment agir. Comme si au moindre faux pas, nous serons ses prochaines victimes.

Nous sommes peut-être bien trop paranoïaques, ce long voyage nous rend peut-être folles. Mais par précaution, nous n’échangerons plus entre nous que des messages codés. L’idée m’est venue l’autre jour, en lisant ce livre de Laclos pour lequel Miss Murray s’est emporté. Rachel l’a perfectionnée en mettant au point un système infaillible. Sans ce livre, impossible de savoir de quoi nous parlons. Nous nous sentons de ce fait plus à l’abri.

Tu peux te douter que nous attendons l’arrivée à Bath avec grande impatience. Nous avons hâte de laisser cette sombre femme et son horrible histoire derrière nous. Peut-être qu’avec un peu de chance, tout ceci n’est dû qu’à notre imagination et notre long voyage. Au moins cela constituera-t-il un souvenir amusant à se remémorer au coin du feu !

Bien à toi,

 

Anna

End Notes:

Alors, qu'avez-vous pensé de cette première approche des soeurs Cunningham ? Déforment-elles la réalité ou sont-elles dans le vrai ? Vous aurez des éléments de réponse dès le prochain chapitre ! ;)

Chapitre 5 - Du 27 janvier au 2 février 1873 by Catie
Author's Notes:

Et on continue dans notre voyage vers Bath sous la plume des soeurs Cunningham, en espérant que cela vous plaise ! :)

LETTRE XXI

27 janvier 1873, Bath

A Rachel Cunningham

Ma chère cousine,

Je profite de votre arrêt momentané à Birmingham pour t’écrire quelques mots. J’ai bien reçu toutes vos lettres, que j’ai lues avec attention. Effrayée par le ton de vos dernières missives, je me suis permis de les montrer à Papa. Je ne l’avais jamais vu arborer une mine aussi grave. Je ne souhaite pas vous alarmer, mais voici ce qu’il m’en a dit. Je préfère vous prévenir plutôt que de vous voir accablées d’un sort funeste.

Vous savez toutes les trois que Papa possède de nombreuses compagnies dans le nord du pays. Il échange une correspondance régulière avec les responsables de ses sites pour s’assurer de leur bon fonctionnement et de leur stabilité financière. L’une d’elle se situe à Callerton, non loin de Wallbottle, un petit village de campagne qui a été secoué par une récente tragédie.

D’après ce que Papa m’a dit – et donc ce que son associé lui a raconté –, il semblerait qu’un petit garçon y soit décédé des suites d’une fièvre gastrique au début du mois. Rien de bien exceptionnel me diras-tu, mais le nom de Charles Edward Cotton a attiré son attention. Il n’est pas certain qu’il s’agisse exactement de la même personne, mais il affirme qu’il y a de fortes chances. La belle-mère a été accusée d’empoisonnement, autant sur ce pauvre garçon que son défunt mari, par plusieurs habitants et notamment un médecin qui s’y connaissait en la matière. Seulement, elle s’est enfuie avant d’avoir pu être appréhendée par la police ! Je tremble de savoir qu’il s’agit peut-être de cette femme qui voyage avec vous depuis presque le début, au sein même de votre compartiment !

Papa était si inquiet qu’il a décidé de contacter Scotland Yard. Je ne sais en combien de temps sa missive atteindra Londres, mais sache que je prierais pour vous chaque soir. En attendant, je vous en supplie, ne faites rien de stupide. Et cachez cette lettre, il serait plus que regrettable qu’elle tombe entre de mauvaises mains.

En espérant pouvoir bientôt vous serrer dans mes bras,

Abigail

***

LETTRE XXII

28 janvier 1873, à bord du train

A Anna Cunningham

Traduction d’une lettre codée

Anna,

As-tu bien détruite la lettre d’Abigail après l’avoir lue ? Je ne sais où elle se trouve et je n’arrive pas à la retrouver. Mrs Cotton porte sur moi des regards de plus en plus suspicieux. J’ai si peur à l’idée de dormir à côté d’une meurtrière, et plus encore si elle sait toute la vérité qu’on nous a apprise sur elle ! Je t’en supplie, dis-moi que tu as déchiré la lettre.

Rachel

***

LETTRE XXIII

28 janvier 1873, à bord du train

A Rachel Cunningham

Traduction d’une lettre codée

Rachel,

J’ai caché la lettre d’Abigail dans mon « Guide de la parfaite demoiselle » alors que je venais tout juste de finir de la lire. C’est tout simplement affreux ! Je voulais la transmettre à Megan avant d’en faire quoi que ce soit, mais elle avait disparu lorsque j’ai voulu la reprendre. Je prie de toutes mes forces pour que Miss Murray soit tombée dessus. J’hésite toutefois à lui en parler. Elle se mettrait dans un état impossible. Mais ne tombons pas dans la paranoïa. Je l’ai peut-être simplement égarée. Et si Scotland Yard a été prévenue, nous serons bientôt tranquillisées.

