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La poésie

La poésie est un genre littéraire très ancien, aux formes variées, écrit généralement en vers, mais qui admet aussi la prose, et qui privilégie l'expressivité de la forme, les mots disant plus qu'eux-mêmes par leur choix (sens et sonorités) et leur agencement (rythmes, métrique, figures de style). Sa définition se révèle difficile et varie selon les époques, au point que chaque siècle a pu lui trouver une fonction et une expression différentes, à quoi s'ajoute l'approche propre à la personnalité de chaque poète. En effet, le mot poésie désigne tantôt un certain genre d'ouvrages, que l'on distingue des autres productions de l'esprit humain ; on dit, en ce sens, que "la Poésie est plus ancienne que l'Histoire et que l'Éloquence". Tantôt, on entend par poésie un certain talent d'une espèce particulière, qui se manifeste dans les conceptions et dans le style, comme quand on dit que "la Poésie diffère de la Versification", qu'il peut y avoir des vers sans poésie, et de la poésie sans vers. Si l'on parle enfin de la poésie qui se trouve dans les spectacles de la nature, dans les tableaux de Raphaël, dans la musique de Mozart, le mot poésie éveille l'idée d'une sorte de vertu qu'ont certains objets qui frappent nos sens, pour produire chez nous une impression particulière.

 

 

Un petit historique

La poésie est née de la sensibilité et de l'imagination. Les émotions vives et fortes, les conceptions hardies et originales, quand, pour la première fois, elles trouvèrent leur expression dans le langage, furent des ouvrages de poésie. Dans la mesure où il ne reste pas de traces d'une probable poésie orale préhistorique, il est nécessaire de faire débuter l'histoire de la poésie dans les différentes civilisations de l'Antiquité (grecque, égyptienne, indienne...). On notera aussi que maintes traditions orales, par exemple celle des griots africains (barde, personne spécialisée dans la louange et la déclamation des récits historiques qui font la part belle aux héros fondateurs et au merveilleux), relèvent de la poésie.

Poésie s'écrivait jusqu'en 1878 poësie. Le terme « poésie » et ses dérivés « poète », « poème » viennent du grec ancien ποίησις (poiesis), le verbe ποιεῖν (poiein) signifiant « faire, créer » : le poète est donc un créateur, un inventeur de formes expressives, ce que révèlent aussi les termes du Moyen Âge "trouvère" et "troubadour". Le poète, héritier d'une longue tradition orale, privilégie la musicalité et le rythme, d'où le recours à une forme versifiée qui confère de la densité à la langue dans la plupart des textes poétiques. Le poète recherche aussi l'expressivité par le poids accordé aux mots comme par l'utilisation des figures de style et, au premier chef, des images et des figures d'analogie, recherchées pour leur force suggestive.

La poésie s'est constamment renouvelée au cours des siècles avec des orientations différentes selon les époques, les civilisations et les individus. On peut par exemple distinguer le poète artiste, soucieux d'abord de beauté formelle, le poète lyrique, qui cultive le chant de l'âme et l'expression des sentiments, le poète prophète, découvreur du monde et voyant, ou le poète engagé ; sans cependant réduire un créateur à une étiquette simplificatrice.

 

Première expression littéraire de l'humanité, utilisant le rythme comme aide à la mémorisation et à la transmission orale, la poésie apparaît d'abord dans un cadre religieux et social en instituant les mythes fondateurs dans toutes les cultures, que ce soit avec l'épopée de Gilgamesh, (IIIe millénaire av. J.‑C.) en Mésopotamie, les Vedas, le Rāmāyanaou le Mahabharata indien, la Poésie dans l'Égypte antique, la Bible des Hébreux ou l'Iliade et l'Odyssée des Grecs, l'Énéide des Latins. La toute première poétesse connue est Enheduanna, une poétesse sumérienne, notamment auteure d'hymnes.