Anna

***

LETTRE XXIV

29 janvier 1873, à bord du train

A Rachel Cunningham

Traduction d’une lettre codée

Rachel,

Je sais que toi et Abigail souhaitiez que nous fassions profil bas, mais j’avais désespérément besoin d’en avoir le cœur net. Il m’est impossible de dormir aux côtés de cette femme paisiblement alors qu’elle pourrait tout aussi bien décider de nous éradiquer avec autant de facilité que sa défunte famille.

J’ai donc fouillé son sac aujourd’hui, alors qu’elle avait quitté notre compartiment avec Miss Murray pour se dégourdir les jambes. J’y ai trouvé des missives de son amie Scarlett qu’elle rejoint à Bath. Je ne sais si cette femme est ignorante ou stupide, mais elle semble croire chacun des mots de Mrs Cotton, qui se proclame victime de toute cette affaire d’après ce que j’ai pu lire.

Je pense que nous devrions écrire à cette femme pour lui dévoiler la vérité. Je ne supporte pas d’attendre sans rien faire. Nous ne savons même pas si Scotland Yard nous prendra au sérieux.

Megan

***

LETTRE XXV

30 janvier 1873, à bord du train

A Megan Cunningham

Traduction d’une lettre codée

Megan,

Je t’en supplie, ne fais rien de stupide ! Il était déjà suffisamment inconscient et dangereux de fouiller le sac d’une femme que nous pensons capable d’horribles crimes, il ne sert à rien de rajouter une cible sur notre dos. Si Mrs Cotton est capable d’empoisonner son mari et son beau-fils, que crois-tu qu’elle fera de nous si elle sait que nous la soupçonnons ? Que nous l’avons dénoncé ? Peut-être le sait-elle-même déjà si elle a intercepté la lettre d’Abigail.

Ecrire ceci me donne d’insupportables frissons. Je ne supporte pas d’être enfermée ici. Ce train commence à me donner la nausée. Je me sens emprisonnée, enfermée, sans porte de sortie, et je suis à deux doigts du malaise lorsque je suis dans la même pièce que cette femme. Je t’en supplie, n’alimente pas ses soupçons envers nous. Cela ne pourrait que nous porter préjudice.

Rachel

***

LETTRE XXVI

1er février 1873, à bord du train

A Megan Cunningham

Traduction d’une lettre codée

Megan,

Rachel m’a fait part de ses craintes concernant Mrs Cotton. Ses terreurs nocturnes deviennent de plus en plus fréquentes et évidentes. Notre compagne de voyage ne va certainement pas être dupe très longtemps. Moi-même je ne vois que les regards terrifiés que Rachel lui lance. La pauvre se monte la tête d’une manière dangereuse. Miss Murray m’a demandé hier ce qui clochait et j’ai eu de la peine à lui mentir. Je pense que la pauvre femme dort aussi peu que nous, comme si elle aussi avait peur d’un coup de poignard dans le dos en plein milieu de la nuit.

Quoiqu’il en soit, Rachel m’avait parlé de tes intentions d’investiguer Mrs Cotton de plus près. Je pense que c’est une bonne décision. Je ne supporte plus de rester enfermée à ne rien faire, à penser aux possibles actions de cette femme sans que je n’agisse moi-même pour l’en empêcher. Peut-être que si nous trouvons des preuves, nous pourrons les présenter formellement à Scotland Yard lorsqu’ils seront face à nous.

Comment souhaites-tu procéder ?

Anna

***

LETTRE XXVII

2 février 1873, Worcester

A Mr Douglas Cunningham

Mr. Cunningham,

C’est avec une peine et une douleur immenses que je prends la plume aujourd’hui pour vous annoncer une bien triste nouvelle. Je ne sais comment atténuer un choc qui fera l’effet d’un tremblement de terre. Notre bien-aimée Rachel, votre adorable aînée, si jeune, si fraîche, si innocente, a été retrouvée morte ce matin dans sa couchette. La cause du décès n’a pu encore être déterminée, mais elle semble s’être éteinte paisiblement dans son sommeil, sans souffrance aucune.

Nous faisons présentement halte à Worcester, où un médecin légiste examine le corps. Il devrait statuer d’ici quelques jours. Dites-moi si vous préférez venir ici-même vous occuper de la défunte ou si elle doit vous être envoyée à Edimbourg, je prendrais les dispositions nécessaires.

Vos filles étant sous ma responsabilité lors de ce pénible voyage, je comprendrais tout à fait que vous préféreriez me licencier. J’ai failli à mon devoir et jamais je ne me relèverais d’une telle honte.

Je vous présente mes plus sincères condoléances.

 

Miss Murray

End Notes:

Merci pour votre lecture ! Alors, que pensez-vous de tout ceci ? Qui entre Mary Ann et les trois soeurs dit la vérité ?

Chapitre 6 - Du 4 au 9 février 1873 by Catie
Author's Notes:

Un avant-dernier chapitre avec quelques rebondissements, j'espère que ça vous plaira ! :)

LETTRE XXVIII

4 février 1873, Worcester

A Abigail Quincy

Ma chère cousine,

Tu ne peux savoir à quel point il m’est difficile de t’écrire. Ne t’étonne pas des larmes qui parsèment cette missive : je suis toujours en deuil. Ou plutôt, nous le sommes. Je suppose que tu as déjà entendu la nouvelle par les journaux – ou le réseau de ton père. Mais si ce n’est pas le cas, je vais te l’écrire en toutes lettres, aussi difficile que cela soit pour moi. Rachel est morte. Décédée dans son sommeil. Emportée paisiblement en pleine nuit.

C’est ce que disent les docteurs en tout cas. Qu’il s’agit d’une mort naturelle. Mais comment cela pourrait-il être ? Elle n’avait pas vingt ans et était en excellente santé. Elle n’a eu aucun symptôme ces derniers jours, exceptée une paranoïa grandissante à l’égard de Mrs Cotton, qui l’empêchait même de dormir.

Ce qui m’amène à ma prochaine supposition. Megan et moi sommes tombées d’accord. Cette mort brutale, inexpliquée et douloureuse ne peut être le fait que d’une seule personne. Cette horrible bonne femme qui dort au sein du même compartiment que nous ! Nous la soupçonnons d’avoir mis la main sur ta précédente missive, malgré tes sages recommandations. Nous avons pris soin de ne pas parler de son cas à voix haute et d’échanger uniquement en messages codés. Des messages impossibles à déchiffrer sans mon livre de Laclos. Mais je suppose qu’elle a tout de même perçu nos soupçons et a décidé de se débarrasser de nous.

Si tu savais comme j’ai peur, Abi. J’ai peur pour ma vie, pour celle de Megan, pour celle de Miss Murray, bien que nous ne lui ayons pas parlé de nos craintes. J’ai peur de mourir aux mains de cette femme folle. J’ai peur de ne jamais te revoir, de ne jamais revoir mes parents. Ma chère mère si émotive et mon cher père si protecteur. J’ai peur de voir ma vie s’arrêter brusquement.

Être enfermée dans ce maudit train n’apaise pas mes craintes, loin de là. Les grincements des roues sur les rails et le bruit de la porte coulissante de notre compartiment commencent à me rendre folle. Je ne suis qu’un concentré de douleur, de chagrin, de colère et de terreur. Quant à Megan, elle est plus haineuse que peureuse. Mais je pense qu’elle tente aussi de se montrer plus brave qu’elle ne l’est.

Je prie pour que mes parents nous rejoignent ici, à Worcester. Ou qu’ils ordonnent à Miss Murray, de prendre un autre train, que sais-je. Tout plutôt que de rester en compagnie de cette folle furieuse. As-tu des nouvelles de Scotland Yard de ton côté ? Cela me rassurerait tant.

Avec toute mon amitié,

Anna

***

LETTRE XXIX

6 février 1873, Bath

A Anna Cunningham

Ma chère Anna,

Ma lettre ne sera pas longue et je m’en excuse. Je préfère être brève mais que cette missive vous parvienne plutôt que de m’étaler sur des pages qui n’atteindront pas leur destinataire.

Tu ne peux savoir à quel point je me lamente de la perte de Rachel. Je crois n’avoir jamais autant pleuré. Je me sens à la fois impuissante et remplie de rage à l’idée de savoir que quelqu’un lui a ôté la vie. Elle qui ne le méritait pas. Elle qui allait bientôt se marier. Elle qui avait la vie devant elle. Je m’enterre dans le chagrin en pensant que je ne la reverrais jamais. Et je n’ose imaginer la puissance de ta peine, qui doit être bien supérieure à la mienne. Rien ne remplacera jamais une sœur, mais sache que je serais toujours là pour toi et Megan.

Papa n’a reçu qu’une réponse brève de Scotland Yard. Ils le remercient pour ses informations et lui promettent d’investiguer. Ils ont commencé par contacter les autorités de Wallbottle pour savoir de quoi il retourne exactement, mais depuis plus de nouvelles. Je suis désolée de ne pas t’apporter de meilleure réponse, j’aurais aimé pouvoir être plus utile.