Dans l'Antiquité grecque, toute expression littéraire est qualifiée de poétique, qu'il s'agisse de l'art oratoire, du chant ou du théâtre : tout « fabricant de texte » est un poète comme l'exprime l'étymologie. Les philosophes grecs cherchent à affiner la définition de la poésie et Aristote, dans sa Poétique, identifie trois genres poétiques :

  1. la poésie épique, où l'épopée peint les actions et les mœurs héroïques, au moyen du récit, auquel se mêlent des discours et des descriptions

  2. la poésie comique, qui se définit négativement par rapport à la tragédie

  3. la poésie dramatique, qui imite les passions, les mœurs et les aventures des humains, en faisant paraître des personnages sur un théâtre où leur histoire s'accomplit devant nos yeux, et où ils nous font eux-mêmes confidence de leurs sentiments les plus secrets

 

Plus tard, les théoriciens de l'esthétique retiendront trois genres : l'épopée, la poésie lyrique et la poésie dramatique (incluant la tragédie comme la comédie). L'utilisation du vers s'imposera comme la première caractéristique de la poésie, le différenciant ainsi de la prose, chargée de l'expression commune que l'on qualifiera de prosaïque. Le mot poésie évoluera encore vers un sens plus restrictif en ne s'appliquant qu'aux textes en vers qui font un emploi privilégié des ressources rhétoriques, sans préjuger des contenus. La poésie deviendra descriptive, narrative et philosophique avant de faire une place grandissante à l'expression des sentiments.

 

 

Qu'est-ce que la poésie ?

En linguistique, la poésie est décrite comme un énoncé centré sur la forme du message, donc où la fonction poétique est prédominante. Dans la prose au sens général, l'important est le « signifié », elle a un but « extérieur » (la transmission d'informations) et se définit comme une marche en avant que peut symboliser une flèche et que révèle la racine latine du mot qui signifie « avancer ». En revanche, pour la poésie, l'importance est orientée vers la « forme », vers le signifiant, dans une démarche « réflexive », symbolisée par le « vers » qui montre une progression dans la reprise avec le principe du retour en arrière (le vers se « renverse ») que l'on peut représenter par une spirale.

La poésie ne se définit donc pas par des thèmes particuliers mais par le soin majeur apporté au signifiant pour qu'il démultiplie le signifié. L'enrichissement du matériau linguistique prend en effet en compte autant le travail sur les aspects formels que le poids des mots, allant bien au-delà du sens courant du terme « poésie », qui renvoie simplement à la beauté harmonieuse associée à une certaine sentimentalité. Cependant au cours de l'Histoire, l'expression poétique offre des orientations variées selon la dominante retenue par le poète.

Traditionnellement, la poésie revêt la forme d'un texte versifié obéissant à des règles particulières en termes de métrique, de scansion, de rimes, s'inscrivant ou non dans une forme fixe. Toutefois, la poésie moderne s'est affranchie du vers traditionnel, qu'il s'agisse de l'assouplir ou de s'en passer totalement.

De par sa nature même, qui joue sur un travail de la langue important, la poésie répond à des règles traditionnelles de versifications qui peuvent varier en fonction de la langue même dans laquelle le poème est écrit. Pour ces raisons, la musicalité et le rythme, la recherche lexicale, ainsi que les figures de styles sont autant d'outils disponibles dans la panoplie du poète, plutôt que des éléments qui définissent la poésie.

 

L'origine orale et chantée de la poésie marque l'expression poétique qui se préoccupe des rythmes avec le compte des syllabes (vers pairs / vers impairs, « e muet »...) et le jeu des accents et des pauses (césure, enjambement...). La poésie exploite aussi les sonorités particulièrement avec la rime (retour des mêmes sons à la fin d'au moins deux vers avec pour base la dernière voyelle tonique) et ses combinaisons de genres (rimes masculines ou féminines), de dispositions (rimes plates, croisées ou embrassées) et de richesses (rimes pauvres, suffisantes ou riches). Elle utilise aussi les reprises de sons dans un ou plusieurs vers (allitérations et assonances), le jeu du refrain (comme dans la ballade ou le Pont Mirabeau d'Apollinaire), la correspondance entre le son et le sens avec les harmonies imitatives (exemple fameux : « Pour qui sont ces serpents... », Racine) ou les rimes sémantiques (automne/monotone).

Le poète exploite toutes les ressources de la langue en valorisant aussi les mots par leur rareté et leur nombre limité : on parle parfois de « poésie-télégramme » où chaque mot « coûte » comme dans le sonnet et ses quatorze vers ou dans la brièveté extrême du haïku japonais de trois vers, voire du monostiche d'un seul vers. Si le poète peut ainsi rechercher l'intensité de la concision, il peut aussi s'exprimer dans des poèmes longs.