Toutes mes pensées et mes prières t’accompagnent. Avec tout mon amour,

Abigail

***

LETTRE XXX

7 février 1873, à bord du train

A Megan Cunningham

Traduction d’une lettre codée

Megan,

Je me sens si mal depuis quelques jours. J’ai une douleur dans le ventre qui ne veut pas partir, je ne sais si cela est dû à la perte de Rachel ou si je suis juste paranoïaque. Je ne peux me débarrasser de l’impression qu’elle m’observe à chaque instant. Même lorsqu’elle discute avec Miss Murray, je sens son regard sur moi.

Nous devons faire quelque chose. Je suis trop fébrile pour avoir une idée viable, dis-moi ce que je dois faire. Par où commencer ? Quels indices pouvons-nous récolter qui seront utiles à Scotland Yard ?

Inutile de te rappeler que nous devons employer la plus grande discrétion.

Anna

***

LETTRE XXXI

7 février 1873, à bord du train

A Anna Cunningham

Traduction d’une lettre codée

Anna,

As-tu bien fait attention à tout ce que tu as mangé et bu ? Tu ne peux savoir à quel point tes mots m’effraient. Si cette sorcière t’a empoisonné, je me retrouverais seule au monde. Sois vigilante, je t’en supplie. Je ne supporterais pas de perdre une seconde sœur.

Je me retrouve tant dans ce que tu dis. Je suis arrivée à un stade où je ne peux plus voir le visage de cette femme sans avoir envie de le griffer, de l’arracher avec mes ongles, de la frapper jusqu’au sang. Elle ne mérite que la mort pour ce qu’elle a fait à Rachel. Et j’ose espérer que les autorités ne feront preuve d’aucune clémence pour ses crimes.

Je pense que nous devrions fouiller son sac de voyage. Si nous y trouvons des traces de poison, nous pourrons tout prouver. Mais nous devons être prudentes. Trouve un prétexte pour l’attirer hors du compartiment, je m’occuperais du reste.

Megan

***

LETTRE XXXII

9 février 1873, Gloucester

A Abigail Quincy

Abi,

Tu le sais, je n’ai jamais été une parfaite petite femme du monde. Je ne me suis jamais aussi bien comportée que mes sœurs, j’ai toujours été plus insouciante, plus libre, plus provocatrice. Je n’ai jamais su bien écrire non plus. Je m’excuse donc si je vais te sembler abrupte. Je n’aurais jamais la délicatesse d’Anna ou la politesse de Rachel.

Anna est morte hier. D’une fièvre gastrique. Nous l’avons retrouvée froide sur sa couchette. Immobile et les yeux grands ouverts. Une maladie qui couvait depuis plusieurs jours d’après le docteur. J’en suis triste, désespérée même. Mais je ne peux pas dire que je sois surprise. Anna m’a dit souffrir de maux de ventre depuis quelques jours. Je suis persuadée que c’est cette diablesse de Mrs Cotton qui l’a empoisonnée, j’en mettrais ma main à couper.

Je ne sais si Anna t’as fait part de nos plans. Mais après le décès de Rachel, nous étions déterminées à la percer à jour. Alors qu’Anna l’attirait hors du compartiment pour une promenade jusqu’au wagon restaurant, j’ai entrepris de fouiller dans son sac de voyage. Et j’y ai retrouvé une fiole remplie d’un liquide que je n’avais encore jamais vu. J’en ai informé les autorités de Gloucester. On me l’a arraché des mains en me demandant où je m’étais procuré de l’arsenic. Ils l’ont interrogée et elle s’en est sorti je ne sais comment.

Cette injustice me laisse sans voix et me donne envie de vomir. Je sais que c’est elle. Je le sais. Je refuse qu’elle s’en tire ainsi, alors qu’elle m’a arraché ce que j’ai de plus précieux au monde. Les autres sont peut-être floués par son apparence frêle, mais pas moi. Si l’arsenic ne leur suffit pas, je ne compte pas m’arrêter là. Elle tombera, sois en sûre.

A partir de maintenant, je porterais un soin tout particulier à tout ce que je mettrais dans ma bouche. Il est hors de question qu’elle mette fin à mes jours. Je refuse de mourir avant de la voir passer sur l’échafaud. Si Rachel et Anna étaient terrifiées, je ne suis que haine et douleur. Elle ne sait pas à qui elle a affaire.

Je pense écrire dès aujourd’hui à son amie, qui réside également à Bath. Si je peux exposer Mrs Cotton, ce sera grâce à elle. Elle est mon dernier espoir.

Je suis déterminée à atteindre Bath. Là-bas, mes parents nous rejoindront et ce cauchemar sera terminé. Plus tôt serait le mieux je pense pour la santé mentale de Miss Murray. Elle semble avoir perdu l’esprit depuis la mort d’Anna. On se demande même qui de nous deux est la plus à plaindre. Ne m’en veux pas pour toute cette amertume – je suis toujours en deuil.

Bien à toi,

Megan

***

LETTRE XXXIII

9 février 1873, Gloucester

A Scarlett O’Neill

Chère Mrs O’Neill,

Nous ne sommes jamais rencontrées et vous devez sûrement vous interroger sur la teneur de cette lettre. Peut-être votre amie Mrs Cotton vous a-t-elle parlé de moi. Je suis Miss Megan Cunningham, la dernière fille de Mr et Mrs Cunningham, et je voyage en compagnie de Mrs Cotton jusqu’à Bath. Je me permets de vous contacter à propos d’un sujet relativement sensible. N’ayant jamais été dotée d’un sens développé de la diplomatie, je vous demande de pardonner mon certain manque de tact.

Vous n’êtes pas sans savoir que j’ai perdu mes deux sœurs il y a quelques jours. Rachel et Anna sont décédées, selon les médecins, de fièvres gastriques. Des circonstances naturelles. Cependant, j’ai des raisons de penser que ces morts sont tout sauf naturelles. Je vais sûrement paraître abrupte, mais je ne vois pas comment amener cela de manière plus habile. Je suis convaincue que mes sœurs ont été assassinées, et que la responsable est votre amie Mrs Cotton. Je suis navrée pour le choc que j’ai certainement dû vous causer, mais s’il vous plaît, ne stoppez pas ici votre lecture.

Mes sœurs et moi avons toujours été très méfiantes envers Mrs Cotton et je pense que celle-ci le ressentait bien. Lorsque nous l’avons mentionnée à notre cousine Miss Abigail Quincy, en séjour à Bath, elle nous a communiqué, à l’aide de son père, des informations inquiétantes. Suite à plusieurs échanges avec Scotland Yard, il semble avéré que Mrs Cotton a fui le nord du pays après la mort de son mari et de son beau-fils, accusée qu’elle était par les autorités d’avoir mis fin à leurs vies. Vous avez sans doute vous-même fait le lien avant que je ne le dise ici, mais ces morts étaient également dues à des fièvres gastriques, comme vous le savez.

Je ne sais comment Mrs Cotton et vous avez pu lier une amitié, mais je vous demande, je vous supplie, de considérer le problème froidement et d’y poser un œil neuf. Vous ne me connaissez pas et vous voudrez certainement soutenir votre amie, je le conçois. Mais les preuves sont là. Sachez que j’ai également trouvé une fiole d’arsenic dans son bagage – personne n’a voulu le considérer sérieusement, cependant.

Mrs O’Neill, vous êtes mon dernier espoir. Aidez-moi à convaincre les autorités. Aidez-moi à appréhender la femme qui m’a pris ce que j’avais de plus cher dans ma vie. Ne vous rendez pas complice de ces crimes impardonnables. Vous seule la connaissez plus que quiconque. Vous seule pouvez me rendre justice.

Si vous choisissez d’ignorer cette lettre, je comprendrais. J’en serais désespérée, mais je comprendrais. Je ne vous demande qu’une seule chose : le ne mentionnez pas à Mrs Cotton. Ou j’aurais une raison de plus de craindre pour ma vie.

En espérant que mon appel à l’aide ne sera pas vain,

Bien à vous,

 

Megan Cunningham

End Notes:

Comment Scarlett réagira-t-elle selon vous ? Mary Ann est-elle vraiment coupable ? Des réponses dans le prochain et dernier chapitre ! :)

Chapitre 7 - Du 10 février au 6 mars 1873 by Catie
Author's Notes:

Et voici le dernier chapitre ! J'espère que cette conclusion apportera des réponses à vos éventuelles questions. :)

Je m'excuse pour les éventuelles répétitions ou coquilles. Je me suis relue plusieurs fois, mais étant donné que j'ai écris ce chapitre d'une traite, il est fort possible que j'ai laissé passer plusieurs fautes. 

LETTRE XXXIV

10 février 1873, Bath

A Megan Cunningham

Ma chère Megan,

Comment pourrais-je t’en vouloir malgré tes mots durs ? Tu viens de perdre tes deux sœurs. J’ai perdu deux cousines et je suis plongée dans un abîme de tristesse, je n’ose donc imaginer tes propres tourments. Je te témoigne tout mon soutien et tout mon amour, bien que cela ne te soit sûrement pas très utile à distance. Je prie pour toi chaque soir et j’espère sincèrement pouvoir te serrer contre moi le plus vite possible, en pleine forme.

Je suis heureuse de voir que tu es plus que vigilante concernant ta nourriture et que tu redoubles de prudence envers ce monstre de Mrs Cotton. Mais je suis aussi horrifiée de te voir prête à prendre tant de risques ! Je t’en supplie, fais attention à toi. Si jamais elle te voit écrire à son amie… Je n’ose imaginer les répercussions. Ou pire, si cette amie ne te crois pas, ou est sa complice ? Que feras-tu ensuite ? Réfléchis bien avant d’envoyer cette lettre – ne l’envoie pas si tu ne l’as pas encore fait. Je ne supporterais pas de te perdre toi aussi.