L'enrichissement passe aussi par la recherche (ou, au contraire, par l'évitement) de sens rares et de néologismes, par les connotations, comme l'Inspiration derrière la figure féminine dans Les Pas de Paul Valéry, ou par des réseaux lexicaux tissés dans le poème comme la religiosité dans Harmonie du soir de Baudelaire. Le poète dispose d'autres ressources, telles que la place dans le vers, ou dans le poème, ou les correspondances avec le rythme et les sonorités.

Le poète joue également de la mise en valeur des mots par les figures de style, en particulier les figures d'insistance comme l'accumulation, le parallélisme ou l'anaphore ; les figures d'opposition comme le chiasme ou l'oxymore ; les ruptures de construction comme l'ellipse ou l'anacoluthe ; et bien sûr les figures de substitution comme la comparaison et la métaphore. L'emploi de l'image est d'ailleurs repéré comme une des marques de l'expression poétique ; un seul exemple emblématique de métaphore filée en rendra compte.

 

Poésie versifiée

La mise en page du texte poétique est traditionnellement fondée sur le principe du retour et de la progression dans la reprise que figure l'utilisation du vers (régulier ou non). Toutefois, il existe aussi des formes métissées, comme le poème en prose ou la prose poétique, qui reprennent les caractéristiques du texte poétique (d'où leurs dénominations) telles que l'emploi des images et la recherche de sonorités ou de rythmes particuliers. Ces vers sont souvent regroupés en strophes et parfois organisés dans des poèmes à forme fixe, à l'image du sonnet (deux quatrains sur deux rimes embrassées et deux tercets) ou de la ballade (composé de trois couplets ou plus, avec un refrain et un envoi).

La poésie métrique utilise des vers définis par le nombre de leurs syllabes. Dans l'alexandrin français, on retrouve un vers composé formé de deux hémistiches (ou sous-vers) de six syllabes chacun, soit un total de douze syllabes. Les deux hémistiches s'articulent à la césure, qui est le lieu de contraintes spécifiques. A l'inverse, la poésie scandée joue sur la longueur des pieds (et sur leur nombre), comme dans l'hexamètre dactylique grec et latin, ou sur la place des accents, comme dans le pentamètre iambique anglais. Le haïku (ou haïkou) japonais, qui a acquis une diffusion internationale, fait traditionnellement appel à trois vers de cinq, sept et cinq mores (unité de son tonique).

 

Vers libre, verset, calligramme

Les poètes modernes se libèrent peu à peu de ces règles. Par exemple, les poètes français introduisent dans la deuxième moitié du XIXe siècle le vers libre, c'est-à-dire un vers qui n'obéit pas à une structure régulière : ni mètre, ni rimes, ni strophes. Le verset reprend les codes du vers libre à l'exception du retour à la ligne. Le calligramme est un poème dont la disposition graphique sur la page forme un dessin, généralement en rapport avec le sujet du texte. Il arrive parfois que la forme apporte un sens qui s'oppose au texte, ce qui allie l'imagination visuelle à celle portée par les mots.

 

Poème en prose

L'on ne saurait définir uniquement la poésie par l'utilisation de vers : la forme versifiée a été employée dans des ouvrages que l'on peut considérer comme des romans (tels ceux de Chrétien de Troyes), tandis qu'il existe, en revanche, une poésie en prose. Dès le XVIIIe siècle, apparurent des traductions en français de poèmes étrangers (et de « fausses traductions ») qui utilisèrent la prose plutôt que le vers. Certains commentateurs parlaient de « poèmes en prose » pour désigner des romans tels que Les Aventures de Télémaque de Fénelon ou La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette. La naissance du genre du poème en prose en tant que tel est généralement associée à la publication par Aloysius Bertrand de Gaspard de la Nuit. En effet, ce poète était, selon Yves Vadé, conscient de créer une forme nouvelle, même s'il n'utilisait pas le terme de « poèmes ». C'est ensuite Charles Baudelaire, avec les Petits Poèmes en prose, qui donnera au poème en prose sa reconnaissance en tant que forme poétique.

 

 

Quelques exemples

Au sujet de la nature, de Parménide (Ve siècle avant J.-C)

L'isolement, de Lamartine (1820)

L'Albatros, de Baudelaire (1861)

Harmonie du soir, de Baudelaire (1857)

Dormeur du val, de Rimbaud (1870)

Les Châtiments, de Victor Hugo (1853)

Soleils couchants, de Verlaine (1866)

Le Pont Mirabeau, d'Apollinaire (1912)

Les Sapins, d'Apollinaire (1913)

Les Pas, de Paul Valéry (1922)