Papa a reçu des nouvelles de Scotland Yard. Ils n’ont pas voulu trop en dévoiler sur l’enquête en cours, mais ce qu’il y a de certains, c’est que la femme qui voyage avec vous est bien celle qui a pris la fuite dans le nord du pays. Elle a quitté Wallbottle suite à la mort de son beau-fils, décédé des suites d’une fièvre gastrique, et les autorités n’ont cessé de la chercher depuis.

Dans leur lettre, Scotland Yard nous affirme qu’ils vont prendre l’affaire en main. Papa dit que cela signifie sûrement qu’ils vont envoyer une équipe à Bath pour la cueillir dès l’arrivée du train. Malgré cette idée rassurante, je ne peux m’empêcher de trembler pour toi. Tu es toujours coincée avec une meurtrière jusqu’à ton arrivée ici et je ne peux rien faire pour t’aider. Cette impuissance va me rendre folle.

Encore une fois, fais attention à toi, je t’en supplie.

Avec tout mon amour,

Abigail

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LETTRE XXXV

12 février 1873, Bath

A Megan Cunningham

Miss Cunningham,

Je dois vous avouer ne pas savoir comment commencer cette lettre. Je suis profondément désemparée, perdue, égarée. Je me sens trompée et flouée, par une amie de longue date en qui j’avais confiance, et cette douleur me laissera sûrement une cicatrice à vie.

Je vous remercie d’avoir pris l’initiative de m’envoyer une lettre. Même si je me sens à présent stupide et naïve d’avoir cru Mary Ann toutes ces années. Pourtant les signes étaient là, sous mes yeux, et j’ai refusé de les voir.

Je sais pertinemment que votre haine n’est pas dirigée contre moi. Cependant, je souhaiterais m’expliquer et vous accorder quelques éléments de compréhension. Autant pour votre repos que le mien.

J’ai rencontré Mary Ann il y a sept ans, en octobre 1866. Elle venait tout juste de perdre son second mari et je me suis sentie touchée par cette pauvre femme que la tragédie avait frappé deux fois alors qu’elle était si jeune. C’est tout ce que j’ai vu jusqu’à tout récemment : une victime de la Mort, qui se contentait d’en encaisser les coups avec la patience d’une sainte.

Mais lorsque j’y réfléchis à présent, je suis si horrifiée de réaliser tous les corps qu’elle a laissé derrière elle ! Des maris, mais des enfants aussi. Comment a-t-elle pu porter atteinte à la chair de sa chair ? Cette simple pensée me donne d’horribles frissons. Jamais je ne pourrais toucher à un seul cheveu de mon garçon, jamais. Et pourtant, aussi terrible cela soit-il, je sais maintenant avec conviction que c’est elle qui a tué ces pauvres enfants. Les siens, ceux des hommes qu’elle épousait. Tous décédés de fièvres gastriques, et je n’avais jamais fait le lien. Je me sens horriblement coupable à présent, de me dire que j’aurais pu éventuellement tous les sauver.

J’ai été aveugle, Miss Cunningham, je le sais à présent. Aveugle durant sept ans. Je dois avouer avoir commencé à entretenir des soupçons lorsqu’elle m’a informé de la mort de votre sœur, Miss Anna, lorsqu’elle a mentionné la fièvre gastrique, la même maladie ayant emporté le pauvre Charles Edward. J’ai trouvé cette coïncidence étrange, elle m’a provoqué des migraines durant plusieurs jours et j’ai dû garder le lit. Puis votre lettre est venue tout éclairer et je ne sais si le soulagement d’avoir compris a été plus intense que l’horreur que j’ai ressentie.

Sachez, ma chère, que je refuse de la laisser s’en sortir ainsi. Je refuse d’avoir été bafouée et trompée toutes ces années sans connaître de justice. J’ai confié à Mary Ann tous mes secrets, et je n’ai reçu en retour que tromperies et mensonges. Je ferais tout ce qu’il est en mon pouvoir pour l’arrêter, soyez-en sûre. Vous la verrez derrière les barreaux, cette femme horrible qui a assassiné sans pitié vos deux adorables sœurs. C’est une promesse.

Faites attention à vous et à très bientôt,

Scarlett O’Neill

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LETTRE XXXVI

15 février 1873, Gloucester

A Abigail Quincy

Chère Abi,

Ta lettre a été un véritable soulagement pour moi. Celle-ci sera courte, et je m’en excuse d’avance, mais je me sens trop faible pour écrire ces jours-ci.

Tu ne peux savoir à quel point je suis heureuse de savoir Scotland Yard prêts à l’appréhender. Je me dis que le cauchemar est bientôt fini et que je verrais le bout du tunnel dans peu de temps. Ce long voyage de souffrance, de peur et de haine sera achevé dans quelques jours et je pourrais enfin pleurer mes sœurs en paix.

Sache que j’ai également, malgré tes conseils, contacté Mrs O’Neill, l’amie de Mrs Cotton. C’était bien inconscient, je te l’accorde. Mais mon imprudence a payé. Mrs O’Neill avait déjà commencé à avoir des soupçons, et ma lettre n’a fait que les éclairer. Elle témoignera en notre faveur et est prête à tout pour voir cette femme enfin arrêtée.

Je t’écris ces mots enfin apaisée. Malgré une toux qui ne me quitte pas, je suis enfin détendue. Miss Murray finalise ce que Papa lui a demandé de faire pour Anna. Nous repartons dans quelques jours. L’idée d’être enfermée avec elle dans le même compartiment ne m’effraie plus désormais. J’éprouve une joie sauvage à la pensée de ce qui l’attend à l’arrivée.

A bientôt chère cousine, il me tarde de retrouver le confort d’un amour fraternel dans tes bras,

Megan

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LETTRE XXXVII

19 février 1873, à bord du train

A Abigail Quincy

Abi,

Cette lettre sera encore plus courte que la précédente. Je me meurs, Abi. Je le sens, je le sais. Mes toux se sont intensifiées. Je n’arrive plus à dormir. J’ai même craché du sang hier. J’ai des maux de ventre épouvantables. Et elle me regarde, de ce regard pernicieux qui me donne des frissons. Je sais qu’elle m’a empoisonné. Je ne sais pas comment, mais je le sais, au plus profond de moi. Je sais aussi qu’il est bien trop tard, et qu’elle a gagné. Plus rien ne pourra me sauver.

Moi qui me pensais maligne et intelligente, à l’abri, parce que je savais comment elle procédait, je me sens bien bête à présent. Elle a trouvé ta lettre. Et celle de Mrs O’Neill. Elles ont disparu de mon paquetage. Elle sait que Scotland Yard l’attendra à Bath et elle fera tout pour s’enfuir. Alors je t’en supplie Abi, la dernière demande d’une mourante, ne la laisse pas s’échapper. Fais tout ce qu’il est en ton pouvoir pour ne pas la laisser s’en sortir encore une fois. Amène-la devant la justice et fais-lui payer pour ce qu’elle nous a fait. A nous et à tous les autres.

Ne me pleure pas tout de suite. Tu en auras tout le temps après qu’elle soit passée sur l’échafaud.

 Avec tout mon amour,

Megan

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LETTRE XXXVIII

22 février 1873, Bath

A Abigail Quincy

Miss Quincy,

Nous n’avons jamais été présentées directement l’une à l’autre. Je me nomme Mrs Scarlett O’Neill, anciennement proche de Mrs Cotton, et j’ai été contacté par Miss Megan Cunningham quelques jours avant sa mort. J’ai appris cette horrible tragédie tout récemment et j’en suis toujours terriblement secouée. Je vous adresse mes sincères condoléances. Je ne peux comprendre l’épreuve que vous traversez ou la peine que vous ressentez, mais je vous soutiens de tout mon cœur.

Je prends la plume fébrile, mais j’ai estimé qu’il était de mon devoir de prendre sur moi pour vous écrire. Je ne sais ce que Megan vous a raconté, mais sachez que je suis prête à tout pour arrêter Mary Ann. Elle a perpétré assez d’horreurs dans sa vie pour que j’aie envie de la voir mourir à son tour. Aussi affreux que cela puisse paraître.

Elle m’a écrit une lettre hier, qui m’est parvenue ce matin. Elle m’informe qu’ils se sont arrêtés à Bristol suite au décès de Miss Megan et que Miss Murray y attend les instructions de ses employeurs. A lire sa lettre, j’arrive presque à croire qu’elle ressent tristesse et pitié pour cette pauvre famille Cunningham ! Mais tout n’est évidemment que mensonges et tromperies. Elle me demande de l’argent pour rejoindre Edimbourg avec Miss Murray en tant que soutien moral. Encore un mensonge. Je suis persuadée qu’elle ne veut que s’enfuir, et qu’elle veut m’utiliser pour cela, comme lorsqu’elle s’est enfuie de Wallbottle. Je ne serais pas étonnée de savoir que Miss Murray elle-même ainsi que les autres passagers la soupçonnent. Quoiqu’il en soit, elle ne compte pas mettre les pieds à Bath.

D’où ma question et le but de cette lettre : que faisons-nous ? Miss Megan m’avait affirmé que vous et votre père étiez en contact avec Scotland Yard. Je pense judicieux de les informer de ce changement. Je me tiens à votre disposition si un quelconque témoignage est requis.

Avec toute mon amitié et mon soutien,

Scarlett O’Neill

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LETTRE XXXIX

6 mars 1873, Londres

A Mr et Mrs Cunningham

Chers Mr et Mrs Cunningham,

L’enquête ouverte suite aux meurtres de vos trois filles, Miss Rachel, Miss Anna et Miss Megan, a pris fin hier soir. Nous vous livrons dans cette lettre les conclusions de l’affaire et nous vous demandons de ne pas communiquer ces détails à la presse, dans un souci de confidentialité. Dans le cas contraire, nous serons dans l’obligation d’appliquer une peine judiciaire.

Mrs Mary Ann Cotton, passagère du train en partance d’Edimbourg, a rejoint le compartiment de vos filles après leur arrêt à Durham. Elle a effectué le voyage en leur compagnie, dans le but certain de se fournir un alibi. Elle fuyait alors Wallbottle, où elle avait assassiné son défunt mari Frédérik Cotton et le fils de celui-ci, Charles Edward.

D’après nos différents interrogatoires auprès de médecins qualifiés, Mrs Cotton aurait utilisé de l’arsenic à très faibles doses pour induire chez ses victimes des fièvres gastriques de plus en plus violentes, menant jusqu’à une mort qui paraît naturelle. Vos filles ayant été suspicieuses, elles ont parlé de leurs doutes à leur cousine Miss Abigail Quincy. Le père de celui-ci nous a contactés et nous avons mené l’enquête.

Différentes pistes nous ont appris que Mrs Cotton aurait été à l’origine de pas moins de vingt-et-un meurtres dans le nord de l’Angleterre. Des crimes passés inaperçus jusqu’ici car réalisés avec discrétion. Son but était d’empocher les assurances vies de ses maris. Et elle y est parvenue jusqu’à la mort de Charles Edward et de la forte méfiance des habitants de Wallbottle.

Elle s’est enfuie du village grâce à l’aide de son amie, Mrs Scarlett O’Neill. Mrs O’Neill n’était pas au courant de la nature de son départ et s’est empressée d’aider une femme qu’elle pensait honnête. Au cours du voyage, Mrs Cotton s’est vue devenir la cible des soupçons de vos filles et a donc décidé d’écarter ce danger de son chemin.

Nous l’avons appréhendée dans la nuit du 5 au 6 mars grâce aux informations précieuses fournies par Miss Abigail Quincy et Mrs Scarlett O’Neill, dans la campagne de Thornbury, alors qu’elle essayait de s’enfuir à pied. Elle nie toute implication dans tous les meurtres que nous lui avons cités, mais plusieurs indices l’accablent. Elle a été incarcérée à la prison de Durham. Son procès a débuté hier et connaîtra très certainement une fin rapide. Nous vous contacterons pour vous faire part de la date d’exécution.

Nous avons eu confirmation par les autorités locales que les corps de vos filles vous ont été rendus. Nous vous adressons nos plus sincères condoléances et espérons que vous connaîtrez un certain réconfort à l’idée de savoir le coupable de ces horribles crimes mort et enterré d’ici peu de temps.

Bien à vous,

 

Le service criminel de Scotland Yard

End Notes:

Je vous remercie du fond du coeur d'avoir lu jusqu'au bout ! J'espère sincèrement que cette petite histoire vous a plu. Personnellement j'ai pris beaucoup de plaisir à l'écrire, ce concours m'a vraiment permis de tenter des genres dont je n'avais pas du tout l'habitude, donc merci aux Beiges pour m'avoir fait sortir de mes retranchements ! :D

Pour ceux qui souhaiteraient des petites précisions. Mary Ann Cotton est une personne ayant réellement existé. Née en 1832 et décédée en 1873, elle était une tueuse en série anglaise et a été effectivement accusée d'avoir assassiné plus de 21 personnes dans le nord de l'Angleterre, principalement à l'aide d'arsenic. Tous les éléments mentionnés dans l'histoire la concernant sont vrais (le nom de son mari, de son beau-fils, le fait qu'elle voulait empocher les assurances vies, etc). En revanche, elle a réellement été arrêtée suite au meurtre de Charles Edward, j'ai inventé le fait qu'elle s'enfuyait de Wallbottle et toute la suite. Elle a été jugée et exécutée en mars 1873 et a proclamé son innocence jusqu'au bout.

Si jamais vous avez davantage de questions, n'hésitez pas à me les poser ! :) Je serais aussi plus que ravie de connaître votre avis sur ce texte ! :hug: Et bien sûr, n'hésitez pas à aller faire un tour sur les autres textes du concours !

Cette histoire est archivée sur http://www.le-heron.com/fr/viewstory.php?sid=1452